Litim, Z., Hamza Cherif, A., 2017. Le comportement
matrimonial de la tribu d’ Ouled Nehar et ses effets sur la santé de la
descendance. Antropo, 38, 47-58. www.didac.ehu.es/antropo
Le comportement matrimonial de la tribu d’
Ouled Nehar et ses effets sur la santé de la descendance
The marital behaviour of the Ouled Nehar tribe
and its effects on the health of the descendant
Zakia
Litim1,2, Ali Hamza Cherif2
1Centre
National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques
(CNRPAH-station Tlemcen).
2Laboratoire Population et Développement Durable
en Algérie, Faculté des Sciences Humaines et Sociales; Université Abou
Bekrbelkaid, Tlemcen.Algérie.
Auteur chargé de la Correspondance: Zakia Litim, litim_cnrpah_cea@yahoo.fr
Mots clés: Endogamie ethnogéographique, Mariage
consanguin, Maladies multifactorielles, Xeroderma pigmentosum,
Polydactylie postaxiale, Sidi Djilali,
Algérie.
Keywords: Ethnicgeographical
endogamy, Consanguineous marriage, Multifactorial diseases, Xeroderma pigmentosum, Postaxial polydactyly, Sidi
Djilali, Algeria.
Résumé
Le présent travail vise un
double objectif:
- Saisir le comportement
matrimonial dans le milieu tribal (Tribu d’Ouled Nehar). La question de l’endogamie
ethno spatiale et familiale, dans cette tribu, sera au centre de ce primo
objectif;
- Le second but assigné par
ce papier consiste à évaluer les effets de la consanguinité sur la santé de la descendance
de cette population rurale.
Pour ce faire nous avons
mené une enquête de terrain sur un échantillon de 371 couples pris au hasard dans les polycliniques
de Sidi Djilali et d’Al-abed. Les résultats de cette enquête
menée en 2015, font état d’une endogamie ethno-spatiale extrêmement élevée,
avec un déclin d’endogamie familiale et confirme l’augmentation de l’incidence
d’affections morbides chez les consanguins. L’homozygotie importante engendrée
par le niveau très élevé de la consanguinité est à l’origine de
l’apparition des maladies latentes dans
cette population.
Abstract
The
aim of this work is twofold:
- Seize marital behaviour in the tribal environment
(Ouled Nehar tribe).The question of ethno-spatial and familial endogamy in this
tribe will be at the center of this first objective;
- The second objective assigned by this paper is to evaluate the effects
of inbreeding on the health of the descendant. of this rural population.
The analysis of a sample of 371couples collected in 2015, taken randomly
in the polyclinics of Sidi Djilali
and Al-abed, shows an extremely
raised ethno-spatial endogamy, with a decline of family endogamy and confirms
the increase of the incidence of morbid affections among blood relations. The
homozygosity’s importance caused by the very high frequency of inbreeding is at
the origin of the appearance of latent diseases in this population.
Introduction
Le brassage des gènes est sous la dépendance de
nombreux facteurs. Le comportement en est l’un des principaux pour l’espèce
humaine. Sous le terme de comportement Chamla (1971) désigne les relations des individus
les uns envers les autres, ou relations sociales tel que la tolérance ou
l’hostilité, la concurrence ou la collaboration
l’organisation en familles ou en clans, les échanges matrimoniaux aboutissant à
des degrés plus ou moins grands d’endogamie chez certaines population.
L’endogamie et l’exogamie,
deux notions cruciales dans la théorie de Lévi-Strauss (1967) déterminent les
catégories de parents avec lesquels l’alliance est autorisée ou interdite. La
première est la règle consistant à se marier dans son groupe, par contre la
deuxième règle obligeant à se marier à l’extérieur de son groupe. L’absence de
règle pour le mariage est appelée l’agamie.
Toute société est à la fois exogame et endogame. Les
règles de mariage interdisent toujours un cercle de parents (règle exogamique).
