Soumia, A., Abdellatif,
B., Annie H. et Mohamed C., 2003, Approche épidémiologique du
cancer du rhino-pharynx dans la région de Marrakech. Antropo, 5, 39-47.
www.didac.ehu.es/antropo
Approche
épidémiologique du cancer du rhino-pharynx dans la région
de Marrakech
Epidemiological approach of the nasopharyngeal carcinoma
in the region of Marrakech
Ammor
Soumia1, Baali Abdellatif1, Hubert Annie2
et Cherkaoui Mohamed1
1Laboratoire
d’Ecologie Humaine, Faculté des Sciences Semlalia,
Université Cadi Ayyad, Marrakech. Maroc.
2Société
Santé Développement, UMR 5036 CNRS, Université Victor Ségalen. Bordeaux2. France. e-mail:ammor.belkahia@ucam.ac.ma
Mots clés: Cancer,
Rhino-pharynx, Epidémiologie, Marrakech.
Key words: Nasopharyngeal,
Carcinoma, Epidemiology,
Marrakech.
Résumé
La répartition géographique du cancer du rhinopharynx ou cavum ou NPC est très contrastée.
Son incidence au Maroc, comme dans les autres pays du Maghreb, est élevée.
L’analyse dans la ville de
Marrakech d’un questionnaire détaillé soumis à
32 malades atteints du NPC et à 48 témoins a montré une relation
statistiquement significative entre ce cancer et certains facteurs liés
à l’alimentation: consommation de smen (beurre fermenté),
de khlii (viande
séchée, salée, épicée, cuite et
conservée dans un mélange d’huile et de graisses bovines
fondues) et d’alcool, et à l’environnement: contact avec
l’agriculture et l’élevage ou avec les substances toxiques.
The
geographical distribution of the nasopharyngeal carcinoma is very contrasted.
Its
impact to Morocco, as in the other countries of the Maghreb is raised.
The
analysis in the city of Marrakech of a detailed questionnaire submitted to 32
sick reached of the NPC and to 48 witnesses showed a statistically meaningful
relation between this cancer and some factors bound to the food: consumption of
smen (butter fermented), of khlii (dried meat, salty, spicy, cooked and
preserved in a mixture of oil and melted bovine greases) and of alcohol, and to
the environment: contact with agriculture and raising or with the poisonous
substances.
La répartition géographique du cancer du rhinopharynx ou cavum ou NPC est très contrastée (Yu, 1990). En effet, on distingue 3 zones d'incidence:
Une zone de forte incidence avec le Sud-Est asiatique (Canton et Hongkong). En émigrant, la population Chinoise cantonnaise emporte avec elle son risque élevé.
Une zone à taux intermédiaire avec l'Afrique du Nord, le pourtour du bassin méditerranéen et les populations esquimaudes du Groenland et d'Alaska.
Et enfin une zone de faible incidence avec L'Europe.
Au Maroc, comme c’est le cas des autres pays du
Maghreb, l’incidence du NPC est élevée (El Gueddari et
Chaouki, 1991).
En France, sont surtout touchées les
populations immigrées d'origine
maghrébine et polonaise. De plus, les Marocains en France ont
beaucoup plus de risques que les Français d’être atteints
par le NPC (Khlat, 1995) et pour les Français qui ont vécu au
Maghreb, l’incidence du NPC est 5,7 fois plus grande que celle de ceux
qui ont vécu en France (Jeannel et al., 1993). D’autre part, les Italiens qui ont
émigré en Australie, au Brésil (Sao Paulo), au Canada, en
Angleterre, en France, en Uruguay et aux USA sont plus touchés par le
NPC que les populations locales (Geddes et al., 1993). En outre, les études des migrants
Chinois aux USA ont montré une diminution de la mortalité par le
NPC pendant la deuxième et troisième génération
alors que les risques restent les mêmes pour les Américains blancs
(Hubert et Robert-Lamblin,1988).
