Benkou, F., Aouar, A., Chaif, O., 2018. Caractérisation anthropososio-culturelle de la population endogame des Monts de Traras (Beni Ouarsous) dans l’Ouest Algérien par la consanguinité et le lien de parenté. Antropo, 39, 49-58. www.didac.ehu.es/antropo


 

Caractérisation anthropososio-culturelle de la population endogame des Monts de Traras (Beni Ouarsous) dans l’Ouest Algérien par la consanguinité et le lien de parenté

 

Anthropo socio-cultural  characterization  of the endogamous population of the Traras Mountains (Beni Ouarsous) in Western Algeria by consanguinity and kinship

 

Fatiha Benkou1, Ammaria Aouar Metri1,2, Okacha Chaif 1

  

1Laboratoire d’Anthropologie des Religions et Comparaison, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen, Algérie.

2Laboratoire de valorisation de l’Action de l’Homme pour la Protection de l’Environnement et Application en Santé Publique (Equipe Environnement et Santé), Faculté des Sciences, Université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen, Algérie. aaouar@netcourrier.com

 

Auteur chargé de la correspondance : Fatiha Benkou. Faculté des sciences humaines et sociales, Université Hassiba Ben Bouali Chlef, Algérie. benkofatiha@yahoo.fr  

    

Mots clés : Consanguinité, Population, Béni Ouarsous, Statut social, Mariage, Tradition, Lien de parenté, Anthropologie.

 

Key words: Consanguinity, Population, Beni Ouarsous, Marriage, Social status, Tradition, Relationship, Anthropology

 

Résumé

Notre travail porte sur la caractérisation anthropo-biologique de la population de Beni Ouarsous dans les monts de Traras, par  la consanguinité et le lien de parenté. Ce présent travail a pour objectif de décrire la perception des unions consanguines ainsi à déterminer l'interaction entre le statut social et la prévalence de la consanguinité.

L'enquête a été réalisée en 2012-2014 sur un échantillon de 560 couples qui sont originaires de la région. Nos résultats obtenus montrent un taux de consanguinité de l'ordre de (38.33%) qui l’arrange parmi les populations arabo-musulmanes. Les mariages consanguins restent  une pratique fréquente dans notre population avec une préférence pour les unions entre cousins germains parallèles patrilatéraux. Cette pratique matrimoniale dépond de plusieurs facteurs en savoir, le niveau socio-économique des époux, l’âge du mariage, et le degré d’implication des parents dans le choix du conjoint de leur enfant.

 

Abstract

Our work focuses on the anthropo-biological characterization of the population of Beni Ouarsous in the Traras Mountains, through consanguinity and kinship. This work aims to describe the perception of consanguineous unions and to determine the interaction between social status and the prevalence of consanguinity.

The survey was conducted in 2012-2014 on a sample of 560 couples from the region. Our results show a consanguinity rate of about 38.33% which suits it among the Arab-Muslim populations. Consanguineous marriages continue to be a frequent practice in our population, with a preference for unions between patrilateral parallel first cousins. This matrimonial practice depends on several factors, namely, the socio-economic level of the spouses, the age of the marriage, and the degree of involvement of the parents in the choice of their child's spouse.

 

Introduction

Les raisons sur les quelles se base le choix du conjoint se différencient d’une région à une autre et d’une culture à une autre. Certains auteurs considèrent que le mariage doit être basé sur une égalité ethnique, sociale et culturelle pour réussir l’union. Ce choix de conjoint à l’intérieur du groupe familial, renforce la stabilité et la cohésion sociale du groupe.

Les bénéfices de ces mariages sont appris et construits par l’intermédiaire de la socialisation et de la communication à savoir la famille, la parenté et le voisinage, comme le rapporte certains travaux ultérieurs concernant les populations de l’Ouest Algérien (Sidi Yekhlef et Aouar Metri,  2013; Moussouni et al., 2017; Mortad et al., 2015) où les traditions et les motivations socioculturelles et économiques sont bien définies.

 Ce type d'union a pour but primordial de préserver les biens familiaux, sources de revenus collectif qui visent la conservation des terres au sein de la même famille, notamment par les unions entre cousins paternels (Khlat, 1986).