Mais elles refusent de reconnaitre la possibilité de mariage en dehors d’un groupe défini par certains
critères comme ethnie, les conditions sociales, la religion etc… donc les deux
règles ne sont jamais strictement
respectées dans toute société (Susanne et Polet, 2005).
Il existe différents types
d’endogamie: économique, professionnelle, religieuse, etc…..Pour cette raison
le champ d’application de l’endogamie et de l’exogamie doit toujours être
défini (Ghasarian,
1996). Le présent travail
s’intéresse à l’étude de l’endogamie ethno spatiale et familiale.
L’endogamie familiale, est en effet, un cas particulier
des liens matrimoniaux entre les conjoints, sa fréquence dépend de la taille de
la population, de son degré d’isolement et de l’existence de pratiques
socio-économiques et culturelles qui favorisent ou évitent un certain type
d’unions (Valls, 1982; Calderón, 1983; Pineda et al, 1985; Khlat et al, 1989; Imaizumi, 1986).
Le mariage est dit consanguin lorsque les conjoints ont un ou plusieurs
ancêtres communs. L’union avec la cousine parallèle patrilatérale constitue la
première forme d’endogamie familiale possible (Bou-Assy et al, 2003).
Le système des alliances dans le monde arabe et islamique
dépend dans sa grande partie de son patrimoine culturel et traditionnel; pour
cette raison le mariage interne est l’un des comportements matrimoniaux, ainsi
motivés, qui caractérisent les populations arabo-musulmanes (Talbi et al,
2006).
Maintes études réalisées dans le monde arabe et islamique
montrent que le mariage familiale est une particularité du système des
alliances encore contractée en Jordanie, en Palestine, en Syrie, en Iraq, au
Koweït, en Arabie saoudite, au Kurdistan, en Iran, en Pakistan, en Égypte, au
Soudan, en Afrique du Nord et au Liban (Chelhod, 1965; Khlat, 1989; Lamdouar,
1994; Hussain et Bittles, 1998; Denic, 2003).
Les travaux de Chalbi (2009); Rao et Inbaraj,
(1980);
Tuncbilek et Ulusoy, (1989) et Bittles, A.H., (1994) montrent qu’en Inde, au Pakistan, en Asie du Sud Est,
dans les pays du Moyen Orient et en Afrique du Nord..., les mariages
consanguins sont beaucoup plus fréquents dans les régions rurales,
traditionnelles car les traditions et les motivations d'ordre social, culturel
et économique, ont le plus souvent orienté les candidats au mariage vers un
choix matrimonial non seulement à l’intérieur du village mais souvent à
l’intérieur de la même famille.
Il est connu que la consanguinité provoque un
accroissement substantiel du nombre d’homozygotes pour des allèles
sélectivement défavorables et une diminution de l’efficacité biologique des
mariages consanguins en particulier et de la population en général.
Nombreuses sont les études qui se sont intéressées à
l’étude des conséquences du mariage
consanguins dans le monde Arabe (Bénallègue et Kedji, 1984; Tadmouri, 2008), en revanche ces conséquences sur la
santé de la descendance ne sont pas toujours les mêmes dans toutes les
populations, car ils dépendent de plusieurs facteurs: la structure génétique,
le degré de consanguinité et les facteurs environnementaux.
L’importance qu’apporte
cette analyse, réside dans la particularité
de cette population : les conditions écologiques de cette région ont formé
un véritable obstacle contre l’
immigration vers ce village; par conséquent la population d’étude
est très endogame (64,6%) (Litim, 2009). Les habitants de la daïra de Sidi
Djilali dérivent de la grande tribu
arabe d’Ouled Nehar (Kaidari 1998, Boushma, 2008). Le parler dans cette région
rurale est un mélange de l’arabe académique et du langage dialectal. (Litim et
al., 2010).
