Moussouni, A., Aouar, A., Otmani, S., Chabni, N., Sidiyekhlef, A., 2017.
Etude de l’impact de la consanguinité sur l’avortement et la mortalité dans la
population de Sabra (ouest algérien). Antropo, 37, 149-160.
www.didac.ehu.es/antropo
Etude de l’impact de la
consanguinité sur l’avortement et la mortalité dans la population de Sabra (ouest
algérien)
Study of the
impact of consanguinity on abortion and mortality in the population of Sabra
(western Algeria)
Abdellatif Moussouni1,2, Ammaria Aouar2,3, Salima Otmani2, Nafissa Chabni4,
Adel Sidiyekhlef 2
1Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques
(station de Tlemcen), Algérie.
2Laboratoire d’Anthropologie des Religions et de leur Comparaison,
Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Université Abou bekr Belkaïd de
Tlemcen, Algérie.
3Laboratoire de Valorisation de l’Action de l’Homme pour la Protection de
l’Environnement et Application en Santé Public (équipe Environnement et Santé),
Faculté des Sciences, Université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen, Algérie.
4 Service d’Epidémiologie et de Démographie, CHU de
Tlemcen, Algérie.
Auteur chargé de la correspondance: Abdellatif
Moussouni, Centre National de Recherches Préhistoriques,
Anthropologiques et Historiques (station de Tlemcen), Algérie. abdellatif.moussouni@gmail.com.
Mots-clés: Population,
Sabra (Algérie), mariage consanguin, avortement, mortalité, Méditerranée.
Keywords: Population,
Sabra (Algeria), consanguineous marriage,
abortion, mortality, Mediterranean.
Résumé
Le
mariage consanguin fait référence aux unions contractées entre deux personnes
ayant au moins un ancêtre commun. Ce mariage a été pratiqué depuis l'existence
précoce des humains. Aujourd’hui ce comportement matrimonial est largement
pratiqué dans plusieurs communautés avec des taux variables dont les plus
élevés sont enregistrés dans les
pays arabo-musulmanes. Des recherches menées auprès de ces
populations et celles du monde entier ont montré un impact de la consanguinité
sur les paramètres de santé dû principalement à l’augmentation de
l’homozygotie.La présente étude porte sur la population rurale de Sabra (ouest
algérien) et a pour objectif de déterminer la prévalence de la consanguinité
et d’analyser certains effets de ce type d'union (l’avortement et la mortalité).
Une
enquête prospective a été réalisée sur 123 personnes en couple, échantillonnés
au hasard dans l'Établissement de Proximité de la Santé Public de Sabra (EPSP).
Les résultats ont conduit à un taux des
unions entre apparentés relativement élevée qui est de l'ordre de 33,33%, avec
une légère préférence pour les unions entre cousins du deuxième degré.
De
plus, ils ont mis en évidence une association significative entre la consanguinité
et l’incidence de quelques affections de
santé, à savoir l’avortement et la mortalité.
Abstract
Inbreeding
marriage refers to unions contracted between two persons with at least one common
ancestor. This marriage has been practiced since the early existence of humans.
Today, this marital behavior is widely practiced in several communities with
varying rates, the highest being in the Arab Muslim countries. Research of
these populations and those of the whole world showed an impact of
consanguinity on the health parameters due mainly to the increase in
homozygosity.
This
study focuses on the rural population of Sabra (western Algeria) and aims to
determine the prevalence of inbreeding and to analyze some of the effects of
this type of union (abortion and mortality).
A
prospective survey was carried out on 123 people in a couple, sampled at random
in the Sabra Public Health Proximity Establishment (EPSP). The results resulted
in a relatively high level of related-party unions, which is in the order of
33.33%, with a slight preference for second-cousin unions.
In
addition, they showed a significant association between inbreeding and the
incidence of some health conditions, namely abortion and mortality.
Introduction
Les
liens de parenté sont universellement employés pour définir les relations
biologiques et sociales, mais les sociétés considèrent la parenté de
différentes façons.