Ainsi
lorsque les immigrés s’adaptent rapidement aux habitudes du pays
qui les reçoit, ils adoptent aussi le profil de risque propre au pays
d’accueil. Lorsque par contre ils optent pour le mode de vie de leur pays
d’origine, comme les Chinois de la diaspora cantonnaise
émigrés dans le Sud-Est asiatique et sur les côtes Ouest
des Etats-Unis et de l’Amérique du Sud, ils conservent le risque
associé notamment de contracter un cancer du rhino-pharynx,
prédominant chez les Cantonnais (De The et Hubert, 1988).
Trois facteurs paraissent
impliqués dans l’étiologie du NPC: un virus, un facteur
génétique présumé lié au système HLA
et un facteur lié à l’environnement.
- Le virus d’Epstein Barr
(EBV).
L’EBV facteur causal du lymphome africain de Burkitt est étroitement associé au cancer du cavum, sans restriction géographique, contrairement au lymphome de Burkitt (De The, 1980). Décrit en 1964 par A.Epstein et Y. Barr à partir du lymphome de Burkitt, l’EBV est un virus ubiquitaire intervenant dans trois maladies très différentes sur le plan ethnique comme géographique: le lymphome de Burkitt, le cancer du nasopharynx et la mononucléose infectieuse. La forte liaison entre l’EBV et le cancer nasopharyngé ne prouve pas le rôle causal de ce virus dans la genèse de la maladie. L’EBV apparaît néanmoins comme la cause épidémiologique majeure, comme la cigarette est la cause du cancer du poumon (De The et Hubert, 1988).
- Facteur génétique.
La caractérisation d’un profil HLA-A2 a été retrouvée chez les Chinois de Singapour (Simons et al., 1975) mais non chez les malades originaires du Maghreb. A Singapour, le profil A2 Bw 46 semble impliquer un risque relatif de 2,3 chez les sujets de plus de 30 ans, et le profil Aw19 B17 un risque relatif de 6,3 chez les moins de 30 ans (Pearson et al., 1982). L’excès de malades porteurs de HLA-B5 a été noté en Algérie.
- Facteurs liés à l’environnement.
En plus de la détermination des gènes
impliqués et du ou des facteurs physiques, chimiques ou microbiologiques
déclenchant, on étudie actuellement le comportement socioculturel
favorisant l’apparition ou le contact avec ces facteurs
déclenchants.
Ces facteurs dépendent des habitudes, des
manies individuelles mais aussi des mœurs et des modes de vie d’un
groupe ethnique dans son ensemble, d’une tribu ou d’une
génération. Ainsi on a suggéré une interaction
possible entre cancérigènes chimiques, présents dans
l’alimentation et le virus d’Epstein Barr. Ces répartitions
différentes suggèrent que le processus cancéreux
potentiellement inscrit dans les gènes est placé sous
l’influence de facteurs environnementaux.
Donc le changement du mode de vie peut exercer un
effet sur le développement ou non d’un cancer, en interrompant la
chaîne des événements moléculaires et cellulaires
qui précède ce cancer.
Sir Richard Doll en Angleterre a affirmé que
80% des cancers sont liés à nos comportements, et que certains
cancers sont évitables car leur apparition est
précédée par des lésions précancéreuses
qui sont liées à certains modes de vie.
Plusieurs recherches ont
apporté des arguments en faveur d'une relation possible entre
alimentation et cancer. En effet un cancer sur trois pourrait être du
à des facteurs nutritionnels (Doll et Peto, 1981). Les aliments communs aux
populations à haut risque pour le NPC contiendraient des composantes
carcinogènes. Les dimétyl-nitrosamines retrouvés dans le
poisson salé consommé par les Chinois du Sud constituent un
facteur de risque pour le cancer naso-pharyngé. En effet ce sont des
agents carcinogènes avec un tropisme pour la muqueuse respiratoire (Ho et
al., 1978). De même
pour la N-nitrosopyrrolidine contenue dans les épices tunisiennes
(Jeannel et al.,1990).
