Bello, S., Thomann, A., Rabino Massa, E., Dutour, O., 2003, Quantification de l’état de conservation des collections ostéoarchéologiques et ses champs d’application en anthropologie. Antropo, 5, 21-37. www.didac.ehu.es/antropo


 

Quantification de l’état de conservation des collections ostéoarchéologiques et ses champs d’application en anthropologie

Quantification of the state of preservation of osteoarchaeological collections and its fields of application

S. Bello1, A. Thomann2, E. Rabino Massa3, O. Dutour2

 

1Department of Palaeontology, The Natural Histoy Museum, Cromwell Road, SW7 5BD, London, UK E-mail: s.bello@nhm.ac.uk, bellosilvi@hotmail.com.

2Unité d’Anthropologie - CNRS UMR 6578 Université de la Méditerranée, Faculté de Médecine, Marseille, France

3Dipartimento di Biologia Animale e dell’Uomo, Università degli Studi di Torino, Turin, Italie

 

Mots clés: Etat de conservation, Indice de Conservation Anatomique (ICA), Indice de Qualité Osseuse (IQO), dénombrement, reconstitution paléodémographique, paléopathologie.

 

Key words: State of preservation, Anatomical Preservation Index (API), Qualitative Bone Index (QBI), computation of the number of individuals, palaeodemographical reconstitution, palaeopathology.

 

Résumé

L’étude de l’état de conservation d’une série ostéoarchéologique s’insère dans un schéma de recherche de larges séries ostéologiques car la qualité et les modalités de conservation sont les principaux paramètres qui déterminent la valeur cognitive d’une collection. Une meilleure connaissance des effets des processus taphonomiques sur l’état de conservation du matériel ostéologique humain devrait permettre de diminuer les discordances entre l’“échantillon ostéologique dont on dispose” et la “population originelle qu’il représente”.

L’état de conservation a été évalué au moyen de deux indices de conservation : l’un quantitatif (Indice de Conservation Anatomique, ICA) et l’autre qualitatif (Indice de la Qualité Osseuse, IQO). L’étude a porté sur 7 collections ostéologiques, pour un total de 768 individus observés. L’analyse de ces collections a permis d’observer de quelle manière un éventuel processus de conservation différentielle peut biaiser les résultats anthropologiques. En particulier, il a été montré que 1. le calcul du NMI est strictement lié à l’état de conservation et de fragmentation du matériel ostéologique, 2. qu’il existe un processus de conservation différentielle âge-dépendant avec une sous-conservation des individus immatures très jeunes, et, enfin, 3. que les processus de fragmentation et altération des surfaces corticales peuvent constituer un biais dans le calcul de prévalence pathologique.

 

Abstract

The type and amount of information that may be derived from osteoarchaeological samples is directly related to the state of preservation of the remains. By quantifying the state of preservation of osteoarchaeological samples it is possible to better determine the discrepancies between the “osteological sample observed” and the “original population it represents”. In this study, the state of preservation has been evaluated using two preservation indexes: one quantitative (the Anatomical Preservation Index, API) and the other qualitative (Qualitative Bone Index, QBI). Seven samples, comprising a total of 768 individuals were analysed. The results of this investigation demonstrate how the state of preservation may have an impact on anthropological observations. In particular: 1. the MNI evaluation is closely related to the preservation and fragmentary state of the osseous remains; 2. the state of preservation is age-dependant and produces an under-preservation of sub-adults individuals; 3. the bone fragmentation and the alteration of cortical surfaces can bias palaeopathological prevalence.

 

Introduction

Depuis quelques années, l’intérêt des études anthropologiques et paléopathologiques se porte davantage sur l’observation de larges collections ostéologiques que sur celle de squelettes isolés. Ce type d’approche permet d’étudier, dans des effectifs statistiquement représentatifs, les variations ostéologiques, morphométriques et la prévalence de certaines pathologies.

L’étude de l’état de conservation s’insère correctement dans ce schéma de recherche car la qualité et les modalités de conservation sont justement les paramètres qui déterminent la valeur cognitive d’une collection ostéologique. C’est le bilan de la conservation et de la destruction de la fraction minérale des os qui détermine la qualité et l’existence même d’un échantillon ostéoarchéologique. Dans le cas des études paléodémographiques, la conservation de pièces osseuses telles que l’os coxal ou le crâne est fondamentale pour la détermination du sexe et de l’âge des individus, ainsi que, dans un contexte paléoépidémiologique, l’absence ou la mauvaise conservation d’os particulièrement fragiles peut limiter ou fausser les diagnoses paléopathologiques.

La discordance taphonomique entre échantillon et population originelle doit être reconnue et quantifiée afin de pouvoir interpréter correctement les résultats.

Le but de la recherche a été de mettre en évidence l’impact de l’état de conservation sur l’interprétation des résultats anthropologiques. En particulier, nous avons évalué la manière dont l’état de conservation quantitatif et qualitatif peut influencer le dénombrement, les reconstitutions paléodémographiques et l’analyse paléopathologique d’un échantillon.

 

Matériel et methodes

 

Matériel

L’étude a porté sur 7 échantillons ostéoarchéologiques, pour un total de 768 individus observés. Il s’agit de collections ostéologiques d’époque et de provenance géographique différente, caractérisés par des effectifs statistiquement représentatifs. Dans deux cas (séries de Paolina et Jouques) il s’agit de sépultures collectives oú les individus n’ont pas été retrouvés en connexion anatomique. Dans les autres cinq cas (séries de Saint Maximin, Saint Estève le Pont, Hauture, Fédons et Observance), il s’agit de cimetières oú les individus ont été retrouvés en connexion anatomique (le NMI de 37 individus calculé pour la collection de l’Observance a été obtenu à partir des fragments épars récupérés pendant la dernière campagne de fouille du site – octobre 1994 – au moment oú les engins de terrassement ont commencé à araser le talus est de la fosse. À l’occasion de cette dernière phase et grâce au concours des responsables de l’entreprise, Travaux de la Méditerranée, ont été prélevés les ossements exhumés par les engins tout au long de la progression des travaux de construction de l’ensemble immobilier (Signoli, 1998; Signoli et al., 1998; Bello et al., 2002. Tableau 1).