Sur
les quelques dix mille sociétés ou groupes locaux coexistant aujourd'hui à la
surface du globe, on ne compte neuf systèmes de parenté, dont les composantes
sont au nombre de six: des rapports de filiation et de descendance, des
rapports d'alliance, des principes de résidence après le mariage, des
terminologies de parenté, des représentations de la conception des enfants et
du rôle de chaque sexe dans cette conception, ainsi que le tabou de l'inceste
et d'autres interdits attachés à certains degrés de parenté (Godelier et
Mingasson, 2006).
Sensible
aux mouvements sociaux, le mariage constitue un bon indicateur de l'étude de
l'évolution des attitudes matrimoniales. Cette institution reste la base qui
décide la plupart des redistributions des gènes entre les individus au fil des
générations et de poursuivre de près le
sort du patrimoine génétique de la population (Talbi et al., 2008).
Le
critère de la consanguinité dans la détermination de la parenté est à employer
avec une grande prudence, car les conceptions scientifiques sur les relations
génétiques ne sont pas partagées par toutes les sociétés. Chaque système de
parenté définit d'une façon qui lui est propre la notion de la consanguinité et
de l'inceste (Ghasarian, 1996).
La
consanguinité est en effet un cas particulier des liens matrimoniaux entre les
conjoints, définie comme le phénomène qui résulte de l’union entre individus
apparentés, ayant au moins un ancêtre
commun.
Les
généticiens classent ce type de mariage selon le coefficient de consanguinité,
défini par la probabilité qu'un descendant de couple consanguin possède en un
locus donné deux allèles identiques par descendances (Denic, 2003).
Les
mariages consanguins ont été pratiqués depuis l’existence précoce de l’Homme.
Actuellement, environ 20% des populations du monde vivent dans des communautés
consanguines (Modell et Darr, 2002; Tadmori et
al., 2009). La fréquence des unions consanguines dépend de la taille de la
population, de son degré d'isolement et de l'existence des pratiques socio-
économiques et culturelles (Valls,
1982).
En
général, les populations arabo-musulmanes sont les plus concernées par cette
pratique (Talbi et al., 2007).
L'impact
de telle pratique n'est pas toujours bien compris d'un point de vue pratique
même s'il l'est de point de vue théorique (Biémont, communication personnelle).
La variabilité génétique inter et intra-population, peut être considérablement
réduite par la consanguinité. Il est connu que l'accroissement du degré de
consanguinité provoque un accroissement de l'homozygotie que ce soit au niveau des
individus ou au niveau des populations. Il en résulte une plus grande
homogénéité au sein des populations ainsi que l'augmentation d'apparition des
anomalies par fixation des gènes défavorables (Biémont et al., 1974; Solignac et
al., 1995).
Depuis
longtemps, les effets
biologiques des mariages consanguins sur les paramètres de la santé, notamment la fécondité, la mortalité
et la morbidité retiennent l'attention des médecins, biologistes et généticiens. Ceci a entraîné une abondance de publications
depuis la fin du XXème siècle (Abdulrazzaq et al., 1997; Zlotogora et al., 2000; Bener et Alali.,
2006; Tadmouri
et al., 2009; Bittles et Hamamy 2010;
Bener, 2012; Bildirici et al., 2011; Yamamah
et al., 2013; Ehlayel et al., 2013; Anwar et al.,
2014; Saadat, 2015; Abbad et al., 2016;
Riaz et al., 2016).
De même, des études réalisées en vue
de chercher les effets de la consanguinité en santé public sur
les populations Algériennes (Benallegue et Kedji, 1984; Zaoui et
Biemont, 2002; Aouar et al., 2005) ont aussi souligné l'importance de la
consanguinité qui demeure un phénomène social en Algérie, une pratique
matrimoniale au nom d’une sécurité financière et affective.
En raison de l'évolution socio-culturelle de la
société algérienne, l'étendue de l'exode rural ainsi que devant la rareté des
données anthropo-génétiques sur ces populations, l’objectif principal de la
présente étude est de décrire les mariages consanguins en termes de structure (taux,
type de parenté), et de déterminer les conséquences biologiques de la
consanguinité les dans la population rurale de Sabra dans l’extrême ouest
algérien (Figure 1).