Pour réaliser
notre étude, nous avons soumis un questionnaire très
détaillé à 32 malades que les médecins ORL
installés au privé dans la ville de Marrakech nous ont
adressés au fur et à mesure de leur arrivée entre 1997 et
1999 et suite à la découverte de leur maladie confirmée
par analyse après biopsie dans les deux laboratoires
d’anatomopathologie privés de cette même ville ainsi
qu’à 48 témoins choisis au hasard dans une population
présentant les mêmes caractéristiques
socio-économiques que les malades.
La première partie du questionnaire utilisé concerne l’état civil du sujet (âge, sexe, régions d’habitation et d’origine, situation matrimoniale), son niveau socio-économique (niveau d’instruction, profession, profession des parents, type d’habitat), ses antécédents de maladie, de cancer familial (notamment de cas multiple de NPC), de vaccination, le type de médication utilisée (si éventuellement on utilise les pratiques médicales traditionnelles: tisanes, cataplasmes, emplâtres, etc.), son degré de consanguinité, l’histoire de la maladie, telle qu’elle fut perçue par le patient, afin de mettre en évidence la perception culturelle de la maladie, ce qui pourrait faire ressortir des co-facteurs intéressants.
Concernant l’habitat, aussi bien durant l’enfance qu’actuellement, nous avons noté la description du village, voisinage ou quartier, montrant la répartition des groupes familiaux et des zones de possibles de transmissions d’agents infectieux (ordures, latrines, sources d’eau, etc.), le matériel de construction, la distribution de l’espace, l’aération et la lumière, le nombre d’habitants par maisonnée, animaux domestiques, etc. et toutes autres observations révélant la possibilité de transmission horizontale de virus et autres agents pathogènes, observations également de l’hygiène du corps, de l’habitat, et de l’état de dentition.
La deuxième partie aborde d’une
part, l’effet de la consommation de certains aliments
présumés à
risque ainsi que celui de leur conservation: céréales,
féculents, traked (saumures), poissons séché, khlii (viande épicée,
séchée au soleil et cuite), quaddid (viande
préparée de la même façon que le khlii mais non
cuite), smen (beurre fermenté), huiles, etc. et
d’autre part les modalités de cuisson, de conservation et de
consommation de la nourriture en
général.
La troisième partie touche aux conditions
de l’environnement du
sujet: pratique de l’agriculture et de l’élevage,
présence ou absence d’eau potable, évacuation quotidienne
ou non des ordures ménagères, proximité ou non d’une
décharge d’eau usées et/ou d’animaux, contact avec des
substances toxiques (fumée de combustion de four, de hammam ou de blanchisserie, pollution
d’engins ou d’usine, contact avec des substances textiles, le cuir,
les tanneries ou la peinture, les poussières de bois ou de marbre et
enfin les risques liés au métier de soudeur), l’effet du
contact quotidien avec les fumées domestiques (combustion du bois, du
charbon ou des produits de déjection animale pour la cuisine, le four et
le chauffage en hiver), l’effet du contact avec des substances chimiques
(pesticides, insecticides, engrais chimiques et produits de laboratoires chimiques).
Pour l’exposition aux fumées de
combustion de four, de Hammam, et de blanchisserie, sont concernées les
personnes habitant ou travaillant à proximité de ces locaux
étant données que ces
fumées dégagées à l’extérieur
pénètrent par les fenêtres de leurs habitations ou de leur
lieu de travail et sont par conséquent inhalées quotidiennement
par ces sujets.
Enfin vu l’implication du tabac et de
l’alcool dans l’étiologie de plusieurs cancers nous avons étudié leur
effet sur le NPC.
Le logiciel
SPSS Windows 6.0.1. Advanced Statistics a été
utilisé pour la réalisation des études statistiques.
