Elhaddadi,
M., Latifi, M., Ahami, A.O.T., 2017. Impact du Serious Game JeStiMulE sur la
reconnaissance des expressions faciales émotionnelles chez les enfants autistes.
Antropo, 38, 75-86. www.didac.ehu.es/antropo
Impact
du Serious Game JeStiMulE sur la reconnaissance des expressions faciales émotionnelles
chez les enfants autistes
Impact of the Serious Game JeStiMulE on the
recognition of facial emotion expressions in children with autism
Mounia Elhaddadi1, Mohamed Latifi2,
Ahmed Omar Touhami Ahami1
1Laboratoire
de Biologie et Santé. Unité de Neuroscience et Nutrition. Département de Biologie,
Faculté des Sciences. Université Ibn Tofail, Kenitra, Maroc.
2Centre de Formation des Inspecteurs de
l’Enseignement, Rabat, Maroc
Correspondance :
Mounia Elhaddadi, elhaddadi24@yahoo.fr
Mots clés : Serious Games, JeStiMulE,
apprentissage des émotions, autisme.
Keywords: Serious Games, JeStiMulE, learning emotions, autism.
Résumé
Objectifs. L’objectif
principal de cette recherche est d’observer l’impact de l’utilisation du Serious
Game JeStiMulE sur l’amélioration de la capacité de reconnaissance des expressions
faciales émotionnelles (EFE) chez deux enfants autistes. Notre recherche
permettra également d’observer l’apprentissage des enfants autistes par le
biais des programmes informatisés.
Sujets
et méthodes. Deux sujets
masculins, un enfant de 12 ans et un adolescent de 16 ans adhérents d’un
programme d’apprentissage et d’éducation d’une association à Kenitra faisaient partie
de cette recherche. Leur état d’autisme a été confirmé par le questionnaire E2
de Rimland. Pour apprécier adéquatement l’intelligence des enfants autistes et
leur capacité de raisonnement non verbal, on a utilisé les matrices progressives
de Raven (PM 38). Le matériel Faces test (version de Bordeaux 2011) a été
utilisé pour quantifier la progression de la capacité de reconnaissance des
émotions chez les enfants de notre étude. Des séances d’apprentissage des
émotions ont été organisées durant 3 mois en utilisant le Serious Game
JeStiMulE. Les deux sujets sont en bonne santé physique, leur régime alimentaire
est semblable à celui des autres sujets marocains de même tranche d’âge. Pour
faire une comparaison, deux sujets typiques (masculins aussi) : SK (13
ans) et SM (11 ans) ont fait les témoins. Une grille d’observation est remplie
avant et après toutes ses interventions.
Résultats. Les enfants
ont obtenus des scores au questionnaire E2 de Rimland révélant leur état d'autisme.
La grille d’observation et le Faces Test ont révélé une progression vis-à-vis
la reconnaissance des EFE après les séances d’apprentissage par le Serious Game
JeStiMulE. Pour le PM 38 de Raven L’enfant B.G. a obtenu un score de 39/60.
Pour l’enfant A.E., il a pu résoudre ce test seulement en version électronique
et il a obtenu 31/60. Au Faces
Test (évocation
libre) l’enfant A.E a eu 7/20 puis 9/20, tandis que B.G a passé de 10/20 à
12/20. En évocation indicée : A.E a eu 11/20 puis 13/20 et B.G a passé
de 14/20 à 15/20.
Pour le Serious Game JeStiMulE, dans la phase
d’apprentissage B.G. a réussi 18,25% des options de reconnaissance des émotions
en les reconnaissant et en leur attribuant la couleur correcte, A.E. a réussi 38,57% du même groupe d’options. Dans
la phase d’expérimentation (2 modules et 25 scènes pour chacun) là ou le joueur
se circule dans un cyber quartier et choisi les endroits (jardin, théâtre,
cafétéria, pizzeria, jeux publiques …) et les groupes de cyber personnages
‘avatars’ dans 25 scènes qui présentent de nombreuses émotions lesquelles il
doit reconnaitre et répondre correctement par cliquer sur des choix. B.G. a
réussi 5 scènes des 25 qu’il a choisi au
module 1, et 6 parmi 25 choisis au module 2, 5/9 au module 1 et 2/19 au module 2 pour A.E.
Conclusions. Avec
un matériel de ce type, l’entrainement pourrait commencer de manière précoce, puisque
c’est un outil non verbal. Ainsi, plus la prise en charge se fera précocement,
plus la progression dans la reconnaissance des expressions faciales est
importante.
