Oumar, A.A., Abdoulaye, A., Sangare, N., Konaté, I., Cissoko, Y., Sangho, F., Dembele, J.P., Dao, S., 2019. Prescription médicamenteuse chez la femme enceinte au centre de santé communautaire de Bacodjicoroni, Bamako. Antropo, 41, 31-38. www.didac.ehu.es/antropo


 

Prescription médicamenteuse chez la femme enceinte au centre de santé communautaire de Bacodjicoroni, Bamako

 

Prescription of drug during pregnancy in rural health center of Bacodjicoroni, Bamako

 

Aboubacar Alassane Oumar1, Amadou Abdoulaye2, Nouhoum Sangare1, Issa Konaté3, Yacouba Cissoko3, Fanta Sangho4, Jean Paul Dembele3, Sounkalo Dao1,3

 

1 Faculté de Médecine, et d’Odontostomatologie, Bamako-Mali

2 Centre de Santé communautaire de Bacodjicoroni, Bamako,Mali

3  Service de Maladies infectieuses CHU, Point G, Bamako, Mali.

4  Direction de la Pharmacie et du Médicament, Bamako, Mali

 

Auteur correspondant: Dr Aboubacar Alassane Oumar. Faculté de Médecine et d’Odontostomatologie.  Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako BP1805, Bamako. aao@icermali.org

 

Mots clés:, Médicaments, Grossesse, Pharmaco épidémiologie, Mali. 

 

Keywords: Drugs, Pregnancy, Pharmacoepidemiology, Mali.

 

Résumé

Objectif : L’objectif de cette étude  était de décrire la consommation de médicaments chez les femmes enceintes au Mali dans une structure de premier niveau de la pyramide sanitaire.

Méthodes : Nous avons mené une étude prospective par l’observation non participative sur 205 femmes enceintes au centre de santé communautaire  de Baco-djicoroni en commune V de District de Bamako du 22 février 2007 au 27 avril 2007 à partir d’un questionnaire.

Résultats : Un total de 205 femmes a répondu au questionnaire. Elles étaient de niveau d’instruction et de profession diverse avec absence de niveau d’instruction supérieur. L’âge des gestantes se situait entre 15 et 24 ans (54,2%). Les multigestes étaient les plus présentes soit 67,8%. Les pathologies non gynéco-obstétriques étaient dominantes (36,1%). La consultation prénatale a été le motif de consultation la plus fréquente (91%). Les ordonnances  de qualité mauvaise ont été les plus représentées (98 ,5%). Les  antianémiques/Vitamines étaient  les plus  prescrits (30%). Plus de 81,5% des médicaments prescrits étaient en DCI. Le prix des ordonnances variait entre 100 à 1500 FCFA étaient le plus représentées soit 50,2%. Les ordonnances comportant 1 à 3 médicaments étaient les plus représentées soit 63,9%. Les Médicaments potentiellement dangereux prescrits étaient de 18 cas. Une faible participation des sages-femmes dans la prescription des médicaments par rapport aux auxiliaires de la santé.

Conclusion : Cette étude  montre que les femmes maliennes ont pris des médicaments pendant leur grossesse. Les antianémiques/vitamines étaient les plus prescrits. Nous recommandons la formation des agents de santé en  thérapeutique.

 

Abstract

Aim :  The objective of this study was to describe the consumption of medicines in pregnant women in Mali in a first level structure of the health pyramid.

Methods : We carried out a prospective study using non-participatory observation of 205 pregnant women at the Baco-djicoroni community health center in commune V of Bamako District from 22 February to 27 April 2007 from a questionnaire.

Results : A total of 205 women responded to the questionnaire. They were of different educational level and occupation with no higher level of education. The gestational age was between 15 and 24 years (54.2%). Multigestes were the most prevalent at 67.8%. Non-gynecological obstetric pathologies were dominant (36.1%), and antenatal consultation was the most common reason for consultation (91%). Orders of poor quality were the most represented (98.5%). Antianaemic/Vitamins were the most prescribed (30%). More than 81.5% of the prescribed drugs were in DCI. The price of prescriptions varied between 100 to 1500 FCFA was the most represented (50.2%). Prescriptions with 1-3 drugs were the most represented at 63.9%. The potentially dangerous drugs prescribed were 18 cases. Low participation of midwives in the prescription of drugs compared to health auxiliaries.

