Hajjaji, M., Khadmaoui, A., El Bakkali, M., 2020. Facteurs socioculturels influençant la transmission du mariage consanguin, en tant que rituel hérité, dans la province Tétouan (Maroc). Antropo, 44, 13-24. www.didac.ehu.es/antropo


 

Facteurs socioculturels influençant la transmission du mariage consanguin, en tant que rituel hérité, dans la province Tétouan (Maroc)

 

Sociocultural factors influencing the transmission of consanguineous marriage, as an inherited ritual, in the province of Tetouan (Morocco)

 

Mohamed Hajjaji, AbdErrazzak Khadmaoui,  Mohamed El Bakkali

 

Laboratory of Genetics and Biometry, Department of Biology, Faculty of Sciences, IbnTofail University, Kenitra, Morocco.

 

Corresponding author: Mohamed Hajjaji, Email: mohamed.hajjaji4@uit.ac.ma

 

Mots clés: Consanguinité, Déterminants, Comportement hérité, Maroc.

 

Keywords: Consanguinity, Determinant, Inherited behavior, Morocco.

 

Résumé

Plusieurs facteurs influencent le choix matrimonial dans la plupart des pays arabes, notamment au Maroc. L’objectif de cette étude est de déterminer l’effet de la  consanguinité chez les grands-parents sur celle des parents à Tétouan, stratifié par des facteurs socioculturels.

 Les données sur 882 couples de la génération des parents et celle des grands-parents ont été collectées en 2017. Nous avons utilisé la procédure de modélisation de la régression logistique multiple.

 Le taux de consanguinité chez les parents est de 23,7%, supérieur à celui des grands-parents paternels qui est de 15% (p ≤ 0,01). Les principales conclusions de la procédure de modélisation de la régression logistique multiple sont les suivantes: 1) Un effet significatif de la consanguinité des grands-parents paternels sur celle des parents lors de l'ajustement pour l'effet combiné du père et de la mère d'origine rurale (aOR = 5,28), du père d'origine rurale et de niveau primaire d'éducation (aOR = 5,55), du père d'origine rurale et analphabète (aOR = 7,77), du père de provenance rurale et mère analphabète (aOR = 4,81), ou grand-mère paternelle analphabète et père de provenance rurale (aOR = 3,96). 2) Un effet significatif de la consanguinité des grands-parents maternels sur celle des parents lors de l'ajustement pour le père de niveau primaire d’éducation (aOR = 2,72), la mère de niveau primaire d'éducation (aOR = 5,25), ou l'effet combiné du père d'origine rurale et la mère de niveau primaire d'éducation (aOR = 7). 3) un effet protecteur combiné du père de provenance rurale et de niveau supérieur d'éducation contre la transmission de la consanguinité (aOR = 0,064) lors du contrôle des grands-parents comme consanguins.

Nos résultats soutiennent l'augmentation du taux de consanguinité au fil des générations. La transmission du mariage consanguin d’une génération à l’autre dépend principalement de l'éducation et du milieu de provenance.

 

Abstract

Several factors influence the matrimonial choice in most Arab countries, especially in Morocco. The objective of this study was to determine the effect of grandparents’ consanguinity on that of parents in Tetouan (Morocco), stratified by socio-cultural factors.

Data were collected on 882 couples from parents’ and grandparents’ generation in 2017. Modeling procedure of multiple logistic regressions was used.

 Consanguinity rate among parents was 23.7%, higher than that of paternal grandparents 15% (P≤0,010). Overall, the major findings of modeling procedure of multiple logistic regression were: 1) Significant effect of paternal grandparents consanguinity on that of parents when adjusting for the combined effect of father and mother of rural provenance (aOR=5.28), father of rural provenance and primary educational level (aOR=5.55), father of rural provenance and illiterate (aOR=7.77), father of rural provenance and illiterate mother (aOR=4.81), or illiterate paternal grandmother and father of rural provenance (aOR=3.96). 2) Significant effect of maternal grandparents consanguinity on that of parents when adjusting for father of primary educational level (aOR=2.72), mother of primary educational level (aOR=5.25), or the combined effect of father of rural provenance and mother of primary educational level (aOR=7). 3) The protective combined effect of father from rural provenance and superior level of education against the transmission of consanguinity (aOR=0.064) when controlling for grandparents as consanguineous.  

Our findings support the consanguinity rate increases through generations. The transmission of this consanguineous marriage from generation to another depends mainly on education and provenance.

 

Introduction

La consanguinité est un cas particulier de relations conjugale, elle est définie comme une union entre deux individus apparentés comme cousins ​​de deuxième degré ou plus proches avec un coefficient de consanguinité (F) supérieur ou égal à 0,0156 (Bittles, 2001). Les populations arabo-musulmanes sont les plus touchées par ce type de mariage, dont les taux peuvent aller de 28 % au Liban jusqu'à 56 % en Arabie Saoudite (El Mouzan et al., 2008 ; El-Kheshen et Saadat, 2013). Au Maroc, ces taux sont également élevés et varient entre 19,81 % dans la région de Gharb-Chrarda-BéniHssen et 26,03 % dans la population de Doukala (Hami et al., 2005 ; Talbi et al., 2008). En fait, cette pratique est encouragée par plusieurs facteurs sociodémographiques et culturels, à savoir l’appartenance au milieu rural et l’analphabétisme (Hami et al., 2009 ; Attazagharti et al., 2006; Talbi et al., 2006). L’âge précoce au mariage est également un facteur déterminant; les femmes qui se marient avant un âge de 18 ans sont plus susceptibles d'accepter cette forme de mariage (Sidi-Yakhlef et Metri, 2013). Il semble que ce comportement matrimonial est transmissible d’une génération à l’autre. Les personnes dont les parents sont consanguins sont plus susceptibles de se marier au sein de la même famille (M’rad et Chalbi, 2004; Bener et Hussain, 2006).