 

Collection

Epoque

Provenance

Nb. individus

en connexion anatomique

NMI

Total individus.

Paolina b

Bronze Ancien

Sicile

 

67

67

Jouques a

Bronze Ancien

Bouches du Rhône

 

77

77

Saint Maximin a

VI - VIIIe siècle

Bouches du Rhône

79

 

79

Saint Estève le Pont a

VIe – XIIe siècle

Bouches du Rhône

84

 

84

Hauture a

XIe – XIIe siècle

Bouches du Rhône

112

 

112

Fédons a

1590

Bouches du Rhône

133

 

133

Observance a

1722

Bouches du Rhône

179

37

216

 

 

 

587

181

768

Tableau 1. Liste des collections ostéologiques conservées au Laboratoire d’Anthropologie Biologique, Unité d’Anthropologie - CNRS UMR 6578, Faculté de Médecine la Timone, Université de la Méditerranée, Aix Marseille II, Marseille, France (a) et au Dipartimento di Biologia Animale et dell’Uomo, Facoltà di Scienze Naturali, Università degli Studi di Torino, Turin, Italie (b).

Table 1. List of the osteological collections stored at the Laboratory of Biologic Anhtropology, Unité d’Anthropologie - CNRS UMR 6578, Faculty of Medicine la Timone, Université de la Méditerranée, Aix Marseille II, Marseilles, France (a) and at the Dipartiment of Animal and Human Biology, Faculty of Natural Sciences, Università degli Studi di Torino, Turin, Italy (b).

 

Nous présentons ci-dessous quelques brèves référence archéologiques relatives aux sept collections, renvoyant pour plus de détails relatifs aux séries aux travaux d’un des auteurs (Bello, 2001) :

Paolina: Le site de la Paolina se constitue de deux tombes à “grotticella” artificielle du premier Age du Bronze, qui ont été fouillées par Monsieur E. Procelli pendant le printemps 1977 (Procelli, 1981; Del Negro et al., 1987; Garetto et al, 1986).

Jouques: Le dolmen 1 des Cudières, situé à quatre kilomètres à l’est du village de Jouques, est un monument à grande chambre rectangulaire (la cella de 3,50 m sur 1,90 m) constitué de quatre grandes dalles très régulières formant le chevet et les côtés et de piliers d’entrée. Le site a fait l’objet de deux campagnes de fouilles pendant les mois de mai et juin 1987 et pendant le mois de juin 1988 sous la direction de G. Sauzade (Sauzade, 1987 et 1988).

Saint Maximin: L’ensemble du matériel ostéologique issu du cimetière de Saint Maximin provient de trois zones d’inhumation chronologiquement distinctes: le cimetière paroissial moderne, le cimetière médiéval et le cimetière du haut Moyen-Age (Guyon et al., 1998). Les opérations archéologiques et anthropologiques se sont déroulées dans le cadre de deux campagnes: sondage prospectif en 1993 et fouille de sauvetage en 1994, sous la direction de J. Guyon et de F. Carrazé (Guyon et al., 1998).

Saint Estève le Pont: le cimetière de Saint Estève le Pont a fait l’objet de cinq campagnes de fouilles sous la responsabilité d’Alain Genot (Thomann et al., 2001a et b). La presente recherche a tenu en compte exclusivement les inhumations issues des trois premières opérations de terrain.

Hauture: le site de l'Hauture se trouve dans la partie ancienne de la commune de Fos-sur-Mer, correspondant au castrum médiéval de la ville. Les opérations archéologiques et anhropologiques, portant sur une surface d'environ 850 m2, se sont déroulées dans le cadre de plusieurs campagnes sous la conduite de Jean-Philippe Lagrue, responsable du Service d'Archéologie Municipal de Fos-sur-Mer (Lagrue, 1993 et 1994). Le matériel ostéologique est issu de plusieurs types de sépultures médiévales: tombes rupestres; tombes en pleine terre; tombes à coffrage de dalles et réductions.

Fédons: Ce cimetière, associé à l’événement épidémique de peste de 1590, couvre une surface d’environ 240 m2 (soit une vingtaine de mètres de longueur sur onze à treize mètres de largeur) en légère pente du Sud au Nord et d’Est en Ouest. Les tombes s’insérant dans un niveau partiellement arasé par les labours, ainsi que dans le sol naturel remontant vers un banc calcaire (Reynaud, 1996).

Observance: Le charnier de l’Observance se trouvait sur un terrain qui, au début du XVIIIe siècle, correspondait à la surface occupée par les jardins du couvent des frères Observantins de Marseille. Dans ces jardins, au printemps 1722, une fosse de grandes dimensions (une trentaine de mètres de longueur pour une dizaine de mètres de largeur) a été creusée pour contenir les victimes de la rechute épidemique de peste que la ville de Marseille se trouvait à affronter. Les opérations archéologiques et anhropologiques, portant sur une surface d'environ 850 m2, se sont déroulées dans le cadre de plusieurs campagnes entre printemps et automne 1994 (Mellinand, 1994; Villemeur, 1994 Dutour et al., 1994).

 

Methodes

Nous avons adopté les méthodes retenues les plus classiques et couramment employées pour le calcul du dénombrement (Poplin, 1976 et 1977), dans les études paléodémographiques (pour la détermination de l’âge: Martin et Saller, 1957; Stewart, 1957; Miles, 1963; Lamandin, 1978; Stloukal et Hanakova, 1978; Sundick, 1978; Fazekas et Kosa, 1978; Ubelaker, 1978 et 1989; Birkner, 1980; White et Folkens, 2000) et dans les études paléopathologiques (Brothwell, 1981; Ortner et Putschar, 1981; Waldron, 1994; Roberts et Manchester, 1995; Thillaud, 1996).