Abstract
Objectives. The main
objective of this research is to observe the impact of the use of the Serious
Game JeStiMulE on the improvement of the capacity of recognition of facial emotion
expressions (FEE) for two autistic children and studying their flexibility towards education by
computer programs.
Patients and Methods. Two males,
a child A.E. (12 years old) and an adolescent B.G. (16 years old) following a
training and education program within an association in Kénitra have been the subjects
of this study; their autistic condition was revealed by their families
answering the questionnaire E2 of Rimland (1971). The Raven Progressive
Matrices (PM 38) were used to test their ability to nonverbal reasoning. The Faces
test (version Bordeaux 2011) was used to
quantify the progression of the ability to recognize emotions for the children
of our study. Emotional learning sessions were organized for 3 months using the
Serious Game JeStiMulE. The two
subjects are in good physical health; their diet is similar to other Moroccan
persons of the same age group. For comparison, two normal subjects (male too):
S.K. (13 years old) and S.M. (11 years old) were the witnesses. An observation
grid was filled before and after all interventions.
Results. Children have obtained scores at E2 Rimland
questionnaire revealing their state of
autism. The observation grid and the Faces Test revealed a progression towards
the recognition of EFEs after the learning sessions by the Serious Game
JeStiMulE. For the PM 38 of Raven The child B.G. obtained a score of 39/60, for
the child A.E. he was able to solve this test only in electronic version and he
obtained 31/60. At the Faces Test (free evocation), the child A.E had 7/20 then
9/20, while B.G went from 10/20 to 12/20. In evocation indexed: A.E. had 11/20 then 13/20
and B.G. passed from 14/20 to 15/20. The two children had a higher response
number after using the game JeStiMulE.
For the serious game JeStiMulE in the learning phase B.G. managed
18.25% of emotion recognition options by recognizing and assigning the correct
color for each emotion, A.E. managed 38.57% of the same group of options. In the
experimental phase (2 modules with 25 scenes) where the player travels in a cyber area and selected
locations (garden, theater, cafeteria, pizzeria, public play garden ...) and
groups of cyber characters 'avatars' in 25 scenes that show many emotions which
ones must be recognized and properly responded by clicking choices. B.G.
managed 5 scenes of the 25 in Module 1, and 6 among 25 chosen in Module 2; 5/9
and 2/19 in Module 1 to Module 2 for A.E.
Conclusions. With such equipment, the training could start
early, since it is a non-verbal tool. Thus, more the supporting is earlier, more the
benefit that the patient will derive is greater, important and durable.
Aux États-Unis, le diagnostic des troubles du
spectre autistique (TSA) a augmenté d'environ 10 fois au cours d'une décennie, passant
de 4 à 5 enfants par 10.000 dans les années 1980 à 30 à 60 enfants par 10.000
dans les années 1990, selon un rapport publié en août 2003 du Journal of Autism
and Developmental Disorders.
Certains scientifiques pensent qu'une grande
partie de la poussée est le résultat d'une prise de conscience accrue des TSA
ou des changements dans les critères diagnostiques, ce qui suggère que la vraie
prévalence des troubles a été stable dans le temps. D'autres sont en désaccord.
Les enfants autistes ont du mal à reconnaître,
interpréter et imiter les expressions faciales émotionnelles. De façon
générale, ils ont du mal à partager avec les autres des émotions justes et
appropriées. Cependant cela ne veut pas dire qu’ils ne ressentent pas
d’émotion. Il est donc indispensable pour un enfant autiste de travailler
spécifiquement sur les émotions afin d’adapter ses comportements dans ses
relations sociales, sa communication avec les autres et contrôler ses émotions.
Pour les autistes, ils ressentent
de la joie, de la peur, de la colère ou du plaisir, mais leur manière de les
communiquer est totalement différente de la notre car ils ressentent le monde
autrement (Vermeulen, 2009).
Ils
ont aussi des difficultés pour traiter leurs sensations corporelles et pour
savoir comment elles sont liées ou non à leurs sentiments. Parfois, ils savent
qu’ils éprouvent quelque chose mais ils n’arrivent pas à donner une
signification à ce ressenti. De plus, leur cerveau confond les sentiments et
n’y attribue pas la bonne signification (Celani et
al, 1999).
Les
données expérimentales montrent un traitement perceptif atypique des visages
dans la pathologie autistique. En effet, le traitement de visages émotionnel
n’induit pas les processus automatiques (imitation, variation de l’activité
physiologique) observés chez les personnes non-autistes (Labruyère et Hubert,
2009).