Le développement des connaissances en génétique humaine et en épidémiologie a permis l'identification de maladies dites génétiques. Le risque de ces maladies dépend de deux catégories de facteurs: la relation entre conjoints (Jaouad et al., 2009) et l'existence de troubles héréditaires autosomiques récessifs au sein de la famille (Daher et El-Khairy, 2014). En effet, plus la relation biologique entre les parents est étroite, plus la probabilité que leur progéniture hérite de copies identiques d'un ou de plusieurs gènes nuisibles récessifs est grande (Halim et al., 2013).

Malgré les nombreuses études sur les déterminants de la consanguinité, notamment au Maroc, une estimation valide d'une relation exposition-consanguinité pourrait largement s'écarter de la réalité si les paramètres d'un meilleur modèle n'étaient pas soigneusement choisis. De plus, aucune de ces études n'a pris en compte les facteurs influençant la transmission de ce comportement matrimonial de génération en génération. Afin d'estimer le plus fidèlement possible cette relation causale, nous avons appliqué la procédure de stratégie de modélisation de la régressions logistique multiple pour déterminer les variables explicatives liées à la transmission de ce comportement à travers les générations, et l'effet de la consanguinité des grands-parents paternels et maternels sur la consanguinité des parents, en contrôlant les facteurs démographiques et socioculturels.

 

Matériel et méthodes

Population étudiée

La province de Tétouan au nord du Maroc est située dans une vallée près du détroit de Gibraltar. De par son histoire et sa situation géographique, il a toujours eu un lien culturel très fort avec l'Europe et l'Espagne en particulier. Les individus étudiés sont des Jebala, originaires des montagnes environnantes, et parlaient l'arabe marocain. Selon le recensement général de la population et de l'habitat du Maroc 2014, cette population s'élève à 550 374 habitants. L'agglomération provinciale urbaine compte 397 973 habitants, contre 152 401 habitants en milieu rural. Cette province se caractérise par un taux d'analphabétisme total de 27,5 %, avec 45,2 % en milieu rural contre 21,1 % en milieu urbain (HCP, 2015).

Il s'agit d'une étude rétrospective réalisée en 2017 sur un échantillon de 1500 couples de la génération des parents et celle des grands-parents de 500 étudiantes. Ces étudiantes ont été sélectionnées au hasard parmi celles inscrites à l'Université Abdelmalek Essaadi de Tétouan. Les données ont été collectées par entretien direct, via un questionnaire préétabli, après avoir clarifié l'objectif de l'étude à chaque étudiante interrogée et obtenu son consentement. Après avoir exclu ceux qui refusaient de poursuivre l’entretien et les questionnaires incomplets, nous avons recueilli une quantité d’informations pour un total de 882 couples de la génération des parents et celle des grands-parents paternels et maternels des étudiantes.

 

Méthodologie statistique

Afin de déterminer les variables explicatives liées à la transmission du choix matrimonial dans cette province, une analyse de régression logistique a été réalisée. La consanguinité des parents a été incluse comme variable dichotomique (non consanguine/consanguine). Les variables dans l'analyse univariée ou appelées facteurs de risque de consanguinité des parents ont été introduites dans le modèle de régression logistique multivariée. L'association entre la consanguinité des parents en tant que variable dichotomique et chaque variable étudiée a été étudiée à travers le rapport de cotes (OR) calculé par régression logistique binaire. Dans le modèle 1, le rapport de cotes brut (OR) et les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés pour déterminer si un facteur d'exposition est significativement associé à une variable dichotomique. Le modèle 2 comprend l'analyse multivariée simultanée des facteurs de risque de la consanguinité chez les parents. Le modèle 3 comprend un ajustement de l'effet d'interaction entre la provenance du père de l’étudiante et son niveau d'éducation. Le modèle 4 est en outre ajusté en fonction de la provenance du père selon son niveau de scolarité. Comme modèle final, nous avons calculé l'effet de la consanguinité des grands-parents paternels et maternels sur celle des parents ajusté en fonction des facteurs démographiques et socioculturels. Tous les tests sont bilatéraux et les valeurs de P < 0,05 sont considérées statistiquement significatives.

Les variables du modèle multivarié comprenaient la provenance du père, le niveau d'éducation du père, le niveau d'éducation de la mère, le niveau d'éducation de la grand-mère paternelle, la consanguinité des grands-parents paternels, la consanguinité des grands-parents maternels, l'âge du père au mariage et la provenance de la mère de l’étudiante. L'interaction entre la provenance et le niveau d'éducation du père de l’étudiante a également été étudiée.

