Colloques du Groupement des Anthropologistes de
Langue Française (GALF)
Amory,
S., Dugoujon, J.M., Despiau, S., Roubinet, F., El Chenawi, F., Blancher, A.,
2004, Identification de trois nouveaux allèles O dans une population berbère
de Siwa (Egypte). Antropo, 7, 105-112. www.didac.ehu.es/antropo
Identification
de trois nouveaux allèles O dans une population berbère de Siwa (Egypte)
Identification
of three new O alleles in the Siwa berber population (Egypt)
Amory
S1,2., Dugoujon J.M.1, Despiau S.3, Roubinet
F.3,4,
El
Chenawi F. 5, Blancher A.3
1Centre
d’Anthropologie, UMR 8555 CNRS, 37, allées Jules Guesde, 31073 Toulouse cédex 4, France
2
Institut de Médecine Légale, Laboratoire d’Anthropologie Moléculaire,
Université Louis Pasteur, 11 rue Humann, 67085 Strasbourg cedex, France
3Laboratoire
d’Immunologie Moléculaire, Université Paul Sabatier, Hôpital Rangueil, 1 Avenue
Jean Poulhes, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France
4
Laboratoire d’Immunohématologie, Etablissement Français du Sang,
Etablissement Pyrénées Méditerranée, site de Toulouse, BP 3210, 31027 Toulouse
Cedex, France
5Laboratoire
d’Immunologie, Université de Mansoura, Mansoura, Egypte
Mots-clés: Berbère, Egypte, allèle O, polymorphisme
Key words: Berber, Egypt, O allele, polymorphism
Résumé
Les Berbères de l’oasis de Siwa apparaissent isolés à la
fois des autres populations berbères mais aussi des populations environnantes.
L’étude du polymorphisme de l’allèle O a mis en évidence une diversité génétique
importante. Ces résultats contrastent avec l’idée d’une population endogame.
Trois allèles non encore décrits ont été découverts. De plus, les fréquences
des deux allèles O01
et O02 sont
similaires à celles observés chez les Berbères d’Amizmiz (Maroc). Ces résultats
confirment tout l’intérêt de l’étude de l’allèle O en anthropologie génétique pour mieux
appréhender l’histoire du peuplement du nord de l’Afrique.
Abstract
Berbers
from the Siwa oasis seem to be very isolated from both, other berber populations
and nearest populations. The analysis of allele O polymorphism has shown an important
genetic diversity. This result contrast with the idea of an isolated
population. Non-described alleles have been found. Moreover, O01 and O02 frequencies are similar in Siwa
Berbers to the ones in the population of the Amizmiz Berbers from Morocco.
These results confirm the utility of O alleles for population characterization
in order to understand the peopling of north Africa.
Introduction
Notre travail s’inscrit dans un projet qui vise à établir
des liens entre la diversité dialectale des différentes populations berbères et
leur variabilité génétique. Il a été démontré des analogies importantes entre
l’évolution des gènes et celle des langues (Cavalli-Sforza, 1996). Malgré le
fait que cette théorie soit bien acceptée, il est important de souligner qu’une
langue s’adopte (caractère acquis) et change beaucoup plus vite que les gènes.
Ces corrélations nous permettront non seulement de mesurer les degrés de
parenté entre les populations berbères, mais aussi avec des populations
voisines appartenant à des familles linguistiques différentes et de ce fait
apporter des hypothèses sur le peuplement du nord de l’Afrique.
Les Berbères se caractérisent par leur langue, leurs
coutumes et leur culture (Camps G., 1995). On note une grande diversité de
langages : environ une trentaine qui se subdivisent en différents
dialectes. Dans cette étude nous analyserons une population particulière :
les Berbères de l’oasis de Siwa. Elle présente l’intérêt de se trouver en marge
du domaine habituel de répartition des Berbères. Ces Berbères parlent le siwi
qui constitue un dialecte particulier au sein des différents parlés berbères.