Conclusion : This study shows that Malian women took medication during pregnancy. Anti-anemia / vitamins were the most prescribed. We recommend the training of therapeutic health workers.

 

Introduction

Les prescriptions médicales chez la femme enceinte posent toujours la problématique des risques médicamenteux chez l’embryon ou le fœtus qui constituent un compartiment pharmacocinétique supplémentaire lié à la distribution transplacentaire des médicaments (Kone et al, 1996).

 Si un médicament s’avère sans répercussion toxique pour la femme enceinte, il n’en est pas de même pour l’embryon ou le fœtus en raison des périodes d’organogenèse et de faiblesse des organes de détoxification de cet organisme qui reçoit le médicament (Garcia et al, 2000).  Tous les médicaments sont contre indiqués pendant la grossesse. Cette précaution tient surtout dans l’impossibilité éthique de faire de la femme enceinte un sujet d’étude. En effet il n’est pas imaginable d’étudier les risques de malformations d’un médicament sur l’embryon humain dans les conditions réelles.  Dans certains cas particuliers, prendre des mesures préventives : la prise d’acide folique 5 mg/Jour dès la période pré conceptionnelle peut réduire le risque accru d’anomalies de fermeture du tube neural liées à la prise de toute substance possédant une activité anti-folique (certains antiépileptiques et antibiotiques) (Guérin et al, 2016).  En dehors des risques toxiques, les prescriptions non rationalisées posent des problèmes économiques par leurs caractères onéreux au niveau de la patiente (Kone et al, 1996).  L’effet tératogène  ou foetotoxique qu’un médicament peut exercer est fonction du stade de développement de l’enfant à naître. Au delà de cette période, une exposition à un médicament tératogène pendant l’organogenèse (1er trimestre) peut aboutir à des anomalies morphologiques majeures. Les expositions aux 2e et 3e trimestres exposent avant tout à un risque de foetotoxicité. Elles  ne doivent pas être banalisées puisqu’elles ont été associées à des troubles fonctionnels, à des anomalies morphologiques ou des perturbations de croissance (Guérin et al, 2016). Une étude épidémiologique prospective, descriptive de la prescription médicamenteuse  au cours de la grossesse a été menée sur une population de 214 femmes en France, 90% des femmes ont eu au moins une prescription  avec une moyenne de 11,5 médicaments par femme (Garcia et al, 2000). Au Mali, seule la prescription de la chloroquine et de la sulfadoxine-pyrimethamine a été évaluée chez la femme enceinte au cours des consultations prénatales (Kayentao et al, 2005). Aucune étude n’a été faite de façon globale sur la prescription  médicale chez la femme enceinte au Mali d’où le but de la présente étude au CSCOM de Bacodjicoroni d’étudier la prescription médicamenteuse chez la femme enceinte.

 

Patients et Méthodes

Site de l’étude : Le quartier de Baco-djicoroni est situé au Sud-Ouest du District de Bamako, en commune V. Il a fallu attendre l’avènement des centres de santé communautaires (CSCOM) avec la création des associations de santé communautaire (ASACO) dans le cadre de la politique sectorielle de santé du Mali, pour que ce dispensaire soit transformé en CSCOM qui a ouvert ses portes le 1er mars 1993.   La population actuelle de l’aire de santé de Baco-djicoroni est de 41 759 habitants (Maiga, 2004). C’est une étude prospective par l’observation non participative non dissimulée sur 205 femmes enceintes venues en consultation. L’enquête s’est déroulée du 22 février 2007 au 27 avril 2007. La population d’étude était constituée des gestantes :

- qui ont reçu une prescription au cours d’une consultation prénatale régulière ;

- qui sont venues en consultation pour pathologie au cours de la grossesse. 

 Les prescripteurs : étaient des praticiens qui ont délivré une prescription à une gestante au moment de l’enquête. Toutes les femmes enceintes venues pour la CPN ou pour pathologie sur grossesse pendant la période ont été retenues dans notre échantillon.

 Les critères d’inclusion : ont été les femmes enceintes qui ont reçu une prescription médicale, et qui ont accepté de participer à l’étude.

Les critères de non inclusion : ont été les femmes enceintes qui n’ont pas reçu de la prescription médicale ; les femmes enceintes qui  n’ont pas donné leur consentement  ; les femmes non enceintes.