La version 13.0 de Stata (Stata Corporation, College Station, TX, USA) a été utilisée pour la gestion des données et l'analyse statistique.

 

Stratégie de modélisation

Le choix des variables explicatives s'est basé sur la connaissance de la consanguinité et des facteurs pouvant l'influencer. Ainsi, les variables qui pourraient avoir une relation avec la consanguinité ont été introduites dans la régression logistique. Un examen approfondi des données de la littérature était indispensable au préalable. Le choix des variables était donc basé sur leur pertinence clinique et sur la connaissance de facteurs de confusion avérés ou supposés. Les variables explicatives, suffisamment liées à la consanguinité, sont alors conservées dans le modèle. Toutes les variables dont le niveau de signification est inférieur à 0,20 pendant l'analyse univariée sont incluses dans le modèle de régression logistique multiple initial. Le seuil de 0,20 permet de prendre en compte des variables, qui pourraient être des facteurs de confusion possible ou des termes d'interaction. Les variables forcées (P > 0,20) ou connues pour être associées à la consanguinité sont également incluses dans l'analyse.

Pour déterminer le meilleur modèle lors de la réalisation de la modélisation mathématique à l'aide de la régression logistique, l'étude s'est concentrée sur une stratégie en trois étapes, (1) la spécification des variables, (2) l'évaluation des interactions et (3) l'évaluation des facteurs de confusion suivie d'une prise en compte de la précision. Le but de cette stratégie est d'obtenir une estimation valide d'une relation exposition-consanguinité qui tient compte de la confusion et de la modification des effets.

 

Résultats

Les résultats de cette étude ont monté que 23,7 % de parents, 17 % de grands-parents paternels et 20,3 % de grands-parents maternels sont des consanguins. Parmi les parents consanguins, 15 % sont des cousins germains, 6,7 % sont des cousins issus de germains et 2 % sont des cousins inégaux. Cependant, chez les grands-parents paternels 6,3 % sont des cousins germains, 6 % sont des cousins issus de germains et 2,3 % sont des cousins inégaux. Alors que chez les grands-parents maternels la proportion de cousins germains est de 7,7 %, 8 % des cousins issus de germains et 1 % des cousins inégaux. Avant de commencer toute stratégie de modélisation la consanguinité des grands-parents paternels, des grands-parents maternels et des parents est classée en cousins germains, cousins inégaux et cousins issus de germains. Dans le premier modèle, nous avons évalué la relation entre chacun de ces trois niveaux de consanguinité chez les grands-parents paternels et maternels et le choix du mariage consanguin parentale. Ainsi, aucune relation significative n'a été observée. Nous avons ensuite regroupé tous les niveaux en une seule modalité (consanguine) pour plus de puissance statistique.

La comparaison intergénérationnelle a montré que la prévalence de la consanguinité des parents (23,7 %) est significativement plus élevée que celle des grands-parents paternels (15 %) (8,70 % ; IC: 2,12 % - 15,21 %, P ≤ 0,010), et tend à la limite de signification avec celle des grands-parents maternels (17,3 %), (6,40 %, IC: -0,36 % - 13,09 %, p = 0,068). Par ailleurs, la comparaison de la prévalence de la consanguinité entre les grands-parents paternels (15 %) et celle des grands-parents maternels (17,3 %) n'a révélé aucune différence significative (2,30 % ; IC: -3,92 % - 8,53 %, P = 0,52).

Sur la base du résultat des modèles bruts (Tableau 1), le niveau secondaire d’éducation du père semble présenter un risque plus élevé d'avoir la consanguinité chez les parents de l'étudiante par rapport au niveau supérieur d’éducation (groupe de référence, car ce groupe est le plus instruit et considéré comme le plus informé sur les risques de consanguinité) (OR = 4,94 ; IC à 95 %: 1,06 - 22,96). Le niveau primaire d’éducation du père a un risque similaire à celui du groupe de référence mais tend vers la limite de signification (OR = 4,16 ; IC à 95 %: 0,94 - 18,42). Le niveau secondaire d'éducation de la mère a une probabilité statistiquement plus faible d'avoir la consanguinité chez les parents par rapport au niveau supérieur (OR = 0,26 ; IC à 95 %: 0,10 - 0,71). Les chances d'avoir la consanguinité chez les parents sont significativement plus élevées (OR = 4,16 ; IC à 95 %: 3,03 – 5,8) lorsque les grands-parents paternels sont des consanguins par rapport aux grands-parents paternels non consanguins. Pour la consanguinité des grands-parents maternels, la comparaison du risque entre les grands-parents maternels consanguins et les grands-parents maternels non consanguins est à la limite de signification (OR = 1,89 ; IC à 95 %: 0,97 - 3,68).

Afin d'étudier d'autres facteurs démographiques et socioculturels simultanément avec l'effet des facteurs de confusion et l'effet modificateur d'effet, liés aux mariages consanguins, une régression logistique multivariée a été utilisée. Lors de la réalisation de la modélisation mathématique, deux meilleurs modèles ont finalement été retenus. Un modèle réduit avec les huit prédicteurs a été ajusté en premier (Tableau 2). Le modèle complet avec neuf variables, comme variables prédictives, a ensuite été ajusté. La statistique du test du chi deux du rapport de vraisemblance logarithmique pour le modèle réduit a indiqué que le modèle global avec les huit prédicteurs est significatif. La statistique du test du  du rapport de vraisemblance logarithmique pour le modèle complet a montré que le modèle global avec les neuf prédicteurs est significatif. Lors de la comparaison des deux modèles, le test du  du rapport de vraisemblance logarithmique a indiqué que le modèle complet est mieux adapté.