Les populations arabo-musulmanes sont plus concernées par cette  pratique. De même la consanguinité en milieu rural est plus importante qu'en milieu urbain ( Zaoui et Biémont, 2002).

Comme dans d’autres pays arabes, la pratique des mariages consanguins en Algérie constitue encore aujourd’hui un phénomène social particulièrement important. Plusieurs populations de l’ouest Algérien pratique cette forme de mariage (Aouar et al., 2011; Sidi Yekhlef et Aouar Metri, 2013; Mortad et al, 2015; Moussouni et al., 2017). En effet, c’est une tradition arabe et musulmane, au nom d’une sécurité financière et affective.

Certains travaux sur les populations Algériennes (Benallegue et Keji, 1984; Zaoui et Biémont, 2002; Aouar et al., 2011, Moussouni et al., 2017) ont souligné l'importance de cette pratique matrimoniale qui reste présente avec une moyenne de 38,30%. Les effets de ce type d’union ont fait également l’objet des travaux en santé publique. Certains de ces travaux ont montré des effets défavorables sur la reproduction et la mortalité infantile (Benallegue et Kedji, 1984, Aouar et al., 2011, Moussouni et al, 2017). Alors que d’autres études ont montré un effet  bénéfique (Bener et al., 2009).

            Des études multiples ont cherché à expliquer ce choix matrimonial dans certaines populations.

 Ces travaux ont souligné qu'un grand nombre de facteurs liés aux caractéristiques des femmes, et qui  pourraient être des déterminants de choix de ce type de mariage, à savoir le niveau d’instruction (Al Husain et Al Bunyan, 1997; Hussain et Bittles, 1998; Alper et al., 2004), le milieu social (Hussain et Bittles, 1998), la profession (Khlat, 1988; Jurdi et Saxena, 2003, Sidi Yekhlef et Aouar Metri, 2013), et l'âge du mariage, etc, (Afzal et al., 1994; Hussain et Bittles, 1999; Gunaid et al., 2004).

 Dans ce contexte et dans le but d'enrichir la base de donnée anthropo-génétique et anthropo-biologique des populations Algériennes en général et des populations de l’Ouest Algérien en particulier qui est le projet de recherche de notre équipe, la présente étude cherche à évaluer le taux de la consanguinité et les différentes facteurs liés à cette pratique, au sein de la population berbère de Béni Ouarsous, dans les Monts de Traras. Cette population est une communauté géographiquement montagneuse. Les familles mènent plus ou moins une vie rurale basée sur une organisation tribale.

 

Matériel et méthodes

L'étude a portée sur la région de Béni Ouarsous dans les Monts de Traras qui se situe au Nord Ouest de la face Méditerranéenne de l’Algérie. Elle est située à 43 Km au Nord-Ouest de la ville de Tlemcen, et 10 Km au bord de la mer (Figure 1). Elle s’étend sur une superficie de l’ordre de 170Km2, dont le nombre d’habitants est de 12111 (selon le recensement de 2008, APC de Beni Ouarsous).

Cette région connue par le nom de « Traras » ou « Trare » qui signifie « Berbère » (Mármol Carvajal, 1599) est peuplée par une communauté berbère (Benkou, 2011).

 

Figure 1. Situation géographique de la commune de Beni Ouarsous (Aouar et al., 2012)

Figure 1. The géographical situation of the municipality of Beni Ouarsous  (Aouar et al., 2012)

 

Echantillonnage et tests statistiques

Cette étude a été réalisée en 2012-2014 par une enquête menée auprès de 316 couples qui sont originaires de la région de Beni Ouarsous. Cette enquête procure un grand nombre d’informations sur l’origine ethnique,  les variables socioculturelles et anthropologiques.

L’ensemble des données sont composés des couples étudiés, leurs parents ainsi que leurs grands parents, nous a permis d’esquisser les principaux caractéristiques des mariages consanguins et les liens de parenté dans la famille de Beni Ouarsous.

Les données ont été traitées par le test de χ2 (programme minitab v16) pour la comparaison des proportions des différentes catégories étudiées.

