Keïta, K., Keïta, M., Sogoba, N., Yaro, A.S., Sangaré, D., Keïta, A., Cissé, B., et Traoré, S.F., 2017. Evaluation de l’impact d’une pulvérisation intra-domiciliaire en saison sèche sur la transmission du paludisme le long du fleuve Niger, Mali. Antropo, 38, 87-97. www.didac.ehu.es/antropo


 

Evaluation de l’impact d’une pulvérisation intra-domiciliaire en saison sèche sur la transmission du paludisme le long du fleuve Niger, Mali

 

Assessing the impact of a dry season indoor residual spraying on malaria transmission along the River Niger, Mali

 

Kaly Keïta1, Moussa Keïta2, Nafomon Sogoba2, Alpha Seydou Yaro2, Djibril Sangaré2, Abdoulaye Keïta2, Bouréima Cissé2 et Sekou Fantamady Traoré2

 

1Service de Médecine Interne, CHU du point G, Bamako, Mali.

2Malaria Research and Training Center (MRTC)/ Faculté de Médecine et d’Odontostomatologie, Bamako, Mali.

 

Auteur correspondant: Dr Kaly Keita, Faculté de Médecine et d’Odontostomatologie (FMOS), Université des Sciences, Techniques et Technologiques de Bamako (USTTB)

Email: keitakaly@gmail.com

 

Mots Clés: Saison sèche, nord soudanienne, moustiques, pulvérisation intra-domiciliaire, cône test.

 

Keywords: dry season, northern Sudan, mosquitoes, indoor spraying, cone test.

 

Résumé 

La lutte anti-vectorielle est essentiellement basée sur l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée (MILD) et la pulvérisation intra-domiciliaire (PID). Mais le succès de toute méthode de lutte anti-vectorielle et son coût dépendent de son adaptation aux conditions environnementales locales. Le coût élevé de la PID peut limiter sa généralisation et sa pérennité d’où la nécessité de développer de nouvelles approches moins onéreuses adaptées aux zones d’interventions. C’est dans cet ordre d’idée que le présent travail a été entrepris dont l’objet est d’évaluer la faisabilité et l’impact possible d’une PID en saison sèche dans les hameaux riverains du fleuve Niger ainsi que dans leurs villages-mères sur la transmission du paludisme. Cette étude s’est déroulée en trois volets: i) la PID, effectuée par des operateurs expérimentés du 10 au 25 Février 2010; ii) une évaluation de l’efficacité biologique de l’insecticide utilisé par le cône test de l’OMS 2, 4, 7 et 9 mois après la PID; iii) un monitorage des paramètres entomologiques de la transmission dans des hameaux de pêche où eu lieu la PID (tests) et dans d’autres où il n’y a pas eu de PID (contrôle) ainsi que dans leurs villages mères respectifs (tests vs témoins) de mars à décembre 2010 par la capture au pyrèthre dans les habitations humaines. Nos résultats ont montré un taux global de couverture de 88,8%. (978/1101)  des  cases.  Le  taux  de  mortalité des moustiques était à 100% deux mois après la PID période à partir de laquelle l’efficacité biologique de la lambda-cyhalothrine appliquée lors de la PID baissait au fil du temps. La densité était plus faible dans le village test que le village témoin jusqu’au mois d’août (6 mois après la PID). Le même phénomène était observé dans les hameaux où les densités étaient plus faibles jusqu’en juin (05 mois après la PID) dans le hameau test que dans le hameau témoin. Les quatre premiers mois après la PID, le TIE était plus faible dans le village test que dans le village témoin,  même si la différence n’était pas significative. La même situation était enregistrée durant les trois premiers mois dans le hameau test à comparé du hameau témoin. Une seule PID avec la lamdacyhalothrine pendant la saison sèche le long du fleuve ne protégerait pas la population de la transmission du paludisme toute l’année, mais réduirait celle-ci de façon significative au moins trois mois après sa mise en œuvre.

 