En ce qui concerne les méthodes de quantification de l’état de conservation des restes osseux humains, nous avons utilisé deux indices de conservation: l’un quantitatif (l’Indice de Conservation Anatomique, ICA) et l’autre qualitatif (l’Indice de la Qualité Osseuse, IQO).

 

 L’Indice de conservation anatomique (ICA ; API, anatomical preservation index)

Cet indice, adaptation de la méthode mise au point par O. Dutour (1989), donne une idée de la conservation anatomique après les opérations de reconstitution, et quantifie la conservation générale des éléments osseux disponibles pour l’étude. Il traduit le rapport de la somme des scores de conservation (en pourcentage) attribués à chaque élément osseux constitutif du squelette sur le nombre total d’os du squelette: ICA = 100 x S C [1,N]/N.

L’état de conservation de chaque pièce osseuse est évalué de la façon suivante: 0, pièce non conservée; 0-25 %, conservation inférieure ou égale au quart de la pièce; 25-50 %, conservation entre un quart et la moitié de l’os; 50 %, conservation de la moitié de l’os; 50-75 %, conservation entre la moitié et trois quarts de la pièce; 75-100 %, conservation entre trois quarts et la totalité de l’os; 100 %, pièce intacte. Pour les 32 éléments dentaires, la valeur en pourcentage est donnée par le rapport entre le nombre de dents présentes et le nombre théorique multiplié par 100 (Bello, 2001).

Nous avons conventionellement considérés les os ayant un score de conservation supérieur ou égal à 50 % et les individus ayant une valeur médiane d’ICA supérieure ou égale à 50 % comme étant «bien conservés».

L’Indice de Conservation Anatomique donne principalement une idée de la masse osseuse présente, en faisant toutefois mal la distinction entre un squelette quasi complet mais fragmentaire et un squelette incomplet mais dont les os présents sont intacts (Bello, 2001). Cependant, son utilisation se justifie car il permet, de manière relativement simple, de quantifier l’état de conservation tant au niveau anatomique (la conservation des différents os), qu’au niveau individuel (la conservation de chaque individu).

 

L’Indice de qualité osseuse (IQO; QBI, qualitative bone index)

L’Indice de la Qualité Osseuse (IQO; QBI, qualitative bone index) permet l’appréciation des altérations physiques, chimiques et biotiques qui ont intéressé la surface corticale des os.

Nous proposons cinq classes traduisant le rapport entre la surface corticale saine et la surface corticale altérée de chaque os (Bello, 2001). Afin de pouvoir calculer de manière aisée l’IQO moyen de la collection, nous avons attribué les valeurs suivantes aux différentes classes de conservation qualitative:

classe 1 = 100 % de corticale complètement saine;

classe 2 = 99 % - 62,5 % (médiane 75 %) de corticale saine;

classe 3 = 62,5 % - 37,5 % (médiane 50 %) de corticale saine;

classe 4 = 37,5 % - 1 % (médiane 25 %) de corticale saine;

classe 5 = 0 % de corticale saine.

 

Résultats

 

 La conservation anatomique et le dénombrement.

Les méthodes de dénombrement font appel au simple décompte de l’élément osseux le plus représenté (Poplin, 1976 et 1977), ainsi qu’aux appariements osseux (Poplin, 1976; Casteel, 1977; Masset, 1984) ou encore à des regroupements selon des critères d’âge, dimensions et pathologies osseuses éventuelles (Bökönyi, 1970). Le problème des méthodes d’appariement et de regroupement selon des critères établis réside dans le fait que ces méthodes nécessitent des os bien conservés ou entiers pour le décompte. Toutefois, cette situation ne se retrouve que très rarement dans les collections ostéoarchéologiques. Le plus souvent, un grand nombre de fragments est considéré comme inutilisable car sa spécificité (taxonomique et anatomique) est “indéterminable” (Poplin, 1977; Grayson, 1989). Il n’est pas inhabituel que l’extrême fragmentation du matériel ostéologique ne permette pas d’effectuer un dénombrement exhaustif des individus, ainsi que d’autres observations (notamment biométriques et paléopathologiques). Il en résulte que les méthodes de dénombrement doivent être adaptées aux caractéristiques propres du site et au type de conservation du matériel ostéologique. Une collection ostéoarchéologique peu fragmentaire et globalement bien conservée permettra l’utilisation des méthodes “classiques” de dénombrement, alors qu’une collection fragmentaire demandera l’utilisation de portions anatomiques résistantes, facilement identifiables et souvent de petite taille.

Afin de montrer la différente adaptation des méthodes de dénombrement, nous avons comparé les résultats obtenus pour la collection de Paolina, présentant un état de conservation relativement satisfaisant et une fragmentation peu importante, avec ceux de la sépulture collective de Jouques (dolmen I des Cudières), qui en revanche présente un état de conservation insatisfaisant et une forte fragmentation (figure 1).

 

Figure 1. Echantillon de fragments d’os longs de la collection de Jouques.

Figure 1. Sample of fragmentary long bones in the Jouques collection.

 

La fragmentation du matériel ostéologique a été évaluée au moyen du calcul de l’extension de la fragmentation, proportion d’os entiers par rapport au nombre total de pièces (Lyman, 1996):

EF = pièces osseuses fragmentées / total de fragments présents * 100.