                                                                                     

Résultats et discussion

Fréquence de la consanguinité

Nos résultats obtenus montrent que cette population, représente un taux de consanguinité de l’ordre de 38,33% pour la génération des couples étudiés, 41,57% pour celle de leurs parents et 45,2% pour celle de leurs grands parents, avec une tendance croissante des unions consanguines en allant de la génération des couples à la génération des grands parents (Tableau 1).

Ce qui signifie la continuité et le suivie de cette forme d’union selon ces générations. Ces résultats s’accordent avec ceux qui avaient été préalablement obtenus par Al-Awadi et al (1985) au Koweit, Khoury et Massad (1992) en Jordanie, Bittles et al (1993) en Inde, Hussain et Bittles (1998) au Pakistan et Saadat et al (2004) en Iran.

Ce taux reste comparable à celui de la moyenne Algérienne qui est de l’ordre de 38,30% (FOREM, 2007) et à celui de la moyenne de l’Ouest Algérien qui est de l’ordre de 33 % (Aouar Metri et al, 2004).

 

Génération

MC

MNC

Total

Les couples

46 (38,33%)

74 (61,66%)

120

Les parents

79 (41,57%)

111 (58,42%)

190

Les grands parents

113 (45,2%)

137 (54,8%)

250

Tableau 1. Fréquences de la consanguinité dans la population de Béni Ouarsous. MNC : Mariage non consanguin,  MC : Mariage consanguin,

Table 1. Consanguinious frequency in the population of Beni Ouarsous. MNC : Non consanguineous marriage,  MC : Consanguineous marriage

 

Concernant l’évolution de la consanguinité au cours du temps (Figure 2), nous constatons, une décroissance, qui reste non significative (p>0,05).

 

Figure 2 Diagramme des proportions de la consanguinité chez la génération des couples étudiés au cours du temps.

Figure 2. Diagram of the proportions of inbreeding in the generation of couples studied over time.

 

Nature des mariages consanguins

Degré de parenté entre les conjoints

Les résultats qui concernent le type de parenté entre les conjoints  (Tableau 2) montrent une préférence pour les mariages entre cousins germains aussi bien chez la génération des couples de l'échantillon que chez la génération de leurs parents.

Ce résultat ne rejoint pas celui trouvé en Algérie par Benallègue et Kedji, (1984). En effet, ce type d’union est un trait spécifique des populations arabo-musulmanes (Khuri, 1970; Khlat et Khudr, 1986; Zlotogora, 1997).

De même, une prédominance des unions consanguines patrilatérales (cousins germains patrilatéraux et cousins éloignés patrilatéraux) est observée pour les trois générations (Tableau 3). Ces résultats corroborent les travaux de Zaoui et Biémont (2002) et Aouar Metri et al (2004) où les mariages consanguins entre cousins parallèles patrilatéraux sont préférés dans la société algérienne.

 

 

Cousins germains

Cousins éloignés

Total

Les couples étudiés

31(67,39%)

15(32,60%)

46

Les parents

43(54,43%)

36(45,56%)

79

Les grands parents

64(56,63%)

49(43,36%)

113

Tableau 2. Répartition inter-génération des fréquences des cousins germains et cousins

éloignés

Table 2. Inter-generation distribution of first cousins and distant cousins

 

 

CGP

CGM

CEP

CEM

Les couples étudiés

23 (74,19%)

08(25,8%)

10 (66,66%)

05(33.33%)

Les parents

33(76,74%)

10(23,25%)

29(80,55%) 

07(19.44%)

Les grands parents

35((54,68%)

29(45,31%)

40(81,63%)

09(18.36%)

Tableau 3. Répartition inter-génération des fréquences des cousins germains et cousins éloignés (patrilatéraux et matrilatéraux). CGP : Cousin germain patrilatérale, CGM : Cousin germain matrilatérale, CEP: Cousin éloigné patrilatérale, CEM : Cousin éloigné matrilatérale.

Table 3. Inter-generation distribution of distant cousins and distant cousins (patrilateral and matrilateral)

CGP: Cousin germain patrilatérale, CGM: Cousin germain matrilateral, CEP: Remote patrilateral cousin, CEM: Remote cousin matrilateral.