Nous avons retenu pour l’étude quelques
facteurs susceptibles d'être liés à l'apparition du NPC.
Ces facteurs sont: l'âge, le sexe, la vie en milieu agricole, le contact
avec l'élevage, avec les substances toxiques, la consommation de smen
(beurre fermenté) et de khlii (viande séchée,
salée, épicée cuite et conservée dans un mélange
d'huile et de graisses bovines fondues), de saumures, de harr ou piquants
sous toutes ses formes: poivre, hrissa (mélange d’huile
d’olive, de sel, de piment rouge,
d’ail et de carvi), piment fort, la présence ou non
d'angines à répétition dans l'enfance, la consommation de
tabac, d'alcool et enfin la pratique de la médecine moderne ou
traditionnelle.
L'analyse du tableau 1 donne au seuil de 5%, le degré de signification des valeurs
de c2 entre les différents facteurs
étudiés.
Facteur |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
7 |
8 |
9 |
10 |
11 |
12 |
1-Malade/ Témoin |
n.s |
n.s. |
<0,001 |
<0,05 |
n.s. |
<0,05 |
<0,01 |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
2- Age |
|
<0,05 |
n.s. |
n.s. |
<0,01 |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
<0,05 |
3- Sexe |
|
|
n.s. |
<0,05 |
<0,001 |
<0,01 |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
4- Agriculture et élevage |
|
|
|
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
<0,05 |
n.s. |
5-Substces toxiques |
|
|
|
|
<0,05 |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
<0,01 |
6- Tabac |
|
|
|
|
|
<0,001 |
n.s. |
<0,05 |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
7- Alcool |
|
|
|
|
|
|
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
n.s. |
8-
Smen/Khlii |
|
|
|
|
|
|
|
<0,05 |
n.s. |
n.s. |
<0,05 |
9- Saumures |
|
|
|
|
|
|
|
|
n.s. |
n.s. |
<0,05 |
10-Harr |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
n.s. |
n.s. |
11-Angines à répétition |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
n.s. |
12-Médecine traditionnelle |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tableau 1. Association entre les différents facteurs de risque étudiés.
Table 1. Association between the different factors of risk studied.
On constate
qu'il existe une liaison statistique significative entre
l’atteinte par le NPC et la vie en milieu agricole, le contact avec
l'élevage, avec les substances toxiques, la consommation de smen et de
khlii puis celle d'alcool. Par ailleurs, ces facteurs ne sont pas
corrélés entre eux. Le calcul du risque relatif
“taux d’exposition des malades/taux d’exposition des
témoins” (tableau 2)
montre que la population atteinte du NPC présente une exposition
plus élevée à tous les facteurs de risque
étudiés en particulier pour les facteurs: contact avec
l’agriculture et l’élevage (O.R. = 6.6), consommation de
smen et du khlii (O.R.= 5.0), consommation d’alcool (O.R.= 4.3) et contact avec les
substances toxiques (O.R.=3.0).
Facteurs de risque |
Effectif des Malades |
Effectif des Témoins |
p(c2) |
Odd Ratio |
||
|
Exposés |
Non exposés |
Exposés |
Non exposés |
|
|
Contact avec l’agriculture et l’élevage |
22 |
10 |
12 |
36 |
<0,001 |
6,6 |
Contact avec les substances toxiques |
15 |
17 |
11 |
37 |
<0,05 |
3,0 |
Consommation de tabac |
15 |
17 |
16 |
32 |
n.s. |
2,9 |
Consommation d’alcool |
9 |
23 |
4 |
44 |
<0,05 |
4,3 |
Consommation de Smen et du Khlii |
21 |
10 |
13 |
31 |
<0,01 |
5,0 |
Consommation de saumures |
15 |
17 |
17 |
27 |
n.s. |
2,9 |
Consommation de Harr |
20 |
11 |
21 |
26 |
n.s. |
1,4 |
Angines à répétition |
8 |
24 |
7 |
41 |
n.s. |
1,9 |
Utilisation de la médecine traditionnelle |
22 |
10 |
22 |
22 |
n.s. |
2,2 |
Tableau 2. Exposition aux facteurs de risque étudiés chez la population témoin et la population atteinte par le NPC.