 

Consanguinity des parents

OR brut

p-value

IC 95 %

Niveau d’éducation du père de l’étudiante

Supérieur

Ref

 

 

Secondaire

4,94

0,041

1,06 - 22,96

Primaire

4,16

0,060

0,94 - 18,42

Analphabète

3,57

0,114

0,74 - 17,28

Niveau d'éducation de la mère de l'étudiante

Supérieur

Ref

 

 

Secondaire

0,26

0,008

0,10 - 0,71

Primaire

0,65

0,227

0,33 - 1,29

Niveau d'éducation de la grand-mère paternelle de l'étudiante

Supérieur

Ref

 

 

Primaire

1,60

0,330

0,62 - 4,10

Consanguinité des grands-parents paternels

Non

Ref

 

 

Oui

4,16

0,000

3,03 - 5,88

Consanguinité des grands-parents maternels

Non

Ref

 

 

Oui

1,89

0,058

0,97 - 3,68

Âge du père au mariage

0,97

0,426

0,92 - 1,03

La provenance du père

Urbain

Ref

 

 

Rural

1,51

0,180

0,82 - 2,80

La provenance de la mère

Urbain

Ref

 

 

Rural

1,62

0,100

0,90 - 2,93

Table 1. Associations entre les variables étudiés  et la consanguinité des parents sur la base des odds ratios de la régression logistique brute (OR brut).

Table 1. Associations between the variables under the study and parents' consanguinity based on crude logistic regression odds ratios (Crude OR).

 

Une analyse de la régression logistique multiple a été menée pour estimer la probabilité de la consanguinité des parents (variable dépendante) à partir de huit variables prédictives et d’une variable résultant de l’interaction entre deux variables (Tableau 3). Dans le modèle final , les facteurs de risque: provenance du père, niveau d’éducation de la mère, niveau d’éducation du père, consanguinité des grands-parents paternels et l'interaction entre le niveau d’éducation du père et sa provenance sont significativement liée à la prévalence de la consanguinité des parents. La probabilité que les parents sont consanguins quand le père est de provenance rurale est 0,06 (aOR = 0,06; IC: 0,01 - 0,76) fois plus élevée par rapport au groupe de référence (père de provenance urbaine), lorsque les autres prédicteurs sont constants. Le rapport de cote en faveur de la consanguinité des parents pour le père analphabète est 3,84 (aOR = 3,84; IC: 1,26 - 11,11) fois plus élevée par rapport au groupe de référence (supérieur), en tenant compte de tous les autres variables. De même, la probabilité en faveur de la consanguinité des parents est 4,89 (aOR = 4,89; IC: 1,61 - 14,82) fois plus élevée chez les grands-parents paternels consanguins par rapport au groupe de référence (grands-parents paternels non consanguins). Pour une mère analphabète la probabilité d’avoir la consanguinité chez les parents est 4,13 fois (aOR = 4,13; IC: 1,80 - 9,51) plus élevée par rapport au groupe de référence, en contrôlant tous les autres prédicteurs. Notre analyse a monté aussi qu’il y a une relation significative entre la consanguinité des parents et le niveau d’éducation du père et sa provenance. L'estimation du rapport de cotes pour le père de provenance rurale par rapport à la provenance urbaine parmi les pères ayant un niveau d'éducation supérieur, secondaire, primaire et analphabète est présentée dans le tableau 4. Ainsi, l'effet combiné du père de provenance rurale et du niveau supérieur d'éducation montre une association significativement négative avec la probabilité d’avoir un mariage consanguin (aOR = 0,06; IC: 0,01 - 0,76).

 

Parents' consanguinity

aOR

p-value

IC à 95%

Provenance du père

0,70

0,550

0,22 - 2,23

Niveau d’éducation du père

0,68

0,240

0,36 - 1,28

Niveau d’éducation de la mère

3,01

0,002

1,48 - 6,11

Niveau d’éducation de la grand-mère paternelle

0,36

0,160

0,09 - 1,48

Consanguinité des grands-parents paternels

5,10

0,004

1,70 - 15,28

Consanguinité des grands-parents maternels

0,68

0,500

0,23 - 2,10

Age du père au mariage

0,98

0,590

0,91 - 1,05

Provenance de la mère

1,00

0,990

0,30 - 3,33

Tableau 2. Rapport de cotes ajusté de la consanguinité des parents (odds ratios et IC à 95 %), , aOR : odds ratio ajusté ; IC : Intervalle de Confiance .

Table 2. Adjusted odds ratio of parents’ consanguinity (Odds ratios and 95 % CI), , aOR: Adjusted Odds Ratio, CI: Confidence Interval.