Cette population semble avoir manifesté une résistance particulière à
l’encontre des influences extérieures depuis l’Antiquité ce qui a dû préserver
certaines particularités génétiques.
Nous avons choisi d’étudier le polymorphisme de marqueurs
génétiques des globules rouges et plus précisément le polymorphisme de l’allèle
O. En dehors
des deux allèles codominants A et B,
le système ABO possède un allèle muet récessif appelé O. L’allèle O est un allèle codant une
protéine non fonctionnelle. Ce marqueur est très informatif car le produit
du gène étant inactif, les mutations ne sont pas soumises à la pression de
sélection et peuvent s’accumuler de façon neutre ; il présente par
conséquent un très fort degré de polymorphisme. Les individus étudiés sont
homozygotes ; il est donc possible d’étudier les relations entre les
différents allèles : associations et éventuelles recombinaisons. Les exons
6 et 7, codant la plus grande partie du site catalytique de l’enzyme et
possédant le plus grand polymorphisme, sont amplifiés par PCR et séquencés. Les
résultats obtenus sur la population berbère de Siwa sont comparés à ceux
portant sur la population des Berbères d’Amizmiz (Maroc) déjà étudiés au sein
du laboratoire d’Imunogénétique moléculaire du Professeur Blancher (Roubinet et
al, 2001). Ces
données seront également discutées à la lumière des hypothèses apportées par
les linguistes et les archéologues sur l'origine des Berbères, afin de
caractériser l’originalité de cette population et sa place dans le peuplement
berbère du Nord de l’Afrique.
L’oasis de Siwa
Localisation
L’oasis de Siwa se trouve dans le désert ouest égyptien,
proche de la frontière libyenne. Elle mesure 82 Kms d’est en ouest, 9 Kms de
large à l’extrémité ouest et 28 Kms à l’extrémité est. La ville de Siwa où
vivent la majorité des habitants fut construite en 1203 et se trouve au centre
de l’oasis ; de plus petits villages sont dispersés dans l’oasis.
Les datations au radiocarbone indiquent que la première
occupation de l’oasis se situerait entre 8817 BP +/- 77 ans et 6771 BP +/- 75
ans (Fekri A. H., 1977). Les outils retrouvés dans la région de l’oasis
appartiennent à l’industrie lithique du nord de l’Afrique pour la période entre
9000 et 5000 BP. Ils présentent des ressemblances avec l’industrie capsienne,
notamment par la présence de burins ; toutefois le profil se différencie
par l’absence de microlithes. De même, ils se différencient des industries
nilotiques et des industries sahariennes, en particulier par l’absence de
microlithes et d’outils sur lamelles.
L’oasis de Siwa se rapproche donc de l’industrie
libyco-capsienne mais avec des caractéristiques qui lui sont propres (forte
proportion de burins, d’outils perforants et peu d’outils microlithiques). Il
n’a pas été retrouvé dans ces outils les caractéristiques pouvant rappeler
l’industrie atérienne du Maghreb qui est spécifique des pays peuplés par les
Berbères durant la préhistoire (Camps G., 1996). Tout cela serait en faveur
d'une colonisation primaire lors du "passage" des Protoméditerranéens
de l'Egypte vers le Maghreb, les dates pouvant correspondre avec celles
proposées par les linguistes.
La période historique fut marquée par les invasions successives de l’oasis. Siwa n’entra sous contrôle égyptien qu’à partir de 2000 BP sans doute en raison de son isolement. À partir de cette période, elle fut une étape pour les caravanes parcourant le désert. Les premiers rois de l’oasis furent libyens et par la suite sous la XXVIe Dynastie (663-525 BP) le pouvoir égyptien mit en place des gouverneurs qui vraisemblablement étaient les descendants des familles libyennes. L’invasion perse en 525 BP menée par le roi Cambyse marqua la fin de la XXVIe Dynastie. En 640 AD, les troupes musulmanes envahirent l’Egypte, mais jusqu’en 708 AD (date de la marche de Musa Ibn Nusayr, un général arabe), l’oasis de Siwa ne fut ni conquise, ni convertie à l’Islam. Siwa connu ensuite une période de déclin entre le IXe et le XIIe siècle. En raison des raids des Bédouins la population de l’oasis se limitait à 200 personnes au début du XIIIe siècle (Fakhry A H., 1973).