 

Position généalogique des conjoints

Quant-à- la position généalogique des conjoints (Tableau 4 et 5), les résultats révèlent que l’union entre cousins parallèles est plus répondue par rapport à celle entre cousins croisés. Ainsi, une tendance de prédominance des mariages entre cousins parallèles patrilatéraux aussi bien chez les couples étudiés que leurs parents.

Ces résultats corroborent certains travaux (Al-Gazali et al., 1997; Hussain et Bittles, 2000; Zlotogora et al., 2002; Bou-Assy et al., 2003; Saadat et al., 2004).

Cette situation rappelle que, dans les sociétés rurales, le mariage constitue une tendance à la transmission et à la conservation du patrimoine économique et culturel au sein de la lignée agnatique (Baali, 1994). Cela signifie l’appellation du mot « oueld ammi » qui veut dire mon cousin germain paternel et qui s’applique indistinctement par tous les membres de la famille et de la fraction.

 

 

Cousin parallèle

Cousin croisé

Total

Les couples étudiés

26(83.87%)

05(16,12%)

31

Les parents

30(69,67%)

13(30,23%)

43

Les grands parents

39(60,93%)

25(39,06%)

64

Tableau 4. Distribution inter-génération des fréquences des mariages consanguins entre cousins germains parallèles et croisés

Table 4. Inter-generation distribution of the frequencies of consanguineous marriages between parallel and crossed first cousins

 

 

CGPP

CGPM

Total

Les couples étudiés

19(73,07%)

07(26,92%)

26

Les parents

20(66,66%)

10(33,33%)

30

Les grands parents

25(64,10%)

14(35,89%)

39

Tableau 5. Distribution inter-génération des fréquences des mariages consanguins entre cousins germains parallèles patrilatérales et matrilatérales. CGPP : Cousin germain parallèle patrilatérale, CGPM : Cousin germain parallèle matrilatérale

Table 5. Inter-generation distribution of the frequencies of consanguineous marriages between patrilateral and matrilateral parallel first cousins. CGPP: Cousin german parallel patrilateral, CGPM: cousin germain parallel matrilateral

 

Hérédité de la consanguinité

Notre étude sur l’hérédité matrimoniale (Tableau 6), révèle une relation hautement significative aussi bien pour les hommes (p<0,01) que pour les femmes (p<0,001). Ce résultat nous emmène à dire que le mariage consanguin reste un phénomène héritable des parents à leurs enfants, autrement dit une relation entre ascendance descendance. Cette forme d’hérédité trouve ses ripostes, aussi, dans l’intervention des parents lors du choix du conjoint. En effet, les parents, convaincus de la réussite de leur mariage consanguin tendent à le reproduire au niveau de leurs enfants.

 

Les corrélats sociaux                                                                                   

Selon plusieurs études, les mariages endogamiques semblent être étroitement liés au statut socio-économique et culturel des populations. Dans ce sens, nous avons cherché à identifier les principaux facteurs déterminants les mariages consanguins et à préciser dans quelle mesure les variables étudiées sont associées à la pratique de cette forme d’union, autrement dit pouvant prédire la probabilité de ce phénomène.

 

Statut du mariage

Statut du mariage des parents des maris

Mariage consanguin

Mariage non consanguin

Maris

 

 

Mariage consanguine

28 (23,33%)

18 (15%)

Mariage non consanguine

2 5(20,83%)

49 (40.83%)

Femmes

 

 

Mariage consanguine

30 (27,77%)

16 (14,81%)

Mariage non consanguine

15 (13,88%)

47 (43.51%)

Tableau 6. Matrice de l’hérédité du mariage chez les époux

Table 6. Matrimony of marital inheritance among spouses

 

Concernant le statut de mariage selon le niveau d’éducation des conjoints (Figure 3), aucune variabilité n’est observée aussi bien pour les femmes que pour les hommes. Cette constatation est signalée également dans la région de Doukkala au Maroc par Talbi et al (2008), qui peut être expliquée par la dominance de l’analphabétisme dans cette génération qui empêche l’expression de la différence entre les instruits et les non instruits. Par contre ces résultats ne sont pas similaires à ceux obtenus par d’autres recherches (Khoury et Massad, 1992; Benhamadi, 1997; Jurdi et Saxena, 2003; Raz et al., 2003; Barbour et Salameh, 2009) où le niveau d’instruction reste un facteur  important quant au statut du mariage.