Dans le but de comprendre
l’interaction entre la diversité humaine et diversité culturelle en milieu
rural en général et tribal en particulier, cette étude tente à décrire le comportement
matrimonial des Ouled Nehar à travers l’étude de l’endogamie ethno géographique et évaluation des effets
biologiques de l’endogamie familiale sur
le profil de la santé de cette tribu qui exerce la consanguinité depuis
plusieurs générations et d’une façon massive (Litim, 2009).
Matériels et Méthodes
Cadre géographique de la région d'étude
La daïra de Sidi Djilali se situe au Sud-ouest de la
ville de Tlemcen, elle est limitée au Nord
par Sebdou et Beni-Snous, au Sud
par la wilaya de Naâma, à l’Est par Laâricha, et à l’Ouest par le Maroc. Elle est
située à une altitude de 1425 mètres, distante de 80 km de la ville de Tlemcen
et à 35 km de la daïra de Sebdou (Figure
1).
Cette daïra comprend 12 agglomérations répartis en deux
communes: Sidi Djilali (le chef-lieu) et Bouihi, et des villages secondaires (Tinkial, Ain-Sefa, khellil, Al-abed, Sidi abdellah, Ouled Abdesslam, Ouled Mehdi,
Sidi Mekhfi, Magoura, Boughedou) (Litim, 2009).
Cette vaste plaine, est l’une des plus grandes daïra de
la wilaya de Tlemcen, elle caractérisée par un climat froid en hiver, marqué
par le gel et la neige, et sec en été. Les habitant des deux communes (Sidi
Djilali et Bouihi) au nombre de 15402,
au dernier recensement de 2008, (APC de Sidi Djilali) sont des agriculteurs et
des arboriculteurs, pour la plupart petits propriétaires exploitants mais
surtouts salariés ainsi que des
éleveurs semi-nomades (Litim, 2009).
Echantillonnage et analyse statistique
La présente étude a été
réalisée par questionnaire préétabli auprès de 371 couples échantillonnés au
hasard dans deux polycliniques: Sidi Djilali et Al-abed. Le premier lieu
d’enquête se situe à la commune de Sidi Djilali, et le deuxième à la commune de Bouihi, se choix a été fait
dans le but d’avoir un échantillon
représentatif de l’ensemble des agglomérations qui constituent cette tribu.
Degré d’endogamie spatiale signifie
le pourcentage des couples qui partagent le même lieu de résidence avant et
après le mariage. Ce milieu de résidence dans notre étude représente toute la
daïra de Sidi Djilali.
Degré d’endogamie
ethnique est le pourcentage des couples dont les deux conjoints
appartiennent à la même origine ethnique
qui est dans notre cas la tribu d’Ouled Nehar.
Degré d’endogamie
familiale représente le taux des couples dont les deux conjoints
ont au moins un ancêtre commun.
L’analyse des effets de consanguinité
sur les maladies multifactorielle est réalisée par le test d’indépendance .
L’enquête sur l’histoire
familiale des maladies génétiques été réalisée à l’aide d’un entretien directif,
accompagner d’un suivi de la famille, depuis le début de l’enquête jusqu’au décès des atteints
(2015-2017). Les pédigrées étaient construit à partir d’informations verbales.
Figure 1. Carte de situation de la tribu
d’Ouled Nehar. (PDAU, 2007)
Figure 1. Situation map of the Ouled Nehar tribe. (PDAU, 2007)
Résultats et
discussion
Comportement matrimonial
Endogamie spatiale
327 alliances ont été conclues
à l’intérieur de Sidi Djilali contre 44 à l’extérieur (Figure2). La différence est
statistiquement hautement significative donc l’échange matrimonial des Ouled
Nehar avec les populations avoisinantes est remarquablement très faible ce qui
nous laisse déduire que l’homogamie
géographique constitue une des variables principales qui conditionnent la
constitution des couples dans cette région et par conséquent le degré de l’endogamie spatiale est très élevée (Hami et al, 2006).
Figure 2. Taux d’endogamie géographique.
Figure 2. Rate of geographical endogamy.