L'autisme
ou le trouble du spectre autistique (TSA) est un ensemble de troubles
neurodéveloppementaux commençant dans la petite enfance et se caractérise par
des déficiences dans la communication et l'interaction sociale réciproque et la
présence de modèles de comportement restreints et répétitifs. La contribution
des facteurs génétiques à l'autisme est évidente (études familiales et études
de jumeaux) (Egger et al, 2014).
Les
comportements répétitifs restreints (RRB) sont une caractéristique essentielle
de l'autisme et se composent d'une variété de comportements allant des
stéréotypies motrices aux intérêts circonscrits complexes (Kristen et al,
2008).
Dans
une étude sur les processus cognitifs intacts et déficients chez les enfants
atteints de déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH) et les enfants
atteints d'un autisme de haut fonctionnement (HFA), le TDAH était associé à des
déficits de l'EF (le fonctionnement exécutif (EF) : l'inhibition, la
mémoire de travail visuelle, La planification, la flexibilité cognitive et la
fluidité verbale). Les enfants atteints de HFA ont présenté des déficits dans
tous les domaines EF, sauf le contrôle des interférences et la mémoire de
travail. Le groupe HFA a montré plus de difficultés que le groupe TDAH avec la
planification et la flexibilité cognitive (Geurts et al, 2004)
Plusieurs
expériences montrent que les enfants autistes peinent à décoder le monde
environnant : son tempo est trop rapide pour eux. D’où l’idée que des
désordres perceptifs seraient au coeur du syndrome. Aider les enfants en
ralentissant « leur monde » (Gepner et Tardif, 2009).
Le
thalamus a pour fonction de recevoir le message envoyé par les centres de
traitement des sensations et de le transmettre au cortex préfrontal, où il sera
associé à un contexte et prendra un sens (émotion ou besoin). Pour pouvoir
accéder au cortex cérébral le message doit d’abord être traduit par le
thalamus. Il existe un noyau thalamique qui est chargé spécifiquement de
percevoir et de transmettre la douleur. Le message va passer par l’hippocampe,
qui est impliqué dans le stockage et la remémoration des souvenirs explicites.
L’hippocampe va participer à la mémorisation des données nouvelles ou stimuler
la création d’une émotion par le lien avec un souvenir. De plusieurs zones du
système limbique, différents traitements du message vont converger jusqu’à
l'amygdale, qui va faire émerger le processus émotionnel le plus adéquat, en
fonction du degré d’urgence de la situation. L'amygdale permet l'une des formes
de nos mémoires implicites : la mémoire émotionnelle reliée à la peur.
L’hypothalamus et l’hypophyse sont chargés d’envoyer l’énergie contenue dans
l’émotion dans le corps. Cela se traduit par des modifications dans les
sécrétions hormonales et les signes vitaux.
L'autisme
est un désordre du cortex d'association, à la fois ses neurones et leurs
projections. En particulier, il s'agit d'un trouble de la connectivité, qui
semble, d'après les preuves actuelles, impliquer principalement la connectivité
intra hémisphérique (Minshew et
Williams, 2007).
Les troubles envahissants de développement
(TED) sont des troubles de comportement, au nombre de cinq selon le DSM-IV
(Diagnostic and Statistical Manual) : 1-Autisme, 2-Syndrome d’Asperger,
3-TED non spécifié, 4- Syndrome de Rett et 5- Désordre désintégrait de
l’enfance (American Psychiatric Association, 2000). D’origine multifactorielle,
les TED ont été depuis des décennies un sujet débat qui préoccupe les
psychologues, les pédiatres, les neurologues, les neuropsychologues, et les
parents bien-entendu. Dés les études de Hans Asperger aux années quarante,
jusqu’à la présente étude, tout effort fut la brique d’or qui rejoint les
autres pour construire la connaissance de ces troubles. La majeure masse de
travaux tend vers l’Amérique du nord, le Royaume Uni, la France, l’Australie et
les pays scandinaves. Le Maroc reste parmi ceux qui n’ont pas encore effectué
une enquête épidémiologique pour donner la prévalence de ces troubles, mais le
sujet est présent dans les travaux des chercheurs marocains, des tentatives des
marocains du monde qui en sont attachés. Les parents des enfants autistes
s’organisent en associations pour aider leurs enfants. Ces associations
invitent les spécialistes à apporter leurs connaissances et savoir-faire dans
la remédiation de ces troubles. Le diagnostic de l’autisme se fait par des
outils qui se sont développés durant l’histoire du trouble, des questionnaires,
des observations, des examens biologiques et neurobiologiques, des examens
radiologiques et électromagnétiques ainsi que des batteries de recherche. Ces
derniers sont présents aussi dans la remédiation des personnes autistes. On ne
peut pas guérir l’autisme, mais on peut aider les personnes atteintes d’être
autonomes, d’apprendre la lecture et l’écriture, de développer leur attachement
restreint à un sujet, de rester sains et saufs, de se communiquer
verbalement et non verbalement et de
reconnaitre les émotions des autres aussi qu’exprimer les siens.