 

Parents' consanguinity

aOR

p-value

IC à 95%

Provenance du père

0,06

0,030

0,01 - 0,76

Niveau d’éducation du père

0,26

0,018

0,09 - 0,79

Niveau d’éducation de la mère

4,13

0,001

1,80 - 9,51

Niveau d’éducation de la grand-mère paternelle

0,35

0,150

0,08 - 1,46

Consanguinité des grands-parents paternels

4,89

0,005

1,61 - 14,82

Consanguinité des grands-parents maternels

0,67

0,500

0,21 - 2,11

Age du père au mariage

0,98

0,720

0,91 - 1,06

Age de la mère au mariage

0,86

0,820

0,24 - 3,089

Provenance du père × Niveau d’éducation du père

4,20

0,030

1,15 - 15,31

Tableau 3. Rapport de cotes ajusté de la consanguinité des parents (odds ratios et IC à 95 %), , aOR: odds ratio ajusté, IC: intervalle de confiance.

Table 3. Adjusted odds ratio of parents’ consanguinity (Odds ratios and 95 % CI), , aOR: adjusted odds ratio, CI: Confidence Interval.

 

                                      Consanguinité des parents

aOR

p-value

IC à 95%

Père de provenance rurale et de niveau d’éducation supérieur

0,06

0,030

0,01 - 0,76

Père de provenance rurale et de niveau d’éducation secondaire

0,27

0,089

0,06 - 1,22

Père de provenance rurale et de niveau d’éducation primaire

1,14

0,840

0,30 - 4,33

Père de provenance rurale et du niveau d’éducation analphabète

4,79

0,150

0,55 - 41,39

Tableau 4.: Odds ratios ajustés de la consanguinité des parents (odds ratios et IC à 95 %) pour la provenance du père selon le niveau de d’éducation. aOR : Odds ratios ajustés ; IC : Intervalle de confiance.

Table 4. Adjusted Odds ratios of parents’ consanguinity (Odds ratios and 9 5% CI) for father's provenance among level of education. . aOR: Adjusted odds ratios; CI: Confidence interval.

 

Les résultats du tableau 5 n’est pas un seul modèle, nous avons attribué un modèle à chaque ligne. Nous avons testé l’effet de la consanguinité des grands-parents paternels et des grands-parents maternels sur celle des parents, en contrôlant les facteurs démographiques et socioculturels.

Selon les résultats du tableau 5 les variables significativement associées à l’augmentation de la probabilité des mariages consanguins des parents, sont la consanguinité des grands-parents paternels ajustée pour le père d’un niveau d'éducation primaire (aOR = 4,72; CI: 1,89 - 11,80) , père analphabète (aOR = 9,00; CI: 1,94 - 41,65), mère analphabète (aOR = 3,33; CI: 1,50 - 7,38), mère de provenance rurale (aOR = 4,39; CI: 1,96 – 9,80), ou père de provenance rurale (aOR = 5,76; CI: 2,58 - 12,81). Lorsque on a étudié l’effet de la consanguinité des grands-parents paternels sur celle des parents, le risque de la consanguinité des parents est augmentée de 5,28 fois en tenant compte du père et de la mère d'origine rurale (aOR = 5,28; CI: 2,25 - 12,39), de 5,55 fois lorsque le père est d'origine rurale et de niveau primaire d'éducation (aOR = 5,55; CI: 1,99 - 15,42) ou de 7,77 fois lorsque le père est d’origine rurale et analphabète (aOR = 7,77; CI: 1,44 - 41,77). Si le père est d'origine rurale et la mère est analphabète, les parents ont 4,81 fois plus de risque d’avoir un mariage consanguin (aOR = 4,81; IC: 1,91 - 12,10). L'analyse multivariée de l’effet de la consanguinité des grands-parents paternels sur le choix du mariage consanguin des parents quand la grand-mère paternelle est analphabète et le père ou la mère est de provenance rurale, les résultats ont indiqué des risques de 3,96 et 2,88 fois que les parents sont consanguins (aOR = 3,96; IC: 1,67 - 9,41; aOR = 2,88; CI: 1,21 - 6,83, respectivement). Quand l'âge du père au mariage est entre 21 et 30 ans et la mère est d'origine rurale, le risque de consanguinité des grands-parents paternels sur la consanguinité des parents est de 6,92 fois (aOR = 6,92; IC: 1,79 - 26,69). En revanche, la consanguinité des grands-parents maternels ajustée sur le niveau d’éducation primaire du père, le niveau primaire d’éducation de la mère ou l'origine rurale du père présente 2,72, 5,25 et 2,19 fois plus de risque pour avoir des parents consanguins ( aOR = 2,72; IC: 1,12 - 6,61; aOR = 5,25; CI: 1,40 - 19,10; aOR = 2,19; CI: 1,02 - 4,71, respectivement). Cependant, si le père est d'origine rurale et la mère a un niveau primaire d’éducation, ce risque augmente jusqu'à sept fois (aOR = 7,00; IC: 1,49 - 32,72).