Summary

 Vector control is essentially based on the use of insecticide treated long lasting nets (LLINs) and indoor residual spraying (IRS). But the success of any vector control method and its cost depend on its adaptation to local environmental conditions. The high cost of IRS can limit its extension and sustainability. Therefore, there is a need to develop new and cheaper approaches tailored to interventions areas. It is in this vein that the present work was undertaken whose purpose is to assess the feasibility and possible impact of an IRS during the dry season in fishermen’s hamlets along the Niger River and in their remote big villages on malaria transmission. This study was conducted in three parts: i) IRS, performed by experienced operators from 10 to 25 February 2010 ii) an assessment of the biological effectiveness of the insecticide using the WHO cone test 2 , 4, 7 and 9 months after IRS iii) a monitoring of entomological parameters of malaria transmission in hamlets where an IRS took place (tests) and in others where there was no IRS (control) and in their respective remotes big villages (test vs control) from March to December 2010 using pyrethrum spray-catch collection method in human dwellings. Our results showed an overall coverage rate of 88.8% (978/1101) of the total houses. The mortality rate of mosquitoes was 100% two months after the IRS, period from which the biological effectiveness of lambda-cyhalothrin applied during the PID decreased over time. Density was lower in the test village than in the control village until August (6 months after IRS). The same phenomenon was observed in hamlets where densities were lower until June (05 months after IRS) in the test hamlet than in the control hamlet. The first four months after the IRS, the Entomological inoculation rate was lower in the test village than in the control village, although the difference was not significant. The same situation was recorded during the first three months in the test hamlet comparing to the control hamlet. Therefore we conclude that one IRS with lamdacyhalothrine during the dry season along the river would not protect the population of malaria transmission throughout the year, but would significantly reduce it at least three months after the implementation of the IRS.

 

Introduction 

L’Afrique subsaharienne supporte une part disproportionnée de la charge mondiale du paludisme. En 2015, 88% des cas de paludisme et 90% des décès dus à cette maladie sont survenus dans cette région (OMS, 2016). Au Mali, le paludisme demeure l’endémie majeure et la première cause de morbidité et de mortalité dans les groupes les plus vulnérables, à savoir les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes. Malgré les progrès accomplis dans le domaine de la prévention et du traitement, les statistiques sanitaires nationales révèlent que le paludisme se situe toujours au 1er rang des affections et représente 42% des motifs de recours aux soins dans les formations sanitaires dans la population générale (Ministère de la santé du Mali, 2013). Le paludisme est endémique au Mali avec une intense transmission au cours de la saison pluvieuse dont la durée varie en fonction des zones éco-climatiques. Subséquemment, nous observons une extrême variabilité de la situation épidémiologique selon les faciès éco-climatiques (Doumbo, 1992). En effet, la lutte anti-vectorielle est l’une des composantes des stratégies globales de lutte antipaludique préconisées par l’OMS et adopté par la Direction du Programme National de lutte contre le Paludisme (DPNL) du Mali. Elle est essentiellement basée sur l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée (MILD) et de la pulvérisation intra-domiciliaire (PID). La PID est une méthode de lutte dont le principe repose sur le comportement endophile de repos des vecteurs qui cherchent après chaque repas de sang, des endroits tranquilles et sombres pour se reposer et digérer ce repas. Cette méthode est appliquée dans quelques districts sanitaires (Koulikoro et Bla) du Mali depuis 2008 par le DPNLP en collaboration avec le projet « US President Malaria Initiative ». Il apparait clairement de ce qui précède que le succès de toute méthode de lutte anti-vectorielle repose sur la connaissance de la biologie et du comportement du vecteur incriminé dans la transmission. Pour optimiser ces méthodes, il faut qu’elles prennent également en compte les conditions environnementales locales telles que la proximité aux cours d’eaux (Sogoba et al., 2007). Le coût élevé de la PID peut limiter sa généralisation et sa pérennité d’où la nécessité de développer de nouvelles approches moins onéreuses adaptées aux zones d’interventions. La pulvérisation intra-domiciliaire dans les hameaux réduirait  non seulement la densité d’An. gambiae s.l. et la transmission du paludisme dans ces hameaux, mais aussi dans leurs villages-mères avoisinants. C’est dans cet ordre d’idée que le présent travail a été entrepris dont l’objet est d’évaluer l’impact de la PID en saison sèche dans les hameaux riverains du fleuve Niger ainsi que dans leurs villages-mères avoisinants sur la transmission du paludisme.

 

Matériels et Méthodes 

Cette étude s’est déroulée en 3 volets: la Pulvérisation intra-domiciliaire, le test d’efficacité biologique de l’insecticide, et le monitorage entomologique de la transmission.

 

La pulvérisation intra-domiciliaire (PID)

Lieu d’étude: Cette étude s’est déroulée dans huit localités riveraines de part et d’autre du fleuve Niger situées dans les communes de Bancoumana, du Mandé, de Sanankoraba, de Dialakoroba, de Niagadina, et de Kourouba. Ces communes sont situées dans le cercle de Kati, région de Koulikoro, Mali. Ces hameaux étaient Boumoudjou, Dangassa-somonosso, Terekoudou-somonosso, Makono-somonosso, Makono-malinké sur la rive droite et Bozokin, Koursalé-somonosso, Niamanicoro sur la rive gauche (Figure 1).

Période et type d’étude: Il s’agit d’une étude transversale qui s’est déroulée du 10 au 25 février 2010.

Echantillonnage: Les cases retenues sont celles dont les propriétaires ont donnée un consentement verbal.