Table 2. Exhibition to factors of risk studied at the population witness and the population reached by the NPC.
Analyse Factorielle des Correspondances (A.F.C.)
L’A.F.C. est une technique utilisée pour décomposer des tableaux de données multifactoriels en une somme de matrices proportionnelles d’importance décroissante dans le but d’étudier la dépendance entre ces facteurs (Benzecri et al., 1987). Son principe est de calculer à partir de la matrice de données exprimant les fréquences de différentes modalités des variables étudiées, les valeurs qu’elles prendraient dans l’hypothèse où leurs distributions sont indépendantes. L’écart entre la matrice de données et la matrice d’indépendance obtenue fournit une matrice des écarts (matrice résiduelle) qui exprime le premier facteur de l’analyse (facteur 1). En répétant l’algorithme précédent, on peut aussi approcher cette matrice des écarts par une autre matrice proportionnelle dont la différence produit un nouveau résidu d’importance inférieure qui sera exprimé par le deuxième facteur (facteur 2). La répétition de cette algorithme permet d’exprimer autant de facteurs d’importance décroissante qu’il y a de rang à la matrice. En ne prenant en compte que les premiers facteurs et en projetant les individus et/ou les modalités des variables étudiées sur les plans déterminés par ces facteurs, on peut conserver l’information la plus pertinente. Ainsi, la projection des individus sur le plan des deux premiers facteurs correspond au déploiement le plus important du nuage. La figure 1 montre la disposition des sujets (malades et témoins) et la figure 2 la projection des modalités des variables sur les facteurs 1 et 2 de l’A.F.C. Ces deux facteurs représentent 38,9% de la dispersion totale. Le facteur 1, représentant 23,5% de l’inertie, est défini (tableau 3) essentiellement à partir des variables consommation de tabac (0,48), d’alcool (0,37), sexe (0,35), contact avec les substances toxiques (0,32) et médecine moderne ou traditionnelle (0,28). Le facteur 2, représentant 15,4% de l’inertie totale, exprime les variables consommation de smen et de khlii (0,31), angines à répétition (0,30) et médecine moderne ou traditionnelle (0,29). Comme, on peut le constater sur les graphiques 1 et 2, il y a une opposition des malades et des témoins, par rapport au centre, sur le plan factoriel 1-2 de l’A.F.C. La projection des modalités des variables utilisées dans l’analyse (figure 2) montre le profil suivant des malades: contact avec l’agriculture et l’élevage (agr+), contact avec les substances toxiques (toxi+), consommation de smen et de khlih (s_k+), de saumure (sau+), d’alcool (alc+) de tabac (taba+) et angines à répétition (Ag+). Ces résultats confortent ceux exprimés dans les précédentes analyses et nous permettent de suggérer une association probable entre ces facteurs alimentaires et environnementaux et l’apparition du NPC.