 

Consanguinité des parents

Consanguinité des grands-parents paternels

Consanguinité des grands-parents maternels

 

aOR

p-value

IC à 95 %

aOR

p-value

IC à 95 %

Nep. Sec

1,07

0,927

0,24 - 4,66

0,96

0,951

0,25 - 3,54

Nep. Prim

4,72

≤ 0,001

1,89 - 11,80

2,72

0,027

1,12 - 6,61

Nep.Ana

9,00

0,005

1,94 - 41,65

3,70

0,218

0,46 - 29,63

Nem. Prim

3,60

0,090

0,80 - 15,85

  5,25

0,012

1,40 - 19,10

Nem.Ana

3,33

0,003

1,50 - 7,38

1,21

0,660

0,50 - 2,94

Pum

3,39

0,056

0,96 - 11,89

1,33

0,650

0,38 - 4,62

Prm

4,39

≤ 0,001

1,96 - 9,80

2,05

0,083

0,90 - 4,63

Pup

1,71

0,465

0,40 - 7,28

0,73

0,710

0,14 - 3,69

Prp

5,76

≤ 0,001

2,58 - 12,81

2,19

0,045

1,02 - 4,71

Pup×Pum

1,80

0,500

0,32 - 10,12

0,61

0,650

0,06 - 5,36

Prp×Pum

11,40

0,053

0,96 - 134,54

1,80

0,510

0,31 - 10,38

Pup×Prm

1,40

0,820

0,07 - 28,11

0,60

0,710

0,04 - 8,73

Prp×Prm

5,28

≤ 0,001

2,25 - 12,39

2,27

0,060

0,96 - 5,36

Prp× Nep. Sec

2,87

0,320

0,34 - 23,91

2,25

0,357

0,40 - 12,61

Prp× Nep. Prim

5,55

≤ 0,001

1,99 - 15,42

2,42

0,078

0,90 - 6,48

Prp× Nep.Ana

7,77

0,017

1,44 - 41,77

3,00

0,300

0,36 - 24,50

Prp× Nem. Prim

6,85

0,055

0,95 - 49,03

7,00

0,013

1,49 - 32,72

Prp× Nem. Ana

4,81

≤0,001

1,91 - 12,10

1,33

0,570

0,48 - 3,68

Prp× Negmp. Ana

3,96

0,002

1,67 - 9,41

1,44

0,407

0,60 - 3,44

Prm× Negmp. Ana

2,88

0,016

1,21 - 6,83

1,72

0,214

0,72 - 4,08

21≤Apm≤30 ans× Prm

6,92

0,005

1,79 - 26,69

1,75

0,380

0,49 - 6,19

Tableau 5. Odds ratio ajusté de la consanguinité des parents (odds ratios et IC à 95 %) pour la consanguinité des grands-parents paternels et des grands-parents maternels parmi les facteurs socioculturels. Pup: provenance urbaine du père; Prp: provenance rurale du père; Nep: Niveau d'éducation du père; Sup: supérieur; Sec: secondaire; Prim: primaire; Ana: analphabète; Nem: Niveau d'éducation de la mère; Pum: provenance urbaine de la mère; Prm: provenance rurale de la mère ; Negmp: niveau d'éducation de la grand-mère paternelle; Apm: âge du père au mariage; aOR: odds ratio ajusté; IC: intervalle de confiance.

Table 5. Adjusted OR of parents’ consanguinity (Odds ratios and 95 % CI) for  paternal grandparents and maternal grandparents consanguinity among socio-cultural factors. Pup: Father's urban provenance; Prp: Father's rural provenance; Nep: Level of education of the father; Sup: superior; Sec: secondary; Prim: primary; Ana: illiterate; Nem: Level of education of the mother; Pum: Mother's urban provenance; Prm: Mother's rural provenance Negmp: Level of education of the  paternal grandmother; Apm: Father's age at marriage; aOR: adjusted odds ratio; CI: Confidence Interval.

 

Discussion

Le mariage consanguin est un comportement profondément ancré dans les normes culturelles de la société musulmane en général et dans la population de la province de Tétouan (Maroc) en particulier. Dans cette étude, la consanguinité est estimée à 23,7 % dans la génération des parents des étudiantes, ce qui est considéré comme un pourcentage élevé. Cependant, cette prévalence, qui se rapproche celles trouvées dans la région de l'Ouest (24,8 %) (Attazagharti et al., 2006) et la région du Nord (24,37 %) (Ossmani et al., 2018), est légèrement plus élevée par rapport à d'autres études au Maroc, où la prévalence des mariages consanguins varie entre 20 % et 22 % (Hami et al., 2009; Latifi et al., 2009). Le pourcentage indiqué dans notre étude est inférieur à celui de la plupart des pays arabes: Arabie saoudite, Tunisie, Qatar, Égypte, Algérie, Liban et Koweït, où la consanguinité varie entre 29,8 % à 56 % (Abdulrazzaq et al., 1997; M'rad et Chalbi , 2004; Bener et Hussain, 2006; Bener et al., 2007; El Mouzan et al., 2008; Mansour et al., 2010; Halim et al., 2013; Bignon et Elgaaied, 2015; Saoudi et al., 2015 ; Bener et Mohammad, 2017). Dans d'autres pays musulmans d'Asie centrale la prévalence des mariages consanguins est très élevé, et peut aller jusqu'à 62 % (Jabeen et Malik, 2014; Khan et Mazhar, 2018).