Endogamie
ethnique
Sur les 371 alliances conclues dans la tribu, 337 concernent la même origine
ethnique et que 34 une origine différente. La proportion par rapport à
l’ensemble est de 90,9% dans le premier cas et de 9,1% dans le second cas (Figure
3). Ces données permettent de conclure
que le choix du conjoint dans cette population ne signifie pas un simple
choix matrimonial mais représente une pratique ancestrale qui est devenue actuellement une coutume qui fait partie de leur
patrimoine par laquelle les Ouled Nehar préservent leur identité Arabe en consolidant la cohésion
tribale.
Figure 3. Taux d’endogamie ethnique. (1) les deux conjoints
appartiennent à l’origine d’ Ouled Nehar. (2) les femmes sont étrangères de
cette tribu.
Figure 3. Rate of ethnic endogamy. (1) Both spouses belong to
the origin of Ouled Nehar. (2) Women are foreign to this tribe.
Endogamie familiale
L’étude de la
consanguinité représentée dans le tableau 1, montre que les unions entre
apparentés représentent plus que moitié des mariages dans ce village, avec un taux
de consanguinité estimé à 53,07%.
L’analyse a pu
révéler que le mariage entre cousins du 1er degré est une forme préférentielle
dans cette population dont 36,53% d’unions avec des cousins du 1er degré (C1)
contre seulement 13,02% d’unions avec des cousins du 2eme degré (C2) et 3,52%
cousins éloignés (Ce) (Figure 4).
Populations |
Consanguinité (%) |
Références |
Tribu d’ Ouled Nehar |
53,07 |
Présente étude |
Tribu d’ Ouled Nehar |
64.64 |
Litim,
2009 |
Tlemcen |
34,00 |
Zaoui et Biémont,2002 |
Algérie |
38.30 |
FOREM, 2007 |
Oran |
18,50 |
,, |
El Oued |
22,50 |
,, |
BordjBou Arréridj |
27,00 |
,, |
Alger |
29,25 |
,, |
Boumerdès |
42,00 |
,, |
Biskra |
34,00 |
,, |
Béjaïa |
50,60 |
,, |
AïnDefla |
52,00 |
,, |
Ghardaïa |
56,00 |
,, |
Tébessa |
88,00 |
,, |
Tableau 1. Comparaison nationale de
taux (%) de consanguinité.
Table
1. National comparison of inbreeding rate (%).
Figure 4. Répartition de la
consanguinité.
Figure4. Distribution of
consanguinity.
On constate que
la pratique du mariage consanguin dans ce village, bien qu’elle soit
importante, a connu ces dernières
années, une baisse de 11,53% (Figure 5) par rapport à 2007 (Litim, 2009). Ce déclin à
faible rythme s’explique par les mutations sociales qu’a connu cette région
engendrées par un accès plus fréquent à la scolarisation surtout féminine,
favorisé lui-même par le développement récent des différents moyens de
transport désenclavant ainsi la région. Cette diminution du degré d’isolement
géographique ainsi que sociale des Ouled Nehar est en faveur de l’augmentation
de la probabilité du choix exogame. Bien évidemment, on ne peut pas prétendre que
c’est le seul facteur qui explique cette baisse, d’autres facteurs en sont à l’origine comme par exemple
l’influence des nouvelles technologies (internet) sur l’union, voire la
désunion, des couples.
L’expansion de
l’activité salariale au dépend de l’activité agricole et d’autres facteurs qui
nécessitent des études poussées pour cerner les causes et les conséquences de
cette transition du model matrimonial.
Figure 5. L’évolution de la
consanguinité dans la tribu d’Ouled Nehar (*: Litim, 2009).
Figure 5. The evolution of consanguinity in the tribe of
Ouled Nehar (*: Litim, 2009).