 

Figure 3. Niveau d’instruction chez les conjoints en fonction de la consanguinité.

Figure 3. Level of education among spouses according to inbreeding.

 

Concernant le facteur «statut professionnel» et le type de mariage (Tableau 8), nous notons une corrélation (p<0,05) qui provient d’une part des « Agriculteurs » qui sont consanguins et d’autres part des « Employés » et « Commerçants » qui ne sont pas consanguins. Cette constatation explique la thèse du maintient de l’héritage qui reste important dans le milieu rural. De même, ça explique le proverbe qui dit «Notre huile servira dans notre maison ». Ce résultat  est en accord avec les résultats trouvés par  Khlat, 1988 et Jurdi et Saxena, 2003.

L’étude de l’association de la date du mariage des conjoints et la consanguinité (Figure 4), nous révèle une relation trés significative (p<0,01). Ce résultat indique que plus les conjoints sont jeunes plus ils sont soumis à cette tradition.  Cette tendance est en accord avec les travaux de Bittles (1994), Givens et Hirschman (1994), Jurdi et Saxena (2003), Hussain et Bittles (2000) et Sidi-Yakhlef et Aouar (2013). 

 

 

Couples consanguins

Couples non consanguins

Total

Femmes

 

 

 

0

35 (45,45%)

42 (54,54%)

77

1

9 (33,33%)

18 (66,66%)

27

4

2 (26,3%)

14 (71,42%)

16

Maris

 

 

 

2

28 (50,9%)

27 (49,09%)

55

3

4 (18,18%)

18 (81,81%)

22

4

8 (36,36%)

14 (63,63%)

22

5

6 (28,57%)

15 (71,42%)

21

Tableau 7. Répartition des proportions de statut professionnel des conjoints selon le  statut de mariage. 0 : Sans profession, 1 : Artisans,  2 : Agriculteurs, 3 : Commerçants, 4 : Ouvriers et employés non qualifiés, 5 : Employés qualifiés et cadres et professions intellectuelles supérieurs.

Table 7: Distribution of Spousal Status Proportions by Marital Status. 0: Without profession, 1: Craftsmen, 2: Farmers, 3: Merchants, 4: Workers and unskilled employees, 5: Skilled employees and managerial and higher intellectual professions.

 

Figure 4. Proportions de la consanguinité en fonction de l’âge de mariage des conjoints.

Figure 4. Proportions of consanguinity according to the marriage age of spouses.

 

Le contexte anthropologique

Les analyses des indicateurs anthropologiques peut nous fournir des éléments de réponses concernant les motivations et les attitudes de la population isolée et rurale et endogame de Beni Ouarsous, vis-à-vis la pratique de la consanguinité qui reste encore courante dans cette région.

À travers les réponses des individus concernant le type de foyer, nous ne constatons aucune variabilité entre ce facteur et l’endogamie (Tableau 8).

 

 

Couple consanguin

Couple non consanguine

Total

Etendu

19 (39,58%)

29 (60,41%)

48

Nucléaire

27 (37,5%)

45 (62,5%)

72

Total

46

74

120

Tableau 8. Distribution des proportions du statut de mariage en fonction du type de foyer.

Table 8. Distribution of marriage status proportions by household type

 

Pour le type de mariage (traditionnel ou moderne), les résultats indiquent l’existence d’une relation très significative entre le mariage traditionnel et la pratique endogamique (Tableau 9).

Ces résultats corroborent des travaux qui révèlent que, le contrôle qu’exercent les parents sur le choix du conjoint de leurs enfants semble également influencer le choix de ce type de mariage (Demirel et al., 1997; Hussain et Bittles, 1998; Audinarayana et Krishnamoorthy, 2000; Tfaily, 2005; Abbasi Shavazi et al., 2006).  