Pour la collection de Jouques, cette évaluation a porté sur le carré type (E8) pris comme exemple, alors que pour la collection de Paolina, elle a été faite sur tous les restes osseux présents. Parmi les 7307 fragments décomptés dans le carré type de Jouques, seuls 17 étaient complets (score de conservation anatomique = 100 %), ce qui correspond à 0,2 % du matériel total. Ainsi, l’extension de la fragmentation de l’échantillon est de 99,8 %, ce qui signifie que la quasi-totalité du matériel osseux est fragmentée. Les os entiers sont presque exclusivement les os de la main (en particulier os du carpe et phalanges intermédiaires et distales) et du pied (en particulier, cunéiformes, premiers métatarsiens et phalanges distales). Aucun os long des membres supérieur et inférieur n’a été retrouvé intact. Par ailleurs, la distribution selon la taille des fragments mesurés dans le carré de référence indique que 86 % des fragments étudiés ont une longueur maximale allant de 1 à 5 cm avec notamment plus de la moitié (59 %) ayant une longueur comprise entre 1 et 3 cm.

En revanche, le matériel ostéologique issu du complexe tombal de Paolina, décrit comme fragmentaire par P. Del Negro et collaborateurs (Del Negro et al., 1987), nous semble assez bien conservé, présentant une fragmentation beaucoup moins importante que la série du dolmen des Cudières. Parmi les 3565 fragments décomptés, 719 étaient complets (score de conservation anatomique = 100 %), ce qui correspond à 20,2 % du matériel total. L’extension de la fragmentation de l’échantillon est donc de 79,8 %, ce qui signifie que plus des trois quarts du matériel osseux est fragmenté. L’extension de la fragmentation est, cependant, moins prononcée pour la collection de Paolina que pour celle de Jouques (Chi2 = 1246,90, p < 0,0001).

La forte fragmentation du matériel ostéologique et la taille globalement réduite des fragments de la collection de Jouques ont limité toute possibilité d’utilisation de méthodes “classiques” de dénombrement. Le choix a été porté sur des caractères anatomiques facilement identifiables et latéralisables, mais surtout sur les parties osseuses les plus résistantes aux processus taphonomiques, définies comme “caractères discriminants”. En revanche, dans la collection de Paolina, une part importante des os entiers était conservée et, au sein des éléments fragmentaires, il était tout à fait possible d’individualiser des portions. Ainsi le dénombrement a été effectué selon une méthode plus “classique” qui tient compte des “portions osseuses” les plus fréquentes.

Les méthodes de dénombrement utilisées dans les séries de Jouques et de Paolina montrent qu’en général les éléments crâniens sont à privilégier pour le calcul du dénombrement: le NMI de la collection de Jouques a été évalué à 77 individus à partir de la représentation de l’os pétreux (65 os pétreux droits pour les individus adultes, 12 os pétreux gauches pour les individus immatures); le NMI de la collection de Paolina a été évalué à 67 à partir de la représentation du processus mastoïde (42 processus mastoïdes droits pour les individus adultes, 23 processus mastoïdes gauches pour les individus immatures ; Bello et al., 2002). Dans la série de Paolina, en raison de la faible fragmentation, la méthode de calcul du dénombrement des os longs a généralement pris en considération trois portions principales: la diaphyse et les deux épiphyses, alors que dans la série de Jouques, l’observation des caractères a dû être beaucoup plus étendue pour connaître le taux de représentation de ces os. Nous présentons, à titre d’exemple, la liste des caractères discriminants utilisés dans le cas du membre supérieur pour les deux collections (figure 2).

 

Figure 2. Liste des caractères discriminants relatifs au membre supérieur utilisés pour le calcul du NMI dans les collections de Paolina et Jouques.

Figure 2. List of discriminate characters of the upper joint used for the MNI evaluation in Paolina and Jouques collections.

 

Il est évident que l’état de fragmentation et de conservation d’une collection ostéologique a une forte incidence sur les méthodes de dénombrement. Les limitations imposées par un mauvais état de conservation déterminent un rétrécissement de l’échantillon initial selon deux modalités:

1. l’exclusion des fragments non identifiables anatomiquement. Dans le cas de fragments petits et dépourvus de caractères discriminants, l’appartenance anatomique et la latéralisation des pièces ne peuvent que difficilement être effectuées. Il est évident que cette exclusion sera d’autant plus marquée dans les séries ostéologiques qui, comme la collection de Jouques, présentent une forte fragmentation.

2. l’exclusion des fragments non utilisables pour le calcul du dénombrement. Plus un fragment est grand, plus il a de chance de présenter au moins un “caractère” ou une “portion” discriminante. Malgré l’utilisation de “caractères discriminants” petits et facilement identifiables, seuls 5,4% du matériel de l’échantillon provenant du carré type de Jouques et correspondant à un effectif de 314 pièces possèdent un caractère discriminant permettant leur utilisation aux fins du dénombrement. Cela signifie que la majeure partie des fragments de la série est inutilisable pour le calcul du NMI. En revanche, l’analyse des éléments osseux plus “complets” de la collection de Paolina a permis l’utilisation de 1852 pièces possédant des “portions osseuses identifiables”, soit 51,9 % du matériel de l’échantillon. Cela signifie qu’au moins la moitié des fragments de la série possède une portion discriminante permettant l’évaluation du NMI. Le deuxième type de sélection, qui exclut du décompte les fragments dépourvus de caractères discriminants, touchera à nouveau plus particulièrement les collections caractérisées par une forte fragmentation.

 

 La conservation individuelle et la paléodémographie

Le caractère âge-dépendant de l’état de conservation des restes squelettiques a déjà été observé autant sur les os d’animaux que sur les os humains. Plusieurs archéozoologues ont suggéré que les restes ontogénétiquement jeunes des mammifères sont rares dans les sites archéologiques en raison de leur faible densité structurale (Andrews, 1990 ; Lyman, 1996). Parallèlement, en anthropologie, il a été mis en évidence que les fouilles de cimetières ne livrent que peu de restes d’enfants très jeunes (Walker et al., 1988; Guy et Masset, 1997, Guy et al., 1997).

