Soumia, A., Abdellatif, B., Annie H. et Mohamed C., 2003, Approche épidémiologique du cancer du rhino-pharynx dans la région de Marrakech. Antropo, 5, 39-47. www.didac.ehu.es/antropo


 

Approche épidémiologique du cancer du rhino-pharynx dans la région de Marrakech

Epidemiological approach of the nasopharyngeal carcinoma in the region of Marrakech

Ammor Soumia1, Baali Abdellatif1, Hubert Annie2 et  Cherkaoui Mohamed1

 

1Laboratoire d’Ecologie Humaine, Faculté des Sciences Semlalia, Université Cadi Ayyad, Marrakech. Maroc.

2Société Santé Développement, UMR 5036 CNRS, Université Victor  Ségalen. Bordeaux2. France. e-mail:ammor.belkahia@ucam.ac.ma

 

Mots clés: Cancer,  Rhino-pharynx, Epidémiologie, Marrakech.

 

Key words: Nasopharyngeal, Carcinoma, Epidemiology,  Marrakech.

 

Résumé

La répartition géographique du cancer du rhinopharynx ou cavum ou NPC est très contrastée.

Son incidence au Maroc, comme dans les autres pays du Maghreb, est élevée.

L’analyse dans la ville de Marrakech  d’un questionnaire  détaillé soumis à 32 malades atteints du NPC et à 48 témoins  a montré une relation statistiquement significative entre ce cancer et certains facteurs liés à l’alimentation: consommation de smen (beurre fermenté), de  khlii (viande séchée, salée, épicée, cuite et conservée dans un mélange d’huile et de graisses bovines fondues) et d’alcool, et à l’environnement: contact avec l’agriculture et l’élevage ou avec les substances toxiques.

 

Abstract

The geographical distribution of the nasopharyngeal carcinoma is very contrasted.

Its impact to Morocco, as in the other countries of the Maghreb is raised.

The analysis in the city of Marrakech of a detailed questionnaire submitted to 32 sick reached of the NPC and to 48 witnesses showed a statistically meaningful relation between this cancer and some factors bound to the food: consumption of smen (butter fermented), of khlii (dried meat, salty, spicy, cooked and preserved in a mixture of oil and melted bovine greases) and of alcohol, and to the environment: contact with agriculture and raising or with the poisonous substances.

 

Introduction

La répartition géographique du cancer du rhinopharynx ou cavum ou NPC est très contrastée (Yu, 1990). En effet, on distingue 3 zones d'incidence:

Une zone de forte incidence avec le Sud-Est asiatique (Canton et Hongkong). En émigrant, la population Chinoise cantonnaise emporte  avec elle son risque élevé.

Une zone à taux intermédiaire avec l'Afrique du Nord, le pourtour du bassin méditerranéen et les populations esquimaudes du Groenland et d'Alaska.

Et enfin une zone de faible incidence avec L'Europe.

Au Maroc, comme c’est le cas des autres pays du Maghreb, l’incidence du NPC est élevée (El Gueddari et Chaouki, 1991).

En France, sont surtout touchées les populations immigrées d'origine  maghrébine et polonaise. De plus, les Marocains en France ont beaucoup plus de risques que les Français d’être atteints par le NPC (Khlat, 1995) et pour les Français qui ont vécu au Maghreb, l’incidence du NPC est 5,7 fois plus grande que celle de ceux qui ont vécu en France (Jeannel et al., 1993). D’autre part, les Italiens qui ont émigré en Australie, au Brésil (Sao Paulo), au Canada, en Angleterre, en France, en Uruguay et aux USA sont plus touchés par le NPC que les populations locales (Geddes et al., 1993). En outre, les études des migrants Chinois aux USA ont montré une diminution de la mortalité par le NPC pendant la deuxième et troisième génération alors que les risques restent les mêmes pour les Américains blancs (Hubert  et Robert-Lamblin,1988).

 Ainsi lorsque les immigrés s’adaptent rapidement aux habitudes du pays qui les reçoit, ils adoptent aussi le profil de risque propre au pays d’accueil. Lorsque par contre ils optent pour le mode de vie de leur pays d’origine, comme les Chinois de la diaspora cantonnaise émigrés dans le Sud-Est asiatique et sur les côtes Ouest des Etats-Unis et de l’Amérique du Sud, ils conservent le risque associé notamment de contracter un cancer du rhino-pharynx, prédominant chez les Cantonnais (De The et Hubert, 1988).