Déroulement: Après avoir demandé et obtenu le consentement verbal, des chefs de concessions et des propriétaires de cases, nous avons procédé à la préparation des cases. Cette opération consistait à faire sortir tous les aliments et objets encombrants la case afin de faciliter l’accès aux murs par le pulvérisateur. Ce travail a été fait par les propriétaires et les guides villageois aidés en cela par les superviseurs et le coordinateur de l’opération. Les cases une fois préparées, étaient pulvérisées par les opérateurs. La pulvérisation consistait à asperger sur la façade intérieure des murs des cases et de la toiture au cas où celle-ci était en chaume ou en terrasse d’insecticide. Le pourtour extérieur (espace entre le chaume et le mur) ainsi que la porte d’entrée de la case étaient également traité. L’insecticide utilisé était de la lambda-cyhalothrine commercialisé sous le nom d’Icon10CS®. Un sachet (62,5ml) de ce produit était mélangé à un volume d’eau de 8 litres. Le travail commençait aux environs de 8 heures le matin et prenait fin vers 11h30. A la fin de la journée de travail l’équipe amenait le matériel à l’aire de lavage à Bancoumana où l’équipe était basée. La consigne était donnée aux propriétaires des cases de ne les ouvrir que deux heures après la pulvérisation, d’attendre environ 30 mn avant de les nettoyer et de jeter toutes les ordures dans les fosses des toilettes où le cas échéant, les enterrer. 

 

Descripción: bancoumana_dangassa.tif

Figure 1. Carte  des villages, et les hameaux  ayant bénéficiés la PID.

Figure 1. Map of villages, and hamlets that benefited from IRS.

 

Le suivi de l’efficacité biologique avec les cônes (cône test)

Pour évaluer la l’efficacité biologique de l’insecticide dans le temps,  un hameau où a eu lieu le PID, a été choisi à chaque rive du fleuve. Il s’agissait notamment du Bozokin sur la rive gauche et de Dangassa Somonosso sur la rive droite. Dans chacun de ces hameaux 5 cases ont été choisies aux hasards en tenant compte de la proportion des différents types de cases (tôle et paille) dans le hameau. Les tests ont été effectués dans ces cinq cases deux mois (avril), quatre mois (juin) sept mois (septembre) et neuf mois (novembre) après le PID.  

Le kit pour le bio-essai comprenant: des cônes transparents en plastique, un ruban adhésif pour fixer les cônes, des tubes d’aspiration courbés et droits, du papier cartonné, de petits clous, du coton, des gobelets de carton fermés par un tulle moustiquaire, bracelets, marqueur; cages de moustiques, une caisse en bois aérée (percée de grands trous), des serpillières.

Des femelles adultes (Colonie d’Anopheles gambiae, souche Kisumu de 2-5 jours d’âge) ont été élevées au laboratoire du MRTC/FMPOS à Bamako et transportées sur le site d’étude (village) dans des pots de captures individuels couverts de tulle moustiquaire. Les pots étaient placés dans des caisses en bois recouvertes de serpillières légèrement mouillées pour y maintenir une humidité relative élevée. Après un repos d’une heure au moins et 24 ou 48 heures au plus, ces moustiques étaient soumis au test.

Ces tests consistaient à: fixer un cône sur le mur de chacun des quatre cotés de la case traité, garnir le bord du cône de ruban adhésif, transférer 10 moustiques dans chaque cône et fermer le cône avec un tampon de coton (utiliser des aspirateurs différents pour les cônes témoins), après un temps d’exposition de 30 minutes, retirer prudemment les moustiques à l’aide d’un aspirateur et les transférer dans des gobelets étiquetés, dénombrer les moustiques assommés (Knock down) ou et morts à la fin de la période d’exposition. Ne pas éliminer les moustiques assommés car ils peuvent récupérer, placer un tampon de coton imbibé de solution sucrée sur le tulle de chaque gobelet, ranger les gobelets dans la caisse aérée et les recouvrir d’un linge humide, après 24 heures d’observation, dénombrer les moustiques morts et déterminer le taux de mortalité observée dans les lots tests et les lots témoins. Le même processus est effectué en fixant un carton sur la surface traitée et fixer dessus un cône. Ce cône sert comme témoin, si la mortalité observée chez les témoins est compris entre 5% et 20%, la mortalité dans les lots tests doit être corrigée en utilisant la formule d’Abott. Si la mortalité chez les témoins dépasse 20%, l’expérience ne peut être validée.

Formule d’Abott:

 

Monitorage des paramètres entomologiques de la transmission du paludisme

Pour le suivi entomologique de la transmission quatre villages (Bancoumana, Dangassa, Niaganabougou et Kenieroba) et quatre hameaux (Bozokin, Dangassa-somonsso, Niaganabougou-somonosso et Fourda) ont été choisis. Toutes ces localités sont situées dans le cercle de Kati (Figure 2).