Malgré les changements radicaux que la région a connus en termes de développement social et culturel et la modernisation accrue, ainsi que sa situation géographique, très proche de l'Europe où la prévalence consanguine est très faible 1 – 4 % (Bittles et Black, 2010), nos résultats montrent une tendance aux mariages consanguins croissante de génération en génération dans cette population. Cette tendance croissante est observée au Maroc (Talbi et al., 2008), en Arabie Saoudite (Warsy et al., 2014), au Qatar (Bener et Alali, 2006) et dans le nord-est du Brésil (Lima et al., 2019), où la prévalence de la consanguinité augmente on passants de la génération des grand parents à la génération des parents. Parce que le choix matrimonial pour un couple présente une forte dépendance de celui de ses parents (M’rad et Chalbi, 2004; Bener et al., 2007). Cependant, d’autres études ont enregistrés une baisse du taux de mariages consanguins d’une génération à la suivante (Benkou et al., 2018 ; Sharkia et al., 2015).

En effet, pour déterminer les variables qui affectent le choix du mariage consanguins chez les parents des étudiantes dans la province de Tétouan, des caractéristiques démographiques et socioculturelles de la population ont été étudiées. D'après les résultats de l'analyse bivariée (rapport de cotes brut) seules trois variables : le niveau d'éducation du père de létudiante, le niveau d'éducation de sa mère et la consanguinité de ses grands-parents paternels, semblent avoir un impact sur le choix matrimonial des parents. L'analyse multivariée a révélé une association entre la consanguinité des parents de l’étudiante et d'autres variables: consanguinité des grands-parents paternels, provenance du père, niveau d'éducation du père, niveau d'éducation de la mère et l’effet combiné du niveau d'éducation et de la provenance du père l’étudiante.

Lors de la vérification de l'association de la variable «état matrimonial des parents» et la variable «état matrimonial des grands-parents paternels», les résultats ont montré une augmentation de la consanguinité 4,89 fois plus élevée chez les couples où les parents du père sont également des consanguins par rapport aux non consanguins. Cela témoigne l’ancrage de cette pratique dans le système matrimonial de génération en génération. Les enfants suivent le choix de leurs parents quand ils choisissent le future conjoint (Bener et Hussain, 2006; Bener et al., 2007; Shawky et al., 2011). Dans d'autres cas, les parents conseillent leurs fils et filles de choisir leur conjoint dans le cercle familial (Sidi-Yakhlef et Metri, 2013; Jabeen et Malik, 2014). Ces résultats ont montré l’impact de l’environnement socioculturel sur les flux génétiques des populations humaines (M’rad et Chalbi, 2004). Pour de nombreuses populations, la tendance des mariages consanguins garantit une stabilité de la vie conjugale pour les deux époux (Talbi et al., 2006; Tadmouri et al., 2009; Saadat, 2015) et réduit les divorces (Bhopal et al., 2014). Cette stabilité est justifiée par des facteurs socioculturels, tels que la facilité des arrangements matrimoniaux, les meilleures relations avec la belle-famille (Hamamy et al., 2011), la familiarité entre les beaux parents et les mariés et la continuité de la culture et de la manière de vie (Sandridge et al., 2010), le degré de compatibilité sociale (Bittles, 2001), et la facilité de s'intégrer dans le nouvel environnement et répondre aux exigences du partenaire (Talbi et al., 2006).

Plusieurs enquêtes suggèrent que le milieu de vie rural est un facteur déterminant dans le choix du mariage consanguin (Alper et al., 2004; Attazagharti et al., 2006; Talbi et al., 2006; Shawky et al., 2011; Islam, 2018). Dans nos modèles aussi, l'analyse a montré qu’il y a une association entre la consanguinité et la provenance du père de l’étudiante. En considérant l'effet modificateur du niveau d'éducation du père, un père d'origine rurale et d’un niveau d'éducation supérieur diminuent 15,6 fois les chances d'avoir un mariage consanguin par rapport à un père de provenance urbaine. Ce résultat souligne aussi l'importance de l'éducation dans la perpétuation et la transmission des traditions et des valeurs collectives à travers les générations.

Chez les conjoints de cette étude le niveau de scolarité est un facteur important dans le choix du futur conjoint. En fait, cette variable a été citée par plusieurs auteurs comme variable explicative de ce comportement matrimonial (Benhamadi, 1996; Bittles, 2001; Attazagharti et al., 2006; Bener et Hussain, 2006; Talbi et al., 2006; Bener et al., 2007; Chalbi, 2009; Metgud et al., 2012). Les résultats montrent qu’un faible niveau d’instruction augmente le risque d’avoir un mariage consanguin chez les parents des étudiantes. Un père ou une mère analphabète ont presque 4 fois de chance d’avoir un mariage consanguin par rapport à ceux qui ont un niveau supérieur d’éducation (universitaire). Cela peut s'expliquer par le fait que l'analphabétisme présent un champ approprié pour la prépondérance des valeurs culturelles traditionnelles limitant les perspectives du groupe. Plus les individus sont analphabètes, plus ils sont attachés aux traditions de leurs ancêtres, ce qui limite la possibilité de voir au-delà du clan (Talbi et al., 2006). La relation entre un faible niveau d'éducation (niveau secondaire ou inférieur) et le choix du mariage consanguin peut être due à la connaissance faible de la population vis-à-vis des répercussions de cette pratique sur la santé de la progéniture, puisque ces concepts ne sont pas discutés au Maroc sauf à des niveaux supérieur d'enseignement.