Les données regroupées dans le tableau 1 montrent qu’à l’échelle
nationale le taux d’endogamie familiale retrouvé dans cette tribu est
comparable à celui retrouvé à Aïn Defla, et nettement inférieur à celui
retrouvé dans la commune de Bir El Ater (88%), dans la wilaya de Tébessa qui
reste la région la plus consanguine sur le territoire national. Par ailleurs il
dépasse largement la moyenne algérienne (38,80%) et celui de Biskra (34%), de
Annaba (32,5%), de Bordj Bou Arréridj (27%), d’Alger (29,25%), d’El Oued (22,5%)
et d’Oran (18,5%) selon la Fondation nationale pour la promotion de la santé et
le développement de la recherche (FOREM, 2007).
Il est à conclure que notre population
enregistre encore un taux très élevé de consanguinité, par lequel elle classe
parmi les populations algériennes les plus consanguines.
Effets de la
consanguinité sur la santé de la descendance
Consanguinité et maladies multifactorielles
L’analyse des données illustrées dans la figure 6 montre que les
maladies les plus répandues dans notre population sont respectivement:
l’hypertension artérielle (20,48%), le diabète (18,86%), l’allergie
respiratoire et asthme (7%) et la cardiopathie (6,20%).
Figure 6. Répartition
de la morbidité dans la tribu d’Ouled Nehar.
Figure 6. Distribution of morbidity in
the Ouled Nehar tribe
Les données recueillies sur les éventuelles relations entre la
consanguinité et les maladies révèlent que pour toutes les affections, la
descendance issue de mariage consanguin présente une incidence de maladies très importante par
rapport à la descendance non consanguine. Les données illustrées dans
la figure 7 montrent que chez les hypertendus, les diabétiques, les patients
cardiaques, les asthmatiques et ceux qui ont un problème rénal, 70% et plus des
malades et parfois même plus sont des individus issus de mariage consanguin. Cette
incidence va augmenter encore plus chez les consanguins souffrant d’une hypercholestérolémie pour atteindre 92% des
malades.
Cependant l’étude statistique par le test d’indépendance montre qu’il n’y a
pas d’association significative entre les maladies analysées et ce type
d’union. Toutefois, on ne peut nullement considérer cela comme étant une
absence de liaison entre les deux variables. De notre point de vue cela
s’explique par deux points:
- La fluctuation de l’échantillonnage, c'est-à-dire une
erreur due à l’observation et non pas au test lui-même.
- Une deuxième raison peut être à l’origine de cette
faible corrélation. Il s’agit notamment de l’impact d’une autre variable non
observé sur l’intensité de la corrélation entre les maladies et le type
d’union. C’est ce qui est communément appelé par les statisticiens par
corrélation partielle.
L’exploration de l’impact de ces des deux points déborde
largement les limites que nous nous sommes fixés dans ce papier. Cependant, nous noterons qu’une
investigation plus poussée sera d’un apport substantiel pour décoder l’impact
de ce type d’unions.
Figure 7. Répartition de la morbidité en fonction du
type d’union. Ind consanguin: individu issu de couple consanguin. Ind Non consanguin:
individu issu de couple non consanguin.
Figure 7. Distribution of morbidity according to the type of union.
Consanguinité et maladies héréditaires
L’enquête
de terrain nous a permis de collecter un nombre indéniable d’affections sanitaires chez la descendance consanguine qui semblent être d’origine génétique (handicap
moteur, 5 cas, retard mental, 21 cas, épilepsie, 13 cas, et autres….).
En revanche par défaut de diagnostic génétique précis de ces patients, nous
décrivons dans cette partie deux types d’anomalies dont le diagnostic médicale
est confirmé. Le premier cas concerne la
polydactylie postaxiale de type B tandis que le second s’intéresse à
l’étude de Xérodermie pigmentosum (XP).
1er cas
La polydactylie
est une malformation congénitale caractérisée par l'existence de doigts surnuméraires
au niveau de la main ou d'orteils au niveau du pied (Orphanet,
2017)
Afin
de comprendre le mode d’expression clinique de la polydactylie chez cette
famille, nous avons recueillis à l’aide
d’un entretien directif auprès de
l’interrogée P1 (Figure 8) des données sur l’histoire familiale de cette
anomalie héréditaire.