Figure 1. Carte de situation géographique de
la population rurale de Sabra au sein de la wilaya de Tlemcen.
Figure 1. Map of the rural population of
Sabra in the wilaya of Tlemcen.
Matériels
et Méthodes
Notre étude se
propose pour décrire au mieux la perception des mariages consanguins, déterminer la fréquence de la consanguinité
et estimer ses effets sur la santé et les paramètres de santé (l’avortement et
la mortalité). Cette étude a porté sur la population rurale de Sabra dans
l’ouest algérien.
Durant une
période d'environ une année, une enquête prospective a été réalisée en milieu
hospitalier (Etablissement de proximité de la santé public de Sabra; EPSP),
nous avons interviewé 123 individus vivant en couple, originaires de la région
depuis au moins trois génération.
L’enquête a été
menée à l’aide d’un questionnaire préétablie par notre équipe: environnement et
santé. Il nous a permis de recueillir un certain nombre de données sociodémographiques,
culturelles et sanitaires.oute personne incluse dans cette étude est informée
et consentante (décret exécutif n° 276 du 06 juillet 1992 portant le code de
déontologie médicale).
Traitement
de données
Afin d’analyser
la fécondité des couples et la mortalité de leur progéniture dans de la
population de Sabra nous avons calculé les taux de l’avortement et de la
mortalité. De plus nous avons estimé pour ces derniers paramètres le risque relatif et le risque attribuable.
Le risque
relatif
Le risque
relatif (RR) est défini comme étant le rapport entre la probabilité de décès
parmi les enfants issus de mariages consanguins (Rc) et la probabilité de décès
parmi les enfants issus de mariages non consanguins (Rnc).
RR = Rc / Rnc.
Un risque
relatif plus grand que 1 signifie que le
risque de mortalité parmi les enfants issus de mariages consanguins est accru à
celui des enfants issus de mariages non consanguins. Si le RR est de 1, la descendance des mariages consanguins n'est
pas plus à risque que celle des mariages
non consanguins. Cependant si le RR est compris entre 0 et 1, le risque de
mortalité parmi les enfants issus de mariages consanguins est inférieur à celui
des enfants issus de mariages non consanguins.
Le risque
attribuable
Le risque
attribuable (RA) est la partie du risque pouvant être liée directement au facteur
étudié. Dans le cas qui nous intéresse, le facteur étudié est la consanguinité.
Parmi les formules qui ont été élaborées pour calculer le risque attribuable
nous avons le risque attribuable proportionnel de la population (RApp). Ce risque
attribuable proportionnel de la population tient compte de la fréquence des mariages
consanguins (Pc) dans la population et se calcule selon la formule:
RApp = Pc (RR -
1 ) / 1 + Pc (RR - 1 ).
L'excès de
mortalité associé à la consanguinité peut être exprimé comme le risque attribuable
pour la population dans son ensemble ou pour une catégorie déterminée de mariages
consanguins.
Pour traiter
nos données nous avons utilisé aussi le
test chi-carré χ2 d’indépendance réalisé par le logiciel statistique MINITAB
version 15.
Résultats et
discussion
Fréquence de la consanguinité au sein de
la population de Sabra
Nombreux
les Algériens qui, pour des motivations culturelles ou encore économiques
optent pour un mariage avec un partenaire apparenté.
Sur les
123 personnes interviewées, nous
avons enregistré une fréquence de 33,33% des mariages consanguins (Tableau 1).
Elle représente
presque le un tiers (1/3) des unions au sein de notre population.
Ceci pourrait être expliqué par le fait
que les individus utilisent les mariages consanguins dans leurs vies comme une
tradition. La famille se trouve dans beaucoup de cas très unie par des facteurs
socio-économiques qui obligent les membres de cette famille à vivre dans une
étroite proximité.
Couples |
Effectifs & pourcentages |
||
Couples Consanguins |
De 1 er degré |
16 (13,00%) |
41 (33,33%) |
De 2ème degré |
25 (20,33%) |
||
Couples non Consanguins |
82 (67,67%) |
||
Total des couples |
123 |
Tableau 1. Répartition de la consanguinité dans la population
rurale de Sabra.