Pour l’ordonnance :  la qualité, appréciée telle que ci-après

 * Bonne : si elle comporte la date, le nom de la patiente, son poids, son âge, le dosage galénique, le nombre d’unité, la posologie, et la signature  et/ou le nom du prescripteur; le cachet du prescripteur 

* Mauvaise : s’il  manque un de ces éléments ci- dessus cités.

 Pour avoir le coût des ordonnances, nous avons demandé aux femmes enceintes de revenir nous montrer le coût de leurs ordonnances après l’achat des médicaments ou après qu’elles aient pris le prix des ordonnances. Cependant certaines gestantes retournaient directement  chez eux sans revenir nous montrer le coût de la prescription ce qui nous a amené à aller chercher dans le dépôt de vente de médicaments le prix de tous les médicaments vendus dans le CSCOM. Les données recueillies ont été  saisies et analysées sur le logiciel EPI info version 6 de L’OMS /CDC pour une description qualitative des patientes, des prescripteurs, des médicaments prescrits, de la relation patiente médicament prescrit, prescripteur médicament prescrit et du coût. Toutes les femmes enceintes sur lesquelles l’étude fut réalisée ont donné leur consentement verbal après avoir été informées sur le but et la méthodologie de l’enquête. Pour les gestantes de moins de 18 ans c’est l’assentiment des parents qui a été obtenu.  La discrétion était de règle au cours des interviews. Seuls la gestante, le prescripteur de l’ordonnance et l’enquêteur y ont pris part.

 

Resultats

La tranche d’âge 15-24 était la plus représentée soit 54,2% de cas. La moyenne d’âge était de 23,9 ans avec des extrêmes allant de 15 à 38 ans. Les femmes non scolarisées ont été les plus représentées avec 133 patientes soit 64,9%.  Les ménagères ont été  les plus représentées avec 149 patientes soit 72,7%. Les multi gestes ont été les plus représentées avec 139 cas soit 67,8% des gestantes suivis des primigestes 56 cas soit 27,3% (Tableau 1).

Les multi pares ont été les plus représentées avec 96 cas soit 46,8% des gestantes suivies des nullipares 61 cas soit 29,8%, des primipares 43 cas soit 21% et des grandes multipares 5 cas soit 2,5%. Le deuxième trimestre a été la période qui a enregistré beaucoup plus de consultation avec 84 gestantes soit 41%, suivies du troisième trimestre avec 79 gestantes soit 38,5% (Tableau 1).

La consultation prénatale a été le motif de consultation la plus fréquente avec 187 cas  soit 91% (Tableau 2).

Les pathologies non gynéco-obstétriales ont été les plus fréquentes avec 74 cas soit 36,1%. Les pathologies  gynéco-obstétricales ont représenté 34,6% et 13,7% pour les gestantes qui ont présenté les deux pathologies (Tableau 3). 

 

 

Effectif

%

Tranches d’âges

 

 

15-24 ans

111

54,2

25-34 ans

86

42,1

35 ans et plus

8

3,7

Niveau scolaire

 

 

Primaire

61

30

Secondaire

11

5

Non scolarisée

133

65

Profession

 

 

Ménagère

149

72,7

Commerçante

28

13,7

Artisan

17

8,3

Secrétaire/Comptable

6

3

Elève/Etudiante

5

2,3

Gestité

 

 

Primigeste

56

27,3

Multigeste

139

67,3

Grandes multi gestes

24

5,4

Age de la grossesse

 

 

Première trimestre

42

20,5

Deuxième trimestre

84

41

Troisième trimestre

79

38,5

Prescripteurs

 

 

Infirmières obstétriciennes

78

38

Matrones

71

35

Sages-femmes

54

26,3

Médecins

2

1

Nombre de médicaments/prescription

 

 

1 à 3

131

63,9

4 à 6

72

35,1

7 et plus

2

1

Total

205

100

Tableau 1. Répartition des gestantes (sociodémographiques, obstétricales).

Table 1. Distribution of the pregnant.