 

Type de marriage

Couple consanguin

Couple non consanguin

Total

Traditionnel

37 (51,38%)

35 (48,61%)

72

Moderne

9 (18,38%)

39 (81,25%)

48

Total

46

74

120

Tableau 9. Distribution des proportions de la consanguinité en fonction du type de mariage.

Table 9. Distribution of consanguinity proportions according to type of marriage.

 

Quant-au milieu de résidence des conjoints avant le mariage, il ne semble pas avoir un effet sur le choix de cette forme d’union. De même pour la polygamie, aucune variabilité n’est marquée. Tendis qu’un effet significatif est observé pour le travail de la femme et le statut de mariage. En outre, le travail domestique est considéré par les parents comme une tâche principalement féminine qui doit être un pole de l’éducation traditionnelle de leurs filles.

Les individus de notre échantillon ont été interrogés auprès de leurs foyers au sujet de leurs comportements matrimoniaux à l’aide d’un questionnaire préétablis par notre équipe,  dans le but de mesurer leur degré d’adhésion à des propositions relatives aux mariages entre apparentés.

Les données recueillies révèlent que la plus part des répondants déclarent que la consanguinité reste une pratique courante dans la région de Beni Ouarsous, en tant qu’une population conservatrice et fermée.

Ainsi plus de la moitié des interrogés considèrent le mariage consanguin comme un arrangement avantageux en raison de stabilité de la famille, la garantie de fidélité de l’épouse et la garantie d’une égalité de statut social. Ce type de mariage on le retrouve généralement chez les cousins paternels  en raison de garder le même non, et de conserver le patrimoine économique à l’intérieur de la lignée agnatique.

 

Conclusion

L’Anthropologie de cette région, ainsi que ses faits historiques en plus de son caractère bédouin et son origine agricole ont crée une vie sociale, consistant dans les coutumes et les traditions que conserve encore la région les quelles sont la cause de leur cohésion et de leur solidarité. Ce mode de vie apparaît clairement dans les différentes occasions et notamment dans les règles matrimoniales à savoir les mariages endogamiques. Les Beni Ouarsous préfèrent ce type d’union en vue de préserver leur culture, leur lignée, leur généalogie et leur propriété.

A l’issus de cette étude, la population de Beni Ouarsous présente une consanguinité très importante de l’ordre de 38,33% avec une préférence des unions entre cousins germains parallèles patrilatérales. Ce type d’union est un trait spécifique des populations arabo-musulmanes (Zlotogora; 1997).

Ce  mariage consanguin est loin d’être aléatoire. Il s’agit d’un comportement héritable, et dépend de plusieurs facteurs économiques, socio-culturels et démographiques  à savoir la profession socio-économique, l’âge précoce du mariage et le degré d’implication des parents dans le choix du conjoint de ses enfants.

Cette pratique matrimoniale est due à sa position géographique, culturelle et démographique de la région. Ainsi ce milieu rural garde encore le profil traditionnel, où les familles communautaires préfèrent les mariages consanguins. Par ailleurs l’isolat géographique et le nombre réduit des individus constituent l’originalité de la population de Beni Ouarsous.

 

Références bibliographiques

Abbasi Shavazi M.J., Mcdonald P., Hosseini-Chavoshi M., 2006,  Modernization and the cultural practice of consanguineous marriage: a study of four provinces of Iran. Paper prepared for the European Population Conference: Population Challenges in Ageing Societies 21-24 June 2006, Liverpool.

Afzal, M., Ali, S.M., et Siyal, H.B., 1994, Consanguineous marriages in Pakistan. Pakistan  Development Review, 33 (4), 663-674.

AlAwadi, S. A., Moussa, M. A., Naghuib, K. K., Farag, T. I., Teebi, A. S., ElKhalifa, M.,  ElDossary, L. 1985. Consanguinity among the Kuwaiti population. Clinical genetics, 27(5), 483-486.

Al-Gazali, L. I., Bener, A., Abdulrazzaq, Y. M., Micallef, R., Al-Khayat, A. I., Gaber, T. 1997. Consanguineous marriages in the United Arab Emirates. Journal of biosocial science, 29(4), 491-497.