Il
ressort de l’analyse que l’absence de la
polydactylie dans certaines générations et son réapparition dans d’autres
confirme sa pénétrance incomplète qui est une des formes possibles de
l'expressivité variable, correspondant à un génotype à risque où la maladie
serait sans signes cliniques observables. Ce qui explique que la transmission
semble alors sauter une génération. (Orphanet, 2017)
Par
ailleurs, la polydactylie peut s'observer de manière isolée ou associée à
certains problèmes sanitaires tel que la trisomie 13 (Lewandowski et
Yunis,1977), dans notre cas le couple (P1,P2) présente aussi
une stérilité, tandis que ces quelques données ne nous permettent pas
d’associer ce problème de reproduction à
la polydactylie postaxiale de type B qui peut être causé par d’autres facteurs.
Figure 8. L’arbre généalogique de la première
famille.
Figure 8. The genealogical tree of the first family.
2ème cas
Xéroderma pigmentosum ou «parchment Skin» est une géno-dermatose rare,
transmise sur le mode autosomique récessif plus fréquente en cas de
consanguinité.
Les
travaux de Bouadjar et al (1996) porté sur l’étude de 40 cas
algériens montre qu’une consanguinité au premier degré a été notée dans
95% des cas.
Les sujets atteints sont caractérisés par une
extrême sensibilité au soleil et aux rayons ultra-violets, donc le malade XP
doit mener une vie nocturne. Ce qui est remarquable chez les XP est la forte
prédisposition aux cancers principalement cutanés.
Différentes
anomalies génétiques de la réparation de l’ADN sont à l’origine du XP
(Passarge, 2002). L’étude de Chahdi et al, (2009) réalisée sur
723 XP marocain rapporte qu’environ 80% des malades sont déficients dans le
système de réparation par excision-resynthèse des nucléotides de l’ADN.
L’XP reste
relativement plus fréquent dans certains pays à taux de consanguinité élevée
comme au pays du Maghreb et Moyen-Orient (Fazaa et al, 2001; Moussaid et
al, 2004; Ben Rekaya et al, 2013).
La
famille: Dans cette famille, la femme est la cousine
parallèle matrilatérale du mari, au même temps son père est le cousin croisé du mari. (Figure 9)
Cette union double consanguine a engendré après
2 avortements précoces 8 enfants: trois n’ont pas dépassé l’âge infantile;
parmi les cinq qui ont atteints l’âge adulte, trois souffraient de la maladie
rare Xeroderma pigmentosum.
Les parents de ces malades,
confirment que le déclanchement de cette maladie incurable ce fait avant que
l’enfant atteint l’âge d’un an, et à partir de là apparaissent les premiers
signes cliniques, qui sont essentiellement un dessèchement de la peau au niveau
du visage et des mains suivie par l’apparition de pigmentation qui s’accentuent
avec le temps, ensuite une atteinte oculaire.
Il
est à signaler, que dans le pédigrée de la famille parmi les individus
cliniquement sains, il y a certainement des porteurs de la maladie à
l’état hétérozygote, que le diagnostic génétique peut les dévoiler.
Dans certains cas l’XP peut
être associée avec des troubles neurologiques, Cependant dans les trois cas les
patients (XP1, XP2, XP3) ne
présentaient aucun trouble neurologique.
Les
modifications cutanées observées pour les trois cas se limitent aux zones
exposées aux UV (visage, cou et mains). La négligence des conseils de
photoprotection et l'absence de prise en
charge spécialisée ont abouti au développement de tumeurs cutanées sur le
visage pour chez les patients XP1 et XP2. Les types
tumoraux (cutanés) d’après la littérature sont
les mêmes que ceux qui surviennent chez les sujets sains après une
exposition aux UV prolongée (Passarge, 2002). Tandis que le cas XP3 qui
présentait une forte pigmentation faciale sans tumeur a développé avant son
décès (2017) un cancer interne de type gastrique.