Variables |
Modalités |
(Abréviation des modalités sur la figure 3 ) |
Effectifs |
Facteur 1 (23.5 %) |
Facteur 2 (15.4 %) |
Sujet |
|
|
|
0.28 |
0.21 |
|
Malade |
(Malade) |
32 |
|
|
|
Témoin |
(Témoin) |
48 |
|
|
Age |
|
|
|
0.19 |
0.19 |
|
Age > 25 ans |
(>25) |
58 |
|
|
|
Age =< 25 ans |
(=< 25) |
22 |
|
|
Sexe |
|
|
|
0.35 |
0.14 |
|
Masculin |
(M) |
56 |
|
|
|
Féminin |
(F) |
24 |
|
|
Contact avec l’agriculture et l’élevage |
|
|
|
0.21 |
0.12 |
|
Contact |
(agr+) |
34 |
|
|
|
Pas de contact |
(agr-) |
46 |
|
|
Contact avec les substances toxiques |
|
|
|
0.32 |
0.06 |
|
Contact |
(toxi +) |
26 |
|
|
|
Pas de contact |
(toxi -) |
54 |
|
|
Consommation de tabac |
|
|
|
0.48 |
0.05 |
|
Fumeur |
(Taba+) |
31 |
|
|
|
Non fumeur |
(Taba-) |
49 |
|
|
Consommation d’alcool |
|
|
|
0.37 |
0.01 |
|
Consommateur |
(Alc+) |
13 |
|
|
|
Non consom. |
(Alc-) |
67 |
|
|
Consommation de Smen et de Khlii |
|
|
|
0.16 |
0.31 |
|
Consommateur |
(s_k+) |
34 |
|
|
|
Non consom. |
(s_k-) |
41 |
|
|
Consommation de saumures |
|
|
|
0.14 |
0.11 |
|
Consommateur |
(Sau+) |
32 |
|
|
|
Non consom. |
(Sau-) |
44 |
|
|
Consommation de Harr |
|
|
|
0.02 |
0.08 |
|
Consommateur |
(H+) |
41 |
|
|
|
Non consom. |
(H-) |
37 |
|
|
Angines à répétition |
|
|
|
0.03 |
0.30 |
|
Oui |
(Ag+) |
15 |
|
|
|
Non |
(Ag-) |
65 |
|
|
Médecine traditionnelle ou moderne |
|
|
|
0.28 |
0.29 |
|
Traditionnelle |
(Trad) |
33 |
|
|
|
Moderne |
(Mod) |
32 |
|
|
|
Mixte |
(Mixt) |
11 |
|
|
Tableau 3. Variables et leurs modalités utilisées dans l’Analyse Factorielle des Correspondances effectuée sur les 32 malades atteints de NPC et les 48 témoins.
Table 3. Variable and their modes used in the
Factorial analysis of Correspondences done on the 32 sick reached of NPCS and the 48 witnesses.
Figure 1. Projection des individus malades et t´moins sur les
deux premiers facteurs de l'A. F. C.
Figure 1. sick individual projection and
witnesses on the first two factors of the A. F. C.
Figure 2. Projection sur les deux premiers
facteurs de l’A.F.C. des différentes modalités des facteurs
associés au NPC
Figure 2. rojection on the first two factors of the A.. F. C. of the different modes of factors associated to the NPC
D’après cette étude, il ressort que les facteurs de risque impliqués seraient la consommation du smen et du khlii, d’alcool, la vie en milieu agricole, le contact avec l’élevage et avec les substances toxiques.
Le fait que les personnes atteintes du NPC aient souvent été en contact avec l’agriculture et l’élevage pourrait-il s’expliquer par un problème de pollution de l’eau, par le contact avec les animaux ou par l’utilisation de pesticides? En effet une prédominance des agriculteurs a été retrouvée pour les cancers du sinus maxillaire, due à une exposition aux engrais, pesticides ou insecticides et au formaldéhyde, pour les carcinomes épidermoides et pour le cancer du larynx (Janah et al.,1997).
On pourrait également penser aux conditions de conservation des aliments dans le milieu rural sachant que les gens qui y vivent ne disposent pas de système de réfrigération ce qui pourrait favoriser l’apparition de mycotoxines. Sachant que l’Aflatoxine B1 (produite par l’Aspergillus flavus) présente dans les céréales conservées à la chaleur et dans l’humidité ainsi que dans les moisissures est un cancérogène très puissant jouant un rôle dans les cancers primitifs du foie et ayant un tropisme pour le parenchyme hépatique, on pourrait imaginer que certaines mycotoxines aient un tropisme particulier pour les muqueuses respiratoires supérieures y induisant ainsi une tumeur.