À l’heure actuelle, il existe des programmes
d’intervention comportementale et développementale qui visent à améliorer les
conditions de vie des personnes présentant un trouble du développement.
Dans cette recherche, menée au sein de
l’association AMVM (Association marocaine pour une vie meilleure) on a adopté
l’outil de Rimland pour le diagnostic de l’autisme. Nous avons utilisé le
programme intitulé JeStiMulE pour améliorer les compétences sociales d'enfants et d'adolescents avec
Autisme ou Trouble Envahissant du Développement. L’objectif
principal de ce travail, est d’évaluer l’efficacité de cet outil de remédiation
dans le contexte culturel marocain. Pour ce faire on a étudié l’amélioration de
deux enfants autistes au niveau des interactions sociales émotionnelles après
des séances d’apprentissage et d’expérimentation par ce programme
d’intervention.
Sujets et méthodes
Lieu
du stage
L’association marocaine pour une vie meilleure
(AMPVIM) est une association à but non lucratif à Kénitra qui favorise le
développement social et l’intégration dans la vie active des enfants
handicapés, facilite leur épanouissement et celui de leurs familles,
spécialement ceux issus des milieux défavorisés.
Les
sujets
Deux enfants autistes ont fait le sujet de l’étude :
Le premier est un enfant de 16 ans, intégré depuis 2011, soit 4 ans de prise en
charge par l’association, son langage est découpé mais reste correct,
adaptable, les signes d’autisme les plus observable chez lui sont une
écholalie à voix basse, excitation vocale et motrice une fois la routine est
dérangée. Hors ces conditions, il est calme, son regard est dirigé vers son
interlocuteur mais le pointage est pratiqué si demandé par une personne de
compagnie. Avant son intégration dans l’association il a été très maladroit,
non autonome, et une automutilation sévère paraissait si une personne étrange
lui dirigeait la parole. L’accouchement difficile avec manque d’oxygène et une
faiblesse générale remarquait ses premiers jours, comme nourrisson il faisait
souvent des crises nerveuses. Le deuxième, est un enfant de 12 ans, non verbal,
maigre, il est autonome, son regard se dirige vers les gens qui lui parlent,
mais il ne le maintient pas longtemps, le pointage est totalement absent. Son
développement pendant les deux premières années était normale, il est ensuite
altéré par une crise de pleurs intenses avec hausse de température, le
diagnostic prenait des années pour donner la réponse : une otite
chronique. L’enfant est guérit mais les signes de l’autisme sont déjà installés.
Deux enfants de 11 et 13 ans portés normaux
sont les témoins de l’étude.
Les
outils utilisés
Grille d’observation
Pour réaliser nos observations, nous avons
utilisé la grille d'observation des niveaux de participation sociale pour les
enfants de 2 à 6 ans de Bakeman, R. & Brownlee, J.R9. Cette grille date de
1980, elle n'est donc pas très récente et a été modifié pour accomplir nos
objectifs (Tableau 1).
|
Oui |
Non |
Peu |
Regard |
|
|
|
Sourire |
|
|
|
Grimaces |
|
|
|
Code couleur |
|
|
|
Pointage |
|
|
|
Contact physique |
|
|
|
Initiation des expressions
faciales |
|
|
|
Tableau
1. La Grille d’observation.
Table
1. Observation grid.
Test de reconnaissance des expressions faciales
(Faces test)
Le matériel déjà existant a été repris et des
modifications nécessaires à l’étude y ont été apportées. Tout d’abord, les
photos des visages d’adultes ont été remplacées par vingt photos de visages
d’enfants (dix de filles et dix de garçons). Il est constitué de photos de
visages d’enfants exprimant diverses émotions (effrayé, en colère, neutre,
triste et heureux) et ayant été validés auprès d’une population d’enfants
anglais (Figure 1).
Figure
1. Extrait du Faces test.
Figure
1. Extract of Faces test.
Le
questionnaire E2 de Rimland
Le questionnaire E2 comporte soixante-dix-neuf
questions à choix multiple, remplies par les parents et concernant
principalement les antécédents et les anomalies du développement avant l'âge de
six ans.
Matrices progressives de Raven
Ce test mesure la capacité de raisonnement non
verbal, par analogie ; il consiste à repérer une transformation dans une
situation A et à la transférer, ou à la reporter dans une situation B. Pour
résoudre un nouveau problème, il faut :
- Trouver une correspondance entre le problème à résoudre et
un problème connu.