Actuellement,
environ 20 000 personnes vivent à Siwa. Elles sont en majorité d’origine berbère.
La société est basée
sur une organisation tribale, avec la
différenciation entre tribu de l’Est et tribu de
l’Ouest. Les mariages se font toujours préférentiellement
au sein de la famille élargie afin de “ préserver l’intégrité de notre communauté ” comme le dit Mohamed Ibrahim Moussa, natif de Siwa, sur son
site Internet http://www.davidhaberlah.de/hosted/siwa/siwa_culture.html. On
constate dans les écrits que les Berbères de l’oasis ont toujours tenté de
conserver leur culture en évitant de se mêler aux hôtes de passage. D’un point
de vue génétique, les habitants de Siwa ont dû développer des particularités
liées à cet isolement, auquel s’ajoute un probable effet de “ bottle
neck ” qui s’est produit lors des périodes de forte réduction de
l’effectif de la population.
Le
système ABO
Le système ABO fut découvert en 1901 par Karl Landsteiner, ces travaux étaient basés sur les phénomènes d’hémagglutination des globules rouges humains par les sérums d’autres individus. Ses expériences permirent de mettre en évidence 2 antigènes : A et B. En fonction de la présence ou de l’absence de ces caractères, 3 groupes sanguins furent identifiés : A, B et O. Le quatrième groupe, AB, caractérisé par la présence simultanée des antigènes A et B fut décrit en 1902 par Von Sturli (Blancher et al., 1997).
Enzymologie
Les allèles codominants A et B codent des glycosyltransférases responsables du transfert d’un monosaccharide spécifique sur la substance précurseur H. Ce précurseur est constitué d’une chaîne glucidique présente à la surface des hématies et d’autres types tissulaires. Les monosaccharides transférés sont pour les individus A un N-galactosamine (-1,3-N-acétylgalactosaminetransférase) et pour les individus B un galactose (-1,3-galactosyltransférase). Les individus AB synthétisent les deux enzymes. Ces monosaccharides transférés sur le précurseur H sont responsables de la spécificité antigénique des cellules qui les portent (Olson et al., 2001)
Le locus du gène ABO se trouve sur le bras long du
chromosome 9, en position 9q34 (Chester et al., 2001). Ce gène se compose de 7 exons
pour une longueur de 18 à 20 kilobases (kb). La taille des exons varie de 28 à
688 paires de bases (bp). La majeure partie (77 %) de la protéine est
codée par les exons 6 et 7, ces exons codent également 91 % du site catalytique
de la glycosyltransférase et présentent le plus fort degré de polymorphisme
(Roubinet et al.,
2001).
La séquence de référence de l’allèle A101 comprend 1954 bp du codon d’initiation
au codon stop, les exons représentent 1065 bp. Les exons 6 et 7 ont
respectivement une longueur de 135 et 688 bp. (fig. 1).
Figure 1. Plan du gène
ABO ; la partie promotrice n'est pas présentée (d’après Blancher A., non
publié).
Figure 1. Map of the ABO
gene, promoting region not shown.
De très nombreux allèles ont déjà été décrits (27 à ce jour) et il est vraisemblable que tous n’ont pas été découverts. De plus, du point de vue de la séquence nucléotidique, ce marqueur est l’un des plus polymorphe après le système HLA.
Le groupe O se caractérise par la synthèse d’une enzyme inactive ce qui
entraîne l’absence d’antigène à la surface des différents types cellulaires ou
dans les sécrétions des individus O. La plupart des allèles O se caractérisent par une
délétion en position 261 dans l’exon 6 qui entraîne un décalage de phase de
lecture et un codon stop prématuré. La protéine produite est tronquée, elle se
compose de 117 acides aminés ce qui entraîne l’absence d’activité enzymatique.