 

Descripción: Keita Final.BMP

Figure 2. Carte écoclimatique du Mali et les lieux d’étude pour le monitorage des paramètres entomologiques de la transmission du paludisme.

Figure 2. Ecoclimatic map of Mali and study sites for the entomological parameters monitoring of malaria transmission.

 

Cette étude est de type longitudinal à passages transversaux d’une durée de quinze jours par mois. Elle a couvert la période de mars 2010 à décembre 2010. Soixante concessions ont été choisies de façon aléatoire sur la liste des concessions de chacun des villages. Les 60 cases ont été reparties selon la proportion des deux types d’habitats (tôle et paille) qui s’y trouve. Dix cases ont été retenues dans chacun des hameaux à l’exception de Fourda où douze cases ont été retenues pour les spray-catch.

Deux séances de capture dans 30 cases ont lieu dans les villages par deux groupes de captureurs en raison de 15 cases par équipe et 10 cases pour chacun des hameaux l’exception de Fourda ou 12 cases ont été prospectées. Les captures étaient faites en pulvérisant dans les chambres un aérosol à base de Pyréthrinoïde (Tétraméthrine 0,15%) et de deux organophosphorés (Dichlorvos 1,20 % et de Fénitrothion 0,40 %) commercialisé sous le label nom de "Premium®". Avant la pulvérisation de l’insecticide, des draps blancs étaient étalés sur le plancher de la case pour collectionner les moustiques moribonds qui y tombent. Tous les spécimens capturés étaient morphologiquement identifiés, décomptés et classifiés en femelles à jeun, gorgées, semi-gravides et gravides et conservés case par case dans des tubes contenant du fixateur de carnoy (3 parties d’éthanol pour 1 partie d’acide acétique glaciale). Une étiquette portant le numéro de la case et la date de capture accompagne chaque tube. Le numéro d’identification de la case, le nombre de personnes ayant dormi dans la case la veille de la capture, le type de case ainsi que le nombre de spécimens capturés sont enregistrés sur des fiches de base appropriées. Les moustiques fixés au carnoy sont laissés 48 heures à la température ambiante avant d’être triés.

Après dissection sous l’objectif d’une loupe binoculaire, la portion tête-thorax des moustiques était conservée individuellement dans des tubes Eppendorf de 1,5 ml vide pour la détermination d’indice d’antigène sporozoïtique (IAS) par la méthode d’ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay) (Beier et al., 1987, 1988).

 

Recueil des données pluviométriques

Les registres de collectes des données pluviométriques de ses différents sites d’étude ont été utilisés pour la collecte.

 

Critère de jugement

Critères de jugement principal

Une baisse significative du taux d’inoculation entomologique 03 à 06 mois après la PID dans les hameaux tests et les villages tests comparée aux hameaux témoins et aux villages témoins.

 

Critères de jugement secondaire

 Il s’agit d’avoir un taux de couverture globale de PID > 80%; un taux d’efficacité biologique à la Lambda-cyalothrine élevé pendant 03 à 06 mois après la PID;  une diminution significative de la densité d’Anopheles gambiae, du taux d’agressivité d’Anopheles gambiae, du taux d’infection d’Anopheles gambiae 03 à 06 mois après la PID dans les hameaux tests et les villages tests comparée aux hameaux témoins et aux villages témoins.

 

Saisie et analyse des données

Le logiciel Excel (Microsoft office 2007) a été utilisé pour la saisie des données et le logiciel SPSS (version SPSS 12.0 for Windows). L’analyse des donnés ont été faites sur logiciel WinBugs. Ces comparaisons ont concernée la densité, l’agressivité, le taux d’infection, le taux d’inoculation entomologique. La densité est calculée en divisant le nombre d’anophèles capturés par le nombre de cases prospectées. Le taux d’agressivité (m.a) est égale au nombre total d’anophèles femelles ayant piquées la veille (gorgée et semi gravide) capturées dans une chambre, divisé par le nombre de personnes ayant dormi la veille dans la chambre. Le Taux d’infection correspond au pourcentage d’individus d’anophèles porteurs de l’indice d’antigène circumsporozoïtique dans la portion tête thorax. Le taux d’inoculation entomologique (h) représente le nombre de piqûres infectantes reçues par l’homme et par unité de temps. Les villages tests ont été comparés aux villages témoins et de même entre hameaux tests et témoins. Les données des villages de Bancoumana et Dangassa ont été regroupées et forment le village test c'est-à-dire les villages dont les hameaux ont reçu la PID. Le village témoin était celui dont le hameau n’a pas été pulvérisé (Kenieroba plus Niaganabougou). Le hameau test (Bozokin plus Dangassa-Somonosso) était pulvérisé et le hameau témoin (Fourda plus Niaganabougou-Somonosso) n’avait pas reçu la PID.