- Transférer nos connaissances de la situation familière à la
situation non familière.
On a utilisé ce test pour mesurer
l’intelligence des enfants autistes de notre étude (Figure 2).
Figure 2. Extrait
du test Matrices progressives de Raven.
Figure 2. Extract
of Raven’s progressive Matrices.
Le
projet JeStiMulE
JeStiMulE est un jeu éducatif informatisé
élaboré par le Service Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de
l’Adolescent du CHU-Lenval en collaboration avec le Laboratoire de Psychologie
Cognitive et Sociale de l’Université de Nice – Sophia Antipolis.
L’acronyme JeStiMulE signifie Jeu Educatif pour la
Stimulation Multi sensorielle d’enfants atteints de troubles envahissants du développement.
Il s’agit d’un jeu interactif ayant pour but de réduire les déficits en
compétences sociales d’enfants avec TSA. Ce Serious Game aide à la
reconnaissance de sept émotions (la joie, la tristesse, la peur, la colère, la
surprise, le dégoût et la douleur), qu’elles soient exprimées sur des visages,
par des gestes mais également en tenant compte d’un contexte situationnel ou
communicatif. Deux phases de jeux ayant chacune des objectifs différents:
- Une phase d’apprentissage dont l’objectif est l’apprentissage
des émotions sur le visage des avatars ainsi que de gestes émotionnels associés
(Figure 3).
- Une phase d’expérimentation dont le but est de mettre en contexte
les apprentissages de la première phase grâce à une plateforme de jeu en 3 D (Figure
4).
L’enfant est amené à analyser de multiples
situations dans lesquelles il doit reconnaître et anticiper les émotions des
personnages grâce au contexte, qui est à chaque fois différent. Trois modalités
de réponse sont à disposition du joueur :
- Le code couleur pour les sujets non lecteurs
- Les mots émotionnels (ex : joyeux, ravi,
énervé, …) pour les joueurs lecteurs et/ou ayant développé le langage
(l'accompagnateur pourra lire les mots au joueur si nécessaire).
- Les expressions idiomatiques à valeur
émotionnelle (ex : il est aux anges, elle souffre le martyr, …) pour des
joueurs lecteurs afin d'apprendre le sens des différentes expressions
idiomatiques.
Figure 3. Une
situation de la phase d’apprentissage.
Figure 3. A situation from the learning phase.
Figure
4. Une scène de la phase d’expérimentation.
Figure 4. A scene from the experimental phase.
Résultats
La
grille d’observation
Les grilles
d'observation, avant et après les séances du Serious Game JeStiMulE, sont présentées
dans les tableaux 2 à 5.
Oui |
Non |
Peu |
|
Regard |
x |
||
Sourire |
x |
||
Grimaces |
x |
||
Code couleur |
x |
||
Pointage |
x |
||
Contact physique |
x |
||
Initiation des expressions
faciales |
x |
Tableau 2. Le premier
enfant (B.G.). Avant.
Table 2. The first child (B.G.).
Before.
Oui |
Non |
Peu |
|
Regard |
x |
||
Sourire |
x |
||
Grimaces |
x |
||
Code couleur |
x |
||
Pointage |
x |
||
Contact physique |
x |
||
Initiation des expressions
faciales |
x |
Tableau 3. Le premier
enfant (B.G.). Après.
Table 3. The first child (B.G.). Afterward.
Oui |
Non |
Peu |
|
Regard |
|
x |
|
Sourire |
|
|
x |
Grimaces |
|
x |
|
Code couleur |
|
x |
|
Pointage |
|
x |
|
Contact physique |
x |
|
|
Initiation des expressions
faciales |
|
x |
|
Tableau 4. Le deuxième
enfant (A.E.). Avant.
Table 4. The second child (A.E.).
Before.
Oui |
Non |
Peu |
|
Regard |
|
|
x |
Sourire |
|
|
x |
Grimaces |
|
x |
|
Code couleur |
x |
|
|
Pointage |
|
|
x |
Contact physique |
x |
|
|
Initiation des expressions
faciales |
|
x |
|
Tableau 5. Le deuxième
enfant (A.E.). Après.
Table 5. The second child (A.E.). Afterward.
Matrices
progressives de Raven
La
déficience intellectuelle est fréquemment associée à l’autisme. 75 % des
enfants atteints d’autisme présentent une déficience et les quotients
intellectuels se répartissent en majorité entre 35 et 50. La notion de déficit
intellectuel doit donc être prise en compte car ce problème touche une majorité
des personnes concernées par l’autisme (Rogé, 2003). On
a utilisé le test des matrices progressives de Raven pour mesurer
l’intelligence des enfants autistes de notre étude.