Cependant tout allèle portant une mutation entraînant la perte totale de
l’activité enzymatique responsable du transfert du monosaccharide
immunodominant sur le précurseur H est un allèle O. Certains allèles O, O03 notamment, ne possèdent pas la délétion
en position 261. Les études déjà menées sur les allèles O, en particulier celle du
Professeur Blancher en 2001, ont montré que ce marqueur était particulièrement
informatif pour l’étude de l’évolution et de l’histoire des populations
humaines.
Matériel
et méthodes
Les échantillons d’ADN proviennent de 86 sujets de l’oasis de Siwa. Le
phénotype O des individus a été déterminé par les techniques classiques de
groupage sanguin utilisées par le laboratoire d’immunohématologie de
l’Etablissement Français du sang Pyrénées Mediterranée, site de Toulouse. Sur
les 86 sujets, 36 étaient du groupe O.
L’étude des séquences des exons 6 et 7 du gène ABO a été réalisée selon le protocole employé par Roubinet et al,2001.
Résultats
Le séquençage direct des exons 6 et 7 a été réalisé sur 33 Berbères de phénotype O (Tableau 1).
Pour l’exon 6 la majorité des individus étudiés portent la
délétion caractéristique en position 261, à l’exception de deux (Si 78 et Si
81). Ils possèdent un allèle similaire à O03. Si 78 est hétérozygote et possède un
allèle O01 et
donc la délétion en 261 sur un de ces allèles.
Si 81 est homozygote pour l’allèle ressemblant à O03: il ne possède donc pas la
délétion sur aucun de ces deux allèles. Deux autres positions polymorphes ont
pu être observées: en 297 et 318. La position 297 (G/A) est trouvée pour les
individus portant l’allèle O02. quant à la position 318 (T/C) on l’observe chez les
individus Ovar2 de cet échantillon.
Pour l’exon 7 de nombreuses positions polymorphes ont été trouvées dont la plupart avaient déjà été décrites. Toutefois on notera 4 positions non encore décrites sur 6 individus différents.
NOM
|
exon 6 |
exon 7 |
Résultat |
|
||||||||||||
261 |
297 |
318 |
467 |
483 |
526 |
646 |
649 |
681 |
689 |
771 |
802 |
829 |
|
|||
O01
|
* |
A |
C |
C |
C |
C |
T |
C |
G |
G |
C |
G |
G |
Référence Genbank:non
déposée |
||
O02 |
* |
G |
C |
C |
C |
C |
A |
C |
A |
G |
T |
G |
A |
Référence Genbank:AF170890 |
||
O03 |
A |
G |
C |
C |
C |
G |
T |
C |
G |
G |
C |
A |
G |
Référence
Genbank:AF440451 |
||
Si78 |
*/G |
R |
. |
. |
. |
S |
. |
Y |
. |
R |
. |
R |
. |
O01/O03(649+689) |
||
Si81 |
. |
G |
. |
. |
. |
G |
. |
T |
. |
A |
. |
A |
. |
O03(649+689)/O03(649+689) |
||
Si08 |
* |
R |
. |
. |
Y |
. |
W |
. |
R |
. |
Y |
. |
R |
O02/O483 |
||
Si54 |
* |
. |
. |
. |
Y |
. |
. |
. |
. |
. |
. |
. |
. |
O01/O483 |
||
Si09 |
* |
G |
. |
. |
. |
. |
A |
. |
A |
. |
T |
. |
A |
O02/O934 |
||
Si84 |
* |
G |
. |
. |
. |
. |
A |
. |
A |
. |
T |
. |
A |
O02/O934 |
||
Tableau 1. Comparaison des séquences des exons 6 et 7. Les noms
des allèles sont donnés en accord avec la nomenclature de Yamamoto (Yamamoto,
2001). Codes d’ambiguïté: R : A ou G ; S : C ou G ;
W : A ou T ; Y : C ou T. Les codes d’ambiguïté sont attribués
quand sur un allèle une base est présente et que pour cette même position une
base différente est présente sur le deuxième allèle.