 

Considérations éthiques

Avant le début de l’étude, l’approbation du comité d’éthique de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie (FMPOS) a été obtenue. Le consentement des populations des sites d’étude a été recherché et obtenu. Les considérations éthiques inhérentes à l’exécution de ce protocole étaient relatives à la PID, au cône test et aux captures de jour par aspersion d’insecticide ou spray-catch. Le consentement éclairé de la population a été cherché et trouvé et aucune case n’a été pulvérisée et de même l’application de cône test sans l’avis de son propriétaire. L’insecticide utilisé était un mélange de Pyréthrinoïde (Tétraméthrine 0,15 %) et de deux organophosphorés (Dichlorvos 1,20 % et de Fénitrothion 0,40 %) commercialisé sous le nom de "Premium®" pour spray-catch et la Lambda-cyhalotrine pour la PID. Ces produits sont reconnus non toxique dans les conditions normales d’utilisation. Les operateurs du PID portaient des combinaisons de protection pour limiter l’exposition à la lambda-cyhalothrine. Les guides villageois travaillant avec l’équipe de recherche avaient des couvre-nez pour éviter les irritations au niveau de la muqueuse nasale que l’aspiration de l’insecticide pourrait provoquer. Les operateurs de la PID et les guides locaux recevaient une rémunération en guise de compensation de leur temps d’activités productrices.

 

Résultats

 Le tableau 1 montre le taux de couverture de la PID dans les villages riverains du fleuve Niger au Mali.

 

Localités

Nombre de cases

Total

Taux de couverture

Traitées

Non traitées

Bozokin

125

20

145

86,2

Koursalé-somonosso

28

0

28

100,0

Niamanicoro

18

0

18

100,0

Boumoudjou

123

28

151

81,5

Dangassa-somonosso

134

20

154

87,0

Terekoudou-somonosso

12

2

14

85,7

Makono-Somonosso

184

6

190

96,8

Makono-malinké

354

47

401

88,3

Total

978

123

1101

88,8

Tableau 1. Taux de couverture de la PID dans huit villages riverains du fleuve Niger au mois de février 2010.

Table 1. IRS coverage rate in eight villages along the Niger River in February 2010.

 

Le taux de couverture moyen de la PID dans les huit villages était à 88,8%. Le taux de couverture le plus élevé était enregistré à Koursalé-Somonosso et à Niamanicoro (100%). Il était plus faible à Boumoudjou (81,5%). La figure 3 indique la variation du taux de mortatlité en fonction du type  de case dans les hameaux tests après PID.

 

Figure 1. Variation du taux de  mortalité en fonction du type case dans les hameaux tests après PID .

Figure 3. Change in the mortality rate according to the case type in the test hamlets after IRS.

 

Le taux de mortalité était à 100% deux mois après la PID période à partir de laquelle l’efficacité biologique de la lambda-cyhalothrine appliquée lors de la PID baissait au fil du temps. Elle était plus accentuée dans les cases avec toiture en paille que les cases avec toiture en Tôle.  La figure 4 montre la variation mensuelle de la densité d’Anopheles gambiae s.l. établie à partir de spray-catch en fonction de la pluviométrie dans les villages (test et témoin) et hameaux (test et témoin) de mars 2010 à décembre 2010.

La densité était plus faible dans le village test que le village témoin jusqu’au mois d’août (6 mois après la PID). Le même phénomène était observé dans les hameaux où les densités étaient plus faibles jusqu’en juin (05 mois après la PID) dans le hameau test que dans le hameau témoin. Parallèlement la densité augmentait avec la pluviométrie aussi bien dans les villages que dans les hameaux. Le tableau 2 montre agressivité (nombre de piqûre par homme et par mois) d’Anopheles gambiae s.l. mesuré à partir du spray-catch dans les villages test et témoin de mars 2010 à décembre 2010.

 

 

Figure 2. Variation mensuelle de la densité d’Anopheles gambiae s.l. établie à partir de spray-catch en fonction de la pluviométrie dans les villages (test et témoin) et hameaux (test et témoin) de mars 2010 à décembre 2010

Figure 4. Monthly change in the density of Anopheles gambiae s.l. based on spray-catch as a function of rainfall in villages (test and control) and hamlets (test and control) from March 2010 to December 2010

 