Les
résultats de B.G. (le premier enfant) : Dans les séries A, B, C, D et E,
l’enfant B.G. a obtenu 12/12, 6/12, 9/12, 9/12 et 3/12 respectivement, soit un
score total de 39/60 qui correspond au 25ème percentile. De ce fait,
son intelligence est au-dessous de la moyenne.
Les résultats
d’A.E. (le deuxième enfant) : Dans les séries A, B, C, D et E, l’enfant A.E.
a obtenu 10/12, 6/12, 6/12, 5/12 et 4/12 respectivement, soit un score total de
31/60 qui correspond au 15ème percentile. De ce fait, son
intelligence est au-dessous de la moyenne.
Le
Serious Game JeStiMulE
Phase d’apprentissage
Des
avatars sont placés devant le joueur (garçon ou fille au groupe 1 selon le sexe
du joueur, puis un groupe de garçons ou filles dont le phénotype et les habits
se diffèrent, puis avec toute la famille au niveau 1 et niveau 2). Une palette
de couleurs au-dessous de l’écran (8 couleurs pour les émotions : joie,
colère, dégoût, peur, tristesse, surprise, douleur, neutre et une poubelle pour
la grimace) et une barre de récompense qui se remplie une fois qu’on clique sur
la bonne couleur selon les expressions de l’avatar, une fois remplie, le jeu se
termine et se bloque automatiquement. Les deux premières options dans tous les
groupes et les jeux, sont passées automatiquement pour entrainer le joueur.
Parfois le joueur n’accomplis pas toutes les options et jeux, ce qui se traduit
dans les dénominateurs (Tableaux 6 et
7).
Option…/90 |
B.G. |
A.E. |
S.K. |
S.M. |
Groupe1 (option 1 à option
6) : reconnaissance des émotions faciales avec le
garçon |
||||
Option
1 : Jeu de découverte des émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Option
2 : Jeu de priorisation et de reconnaissance des émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Option
3 : Jeu de reconnaissance des émotions |
37/52 |
87/90 |
80/90 |
60/90 |
Option
4 : Jeu de l’intrus |
7/9 |
42/90 |
90/90 |
90/90 |
Option
5 : Jeu des 2 intrus |
9/9 |
36/90 |
90/90 |
70/90 |
Option
6 : Jeu des 3 intrus |
9/9 |
42/90 |
80/90 |
80/90 |
Groupe2 (option 7 à option
12) : reconnaissance des émotions faciales avec les
garçons |
||||
Option
7 : Jeu de découverte des émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Option
8 : Jeu de priorisation et de reconnaissance des émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Option
9 : Jeu de reconnaissance des émotions |
48/55 |
27/90 |
70/90 |
70/90 |
Option
10 : Jeu de l’intrus |
6/9 |
39/90 |
60/90 |
80/90 |
Option
11 : Jeu des 2 intrus |
10/10 |
30/90 |
60/60 |
70/90 |
Option
12 : jeu des 3 intrus |
0/0 |
32/90 |
0/0 |
0/0 |
Tableau 6. Résultats des deux enfants autistes (B.G. et A.E.) et
des témoins (S.K. et S.M.) pour le groupe 1 et 2 de la phase d'apprentissage du
Serious Game JeStiMulE.
Table 6: Results of the two autistic children (B.G. et A.E.) and of the two
typical children (S.K. et S.M.) for group 1 and 2 of the learning phase of
the Serious Game JeStiMulE.
Jeux …/90 |
B, G |
A, E |
S, K |
S, M |
Niveau 1 (jeu 1 à jeu 6) : reconnaissance des expressions faciales avec
toute la famille |
||||
Jeu 1 : Jeu de découverte des
émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Jeu 2 : Jeu de priorisation et de
reconnaissance des émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Jeu 3 : Jeu de reconnaissance des
émotions |
36/47 |
27/90 |
76/90 |
80/90 |
Jeu 4 : Jeu de l’intrus |
13/15 |
34/90 |
60/15 |
71/90 |
Jeu 5 : Jeu des 2 intrus |
0/0 |
30/90 |
90/90 |
80/90 |
Jeu 6 : Jeu des 3 intrus |
11/13 |
40/90 |
72/90 |
70/90 |
Niveau 2 (jeu 7 à jeu 12) : reconnaissance des expressions
faciales et gestuelles avec toute la famille |
||||
Jeu 7 : Jeu de découverte des
émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Jeu 8 : Jeu de reconnaissance des
émotions |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
90/90 |
Jeu 9 : Jeu de priorisation et de
reconnaissance des émotions |
33/54 |
27/90 |
80/90 |
90/90 |
Jeu 10 : Jeu de l’intrus |
15/17 |
39/90 |
70/90 |
86/90 |
Jeu11 : Jeu des 2 intrus |
12/17 |
35/90 |
80/90 |
60/90 |
Jeu 12 : jeu des 3 intrus |
0/0 |
31/90 |
82/90 |
70/90 |
Tableau 7. Résultats des deux enfants autistes (B.G. et A.E.) et
des témoins (S.K. et S.M.) pour le niveau 1 et 2 de la phase d'apprentissage du
Serious Game JeStiMulE.