Table 1. Comparison of exons 6 and 7
sequences. Alleles names are given following Yamamoto’s nomenclature.
3 allèles non encore décrits
Les allèles O483 et O934 diffèrent de la séquence d’O01 par
seulement une position chacun. L’allèle O483 présente un T à la place d’un C en
position 483 ; deux individus sont porteurs de cet allèle. L’allèle O934 présente un T à la place d’un C en position 934, cet allèle est également
présent chez deux individus. Un sujet possède un T à la place d’un C en
position 467 ; cet allèle ne possède pas d’autre position
polymorphe : il s’agit donc d’un allèle O 1(C467T).
L’allèle O03(649+689) diffère de la
séquence de l’allèle O03 par deux positions: un T à
la place d’un C en 649 et un A à la place d’un G en 689. Un des deux individus
portant cet allèle est hétérozygote, Si 78, O01/O03(649+689), et l’autre est homozygote.
Ces résultats nous ont permis d’estimer des fréquences pour les différents allèles (voir tableau 2). Nos données seront comparées à celles obtenues sur différentes populations étudiées par Roubinet et al. (2001).
Discussion
Les fréquences alléliques observées pour l’échantillon de
Siwa ont été comparées à celles obtenues sur différentes populations cf.
tableau 2 ( d'après Roubinet et al., 2001). La comparaison des deux populations berbères
montre que pour les allèles O01 et O02
les différences ne sont pas significatives (Chi2 p=0,637, ddl=3). Il serait nécessaire d’étudier d’autres
populations berbères afin de vérifier si des fréquences similaires sont
retrouvées pour O01
et O02. Ces
fréquences pourraient alors être considérées comme caractéristiques des
Berbères. L’allèle O06
est retrouvé avec une fréquence équivalente dans les deux populations
berbères ; cependant cette fréquence ne correspond qu’à un seul allèle
dans chaque population.
Les allèles O483, O934 et O03 (649&689) qui ont été découverts dans la population de Siwa pourraient être spécifiques à cette population. Ces allèles proviennent probablement d’apports extérieurs, bien que les habitants de Siwa soient connus pour leur volonté de préserver l’intégrité de leur communauté par des mariages au sein de la famille élargie. Siwa fut une étape importante pour les caravanes. Les étrangers devaient dormir à l’extérieur de la ville et les contacts étaient limités (Fakhry A., 1973). Mais il paraît peu probable qu’aucun contact n’ait eu lieu.
De plus, si O01 et O02 sont les allèles caractéristiques des Berbères (car étant présents à une fréquence importante), on ne devrait retrouver que ces deux allèles dans la population de Siwa (si elle est réellement endogame). En effet, les réductions très importantes de populations qui se sont produites dans l’histoire de l’oasis auraient dû contribuer à un appauvrissement génétique important. Or ce n’est pas le cas puisqu’on note du polymorphisme dans l’échantillon étudié. Enfin, on notera la fréquence relativement importante de l’allèle O03 (649&689) qui dérive d’un allèle rare possédant en plus deux mutations ponctuelles supplémentaires.
Allèles
|
Berbères Maroc (N=78) |
Berbères Siwa (N=64) |
O01
|
28 |
24,3 |
O 1(C467T) |
- |
1,5 |
O02 |
50 |
51,5 |
O1v(A681G,C1054T) |
- |
- |
O1v
B |
- |
- |
O03 |
5 |
- |
O03(649&689) |
- |
4,5 |
O05 |
1,3 |
- |
O06 |
1,3 |
1,5 |
Ov2 |
1,3 |
10,7 |
Ov6 |
2,5 |
- |
Ov7 |
9 |
- |
Ovar.tlse01 |
- |
- |
Ovar.tlse02 |
- |
- |
Ovar.tlse03 |
- |
- |
Ovar.tlse04 |
- |
- |
Ovar.tlse05 |
1,3 |
- |
Ovar.tlse07 |
- |
- |
Ovar.tlse08 |
- |
- |
O483 |
- |
3 |
O934 |
- |
3 |
Tableau 2. Fréquence des
différents allèles O dans chaque population (Roubinet et al., 2001).