Localités

Mois/Année

Village test

Village témoin

*ND

**TAP

m.a/ mois

IC à 95%

*ND

**TAP

m.a/mois

IC à 95%

Mars 10

333

12

1,08

0,97—1,20

419

96

6,87

6,63—7,13

Avril 10

431

33

2,30

2,16—2,44

420

172

12,29

11,95—12,92

Mai 10

424

128

9,06

8,77—9,35

422

632

44,93

44,29—45,57

Juin 10

447

85

5,71

5,49—5,93

411

262

19,12

18,70—19,55

Juillet 10

403

219

16,30

15,91—16,70

448

357

23,91

23,46—24,36

Août 10

424

407

28,80

28,29—29,31

434

573

39,61

39,02—40,20

Sept 10

409

571

41,88

41,26—42,51

438

606

41,51

40,91—42,11

Oct 10

416

258

18,61

18,19—19,02

432

357

24,79

24,32—25,26

Nov 10

391

79

6,06

5,82—6,31

414

89

6,45

6,21—6,70

Déc 10

416

98

7,07

6,81—7,33

408

76

5,59

5,36—5,82

Tableau 2. Agressivité (nombre de piqûre par homme et par mois) d’Anopheles gambiae s.l. mesuré à partir du spray-catch dans les villages test et témoin de mars 2010 à décembre 2010. ND: Nombre de dormeurs; TAP: Total ayant piqué la veille.

Table 2. Anopheles gambiae s.l. aggressiveness (number of bites per man per month) measured from spray-catch in the test and control villages from March 2010 to December 2010.

 

Le taux d’agressivité (m.a) par spray catch était plus faible dans le village test que dans le village témoin 07 mois après la PID avec une différence statistiquement significative. On voit qu’il y a au moins 3 fois plus de réduction des agressivités dans le village test comparé au village témoin de mois de mars à juin. Le tableau 3 indique agressivité (nombre de piqûre par homme et par mois) d’Anopheles gambiae s.l. mesuré à partir du spray-catch dans le hameau test et témoin de mars 2010 à décembre 2010.

 

Localités

Mois/ Année

Hameau test

Hameau témoin

*ND

**TAP

m.a/ mois

IC à 95%

*ND

**TAP

m.a/ mois

IC à 95%

Mars 10

75

9

3,60

3,18—4,04

84

89

31,79

30,59—33,0

Avril 10

63

25

11,90

11,07—12,77

78

225

86,54

84,48—88,62

Mai 10

65

83

38,31

36,82—39,82

89

327

110,20

108,00—112,40

Juin 10

64

67

31,41

30,05—32,80

87

262

90,34

88,35—92,35

Juillet 10

68

67

29,56

28,28—30,86

97

53

16,39

15,60—17,21

Août 10

63

85

40,48

38,92—42,06

89

101

34,04

32,84—35,27

Septembre 10

58

43

22,24

21,04—23,47

90

62

20,67

19,74—21,62

Octobre 10

62

35

16,93

15,93—17,97

82

48

17,56

16,66—18,48

Novembre 10

71

28

11,83

11,04—12,64

87

46

15,86

15,04—16,71

Décembre 10

69

77

33,48

32,13—34,85

74

47

19,05

18,07—20,06

Tableau 3. Agressivité (nombre de piqûre par homme et par mois) d’Anopheles gambiae s.l. mesuré à partir du spray-catch dans le hameau test et témoin de mars 2010 à décembre 2010. ND: Nombre de dormeurs; TAP: Total ayant piqué la veille.

Table 3. Aggressiveness (number of bites per man per month) of Anopheles gambiae s.l. measured from spray-catch in the test hamlet and control from March 2010 to December 2010.

 

Les quatre premiers mois après la PID, l’agressivité a été réduite au moins de 3 fois dans le hameau test comparé au hameau témoin. Le tableau 4 montre l’indice d’antigène sporozoïtique (IAS) d’Anopheles gambiae s.l. établi à partir des échantillons du spray-catch dans les villages test et témoin de mars 2010 décembre 2010.

 

Localités

Mois/ Année

Village test

Village témoin

NT

IAS (%)

IC à 95%

NT

IAS (%)

IC à 95%

Mars 10

36

2,78

0,07—14,53

133

0,75

0,02—4,12

Avril 10

69

0,00

-

330

0,30

0,01—1,68

Mai 10

223

1,79

0,49—4,53

1117

0,90

0,43—1,64

Juin 10

152

0,00

-

670

1,94

1,04—3,30

Juillet 10

302

1,99

0,73—4,27

578

1,38

0,60—2,71

Août 10

731

1,09

0,47—2,14

1126

0,71

0,31—1,40

Septembre 10

1040

0,77

0,33—1,51

1031

0,58

0,21—1,26

Octobre 10

404

6,19

4,04—9,00

605

1,98

1,03—3,44

Novembre 10

126

6,35

2,78—12,13

157

5,10

2,23—9,79

Décembre 10

172

6,40

3,24—11,15

127

0,79

0,02—4,31

Tableau 4. Indice d’antigène sporozoïtique (IAS) d’Anopheles gambiae s.l. établi à partir des échantillons du spray-catch dans les villages test et témoin de mars 2010 décembre 2010. NT: nombre testé à l’Elisa.