Table 7. Results of the two autistic children (B.G. and A.E.) and of the two typical children (S.K. and S.M.) for level 1 and 2 of the learning phase of the Serious Game JeStiMulE.
Phase
d’expérimentation
Des
situations sociales pour des avatars nombreux et dissemblables dans des
contextes différents sont survenues une fois que le joueur dirige son curseur
vers leur groupe, ces situations commencent avec une scène et se terminent avec
une expression d’émotions à reconnaitre. La scène se bloque pour qu’une barre
de choix se place au-dessous de l’écran pour que le joueur choisisse la bonne
réponse. La phase se déroule en deux modules successifs 1 et 2, d'un module à
l'autre, les situations deviennent plus chargées de personnages comme de
sentiments à révéler.
Le tableau 8 présente quelques
scénettes des deux modules 1 et 2 abordées par nos 4 sujets.
Module 1 |
Journal vol - enfant chute - ballon
apparait… |
Module 2 |
Demande adolescente - enfant chute
théâtre - personne fouille poubelle… |
Tableau 8. Scénettes des deux modules de la
phase d’expérimentation jouée au Serious Game JeStiMulE.
Table 8. Scenes of the two modules of the experimental phase
played at the Serious Game JeStiMulE
Les
résultats sont collectés dans le tableau 9.
Enfant |
B.G. |
A.E. |
S.K. |
S.M. |
Nombre de scénettes réussies sur le total joué (module 1) |
5/25 |
5/9 |
16/25 |
16/25 |
Nombre de scénettes réussies sur le total joué (module 2) |
6/25 |
2/19 |
19/25 |
20/25 |
Tableau 9. Résultats des deux enfants autistes (B.G. et A.E.) et
des deux enfants témoins (S.K. and S.M.) après avoir passé la phase
d’expérimentation.
Table 9. Results of the two autistic children (B.G. et A.E.) and of the two
typical children (S.K. and S.M.) after passing the experimental phase.
Discussion
Le matériel informatique a ouvert des
opportunités géantes dans le monde de l’enseignement, avec sa fiabilité, son
utilité parfois ultime et par l’intelligence artificielle.
De cette réalité vient l’attachement de l’Homme
au matériel informatique, un attachement que doit en profiter les chercheurs
dans le domaine de l’éducation et la remédiation cognitives des personnes aux
besoins spécifiques. Le Serious Game JeStiMulE fait l’une des
initiatives les plus respectueuses dans l’entité de l’éducation et de
l’accompagnement des personnes autistes. Sachant que l’éducation classique
apprécie beaucoup l’utilisation des jeux, couleurs, sons, images,
animation et imagination, cet outil informatique sera alors qualifié comme
la fusion de toutes ces composantes en
lui seul, en plus des liens imaginaires que l’enfant-sujet établit avec les
avatars, ce qui pourra faire l’initialisation d’une socialisation relationnelle
en plus de l’objectif principal qui est le
déchiffrage des expressions faciales émotionnelles. Les états psychobiologiques de nature émotionnelle
constituent des prérequis essentiels à la formation de liens sociaux structurés
et adaptés. Ces états émotionnels, en tant que formes d’activités organisées,
ont pour fonction d’assurer la régulation intra- et interpersonnelle de
l’individu (Izard, 1990). Ils participent ainsi à la structuration de la
personnalité et à l’insertion de l’individu dans un milieu social. Tout dysfonctionnement dans ce domaine de
compétences précoces entraîne des altérations plus ou moins sévères du
développement, à la fois au niveau intra- et interpersonnel
(Cicchetti, Ackerman et Izard, 1995), ce que les personnes autistes examinent
au quotidien.
En 1986 Hobson a proposé l'hypothèse d'une
spécificité des déficits émotionnels chez l'enfant autiste (Hobson, 1986a,b).