 

Motif de consultation

Effectif (n=205)

%

Consultation Prénatale (CPN)

187

91

Toux

4

2

Vertige

2

1

Douleur pelvienne

2

1

Vomissements / fièvre

2

1

Céphalée+Douleur articulaire

1

0,5

Douleur pelvienne + Epigastralgie

1

0,5

Fièvre

1

0,5

Leucorrhées

1

0,5

Météorisme

1

0,5

Œdèmes membres Inférieurs

1

0,5

Métrorragie

1

0,5

Vomissement+Pyrosis

1

0 ,5

Tableau 2. Répartition des gestantes selon les motifs de consultation.

Table 2. Distribution of pregnant women according to the reasons for consultation

 

Pathologie

Effectif

%

Non gynéco obstétrique

74

36,1

Gynéco obstétrique

71

34,6

Gynéco obstétrique + Non Gynéco obstétrique

28

13,7

Suivi sans pathologie

32

15,6

Total

205

100

Tableau 3. Répartition des gestantes selon les pathologies.

Table 3. Distribution of pregnant women according to pathologies.

 

Les ordonnances de qualité mauvaise ont été les plus représentées, 202 ordonnances soit 98 ,5% avec seulement 3 cas de bonnes soit 1,5%. Les  antianémiques \ Vitamines étaient  les plus  prescrits pendant  cette étude soit 30% des cas (Tableau 4).

Plus de 81,5% des médicaments prescrits étaient en  DCI contre 18,5% des prescriptions en specialites.  Les ordonnances dont le prix variait entre 100 à 1500 FCFA étaient le plus représentées avec des extrêmes allant de 100 à 9225 F CFA (Figure 1).   

Les ordonnances comportant 1 à 3 médicaments étaient les plus représentées : 130 ordonnances soit 63,9% avec  des extrêmes allant de 1 à 7 médicaments par ordonnance (Tableau 1).

Les infirmières obstétriciennes ont plus prescrit pendant l’enquête avec 78  prescriptions soit 38% contre 34,1% pour les matrones ; 26,3% pour les sages femmes et seulement 0,5% pour les médecins (Tableau 1).

 

Famille pharmacologique

Effectif  (n=617)

%

Antianémique\Vitamine

185

30

Divers*

126

20,4

Antibiotique

66

10.7

Antimycosique

63

10,2

Antipaludique

60

9,7

Antispasmodique

59

9,6

Antalgique\Antipyrétique

41

6.6

Antiémétique

17

2.8

Tableau 4. Répartition des médicaments par famille pharmacologique. *Divers : Antifongique gynécologique, Antiacide (Hydroxyde d’aluminium + Hydroxyde de magnésium), Solution de désinfection (Betadine), Antitussif,  Hormone, Soluté (sérum glycose, sérum salé et ringer lactate), Antihypertenseur (Méthyl dopa, Nifedipine), Trichomonacide (Metronidazole Mebendazole), Laxatif.

Table 4. Distribution of drugs by pharmacological family

 

Figure 1. Répartition des ordonnances selon le coût.

Figure 1. Distribution of prescriptions by cost.

 

Les médicaments potentiellement dangereux prescrits (avec un risque), ont été au nombre de 18 médicaments différents avec un risque potentiel aux différents stades de la grossesse, y compris les analgésiques / anti-inflammatoires non stéroïdiens, antibiotiques, antihypertenseurs, antiparasitaires, avec une répartition de 0,4% au premier trimestre, 28,6% au deuxième et 71% au troisième trimestre (Tableau 5).

 

Pharmaco thérapeutiques

Trimestre 1

Trimestre 2

Trimestre 3

Antalgiques/antipyrétiques

 

 

-

 

 

Acetyl salicylique acide

Acetyl salucylique de lysine

Diclofenac

Acetyl salicylique acide

Acetyl salucylique de lysine

Diclofenac

Antiparasitaires

 

 

 

SP

 

 

 

Albendazole

Amodiaquine

 

 

Artesunate

Amodiaquine

Artemether

Mebendazole

Antibiotiques

 

-

 

Metronidazole

 

Cotrimoxazole

Metronidazole

Antihypertenseurs

 

Nifedipine

Nifedipine, Furosemide

Total

0,4%

28,6%

71%

Tableau 5. Médicaments prescrits avec un risque potentiel.

Table 5. Prescribed drugs with a potential risk.