Trois facteurs paraissent impliqués dans l’étiologie du NPC: un virus, un facteur génétique présumé lié au système HLA et un facteur lié à l’environnement.

- Le virus d’Epstein Barr (EBV).

L’EBV facteur causal du lymphome africain de Burkitt est étroitement associé au cancer du  cavum, sans restriction géographique, contrairement au lymphome de Burkitt (De The, 1980). Décrit en 1964 par A.Epstein et Y. Barr à partir du lymphome de Burkitt, l’EBV est un virus ubiquitaire intervenant dans trois maladies très différentes sur le plan ethnique comme géographique: le lymphome de Burkitt, le cancer du nasopharynx et la mononucléose infectieuse. La forte liaison entre l’EBV et le cancer nasopharyngé ne prouve pas le rôle causal de ce virus dans la genèse de la maladie. L’EBV apparaît néanmoins comme la cause épidémiologique majeure, comme la cigarette est la cause du cancer du poumon (De The et Hubert, 1988).

- Facteur génétique.

La caractérisation d’un profil HLA-A2 a été retrouvée chez les Chinois de Singapour (Simons et al., 1975) mais non chez les malades originaires du Maghreb. A Singapour, le profil A2 Bw 46 semble impliquer un risque relatif de 2,3  chez les sujets de  plus de 30 ans, et le profil Aw19  B17 un risque relatif de 6,3 chez les moins de 30 ans (Pearson et al., 1982). L’excès de malades porteurs de HLA-B5 a été noté en Algérie.  

- Facteurs liés à l’environnement.

En plus de la détermination des gènes impliqués et du ou des facteurs physiques, chimiques ou microbiologiques déclenchant, on étudie actuellement le comportement socioculturel favorisant l’apparition ou le contact avec ces facteurs déclenchants.

Ces facteurs dépendent des habitudes, des manies individuelles mais aussi des mœurs et des modes de vie d’un groupe ethnique dans son ensemble, d’une tribu ou d’une génération. Ainsi on a suggéré une interaction possible entre cancérigènes chimiques, présents dans l’alimentation et le virus d’Epstein Barr. Ces répartitions différentes suggèrent que le processus cancéreux potentiellement inscrit dans les gènes est placé sous l’influence de facteurs environnementaux.

Donc le changement du mode de vie peut exercer un effet sur le développement ou non d’un cancer, en interrompant la chaîne des événements moléculaires et cellulaires qui précède ce cancer.

Sir Richard Doll en Angleterre a affirmé que 80% des cancers sont liés à nos comportements, et que certains cancers sont évitables car leur apparition est précédée par des lésions précancéreuses qui sont liées à certains modes de vie.

Plusieurs recherches ont apporté des arguments en faveur d'une relation possible entre alimentation et cancer. En effet un cancer sur trois pourrait être du à des facteurs nutritionnels (Doll et Peto, 1981). Les aliments communs aux populations à haut risque pour le NPC contiendraient des composantes carcinogènes. Les dimétyl-nitrosamines retrouvés dans le poisson salé consommé par les Chinois du Sud constituent un facteur de risque pour le cancer naso-pharyngé. En effet ce sont des agents carcinogènes avec un tropisme pour la muqueuse respiratoire (Ho et al., 1978). De même pour la N-nitrosopyrrolidine contenue dans les épices tunisiennes (Jeannel et al.,1990).

 

Matériel et methode

Pour réaliser notre étude, nous avons soumis un questionnaire très détaillé à 32 malades que les médecins ORL installés au privé dans la ville de Marrakech nous ont adressés au fur et à mesure de leur arrivée entre 1997 et 1999 et suite à la découverte de leur maladie confirmée par analyse après biopsie dans les deux laboratoires d’anatomopathologie privés de cette même ville ainsi qu’à 48 témoins choisis au hasard dans une population présentant les mêmes caractéristiques socio-économiques que les malades.

La première partie du questionnaire utilisé concerne l’état civil du sujet (âge, sexe, régions d’habitation et d’origine, situation matrimoniale), son niveau socio-économique (niveau d’instruction, profession, profession des parents, type d’habitat), ses antécédents de maladie, de cancer familial (notamment de cas multiple de NPC), de vaccination, le type de médication utilisée (si éventuellement on utilise les pratiques médicales traditionnelles: tisanes, cataplasmes, emplâtres, etc.), son degré de consanguinité, l’histoire de la maladie, telle qu’elle fut perçue par le patient, afin de mettre en évidence la perception culturelle de la maladie, ce qui pourrait faire ressortir des co-facteurs intéressants.