L’étude individuelle des valeurs d’ICA a permis de mettre en évidence des disparités entre les sujets immatures et adultes des collections où les individus ont été retrouvés en connexion anatomique. Nous avons calculé le nombre en pourcentage des individus immatures et adultes bien conservés (pourcentage des individus ayant une valeur mediane d’ICA supérieure ou égale à 50 %; figure 3).

 

Figure 3. Pourcentage des individus immatures et adultes ayant une valeure médiane d’ICA supérieure ou égale à 50 %.

Figure 3. Percentage of sub-adults and adults individuals having API median value superior or equal to 50 %.

 

L’ICA des individus immatures est toujours inférieur à celui des individus adultes, les différences étant statistiquement significatives pour la collection de Saint Estève le Pont (Chi2 = 9,26, p < 0.01) et hautement significatives pour la collection de Fédons (Chi2 = 26,597, p < 0.0001).

De plus, l’état de conservation des individus immatures semble être en relation avec l’âge de ceux-ci. En général, le nombre de sujets bien conservés (pourcentage des individus ayant une valeur mediane d’ICA supérieure ou égale à 50 %) augmente avec l’âge la valeur la plus faible étant celle des très jeunes enfants, les pourcentages les plus élevés revenant aux adolescents, que sont dans tous les cas aussi supérieures à ceux des adultes (tableau 2).

 

Groupes d’âge

Collections

 

 

Saint Maximin

Saint Estève le Pont

Hauture

Fédons

Observance

foetus

Nombre

0/3

0/1

0/1

0/0

0/0

ICA

0

0

0

 

 

0-4 ans

Nombre

13/33

0/12

1/31

0/19

0/7

ICA

39.4 %

 

3.2 %

0

0

5-9 ans

Nombre

4/7

0/10

2/10

1/29

12/21

ICA

57.1 %

 

20.0 %

3.4 %

57.1 %

10-14 ans

Nombre

2/4

1/3

2/5

6/12

4/7

ICA

50.0 %

33.3 %

40.0 %

50.0 %

57.1 %

15-19 ans

Nombre

1/1

4/6

1/4

11/12

13/16

ICA

100 %

66.7 %

25.0 %

91.7 %

81.2 %

< 5 ans

Nombre

13/33

0/12

1/31

0/19

0/7

 

ICA

39.4 %

0 %

3.2 %

0

0

≥ 5 ans

Nombre

7/12

5/19

5/19

18/53

29/44

 

ICA

58.3 %

26.3 %

26.3 %

34.0 %

65.9 %

Tableau 2. Nombre absolu et pourcentage des individus ayant une valeur mediane d’ICA supérieure ou égale à 50 % selon les différents groupes d’âge.

Table 2. Absolute number and percentage of individuals having API median value superior or equal to 50 % according to the different groups of age.

 

Guy et Masset (1997) proposent l’existence d’un effet de seuil pour l’âge de 5 ans qui séparerait en deux les modes de conservation des vestiges humains dans “un type “nourrisson”, plus fragile, où l’os résiste mal à la destruction dans la tombe; et un type “adulte”, qui se mettrait en place quelque part entre 1 et 5 ans”. La mauvaise conservation des enfants âgés de moins de 5 ans serait à mettre en relation avec la fragilité des ossements qui les rendrait plus sensibles aux agents taphonomiques (Masset, 1973; Bouchud, 1977; Henderson, 1987; Dutour, 1989; Guy, 1996; Guy et Masset, 1997; Guy et al., 1997; Bello, 2001; Bello, et al., 2002; Bello et al., sous press).

L’étude individuelle des 5 collections pour lesquelles les individus ont été retrouvés en connexion anatomique montre que, en général, les enfants âgés de moins de 5 ans présentent des pourcentages d’individus ayant une valeur mediane d’ICA supérieure ou égale à 50 % inférieurs à celles des enfants âgés de 5 à 19 ans (pour cette étude nous n’avons pas pris en considération les fœtus, tableau 2). Ces différences se sont révélées être significatives sur le plan statistique au seuil du 5% dans le cas des collections de Hauture (Chi2 = 4,496, p < 0,05), Fédons (Chi2 = 6,021, p < 0,05) et Observance (Chi2 = 4,362, p < 0,05).

La question qui se pose maintenant est de savoir si cette “sous-conservation” des restes osseux immatures peut ou non être la conséquence de la destruction complète de certaines portions osseuses ou, dans des cas extrêmes, à la destruction du squelette entier. Si un tel processus se réalise, alors la “sous-conservation” des squelettes des individus immatures amènerait à la “sous-représentation” de cette catégorie d’âge au sein d’une collection ostéoarchéologique.

Nous avons ainsi comparé le nombre de décès des collections de Saint Maximin, Saint Estève-le-Pont et Hauture aux données des tables de mortalité théorique proposées par Ledermann (1969) et relatives à des populations historiques pré-jenneriennes (Sellier, 1996; Aron, 1997; figure 4).

 

Figure 4. Comparaison du nombre de décès des individus immatures des collections de Saint Maximin, Saint Estève le Pont et Hauture avec les tables type de Ledermann (1969).

Figure 4. Comparison between the number of death of sub-adults individuals of Saint Maximin, Saint Estève-le-Pont and Hauture collections and the demographycal templates proposed by Ledermann (1969).

 

La courbe de mortalité construite à partir des tables type de Ledermann (1969), est caractérisée par une forte mortalité pour les classes d’âge de 0-4 ans, suivie par une diminution des décès dans les groupes immatures suivants. Le quotient de mortalité entre 10 et 14 ans est toujours le plus faible (Murail, 1996). La comparaison entre les courbes paléodémographiques de nos échantillons et les tables type de Ledermann (e°0=30 ans) montre des fortes différences en ce qui concerne les enfants très jeunes, classe d’âge 0-4 ans.