 

Discussion

Malgré les bonnes volontés de part et d’autre nous avons été confrontés à des difficultés de nature diverse au cours de cette étude : insuffisance de matérielles  dans la salle de Consultation Prénatale (CPN), absence de spécialités pharmaceutiques dans le dépôt de vente de médicaments du CSCOM. A ce niveau il faudra rappeler que l’une des missions fondamentales des CSCOM est la promotion des médicaments DCI. Malgré ces insuffisances cette étude a permis d’étudier la prescription des médicaments au cours de la grossesse dans une structure sanitaire de premier niveau au Mali. 

L’âge des gestantes variait entre 15 et 38 ans avec la plus grande  fréquence observée dans la tranche d’âge de 15 à 24 ans soit 54,2%, avec une diminution du nombre de gestante au fur et à mesure que leur âge augmente. Ce résultat pourrait  être lié  à l’inexpérience des jeunes, au manque d’information et de sensibilisation des jeunes, au mariage précoce, aux conditions socio-économiques défavorables.   Ce résultat est similaire à ceux de Konaté (2002) et de Sanogo (2000) qui ont tous les deux trouvé le plus grand  nombre des gestantes dans la tranche d’âge de 15 à 24 ans respectivement  51%  et  64,6%. Par contre Goita (2006) a trouvé  la plus grande fréquence dans la tranche d’âge 25-29 ans.  Les gestantes les plus représentées étaient des ménagères soit 65,4%.  Ce résultat peut être lié au taux élevé d’analphabétisme chez les femmes, au taux élevé du nombre de jeunes filles déscolarisées, à l’absence d’une véritable politique d’emploi en général et en particulier pour les femmes, la philosophie ancestrale qui attribue à la femme le rôle de la gardienne de maison et des enfants.  Nos résultats étaient similaires à ceux obtenus par  Sanogo (2000) (74,6%).

Notre étude  n’a pas relevé des gestantes de niveau d’instruction supérieur. L’échantillon de Sanogo (2000) également n’incluait pas ce type gestantes. Par contre ces gestantes ont été retrouvées dans d’autres études (Kone et al, 1996) (1,4% de niveau supérieur au Burkina Faso).  L’absence des gestantes de niveau supérieur au cours de notre étude pourrait démontrer le manque de confiance de cette classe  sociale à nos structures  sanitaires de niveau I. La CPN était le motif le plus représenté (91,2%) pendant cette étude.  Ces chiffres sont largement supérieurs à ceux du Burkina-Faso (Kone et al, 1996), 11,3% pour la CPN. Ces résultats montrent une large adhésion de la population à la politique nationale de la santé par rapport à la santé de la reproduction.

Les multigestes (67,8%) et les multipares (46,8%) étaient les plus représentées au cours de notre étude.  Nous avons en outre constaté une faible présence des grandes multipares (2,5%) et des grandes multigestes (4,9%). Elles se fieraient peut être à leur expérience obstétricale ou peuvent être empêchées par des problèmes économiques liés au nombre d’enfants dans le foyer. Les gestantes sont venues beaucoup plus au deuxième trimestre, 41% qu’au troisième trimestre (38,5%) et au premier trimestre (20,5%) de grossesse. Ce résultat était similaire à celui de Konaté (2002), deuxième trimestre 35,5%, troisième trimestre (31%), premier trimestre (16%).

Au total 617 médicaments soit 3 médicaments par femme ont été prescrits. Ce résultat est supérieur à celui de Kone et al (1996) au Burkina (2,4%) et largement inférieur à celui de  Garcia et al (2000), au département de la Loire, en France, soit 11,5 médicaments par femme. Les prescriptions étaient dominées en général par : les antianémiques et vitamines (30%), les antibiotiques (10,7%), les antimycosiques (10,2%), les antipaludiques (9,7%), les antispasmodiques (9,6%) les antalgiques / antipyrétiques (6,6%), les antiémétiques (2,8%). Par contre l’étude menée au Burkina Faso par Kone et al (1996) rapporte une prescription des antibiotiques supérieurs aux  autres médicaments soit 22,5%. Antianémiques \ vitamines ne viennent qu’en quatrième (4e) place (18%). Ce résultat explique le souci des prescripteurs de prévenir la carence vitaminique et l’anémie chez les femmes enceintes. Potchoo et al. (2009) trouvaient une prédominance  des antianémiques et des antipaludiques au Togo. Gadzhanova et al. (2015) avaient trouvé une prédominance des psychoanaleptiques ; tandis que Admasie et al. (2014), confirmaient la prescription des antianémiques dans 52,3% en Ethiopie.