Concernant l’habitat, aussi bien durant l’enfance qu’actuellement, nous avons noté la description du village, voisinage ou quartier, montrant la répartition des groupes familiaux et des zones de possibles de transmissions d’agents infectieux (ordures, latrines, sources d’eau, etc.), le matériel de construction, la distribution de l’espace, l’aération et la lumière, le nombre d’habitants par maisonnée, animaux domestiques, etc. et toutes autres observations révélant la possibilité de transmission horizontale de virus et autres agents pathogènes, observations également de l’hygiène du corps, de l’habitat, et de l’état de dentition.

La deuxième partie aborde d’une part,  l’effet de la consommation de certains aliments présumés à  risque ainsi que celui de leur conservation: céréales, féculents, traked (saumures), poissons séché, khlii (viande épicée, séchée au soleil et cuite), quaddid (viande préparée de la même façon que le khlii mais non cuite), smen (beurre fermenté), huiles, etc. et d’autre part les modalités de cuisson, de conservation et de consommation  de la nourriture en général.

La troisième partie touche aux conditions de  l’environnement du sujet: pratique de l’agriculture et de l’élevage, présence ou absence d’eau potable, évacuation quotidienne ou non des ordures ménagères, proximité ou non d’une décharge d’eau usées et/ou d’animaux, contact avec des substances toxiques (fumée de combustion  de four, de hammam ou de blanchisserie, pollution d’engins ou d’usine, contact avec des substances textiles, le cuir, les tanneries ou la peinture, les poussières de bois ou de marbre et enfin les risques liés au métier de soudeur), l’effet du contact quotidien avec les fumées domestiques (combustion du bois, du charbon ou des produits de déjection animale pour la cuisine, le four et le chauffage en hiver), l’effet du contact avec des substances chimiques (pesticides, insecticides, engrais chimiques et  produits de laboratoires chimiques).

Pour l’exposition aux fumées de combustion de four, de Hammam, et de blanchisserie, sont concernées les personnes habitant ou travaillant à proximité de ces locaux étant données que ces  fumées dégagées à l’extérieur pénètrent par les fenêtres de leurs habitations ou de leur lieu de travail et sont par conséquent inhalées quotidiennement par ces sujets.

Enfin vu l’implication du tabac et de l’alcool dans l’étiologie de plusieurs cancers  nous avons étudié leur effet sur le NPC.

Le logiciel  SPSS Windows 6.0.1. Advanced Statistics a été utilisé pour la réalisation des études statistiques.

Nous avons retenu pour l’étude quelques facteurs susceptibles d'être liés à l'apparition du NPC. Ces facteurs sont: l'âge, le sexe, la vie en milieu agricole, le contact avec l'élevage, avec les substances toxiques, la consommation de smen (beurre fermenté) et de khlii (viande séchée, salée, épicée cuite et conservée dans un mélange d'huile et de graisses bovines fondues), de saumures, de harr ou piquants sous toutes ses formes: poivre, hrissa (mélange d’huile d’olive, de sel, de piment rouge,  d’ail et de carvi), piment fort, la présence ou non d'angines à répétition dans l'enfance, la consommation de tabac, d'alcool et enfin la pratique de la médecine moderne ou traditionnelle.

 

Résultats et discussion

 

Facteurs environnementaux de risque du  NPC

L'analyse du tableau 1 donne au seuil de 5%,  le degré de signification des valeurs de c2 entre les différents facteurs étudiés.

 

Facteur

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

1-Malade/ Témoin

n.s

n.s.

<0,001

<0,05

n.s.

<0,05

<0,01

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

2- Age

 

<0,05

n.s.

n.s.

<0,01

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

<0,05

3- Sexe

 

 

n.s.

<0,05

<0,001

<0,01

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

4- Agriculture et élevage

 

 

 

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

<0,05

n.s.

5-Substces toxiques

 

 

 

 

<0,05

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

<0,01

6- Tabac

 

 

 

 

 

<0,001

n.s.

<0,05

n.s.

n.s.

n.s.

7- Alcool

 

 

 

 

 

 

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

n.s.

8- Smen/Khlii

 

 

 

 

 

 

 

<0,05

n.s.

n.s.