Simultanément, des modèles alternatifs se développaient dans le cadre de la
psychopathologie développementale, mais il lui manquait les données normatives
et développementales pour comparer la validité de ces différents modèles
concernant les aspects émotionnels. Brun et
al 1998, concluaient après des
études normatives et des études comparatives réalisées auprès d'enfants typiques
et autistes, de trois à six ans, que l'intégration visuo-auditive de stimuli
émotionnels n'est pas acquise avant six ans, et que l'imitation d'expressions
faciales émotionnelles reste très difficile à quatre ans, et que l'évocation
d'émotions est encore plus difficile
Le Serious Game JeStiMulE avec ces items progressifs corrige les
déficits émotionnels chez les personnes autistes.
On parle de
"l’entrainement" qui remplace le terme "apprentissage" ou
"enseignement" car le traitement et la réalisation des taches demandent
un effort physique et moral de plus qu’un simple enseignement avec un enfant
typique pendant une séance normative en classe.
Les enfants autistes ont été comparés à des
échantillons normaux sur des mesures de compétences de communication non
verbale et de compétences en jeu d'objets. Les déficits dans les comportements
non verbaux discriminent le mieux les enfants diagnostiqués comme autistes des
autres groupes. Bien que les enfants autistes aient également présenté des
déficits dans le comportement de jeu d'objet, ces déficits n'ajoutaient pas
sensiblement à la fonction discriminante basée sur les comportements de
communication non verbale (Mundy et al,
1986).
La formation
des parents d’enfants autistes sur la gestion des interactions sociales avec
leurs enfants améliore les compétences des enfants autistes au niveau de la
communication (Siller et Sigman, 2002).
Le
langage, dans sa dimension multimodale, se construit progressivement, sur les
fondations constituées par un certain nombre de prérequis. Cette mise en place
est relativement rapide chez l’enfant tout-venant. Chez l’enfant autiste, les
prérequis se mettent difficilement en place et restent instables, et l’on
constate des dysfonctionnements tant au niveau de l’articulation des différents
paramètres constitutifs du langage qu’au niveau de l’interaction. Ces
dysfonctionnements rendent difficile, voire impossible, la mise en place de la
multimodalité, ce qui nous amène à la considérer comme un obstacle potentiel à
la mise en place du langage, tant en production qu’en perception. En effet,
cette multimodalité rend le décodage et l’encodage du langage complexes,
puisqu’il faut construire le sens à partir d’une multitude d’indices (regard,
mimiques, gestes, verbal, prosodie), jouant chacun un rôle dans le processus de
communication, et apprendre à les coordonner. Par conséquent, une meilleure
connaissance des différentes étapes de la construction de la multimodalité
pourrait avoir des retombées thérapeutiques intéressantes et nourrir la
réflexion sur les conduites à adopter pour faciliter l’interaction avec les
enfants autistes (Leroy et
Masson, 2010).
Conclusion
L’autisme ne cessera pas prochainement de faire
le débat, il fait et il fera toujours couler plus d’encre, sur la longue ligne
qui arrivera à l’assiéger. Passant par les efforts des associations concernées
pour améliorer l’autonomie et la mesure de sécurité personnelle chez l’autiste,
une charte nationale organisant leur enseignement est devenue de plus en plus
urgente, à condition que sa réalisation prenne en compte toutes les régions du
Maroc.
Il
est désormais reconnu que les personnes avec un trouble du spectre autistique
ont un attrait marqué pour l’outil informatique. On a pu le constater grâce à
ce travail, au vu de l’enthousiasme que manifestaient les enfants pour jouer à JeStiMulE.
D’une
part, l’ordinateur est plus prévisible donc moins stressant. Il fournit des
informations essentiellement visuelles qui sont plus faciles à traiter pour les
personnes autistes. Elles sont donc dans de meilleures conditions pour
apprendre.
D’autre
part, le Serious Game est un support de choix auprès de cette population,
alliant apprentissages et amusement. Il l’est d’autant plus dans un domaine
comme celui des émotions. En effet, étant données leurs difficultés à les
reconnaître et les comprendre chez autrui ainsi qu’à les identifier et les
exprimer chez elles-mêmes, il est nécessaire de trouver un moyen de faire ces
apprentissages de manière ludique et attractive pour elles, afin de susciter
leur intérêt, et pour que ce travail ne leur semble pas insurmontable.
Il
paraît donc intéressant de se servir plus couramment de ce type de support en
rééducation avec des patients présentant un TSA.
Cependant,
comme la machine ne remplace pas l’Homme, il convient donc d’utiliser le
serious game comme un point de départ à notre rééducation, un outil qui vient
la soutenir et à partir duquel nous pouvons construire notre travail avec le
patient qui présente un TSA, en se réajustant sans cesse et en cheminant avec
la matière que le patient nous donne.
Références
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