Nous avons ainsi comparé les effectifs des collections des Fédons (épidémie de peste de 1590) et Observance (épidémie de peste de 1722) aux données des tables démographiques relatives aux épidémies de peste proposées par Michel Signoli (Signoli, 1998 ; Signoli et al., 1999) qui ont été obtenues à partir de registres paroissiaux de la ville de Martigues (Bouches-du-Rhône) témoignant de l’événement épidémique de 1720 (figure 5).

 

Figure 5. Comparaison du nombre de décès des individus immatures des collections de Fedons et Observance avec les données démographiques relatives aux épidémies de peste proposées par Signoli (registres paroissiaux de la ville de Martigues, Bouches-du-Rhône, épidémie de peste de 1720 ; Signoli, 1998).

Figure 5. Comparison between the number of death of sub-adults individuals of Fedons and Observance collections and the demographycal templates proposed by Signoli referred to plague epidemics (parochial register of Martigue, Bouches du Rhône, plague of 1720; Signoli, 1998).

 

La répartition par groupes d’âges de l’effectif paléodémographique des individus immatures des Fédons montre des tendances relativement similaires avec le profil obtenu à partir des documents d’archives historiques à la seule exception des valeurs obtenues pour la classe d’âges 5-9 ans. Cette différence n’est toutefois pas statistiquement significative. En revanche, dans l’échantillon de sujets immatures de l’Observance la classe d’âges 0-4 ans est celle qui s’éloigne le plus du profil démographique obtenu à partir des données historiques, avec une sous-estimation égal à 42,94 ‰ (Dutour et al., 1994; Signoli et al., 1997; Dutour et al., 1999). Cette sous-représentation des très jeunes enfants, que se révèle être statistiquement significative (Chi2 = 4,496, p = 0,056), contraste avec d’autres données historiques et biologiques (Hollingsworth et Hollingsworth, 1971; Biraben, 1976; Dutour et al., 1994; Signoli et al., 1997; Signoli et al., 1998; Dutour et al., 1999).

L’“atrophie” des classes d’âges de 0 à 4 ans observée autant dans les collections de Saint Maximin, de Saint Estève le Pont et de l’Hauture que dans le charnier de l’Observance pourrait être expliquée par un processus de conservation différentielle des individus très jeunes, qui entraînerait un processus de représentation différentielle de cette classe d’âges. Dans ce cas, les valeurs de conservation quantitative (ICA = pourcentage des individus ayant une valeur médiane d’ICA supérieure ou égale à 50 % selon les différents groupes d’âges) devraient varier dans le même sens que la représentation des individus immatures selon leur groupe d’âges. Les résultats ne confortent pas complètement cette hypothèse, car la conservation et la représentation paléodémographique des individus immatures ne sont pas systématiquement liées (tableau 3).

 

 

0-4 ans

5-9 ans

10-14 ans

15-19 ans

Saint Maximin

 

 

 

 

ICA

39,4 %

57,1 %

50,0 %

100 %

% des individus

32,9 %

10,0 %

5,7 %

1,4 %

Saint Estève-le-Pont

 

 

 

 

ICA

0

0

33,3 %

66,7 %

% des individus

16,1 %

12,4 %

3,7 %

7,4 %

Hauture

 

 

 

 

ICA

3,2 %

20,0 %

40,0 %

25,0 %

% des individus

39,2 %

12,7 %

6,3 %

5,1 %

Observance

 

 

 

 

ICA

0

57,1 %

57,1 %

81,2 %

% des individus

4,3 %

12,9 %

4,3 %

9,8 %

Tableau 3. Comparaison entre les valeurs de conservation quantitative (ICA) et la représentation des individus immatures par catégorie d’âge dans les collections de Saint Maximin, Saint Estève-le-Pont, Hauture et Observance.

Table 3. Comparison between the API values and the representation of sub-adult individuals according to the different groupes of age in Saint Maximin, Saint Estève-le-Pont, Hauture and Observance series.

 

Aucune corrélation statistiquement significative n’a été mise en évidence entre les valeurs d’ICA et celles de représentation des individus par catégorie d’âge. Ainsi, la conservation différentielle envisagée pour le groupe d’âge 0-4 ans ne semble pas, à elle seule, pouvoir expliquer la sous-représentation des très jeunes enfants.

En ce qui concerne la collection de Saint Estève-le-Pont, l’explication pourrait être fournie par l’existence d’une zone circonscrite de la nécropole constituant un lieu privilégié pour les inhumations des nouveau-nés qui n’a pas encore été fouillé (Thomann et al., 2001b). Rappelons à cet égard qu’aucune limite de la nécropole n’a, pour l’instant, été découverte.

Dans le cas de la collection de l’Observance, l’hypothèse épidémiologique pourrait être la plus pertinente: si la fosse de l’Observance a été creusée et utilisée lors de la rechute épidémique de 1722, la faiblesse de l’effectif des 0-4 ans peut trouver une explication dans la surmortalité juvénile de la première phase épidémique de 1720-1721 et dans le manque de temps que cette classe d’âge a eu pour se reconstituer avant le printemps 1722.

En conclusion, il semblerait que la conservation différentielle mise en évidence pour les individus immatures, en particulier pour les très jeunes enfants, n’ait pas eu une influence réelle sur les reconstitutions paléodémographiques des échantillons observés.

 

 La conservation générale et la paléopathologie

Dans le cadre des études paléopathologiques, la fragmentation et l’altération des surfaces corticales rendent difficile l’interprétation des anomalies osseuses observées. D’une part, le processus taphonomique peut être interprété comme une réelle atteinte pathologique (ce qui augmente la valeur dans les calculs de prévalence), d’autre part, une forte fragmentation osseuse et/ou une mauvaise conservation des surfaces corticales ne permettent pas d’effectuer une diagnose exhaustive (ce qui diminue la valeur dans les calculs de prévalence).