<0,05

9- Saumures

 

 

 

 

 

 

 

 

n.s.

n.s.

<0,05

10-Harr

 

 

 

 

 

 

 

 

 

n.s.

n.s.

11-Angines à répétition

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

n.s.

12-Médecine  traditionnelle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tableau 1. Association entre les différents facteurs de risque étudiés.

Table 1. Association between the different factors of risk studied.

 

On constate  qu'il existe une liaison statistique significative entre l’atteinte par le NPC et la vie en milieu agricole, le contact avec l'élevage, avec les substances toxiques, la consommation de smen et de khlii puis celle d'alcool. Par ailleurs, ces facteurs ne sont pas corrélés entre eux. Le calcul du risque  relatif  “taux d’exposition des malades/taux d’exposition des témoins” (tableau 2)  montre que la population atteinte du NPC présente une exposition plus élevée à tous les facteurs de risque étudiés en particulier pour les facteurs: contact avec l’agriculture et l’élevage (O.R. = 6.6), consommation de smen et du khlii (O.R.= 5.0), consommation d’alcool  (O.R.= 4.3) et contact avec les substances toxiques (O.R.=3.0).

 

Facteurs de risque

Effectif des Malades

Effectif des Témoins

p(c2)

Odd

Ratio

 

Exposés

Non exposés

Exposés

Non exposés

 

 

Contact avec l’agriculture et l’élevage

22

10

12

36

<0,001

6,6

Contact avec les substances toxiques

15

17

11

37

<0,05

3,0

Consommation de tabac

15

17

16

32

n.s.

2,9

Consommation d’alcool

9

23

4

44

<0,05

4,3

Consommation de Smen et du Khlii

21

10

13

31

<0,01

5,0

Consommation de saumures

15

17

17

27

n.s.

2,9

Consommation de Harr

20

11

21

26

n.s.

1,4

Angines à répétition

8

24

7

41

n.s.

1,9

Utilisation de la médecine  traditionnelle

22

10

22

22

n.s.

2,2

Tableau 2. Exposition aux facteurs de risque étudiés chez la population témoin et la population atteinte par le NPC.

Table 2. Exhibition to factors of risk studied at the population witness and the population reached by the NPC.

 

Analyse Factorielle des Correspondances (A.F.C.)

L’A.F.C. est une technique utilisée pour décomposer des tableaux de   données multifactoriels en une somme de matrices proportionnelles d’importance décroissante dans le but d’étudier la dépendance entre ces facteurs (Benzecri et al., 1987).   Son principe est de calculer  à partir de la matrice de données exprimant les fréquences de différentes modalités des variables étudiées, les valeurs qu’elles prendraient dans l’hypothèse où leurs distributions sont indépendantes. L’écart entre la matrice de données et la matrice d’indépendance obtenue fournit une matrice des écarts (matrice résiduelle) qui exprime le premier facteur de l’analyse (facteur 1). En répétant l’algorithme précédent, on peut aussi approcher cette matrice des écarts par une autre matrice proportionnelle dont la différence produit un nouveau résidu d’importance inférieure qui sera exprimé par le deuxième facteur (facteur 2). La répétition de cette algorithme permet d’exprimer autant de facteurs d’importance décroissante  qu’il y a de rang à la matrice. En ne prenant en compte que les premiers facteurs et en projetant les individus et/ou les modalités des variables étudiées sur les plans déterminés par ces facteurs, on peut conserver l’information la plus pertinente. Ainsi, la projection des individus sur le plan des deux premiers facteurs  correspond au déploiement le plus important du nuage. La figure 1 montre la disposition des sujets (malades et témoins) et la figure 2  la projection des modalités des variables sur les facteurs 1 et 2 de l’A.F.C. Ces deux facteurs  représentent 38,9% de la dispersion totale. Le facteur 1, représentant 23,5% de l’inertie, est défini (tableau 3) essentiellement à partir des variables consommation de tabac (0,48), d’alcool (0,37), sexe  (0,35),  contact avec les substances toxiques (0,32) et médecine moderne ou traditionnelle (0,28). Le facteur 2, représentant 15,4% de l’inertie totale, exprime les variables consommation de smen et de khlii (0,31), angines à répétition (0,30) et  médecine moderne ou traditionnelle (0,29). Comme, on peut le constater sur les graphiques 1 et 2, il y a une opposition des malades et des témoins, par rapport au centre, sur le plan factoriel 1-2 de l’A.F.C. La projection des modalités des variables utilisées dans l’analyse (figure 2) montre le  profil suivant des malades: contact avec l’agriculture et l’élevage (agr+), contact avec les substances toxiques (toxi+), consommation de smen et de khlih (s_k+),  de saumure (sau+), d’alcool (alc+)  de tabac (taba+)  et  angines à répétition (Ag+). Ces résultats confortent ceux exprimés dans les précédentes analyses et nous permettent de suggérer une association probable entre ces facteurs  alimentaires et environnementaux et l’apparition du NPC.