Le
suivi de cette famille depuis le début de l’enquête jusqu’aux décès des
atteints, nous a permis de remarquer
qu’en plus que le manque d’une prise en charge spécialisée, l’état
psychologique (stress dû à la peur de
l’évolution de la maladie, angoisse, manque d’appétit….) représente chez les XP
un facteur indéniable qui joue un rôle important dans l’aggravation de la maladie et semble
être à l’origine de son évolution rapide notamment à la période d’adolescence
ce qui explique peut-être la courte espérance de vie chez les XP.
Figure 9. L’arbre généalogique de la deuxième famille.
Figure 9. The genealogical tree of the second family.
Conclusion
Le comportement matrimonial chez les Ouled Nehar ne fait
pas l’exception des populations tribales. Leur système de parenté les oriente souvent vers un mariage de proximité (Ben Hounet, 2009). L’endogamie ethno
spatiale pouvaient leurs permettre de renforcer
la cohésion tribale et conforte
chez eux le sentiment
d’appartenance communautaire, résultats concordent avec ceux de Hami et al (2006).
La distribution des trois formes d’endogamie à
l’intérieur de cette tribu est très homogène, ce qui reflète une relation
étroite entre les trois types.
Le mariage consanguin et principalement celui du 1er
degré, représente pour eux la meilleure
forme d’alliance ("mariage
idéal"). Actuellement il préserve chez eux beaucoup plus l’honneur familial
que d’éviter la dispersion de l’héritage; l’endogamie dans ce village est surtout associée à une certaine idée de pureté (sang- pur) (Deliège, 2004).
La population d’étude
enregistre encore un taux très
élevé de consanguinité, qui l’arrange
avec les populations arabes les plus consanguines, entre autres l’Arabie
Saoudite (58%) (El-Hazmi et al, 1995), au Koweït (54%) (Al-Awadi et
al, 1985), en Jordanie (51%) (Khoury et Massad, 1992), en Emirats Arabes
Unies (50.5%) (Al-Gazali et al, 1997).
Bien que
cette pratique reste très contractée
dans cette population, elle a connu ces dernières années un déclin, qui dévoile
un changement léger dans le régime matrimonial. Ce dernier peut être probablement lié à l’amélioration des
conditions de vie et aux changements culturels dus aux progrès technologiques. Nos
résultats concordent avec ceux de Talbi et al (2006) sur l’étroite
liaison entre l’évolution de ce type
d’union et l’évolution du statut
culturel et socioprofessionnel.
En ce
qui concerne l’impact de la consanguinité sur la santé de la descendance nos
résultats montrent que le mariage endogame augmente remarquablement la
prévalence des maladies chez les individus consanguins tandis que l’absence d’effet
significatif de la consanguinité sur les anomalies multifactorielles étudiées, si
c’est n’est pas dû à l’échantillonnage, nous laisse penser à l’idée de Reynes
(1968) qu’ à long terme, les populations endogames comme celle d’Ouled Nehar deviendraient moins
sensibles à la consanguinité, grâce à l’élimination par sélection des gènes délétères du pool
génétique (Khlat,1989). En revanche la présence des maladies génétiques issus
de la consanguinité confirme que ce type d’union demeure à l’origine des
maladies latentes qui font partie du fardeau génétique de la population (Jaber et
al, 1992; Modell et Darr, 2002; Mokhtar et al,1998; Overall et Nichols, 2001).
Une partie de la
variabilité humaine s’explique par des
causes extérieures dues à l’influence du milieu, notamment le milieu culturel
qui exerce sur l’Homme une pression sélective (Chamla, 1971) telle que la pression sélective des pratiques
socioculturelles des Ouled Nehar sur leur choix du conjoint qui pèse parfois
lourd sur la santé de la descendance; d’où la nécessité de l’augmentation du
degré de cognition des risques de ce phénomène par la forte sensibilisation.
Références
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