N = nombre total
d’allèles
Table 2. Allele
frequencies in each population.
D’autres analyses seront nécessaires pour vérifier si ces allèles sont retrouvés avec des fréquences équivalentes. Des populations éthiopiennes et libyennes devront être aussi étudiées, ce qui permettrait de comparer les données et de vérifier un lien éventuel entre ces populations. Les résultats obtenus et la comparaison avec les Berbères du Maroc ne nous permettent pas de déterminer si le peuplement de Siwa a eu lieu lors de la migration des Proto Méditerranéens Capsiens de la vallée du Nil vers le Maghreb ou lors d’une migration secondaire du Maghreb vers la Libye et l’Egypte. Les outils lithiques de l’oasis ne présentent pas les caractéristiques de l’industrie Atérienne, spécifique des pays du Maghreb ayant été peuplés par des Berbères. En revanche l’industrie de Siwa se rapproche de l’industrie Capsienne et des industries Nilotiques.
Ces indices associés aux dates de peuplement, entre 8800 et 6700 BP, pourraient indiquer que Siwa aurait été peuplée lors de la migration des Proto Méditerranéens Capsiens. L’origine du peuplement de Siwa ne proviendrait donc pas d’une migration secondaire de Berbères venant du Maghreb. Cette hypothèse sera à vérifier par la comparaison avec les autres données portant sur les différents marqueurs moléculaires étudiés dans le cadre du projet OHLL et OMLL.
Les résultats portant sur certains haplotypes du chromosome Y (Lucotte et al., 2003 et Manni et al., 2002) tendent à montrer des similitudes entre les Egyptiens, les Libyens ainsi que les Berbères et les Arabes du Maghreb. Ces résultats attestent donc d’une origine commune entre ces populations. Elle concorde avec le modèle de dispersion proposé par les linguistes. De plus, l'article de Scozzari et al., 2001 montre qu'il existe un haplogroupe présent à une forte fréquence chez les Berbères du Maroc (HG 25.2), et avec une fréquence beaucoup plus faible chez les Arabes marocains. L'haplogroupe ancestral HG25.1 se retrouve dans plusieurs autres populations. Il serait intéressant de savoir si cet haplotype est caractéristique des populations berbères du Maghreb. Dans ce cas la présence ou l'absente d'HG25.2 dans la population de Siwa pourrait apporter un indice supplémentaire sur son l'origine. Si on retrouve cet haplotype, cela pourrait attester d'une migration secondaire du Maghreb vers l'Egypte. Enfin, les informations apportées par le polymorphisme HLA DRB1 (Oumhani et al., 2002) concordent avec celles de l’équipe de Scozzari et al. 2001, qui mettaient en évidence des relations entre les populations nord africaines et les populations éthiopiennes Oromo et Amhara. Ces résultats confirment l’origine mésolithique commune entre ces différentes populations.
Conclusion
L’étude du polymorphisme de l’allèle O chez les Berbères de l’oasis de Siwa nous a permis de caractériser 3 allèles non encore décrits jusqu’à ce jour. La présence de ces allèles ne peut pas s’expliquer seulement par l’isolement génétique et l’histoire de cette population. Des échanges avec les populations de passage ou les populations environnantes ont dû avoir lieu. Les résultats obtenus confirment tout l’intérêt de l’étude du gène ABO en génétique des populations.
Pour éviter les éventuels biais dû à l’échantillon des études complémentaires sur la population de Siwa seront nécessaires. Elles permettront de confirmer la présence de ces allèles dans l’ensemble de cette population. Il serait également très intéressant d’étudier l’allèle O dans les autres populations berbères, libyennes et éthiopiennes. L'origine des Berbères de l'oasis de Siwa et leur place dans l’histoire du peuplement du nord de l’Afrique reste à préciser par des études complémentaires.
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