La formation d’une altération pseudopathologique résulte de l’action sur le squelette des différents facteurs qui caractérisent l’environnement de la sépulture. La manifestation la plus ordinaire des forces mécaniques appliquées sur les ossements inhumés est la cassure. Lors de sa décomposition progressive, le cadavre, dont le volume diminue, dégage autour de lui un espace qui donne au squelette la possibilité de modifier la position originelle avec une perte progressive des liaisons articulaires initiales. Les pièces osseuses se retrouvent parfois en déséquilibre, de sorte qu’à l’occasion d’un mouvement ou d’un tassement excessif du sédiment elles peuvent se casser (Thillaud, 1996). Ces cassures affectent préférentiellement les os longs des membres, ainsi que la cage thoracique. En présence de processus taphonomiques qui déterminent une forte fragmentation du matériel ostéologique, peut-on toujours reconnaître une fracture pre-mortem d’une fragmentation taphonomique post-mortem ?

Le problème d’identification d’une lésion traumatique ne se pose pas dans le cas de fractures survenues assez longtemps avant le décès du sujet. Dans ce cas, le diagnostic peut être facilement obtenu au moyen des signes de consolidation et reconstruction osseuse présents sur l’os. En revanche, dans le cas de fractures qui ont précédé de peu la mort ou lui sont contemporaines, le problème d’identification se pose, car ces fractures se distinguent mal des cassures produites peu de temps après le décès du sujet (Fulcheri et al., 1986).

Nous présenterons ici, à titre d’exemple, le cas spécifique d’un individu adulte âgé, de sexe masculin provenant du site de Saint Maximin: l’individu CM 36.

L’individu CM 36 se présente comme généralement bien conservé : ICA médian égal à 50 % et IQO médian égal à 75 %. L’ensemble du rachis de cet individu présente de nombreuses pathologies osseuses en rapport avec un processus arthrosique: une arthrose alto-odontoïdienne, un ostéophyte (type “bec de perroquet”) à prédominance lombaire et une atteinte au niveau du calcaneus qui témoigne d’un processus ostéophytique (Bello, 2001). Notre attention a été portée sur une lésion au niveau de la face ventrale du corps vertébral des deuxième et troisième vertèbres lombaires (figure 6).

 

Figure 6. Entaille observée sur les corps vertébraux de la deuxième et troisième vertèbre lombaire de l’individu CM 36 (collection de Saint Maximin).

Figure 6. Lesion observed on the vertebral bodies of the second and third lumbar vertebrae on the subject CM 36 (Saint Maximin collection)

 

Cette atteinte avait été observée auparavant lors des opérations de terrain. L’entaille, qui ne présente pas de traces de remaniement de l’os, avait été associée à un traumatisme lié à une perforation de l’abdomen avec un instrument contondant (Guyon et al., 1998). Si l’on retient cette hypothèse, une lésion de ce type aurait sectionné l’aorte dans sa partie abdominale et provoqué la mort quasi immédiate de cet individu (Bello, 2001). Toutefois, cette hypothèse doit être nuancée. La lésion de la deuxième vertèbre lombaire semble devoir intéresser aussi la face caudale du corps de la première vertèbre lombaire sus-jacente mais ici aucune trace n’a été révélée. Ceci fait supposer qu’au moment du traumatisme il n’y avait pas de connexion entre la première et la deuxième vertèbre lombaire. D’ulterieures observations conduites sur l’une des vertèbres thoraciques de cet individu montrent la présence d’une entaille d’aspect similaire. La présence de l’entaille sur la partie cervicale du corps vertébral semble exclure l’éventualité d’un traumatisme infligé latéralement et perpendiculairement à la colonne vertébrale. Deux hypothèses sont donc envisageables :

- une double lésion, simultanée, dont aurait été victime cet individu, vraisemblablement un jet de lance pour les vertèbres lombaires et un impact de flèche pour la vertèbre thoracique (ce qui n’explique toutefois pas l’absence de traces sur la face caudale du corps de la première vertèbre lombaire).

- une pseudopathologie traumatique vraisemblablement liée aux opérations de fouille.

Un autre type de pseudopathologie peut être induit par l’altération des surfaces corticales. Il est évident que la fréquence des appositions périostées, de formes et de degrés variés, sera minimisée en cas d’altérations des surfaces corticales.

La pseudopathologie osseuse consécutive à l’action des racines de plantes a été reconnue avant la fin du XIXeme siècle (Le Baron en parle déjà en 1881, cité par Thillaud, 1996). Les empreintes des racines des plantes peuvent, selon les dimensions et les gouttières qui sillonnent la surface de l’os, simuler une anomalie vasculaire ou une hypervascularisation en relation avec une périostite (Thillaud, 1996). L’aspect macroscopique de ces lésions, résultant de l’association de trois conséquences de l’inflammation sur le tissu osseux, peut être dissimulé, à différents niveaux, par des processus taphonomiques. La raréfaction osseuse, qui se manifeste sous la forme d’un amincissement cortical et d’une raréfaction des travées osseuses, pourra être aisément masquée par un processus taphonomique qui induit une dissolution chimique diffuse des surfaces corticales. Par contre, les processus nécrotiques, atteignant surtout l’os compact, permettront une diagnose plus facile, car seul une lyse osseuse chimique avancée pourra effacer ce marqueur. Enfin, dans le cas des réactions sous-périostées, qui prennent la forme d’un épaississement poreux caractéristique dont le volume est souvent assez important pour faire perdre à l’os atteint sa silhouette normale, l’augmentation du volume diaphysaire restera un caractère diagnostique plus difficilement dissimulable alors que l’aspect poreux pourra être dissimulé par une érosion chimique ou biotique (Bello, 2001).