Table 4. Anopheles gambiae s.l. sporozoite antigen index based on spray-catch samples in the test and control villages of March 2010 December 2010.

 

Le taux d’infection est resté plus élevé dans le village test que le village témoin dans la plupart des mois sans que cette différence ne soit statistiquement significative. Le tableau 5 indique l’indice d’antigène sporozoïtique (IAS) d’Anopheles gambiae s.l. établi à partir des échantillons du spray-catch dans les hameaux test et témoin de mars 2010 décembre 2010.

 

Localités

Mois/ Année

Hameau test

Hameau témoin

NT

IAS (%)

IC à 95%

NT

IAS (%)

IC à 95%

Mars 10

15

-

-

184

0,54

0,01—2,99

Avril 10

60

-

-

458

0,22

0,01—1,21

Mai 10

162

-

-

722

0,69

0,23—1,61

Juin 10

114

1,75

0,21—6,19

518

0,19

0,00—1,07

Juillet 10

94

2,13

0,26—7,48

110

0,00

-

Août 10

161

1,24

0,15—4,42

174

0,00

-

Septembre 10

92

1,09

0,03—5,91

99

1,01

0,03—5,50

Octobre 10

89

3,37

0,70—9,54

85

2,35

0,29—8,24

Novembre 10

66

1,52

0,04—8,16

84

2,38

0,29—8,34

Décembre 10

105

-

-

88

-

-

Tableau 5. Indice d’antigène sporozoïtique (IAS) d’Anopheles gambiae s.l. établi à partir des échantillons du spray-catch dans les hameaux test et témoin de mars 2010 décembre 2010. NT: nombre testé à l’Elisa.

Table 5. Anopheles gambiae s.l. sporozoite antigen index based on spray-catch samples in the test and control hamlets of March 2010 December 2010.

 

Ce taux d’infection était plus faible trois mois après la PID dans le hameau test que dans le hameau témoin avec une différence significative. Au delà du troisième mois, on observe un taux plus élevé dans le hameau test que le témoin à l’exception de novembre. Tandis qu’il était nul dans les hameaux test et témoin en décembre. La figure 5 montre variations mensuelles du taux d’inoculation entomologique (TIE) d’Anopheles gambiae s.l à après spray-catch dans les villages (test et témoin) et hameaux (test et témoin) de mars 2010 à décembre 2010.

Les quatre premiers mois après la PID, le TIE était plus faible dans le village test que dans le village témoin,  même si la différence n’était pas significative. La même situation était enregistrée durant les trois premiers mois dans le hameau test à comparé du hameau témoin.

 

 

 

 

Figure 3. Variations mensuelles du taux d’inoculation entomologique (TIE) d’Anopheles gambiae s.l à après spray-catch dans les villages (test et témoin) et hameaux (test et témoin) de mars 2010 à décembre 2010.

Figure 5. Monthly changes in the rate of entomological inoculation (TIE) of Anopheles gambiae s.l after spray-catch in the villages (test and control) and hamlets (test and control) from March 2010 to December 2010.

 