Al Husain, M., et Al Bunyan, M., 1997, Consanguineous marriages in a Saudi population and The effect of inbreeding on prenatal and postnatal mortality. Annals of Tropical Paediatrics, 17 (2), 155-160

Alper, O.M., Erengin, H., Manguoglu, A.E., Bilgen, T., Cetin, Z., Dedeoglu, N., et Luleci, G., 2004, Consanguineous marriages in the province of Antalya, Turkey. Annales de Génétique, 47 (2), 129-138.

Aouar Metri, A., Berrahoui, S., Chalabi, F. Z., Mokedem, R., Moussouni, A. 2004. Caracterisation Anthropologic by consanguinity, abortion neonatal mortality and morbidity in some western Algerian populations. Laboratoire d’anthropologie des religions comparées. Etude socio-éthnologique. Travaux du Laboratoire de violence et religion, 1, 17-31.

Aouar, A., Moussouni, A., Bettioui, Dali M, Sidi Yekhlef, Mortad, Chaif, 2011. Caractérisation anthropogénétique de la population de Sabra dans l’ouest Algérien par la consanguinité, Morbidité et certains parameters de fitness. Revue d’Anthropologie des Religions, 9, 37-44.

Aouar, A., Sidi-Yakhlef, A., Biemont, C., Saidi, M., Chaif, O., Ouraghi, S. A. 2012. A genetic study of nine populations from the region of Tlemcen in Western Algeria: a comparative analysis on the Mediterranean scale. Anthropological Science, 120(3), 209-216.

Audinarayana, N.,  Krishnamoorthy, S. 2000. Contribution of social and cultural factors to the decline in consanguinity in South India. Social biology, 47(3-4), 189-200.

Baali, A. 1994. Effet de la consanguinité sur la fertilité, la fécondité et la mortalité des enfants dans une population berbere Guedmiwa (Vallée d'Azgour, cercle d Amizmiz, Marrakech, Maroc). Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, 6(3), 155-162.

Barbour, B., Salameh, P. 2009. Consanguinity in Lebanon: prevalence, distribution and determinants. Journal of biosocial science, 41(4), 505-517.

Benallegue, A., et Kedji, F.,  1984. Consanguinité et santé publique. Etude Algérienne. Arch fr pediatr, 41, 435-440.

Bener, A., El Ayoubi, H. R., Chouchane, L., Ali, A. I., Al-Kubaisi, A., Al-Sulaiti, H., Teebi, A. S. 2009. Impact of consanguinity on cancer in a highly endogamous population. Asian Pac J Cancer Prev, 10(1), 35-40.

Benhamadi, B, 1997. Les déterminants de l’endogamie au Maroc, DHS I et II. Thèse  Doctorat, Université de Montréal, Canada.

Benkou F, 2011. Etude Anthroposiocioculturelle de la population de Beni Ouarsous. Revue d’Anthropologie des Religions, 10, 5-16.

Bittles, A.H, Grant, J.C., et Shami, S.A, 1993. Consanguinity as a determinant Of Reproductive behaviour and mortality in Pakistan. International Journal of Epidemiology, 22, 463-467.

Bittles, A. H. 1994. The role and significance of consanguinity as a demographic variable. Population and development review, 561-584.

Bou-Assy, F., Dumont, S., Saillant, F. 2003. Représentations sociales du mariage endogame et de ses conséquences biologiques sur la santé des descendants chez des fiancés apparentés: Cas de deux villages chiites au Liban. Service social, 50(1), 174-198.

Demirel, S., Kaplanoglu, N., Acar, A., Bodur, S et Paydak, F, 1997. The frequency of consanguinity in Konya, Turkey, and its medical effects. Genetic Counseling, 8 (4), 295-301.

FOREM, 2007. El Watan (le quotidien indépendant). http://www.afrik.com/article12510.html.

Givens, B. P., Hirschman, C. 1994. Modernization and consanguineous marriage in Iran. Journal of Marriage and the Family, 820-834.

Gunaid, A. A., Hummad, N. A.,  Tamim, K. A. 2004. Consanguineous marriage in the capital city Sana’a, Yemen. Journal of biosocial science, 36(1), 111-121.