Pourtant, l’observation macroscopique des pathologies infectieuses sera particulièrement difficile dans le cas de collections ostéologiques issues d’un terrain agricole, où les racines des plantes peuvent opérer une dégradation du matériel ostéologique à la fois physique et chimique. D’une part, elles s’insinuent à l’intérieur des os, où elles forcent sur les parois causant une fracturation et fragmentation progressive de l’os. D’autre part, les racines agissent sur la fraction minérale de l’os déterminant une augmentation de l’acidité du sol qui produit une dissolution de la composante minérale de l’os. Ce phénomène de “root etching” (incision, Lyman, 1996) cause une érosion progressive de la portion corticale de l’os et peut aboutir à sa dissolution complète avec perforation osseuse. L’interprétation des observations pathologiques peut dans ces circonstances se révéler trompeuse, spécialement si elle n’est pas accompagnée par des études radiologiques, sérologiques ou microbiologiques. Ces considérations sont d’autant plus importantes dans le cas de comparaisons paléoépidémiologiques entre collections différentes, où les calculs de prévalence pathologique seront biaisés par un mauvais état de conservation.

Afin de montrer l’influence de l’état de conservation des surfaces corticales osseuses sur les études paléoépidémiologiques, nous avons comparé les collections de Fédons, qui affichent des valeurs faibles d’IQO, avec la collection de l’Observance, prise comme référence.

L’échantillon paléodémographique de Fédons présente un très mauvais état de conservation qualitative puisque la valeur médiane de l’indice de conservation est de 25 %; en moyenne les pièces osseuses présentent une surface corticale intacte sur le quart de la surface totale. En revanche, l’état de conservation qualitative de la collection de l’Observance est remarquable: la valeur médiane d’IQO moyen des individus adultes étant égale à 75 % témoigne de sa bonne conservation des surfaces corticales. Seuls 8,2 % des individus adultes de la collection des Fédons présentent des surfaces corticales bien conservées (valeur médiane d’IQO supérieure ou égale à 50 %), alors que dans la collection de l’Observance la quasi totalité des individus presente des surfaces corticales bien conservées (le pourcentage des sujets adultes ayant une valeur médiane d’IQO supérieure ou égale à 50 % étant de 99,2 %). La différence entre ces deux valeurs se révéle être hautement significative (Chi2 = 38,615, p < 0,001).

Nous pensons pouvoir interpréter le très mauvais état de conservation qualitative de la collection des Fédons comme étant la conséquence directe de l’action exercée par la couverture végétale du site.

L’examen macroscopique des deux collections a révélé une distribution des pathologies infectieuses (calculée comme le rapport entre le nombre de pathologies infectieuses observées sur un os donné et le nombre total d’os de ce type dans la série) de 22,2 % dans la collection de l’Observance et de 8,1 % dans la collection de Fédons. La différence entre ces deux distributions est significative sur le plan statistique (Chi2 = 16,28 ; p < 0,01). La forme d’ostéite la plus fréquemment rencontrée est celle des périostites. Ces appositions de formes et de degrés variés ont une distribution semblable dans les deux séries: elles touchent essentiellement les os des membres inférieurs, conformément à une distribution classique en clinique comme en paléopathologie.

La différence des fréquences pathologiques observées peut être expliquée par une conservation qualitative différentielle des deux séries. Les valeurs d’IQO et la fréquence des atteintes périostées observées dans les deux collections vont dans le même sens : une altération des surfaces corticales quasi inexistante pour la série de l’Observance est associée à une fréquence d’atteintes pathologiques plus élevée, alors que pour les séries des Fédons, dans lesquelles l’altération corticale est très importante, l’atteinte périostée est moins fréquemment notée (figure 7).

 

Figure 7. Valeur médiane d’IQO et fréquence des atteintes périostées des différents os dans les collections de Fédons et de l’Observance

Figure 7. Median IQO value and frequence of periosteal reactions observed on the different bones in the Fédons and Observance collections.

 

Conclusion

Cette étude a voulu montrer l’importance de l’évaluation de l’état de conservation d’une collection ostéoarchéologique sur l’acquisition des données anthropologiques.

En particulier, nous avons évalué l’impact de l’état de conservation sur le calcul du nombre des individus constituant l’échantillon paléodémographique. Il a été montré comment le calcul du NMI est strictement lié aux processus de conservation et de fragmentation du matériel ostéologique. Les limitations imposées par un mauvais état de conservation déterminent un rétrécissement de l’échantillon initial avec l’exclusion des fragments non identifiables anatomiquement et l’exclusion des fragments non utilisables pour le calcul du dénombrement car ils ne comprennent pas de caractères discriminants. Ces exclusions sont davantage marquées dans les séries ostéologiques présentant une faible conservation anatomique et une forte fragmentation.

Il a ainsi été reconnu une relation directe entre la conservation et l’âge des individus immatures: le plus mauvais état de conservation anatomique étant celui des très jeunes enfants (0-4 ans), le meilleur revenant aux adolescents (15-19 ans). Ce processus de conservation différentielle âge-dépendant pourrait déterminer une sous-représentation des individus immatures les plus jeunes et ainsi un biais dans les reconstructions paléodémographiques. Toutefois, la conservation différentielle observée pour les individus immatures ne semble pas, à elle seule, avoir eu une influence réelle sur les reconstructions paléodémographiques des échantillons observés.

Enfin, dans le cas d’études paléopathologiques, nous avons mis en évidence, d’une part, de quelle manière les processus de fragmentation peuvent être erronément interprétés comme des pathologies traumatiques et, d’autre part, comment les processus érosifs des surfaces corticales peuvent limiter l’observation des pathologies infectieuses. Dans les deux cas, on assiste à un biais dans le calcul de prévalence pathologique.

En conclusion, il existe de réelles limitations imposées par l’état de conservation sur l’acquisition des résultats anthropologiques et ces limitations peuvent constituer une source d’erreur dans l’interprétation des résultats. Une meilleure connaissance des processus taphonomiques sur l’état de conservation du matériel ostéologique humain devrait permettre de diminuer les discordances entre l’“échantillon ostéologique dont on dispose” et la “population originelle qu’il représente”.

 

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