Discussions

Cette étude dont l’objectif était d’évaluer l’impact possible de la PID en saison sèche dans les hameaux riverains du fleuve ainsi que dans leurs villages-mères avoisinants sur la transmission du paludisme. En effet, dans les villages situés à quelque km du fleuve, les moustiques sont très rares en saison sèche contrairement aux hameaux où les densités sont relativement  plus élevées (Sogoba et al., 2007). Une PID bien conduit en saison sèche dans les hameaux pourrait avoir non seulement un effet sur la transmission du paludisme dans ces hameaux mais aussi dans les villages environnants où tout au moins retarder la reconstitution de la population de moustiques pendant la saison des pluies dans ceux-ci. La PID conduite dans les hameaux a permis d’avoir un taux de couverture moyen  de 88,8% ce qui dénote d’une bonne acceptation  par la population locale. Selon l’OMS pour que la PID ait un impact positif sur la transmission il faut atteindre un taux de couverture de 80% (OMS, 2016). Les tests d’efficacité biologique (cône test) effectués deux mois après dans les hameaux tests  sur la souche Kisumu sensible ont montré un taux de mortalité de 100 % 24 heures après l’exposition aux murs traités. Toute fois la mortalité baissait au fil du temps après la PID (moins de 50% à 7 mois). Ces résultats diffèrent de ceux observés à Bla et Koulikoro qui avaient trouvé un taux de mortalité variant entre 79,5 et 89,5% à Koulikoro et 86 à 95 % à Bla 7 mois après la PID (Lambda-cyhalothrine) (Soumaré, 2010). Cette différence pourrait être due aux conditions climatiques telles que la température, et l’humidité mais aussi à la nature des matériaux de construction. Par ailleurs l’efficacité biologique de la Lambda-cyhalothrine variait selon les types de case. Elle était plus élevée dans les cases en tôle que dans les cases en paille, respectivement 2, 4,7, et 9 mois après le PID. En effet, une pulvérisation est efficace pendant 3 à 6 mois en fonction de la formulation de l’insecticide utilisé et du type de surface pulvérisée. Il apparait évident que dans cette zone soudanienne, il faut pulvériser plusieurs fois les mêmes habitations pour protéger la population pendant toute la saison de transmission du paludisme (OMS, 2016). Le suivi des paramètres entomologiques de la transmission du paludisme a montré une densité significativement plus faible dans le hameau test que le hameau témoin jusqu’à 4 mois après la PID. Le même phénomène était observé entre le village test et le village témoin jusqu’à 6 mois après le PID. Cette différence significative pourrait être due à la PID effectuée dans les hameaux tests. L’agressivité moyenne mensuelle était plus faible dans le village test que dans le village témoin avec une différence statistiquement significative à l’exception des mois de septembre et novembre. Ces observations pourraient réaffirmer l’impact de la PID sur le village test. Le taux d’infection était significativement plus faible dans le hameau test que le hameau témoin trois mois après l’application de l’insecticide. Par contre, il n’avait pas eu d’impact sur le taux d’infection dans le village test. Durant les quatre premiers mois après la PID, le TIE était plus faible dans le village test que dans le village témoin, même si la différence n’était pas significative et la même situation était enregistrée durant les trois premiers mois dans le hameau test à comparé du hameau témoin. Ces observations pourraient réaffirmer l’impact de la PID sur le hameau test et leurs villages avoisinants.

 

Conclusion

Le bon taux de couverture de PID obtenu a permis d’agir sur la densité dans les hameaux et ou retardé l’apparition de forte densité dans le village test comparé au village témoin et aussi une réduction du taux d’inoculation entomologique dans le village test comparé au village témoin trois mois après la PID même si toute fois la différence n’était pas significative. Une seule PID avec la lamdacyhalothrine pendant la saison sèche le long du fleuve ne protégerait pas la population de la transmission du paludisme toute l’année, mais réduirait celle-ci de façon significative au moins trois mois après sa mise en œuvre, d’où la nécessité de pulvériser plusieurs fois les mêmes habitations pour protéger la population pendant toute la saison de transmission du paludisme.

 

Conflit d’intérêt: Aucun.

 

Remerciements. Nous voudrions remercier le PNLP Mali, les populations des sites d’étude, les guides locaux, le Professeur Amagana Dolo, le Docteur Ibrahim Baber, le Docteur M’Bouillé Diallo et les techniciens de laboratoire qui ont contribué à l’atteinte des résultats ici présentés.

 

Références

Beier, J.C., Perkins, P.V., Wirtz, R.A., Whitmire, R.E., Mugambi, M., Hockmeyer, W.T., 1987, Field evaluation of an enzyme-Linked immunoSorbent Assay (ELISA) for Plasmodium falciparum sporozoite detection in anopheline mosquitoes from Kenya. Am J Trop Med Hyg 36 (3), p.459

Beier,J.C., Perkings.P.V., Wirts,R.A., Koros,J., Diggs, D., Gargan,T,P.,and Koech, D.K.,  1988, Bloodmeal identification by direct enzyme-Linked immunoSorbent Assay (ELISA),tested on Anopheles (Diptera:Culicidae) in Kenya. J.Med Entomol 25 (1), p.9.

Doumbo O., 1992 Epidémiologie du paludisme au Mali, étude de la chloroquinorésistance et éssai de stratégie de contrôle basée sur l’utilisation de rideaux imprégnés de perméthrine associée au traitement systématique des accès fébriles. Thèse de Doctorat en Sciences biologiques, Montpellier 2.

Ministère de la santé du Mali (2013) Enquête démographique et de santé (EDSM-V) 2012-2013. https://docplayer.fr/10938423-Enquete-demographique-et-de-sante-du-mali-edsm-v-2012-2013.html

OMS, 2016, Paludisme, aide-mémoire N° 94.

Sogoba, N., Doumbia, S., Voumatsou,P., Baber, I., Keita,M., Maiga, M., Traore, S. F., Toure, A., Dolo, G., Smith, T., Ribeiro, J.M., 2007, Monitoring of larval habitats and mosquito densites in the Sudan savanna of Mali: implications for malaria vector control. Am J Trop Med Hyg 77 (1), p.82.

Soumaré H M., 2010, Évaluation de l’efficacité de la land-cyhalothrine en pulvérisation intra-domiciliaire dans les cercles de Koulikoro et de Bla au Mali. Thèse de Doctorat en Médecine (FMPOS).