Concernant les substances toxiques, on peut citer les
fumées dégagées par les bains maures, par les machines
fonctionnant au mazout, par les usines (dégagement de phosphore par
exemple), les poussières dégagées lors du travail du
marbre ou du polissage de la mosaïque, le travail dans le textile, dans
les tanneries, dans les mines de charbon, etc. En Chine, il a été
noté que l’exposition
aux fumées domestiques était impliquée dans le NPC (Zheng et
al., 1994). De même,
certains métiers (tissage, fonte de métal, raffinage, travail du
métal forgé, etc) constitueraient des facteurs de risque pour le NPC à Shanghai (Zheng et
al., 1992). L‘effet des substances toxiques
dans l’implication du cancer a déjà été
cité notamment dans les adénocarcinomes ethmoïdaux. Sont
incriminés également dans ce type de cancer l’exposition
aux formaldéhydes et aux bois, aux composés phénoliques
des tanins, aux benzopyrènes dégagés par
échauffement du bois, le travail dans l’industrie du cuir et le
travail du nickel (Abadia et al., 1992 ; Leclerc et al., 1994). Les carcinomes épidermoides touchent
les travailleurs de l’industrie alimentaire, de la métallurgie et
de la mécanique générale.
Concernant le khlii, on pourrait penser que ce dernier
contiendrait des nitrosodiméthyamines de même qu’il en a
été trouvé dans le poisson séché ainsi que
dans le mouton séché, salé et épicé par les
Tunisiens (Hubert et Robert Lamblin, 1986; Poirier et al., 1987). En effet les amines telles que la
pipéridine et la pyrrolidine contenues dans le poivre noir et le paprika
réagissent avec le nitrite de sodium pour former des nitrosamines
connues comme inductrices de tumeurs dans la muqueuse nasale des rats et des
souris (Huang et al.,
1978).
Le smen
provenant de la fermentation butyrique du beurre contient de
l’acide butyrique connu comme un puissant réactivateur in vitro du
virus d’Epstein Barr (Zeng et al., 1984).
L’alcool semble également être
impliqué dans la genèse du cancer du cavum. Toutefois le
mécanisme intime de l’action carcinogène de l’alcool
n’est pas parfaitement connu, plusieurs hypothèses ont
été émises dont les plus citées sont: la
présence de carcinogènes dans les boissons alcoolisées
(hydrocarbures polycycliques, nitrosamines), l’induction d’enzymes
microsomiales sous l’effet de l’alcool activant des substances
pro-carcinogènes en de véritables carcinogènes, les
perturbations nutritionnelles occasionnées par l’abus
d’alcool, action irritante directe de l’éthanol, action
générale (hépatique) avec dégradation des moyens de
défense aux agressions externes.
L’alcool lui-même ne serait pas
cancérigène. Toutes les expériences faites avec de
l’alcool sur l’animal ou sur des cellules en culture ont
été négatives. De plus il n’agit pas sur l’ADN
des cellules. En effet, il faciliterait le contact entre les cellules profondes
(basales) des muqueuses aérodigestives supérieures et les
cancérigènes chimiques contenus en solution dans les alcools, la
fumée du tabac ou les aliments.
Il serait le responsable principal des cancers du pharynx, de la cavité buccale, de l’œsophage, du larynx, de ceux des glandes salivaires et du sinus. De plus, un alcoolisme chronique est souvent incriminé dans les cancers des VADS. Le rôle de certains alcools dans le développement des cancers des voies digestives supérieures (langue, pharynx, larynx, œsophage, etc.) serait lié à la consommation simultanée de cigarettes.
En somme, ces résultats pourraient expliquer l’incidence élevée du NPC au Maroc étant donné que le khlii et le smen, facteurs de risque pour ce cancer d’après les analyses précédentes constituent une alimentation spécifique de ce pays où de surcroît les agriculteurs représentent près de 40% de la population active, et où les gens dans le milieu rural vivent encore selon des méthodes ancestrales, notamment concernant la conservation de la nourriture.
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