La relation entre l’état de conscience des individus ayant un niveau d'éducation supérieur et le risque d'avoir un mariage consanguin a été abordé avec les enquêtés de cette étude (étudiantes), qui ont toutes un niveau d'éducation universitaire. Parmi les enquêtés  87 % sont contre le mariage avec un proche et 57,1 % d'entre eux justifient leurs choix par le fait que la consanguinité peut provoquer des maladies génétiques chez la progéniture. Ces résultats reflètent l'importance de la connaissance des effets de la consanguinité sur le profil de la santé lors du choix du futur conjoint. Des études dans différents pays ont confirmé l'importance de la connaissance et le niveau de sensibilisation dans la décision matrimoniale. Dans ces pays, la plupart des couples consanguins ignorent l’implication de la consanguinité dans les maladies autosomiques récessives (Sandridge et al., 2010; Lima et al., 2019). En Arabie saoudite, Mahboub et al (2019) ont souligné l’existence d’une relation entre un niveau supérieur d'éducation et une bonne connaissance des effets du mariage consanguin. En Jordanie également, les femmes exposées aux médias de masse (comme la radio, la télévision et les journaux) sont moins susceptibles d'avoir un mariage consanguin que les femmes n'ayant aucune exposition à aucun média (Islam, 2018).

En testant l’effet de la consanguinité des grands-parents paternels et maternels sur le choix du mariage consanguin chez les parents de l’étudiante, en tenant compte des facteurs démographiques et socioculturels, nous avons constaté que:

1- Les modèles en faveur de la consanguinité chez les parents de l'étudiante lorsque les grands-parents paternels sont des cousins sont les suivants: un père du niveau primaire d’éducation, un père analphabète, une mère analphabète, une mère d'origine rurale, un père d'origine rurale, l’effet combiné du père et de la mère d'origine rurale, du père d'origine rurale et du niveau primaire d'éducation, du père d'origine rurale et analphabète, du père d'origine rurale et de la mère analphabète, de la grand-mère paternelle analphabète et du père d’origine rurale, de la grand-mère paternelle analphabète et de la mère d'origine rurale, et d’âge du père au mariage entre 21 et 30 ans et la mère d'origine rurale.

2- À l'inverse, seuls 4 modèles sont favorables à la transmission de ce comportement des grands-parents maternels aux parents de l'étudiante: un père du niveau primaire d’éducation, une mère du niveau primaire d’éducation, un père d'origine rurale et l’effet combiné du père d'origine rurale et de la mère de niveau primaire d'éducation.

Le choix matrimonial, dans cet échantillon, présente surtout pour le père, une forte dépendance à celui de ses parents. Ces résultats ont montré l'importance de l'analphabétisme et d'un environnement social défavorisé (rural) dans la transmission de cette tradition de mariages consanguins au sein de cette population. Selon M’rad et Chalbi (2004), quand il s’agit de mariage, les individus ont tendance à se conformer à un modèle collectif, quel que soit le degré de conscience qu’ils ont des conséquences. En Turquie, le risque de consanguinité est 3,8 fois plus élevé pour une femme analphabète ou n'avait pas terminé l'école primaire (Çiçeklioğlu et al., 2013). Cependant, à Tétouan le niveau universitaire d'enseignement et l'appartenance à un environnement social sophistiqué (urbain) peuvent changer ce modèle collectif et constitue une opportunité pour des choix plus exogames, et faire une rupture avec les coutumes traditionnelles liées au mariage consanguin et à son héritage à travers les générations. Cela confirme les résultats indiquant qu'un faible niveau d'éducation et l’appartenance rurale augmentent le risque d'avoir un mariage consanguin. En Jordanie, un niveau d'éducation plus élevé et un taux d'urbanisation croissant sont apparus comme des prédicteurs du déclin de la consanguinité (Islam, 2018). Ce qui peut être attribué à la prépondérance de l'analphabétisme dans les zones rurales et dans les milieux marginalisés, où les conditions de vie et l'accès à un niveau d'éducation élevé sont difficiles. Car  les conditions sociales défavorables jouent un rôle prédominant dans la détermination du choix du mariage consanguin (Benhammadi, 1996; Bhopal et al., 2014).

 

Conclusion

On estime que la prévalence de la consanguinité est élevée dans la province de Tétouan et augmente de la génération des grands-parents à la génération des parents. Le mariage consanguin dans cette province du Nord du Maroc est un comportement hérité. Et sa transmission de génération en génération dépend de deux facteurs principeaux: le niveau d'éducation et le lieu où les gens naissent et passent leur enfance (milieu d’origine). L’héritage de ce comportement augmente l'homozygotie chez la progéniture conduisant à une augmentation du risque de maladie autosomique récessive. Les enfants à l’école et les parents devraient donc être éduqués et sensibilisés aux inconvénients des mariages consanguins, en particulier dans les zones rurales où les élèves abandonnent l'école à un âge précoce, par des programmes appropriés.

Cette étude illustre l'utilité des techniques statistiques multivariées dans l'analyse et l'interprétation d'un ensemble de données complexes, et dans l'identification et la compréhension des variables explicatives liées à la transmission de ce comportement à travers les générations. Sur la base des résultats obtenus à partir de cette étude, il est possible de concevoir une stratégie d'échantillonnage optimale et ces résultats devraient être pris en compte pour la planification et la gestion futures de la zone d'étude.

 

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