 

Variables

Modalités

(Abréviation des modalités sur la figure 3 )

Effectifs

Facteur 1

(23.5 %)

Facteur 2

(15.4 %)

Sujet

 

 

 

0.28

0.21

 

Malade

(Malade)

32

 

 

 

Témoin

(Témoin)

48

 

 

Age

 

 

 

0.19

0.19

 

Age > 25 ans

(>25)

58

 

 

 

Age =< 25 ans

(=< 25)

22

 

 

Sexe

 

 

 

0.35

0.14

 

Masculin

(M)

56

 

 

 

Féminin

(F)

24

 

 

Contact avec l’agriculture et l’élevage

 

 

 

0.21

0.12

 

Contact

(agr+)

34

 

 

 

Pas de contact

(agr-)

46

 

 

Contact avec les substances toxiques

 

 

 

0.32

0.06

 

Contact

(toxi +)

26

 

 

 

Pas de contact

(toxi -)

54

 

 

Consommation de tabac

 

 

 

0.48

0.05

 

Fumeur

(Taba+)

31

 

 

 

Non fumeur

(Taba-)

49

 

 

Consommation d’alcool

 

 

 

0.37

0.01

 

Consommateur

(Alc+)

13

 

 

 

Non consom.

(Alc-)

67

 

 

Consommation de Smen et de Khlii

 

 

 

0.16

0.31

 

Consommateur

(s_k+)

34

 

 

 

Non consom.

(s_k-)

41

 

 

Consommation de saumures

 

 

 

0.14

0.11

 

Consommateur

(Sau+)

32

 

 

 

Non consom.

(Sau-)

44

 

 

Consommation de Harr

 

 

 

0.02

0.08

 

Consommateur

(H+)

41

 

 

 

Non consom.

(H-)

37

 

 

Angines à répétition

 

 

 

0.03

0.30

 

Oui

(Ag+)

15

 

 

 

Non

(Ag-)

65

 

 

Médecine traditionnelle ou moderne

 

 

 

0.28

0.29

 

Traditionnelle

(Trad)

33

 

 

 

Moderne

(Mod)

32

 

 

 

Mixte

(Mixt)

11

 

 

Tableau 3. Variables et leurs modalités utilisées dans l’Analyse Factorielle des Correspondances effectuée sur les 32 malades atteints de NPC et les 48 témoins.

Table 3. Variable and their modes used in the Factorial analysis of Correspondences done on the 32 sick  reached of NPCS and the 48 witnesses.

 

Figure 1. Projection des individus malades et t´moins sur les deux premiers facteurs de l'A. F. C.

Figure 1. sick individual projection and witnesses on the first two factors of the A. F. C.

Figure 2. Projection sur les deux premiers facteurs de l’A.F.C. des différentes modalités des facteurs associés au NPC

Figure 2. rojection on the first two factors of the A.. F. C. of the different modes of factors associated to the NPC

 

Conclusion

D’après cette étude, il ressort que les facteurs de risque impliqués seraient la consommation du smen et du khlii, d’alcool, la vie en milieu agricole, le contact avec l’élevage et avec les substances toxiques.

Le fait que les personnes atteintes du NPC aient souvent été en contact avec l’agriculture et l’élevage  pourrait-il s’expliquer  par un problème de pollution de l’eau, par le contact avec  les animaux ou par l’utilisation de pesticides?  En effet une prédominance des agriculteurs a été retrouvée pour les cancers du sinus maxillaire, due à une exposition aux engrais, pesticides ou insecticides et au formaldéhyde, pour les carcinomes épidermoides et pour le cancer du larynx (Janah et al.,1997).