Le plus grand nombre des ordonnances soit 73% a été délivré par les infirmières obstétriciennes (38%) et les matrones (35%). Seulement 26,3% et 1% des ordonnances ont été délivrées respectivement par les sages femmes et les médecins. Peut être que les responsables de la salle de CPN ont donné une grande autonomie  aux auxiliaires de santé et leur font entièrement confiance. Par contre dans l’étude menée par Admasie et al. (2014), ont trouvé une prescription des médecins. 

Les ordonnances de qualité mauvaise (selon notre méthodologie) étaient largement délivrées au cours de cette étude soit 98,5%. Ce résultat pourrait s’expliquer par : le nombre élevé de la prescription faite par les auxiliaires de la santé, le manque ou l’insuffisance de formation continue pour ces auxiliaires de santé. Notre étude n’a pas noté de médicaments contre-indiqués connus prescrits durant la période de l’étude. Par contre Admasie et al. (2014), ont trouvé 10,8%  de médicaments prescrits de catégories D ou X. De même  que  Koné et al. (1996), au Burkina Faso avait tout de même trouvé  plus de 24% des ordonnances  comportant des médicaments contre indiqués connus pendant la grossesse. Pour justifier ce résultat nous pouvons penser que le choix thérapeutique des prescripteurs au cours de la grossesse était peut être porté sur les molécules les mieux connues et les mieux évaluées pendant la grossesse. Egen-Lappe et al. (2004) ont trouvé un résultat similaire soit 1,3% en Allemagne. Beyens et al. (2003) ont trouvé 4,6% des médicaments contre indiqués prescrits en France. La mauvaise prescription des médicaments durant la grossesse expose les nouveau-nés à des malformations selon Damase-Michel et al. (2014). Certains médicaments prescrits,  présentaient  des risques potentiels des anomalies  (avec une répartition de 0,4% au premier trimestre, 28,6% au deuxième et 71% au troisième trimestre). Cependant les conditions présentées par les mères (toxémie, menace d'accouchement prématuré, éclampsie, pré-éclampsie, paludisme, parasitose), les causes multiples des anomalies néonatales et le fait que notre étude ne s'est pas étendue à la néonatalité, nous ne pouvons établir aucun lien de causalité entre ces anomalies et les médicaments prescrits aux mères pendant leur grossesse. Ce résultat est similaire à celui de Potchoo et al. (2009), au Togo. Par conséquent, tel que conclu par Gagne et al. (2008) dans une étude similaire, nos résultats indiquent seulement que l'étiologie du médicament  dans la survenue de ces anomalies peut ne pas être conservée.

Pour notre étude, la majorité des ordonnances avait un coût  compris entre 100 et 1500 FCFA (2,30 euros) (50,2%), celles qui ont un coût compris entre 1590 et 3000 FCFA (4,60 euros) représentent 32,4% et seulement 19%  des ordonnances  qui avaient un cout supérieur ou égal  à 3100 FCFA (4,75 euros). Ce résultat s’explique par le fait que les médicaments en DCI ont été largement prescrits (81,5%) et que ces médicaments sont subventionnés par l’état malien. Sanogo et al. (2009), ont trouvé un résultat similaire sur la prescription des médicaments en zone rurale au Mali. Par contre les études Beyens et al. (2003), Lacroix et al. (2009) concernaient des médicaments spécialités en France.

 

Conclusion  

Les sages- femmes  participent  peu à la prescription des médicaments au profit des matrones et des infirmières obstétriciennes. Cet état de fait peut sérieusement menacer la sécurité de la femme enceinte et de son futur bébé par des prescriptions irrationnelles. La qualité des ordonnances délivrées par les prescripteurs était mauvaise. Le coût de la prescription était relativement supportable par rapport à la prise en charge globale  de la femme enceinte.  Nous recommandons la formation continue en  thérapeutique des agents de santé au niveau du premier niveau sanitaire au Mali.

 

Remerciements. Nous remercions toutes les patientes qui ont accepté de participer à cette étude. Cette étude a bénéficié un soutien de l’université de Bamako.

 

Conflit d’intérêt : Les auteurs déclarent  ne pas avoir de liens d’intérêt.   

 

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