Hussain, R., et Bittles, A.H. 1998. The prevalence and demographic characteristics of consanguineous marriages in Pakistan. Journal of biosocial science, 30(2), 261-275.

Hussain, R et Bittles, A.H, 1999. Consanguineous marriage and differentials in age at marriage, contraceptive use and fertility in Pakistan. Journal of Biosocial Science, 31(1), 121-138.

Hussain, R et Bittles, A.H, 2000. Sociodemographic correlates of consanguineous marriage In the Muslim population of India. Journal of Biosocial Science, 32 (4), 433-442.

Jurdi, R., et Saxena, P.C., 2003.The prevalence and correlates of consanguineous marriages In Yemen: similarities and contrasts with other Arab countries. Journal of Biosocial Science, 35 (1), 1-13.

Khlat M, 1986. Les mariages consanguins à Beyrouth: Structure et conséquences biologiques. These de Doctorat en Sciences. Univ. Lyon.

Khlat, M., 1988. Consanguineous marriage and reproduction in Beirut, Lebanon. American Journal of Human Genetics, 43 (2), 188-196.

Khlat, M., et Khudr, A., 1986. Religious endogamy and consanguinity in marriage patterns in Beirut, Lebanon. Social Biology, 33:138-145.

Khoury, S.A., Massad, D., 1992. Consanguineous marriage in Jordan. American Journal of  Medical Genetics 43 (5), 769-775.

Khuri, F. I. 1970. Parallel cousin marriage reconsidered: A Middle Eastern practice that nullifies the effects of marriage on the intensity of family relationships. Man, 5(4), 597-618.

Mármol Carvajal, Luys del, 1599. Segunda parte y libro septimo de la description general de Africa, donde se contiene las prouincias de Numidia, Libia, la tierra de la Negros, ... Juan René, impresor.

Moussouni, A., Aouar, A., Otmani, S., Chabni, N., Sidiyekhlef, A., 2017. Etude de l’impact de la consanguinité sur l’avortement et la mortalité dans la population de Sabra (ouest algérien). Antropo, 37, 149-160. www.didac.ehu.es/antropo

Mortad, N. , Aouar Metri, A., Chaif, O., 2015. Etude socio-anthropologique des mariage consanguins et lien de parenté dans la population du littoral (Msirda) dans l’extrème Ouest Algérien. Etude comparative à l’échelle du bassin Méditerranéen. Anthropo, 33, 21-38. WWW.didac.ehu.es/anthropo.

Raz A,  Atar M, Rodanay M et al, 2003. Between acculturation and ambivalence: knowledge of genetic and attitudes towards genetic testing in a consanguineous Bedouin community. Community Genet, 6, 88-95.

Saadat, M., Ansari-Lari, M., et Farhud, D.D., 2004, Consanguineous marriage in Iran. Annals of Human Biology, 31 (2), 263-269.

Sidi-Yakhlef, A., et Aouar Metri, A., 2013. Etude Anthropo-sociologique de la consanguinité dans la population de «Oulhaça» dans l’Ouest Algérien. Antropo, 30, 45-59.

Talbi, J., Khadmaoui, A., Soulaymani, A., Chafik, A. 2008. Caractérisation de l’évolution de la consanguinité dans la population des Doukkala (Maroc). Antropo, 17, 7-13.

Tfaily, R., 2005, First cousin marriages and marital relationships in Egypt, Jordan, Turkey And Yemen. Paper prepared for the XXV IUSSP International Population Conference 18-23 July 2005, Tours, France.

Zaoui, S., et Biémont, C., 2002. Frequency of consanguineous unions in the Tlemcen area (West Algeria). Sante, 12, 289-295.

Zlotogora J, 1997. Genetic disorders among Palestinian arabs: Effets of consqnguinity. American Journal of Medical Genetics, 68: 472-475

Zlotogora, J., Habiballa, H., Odatalla, A.,  Barges, S. 2002. Changing family structure in a modernizing society: a study of marriage patterns in a single Muslim village in Israel. American journal of human biology, 14(5), 680-682.