On pourrait également penser aux conditions de conservation des aliments dans le milieu rural sachant que les gens qui y vivent ne disposent pas de système de réfrigération ce qui pourrait favoriser l’apparition de mycotoxines. Sachant que l’Aflatoxine B1 (produite par l’Aspergillus flavus) présente dans les céréales conservées à la chaleur et dans l’humidité ainsi que dans les moisissures est un cancérogène très puissant jouant un rôle dans les cancers primitifs du foie et ayant un tropisme pour le parenchyme hépatique, on pourrait imaginer que certaines mycotoxines aient un tropisme particulier pour les muqueuses respiratoires supérieures y induisant ainsi une tumeur.

Concernant les substances toxiques, on peut citer les fumées dégagées par les bains maures, par les machines fonctionnant au mazout, par les usines (dégagement de phosphore par exemple), les poussières dégagées lors du travail du marbre ou du polissage de la mosaïque, le travail dans le textile, dans les tanneries, dans les mines de charbon, etc. En Chine, il a été noté que  l’exposition aux fumées domestiques était impliquée dans le NPC (Zheng et al., 1994). De même, certains métiers (tissage, fonte de métal, raffinage, travail du métal forgé, etc) constitueraient  des facteurs de risque pour le NPC à Shanghai (Zheng et al., 1992).  L‘effet des substances toxiques dans l’implication du cancer a déjà été cité notamment dans les adénocarcinomes ethmoïdaux. Sont incriminés également dans ce type de cancer l’exposition aux formaldéhydes et aux bois, aux composés phénoliques des tanins, aux benzopyrènes dégagés par échauffement du bois, le travail dans l’industrie du cuir et le travail du nickel (Abadia et al., 1992 ; Leclerc et al., 1994). Les carcinomes épidermoides touchent les travailleurs de l’industrie alimentaire, de la métallurgie et de la mécanique générale.

Concernant le khlii, on pourrait penser que ce dernier contiendrait des nitrosodiméthyamines de même qu’il en a été trouvé dans le poisson séché ainsi que dans le mouton séché, salé et épicé par les Tunisiens (Hubert et Robert Lamblin, 1986; Poirier et al., 1987). En effet les amines telles que la pipéridine et la pyrrolidine contenues dans le poivre noir et le paprika réagissent avec le nitrite de sodium pour former des nitrosamines connues comme inductrices de tumeurs dans la muqueuse nasale des rats et des souris (Huang et al., 1978).

Le smen  provenant de la fermentation butyrique du beurre contient de l’acide butyrique connu comme un puissant réactivateur in vitro du virus d’Epstein Barr (Zeng et al., 1984).

L’alcool semble également être impliqué dans la genèse du cancer du cavum. Toutefois le mécanisme intime de l’action carcinogène de l’alcool n’est pas parfaitement connu, plusieurs hypothèses ont été émises dont les plus citées sont: la présence de carcinogènes dans les boissons alcoolisées (hydrocarbures polycycliques, nitrosamines), l’induction d’enzymes microsomiales sous l’effet de l’alcool activant des substances pro-carcinogènes en de véritables carcinogènes, les perturbations nutritionnelles occasionnées par l’abus d’alcool, action irritante directe de l’éthanol, action générale (hépatique) avec dégradation des moyens de défense aux agressions externes.

L’alcool lui-même ne serait pas cancérigène. Toutes les expériences faites avec de l’alcool sur l’animal ou sur des cellules en culture ont été négatives. De plus il n’agit pas sur l’ADN des cellules. En effet, il faciliterait le contact entre les cellules profondes (basales) des muqueuses aérodigestives supérieures et les cancérigènes chimiques contenus en solution dans les alcools, la fumée du tabac ou les aliments.

Il serait le responsable principal des cancers du pharynx, de la cavité buccale, de l’œsophage, du larynx, de ceux des glandes salivaires et du sinus. De plus, un alcoolisme chronique est souvent incriminé dans les cancers des VADS. Le rôle de certains alcools dans le développement des cancers des voies digestives supérieures (langue, pharynx, larynx, œsophage, etc.) serait lié à la consommation simultanée de cigarettes.

En somme, ces résultats pourraient expliquer l’incidence élevée du NPC au Maroc étant donné que le khlii et le smen, facteurs de risque pour ce cancer d’après les analyses précédentes constituent une alimentation spécifique de ce pays  où de surcroît  les agriculteurs représentent près de 40% de la population active, et où les gens dans le milieu rural vivent encore selon des méthodes ancestrales,  notamment  concernant la conservation de la nourriture.

 

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