Table 1. Distribution of consanguinity in the
rural population of Sabra.
Cette
fréquence reste inférieure par rapport à la moyenne Algérienne qui est
de 38,8% selon une étude réalisée en 2007 par la Fondation nationale pour la
promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM, 2007). Elle
demeure comparable au taux moyen des unions consanguines de Tlemcen estimé à
34% (Zaoui et Biémont, 2002).
Quant à
la distribution concernant le type de parenté entre les conjoints (c'est à dire
cousins du premier degré et cousins du second degré), nous avons constaté dans
notre population une légère préférence pour les mariages entre cousins du
deuxième degré (20.33%) chez les couples étudiés. Ce résultat rejoint celui
trouvé en Algérie par Benallègue et Kedji, (1984).
Cependant,
ce résultat ne corrobore pas celui enregistré dans les populations des monts et
des hauts plateaux de Tlemcen (Aouar et al., 2005), qui préfèrent les
mariages consanguins entre cousins du premier degré. Ce type d'union constitue en
fait un trait caractéristique des populations Arabo-musulmanes (Khlat, 1986).
Variation temporelle des mariages consanguins
au sein de la population de Sabra
Les
résultats de la variation temporelle des
mariages consanguins par année de mariage regroupés en classes de dix ans dans
le tableau 2 montrent une nette décroissance des proportions de la
consanguinité. Ces résultats s'accordent avec ceux des enquêtes nationales de
1970 et 1979 réalisées par Mokkadem, (1981) qui révèlent une diminution des
proportions de mariages entre apparentés au fil du temps.
Années |
1941-1950 |
1951-1960 |
1961-1970 |
1971-1980 |
1981-1990 |
|
Couples
Consanguins du 1er degré |
N % |
1 40 |
2 12,5 |
5 14,28 |
5 13,89 |
3 11,54 |
Couples
Consanguins du 2ème degré |
N % |
5 50 |
6 37,5 |
6 17,14 |
5 13,89 |
3 11,54 |
Couples non Consanguins |
N % |
4 40 |
8 50 |
24 68,58 |
26 72,22 |
20 76,92 |
Total des couples |
|
10 |
16 |
35 |
36 |
26 |
Tableau 2. Répartition
de la consanguinité par année de mariage dans la population de Sabra.
Table
2. Distribution of consanguinity by year of marriage
in the population of Sabra.
Variabilité inter-localités de la fréquence
des unions consanguines de la population de Sabra comparée avec celles des
populations de la wilaya de Tlemcen
L'analyse
de la variation spatiale des mariages consanguins dans la région de Tlemcen,
montre que le taux de consanguinité inter-localités varie entre 24,79% et
85,49% (Figure 3).
Le taux
de consanguinité de la population de Sabra (33,33%) reste nettement inférieur à
ceux observés dans les hauts plateaux et les monts de de la wilaya représentés
respectivement par la population de Sidi
el Djillali (85,49%) et celles de Ain Ghoraba (57,55%) et de Ouled Mimoune
(42,80%) (Aouar et al., 2005). Cependant, ce taux demeure comparable à
celui des populations du littoral, Honaine (31,03%) et Ghazaouet
(31%) ainsi qu’avec celui des populations des régions de l’intérieure (monts
des traras et le bassin de la wilya Tlemcen): Sidi Dris (24,79%), Souk el
Khemis (32,34%), Sidi Bediaf (31,57%), Nedroma (26,79%), Msirda (30,85%), El
Fhoul (30,33%) et Ain Youcef (33,33%)
(Aouar et al., 2005; Mortad et al., 2015).
Selon
cette comparaison nous avons pu conclure également que la proportion de la
consanguinité dans la région de Tlemcen augmente du littoral vers l’intérieur,
suivant ainsi un gradient géographique du nord vers le sud.
Figure
3.
Fréquence de la consanguinité de la population de Sabra comparée
avec celles des populations de la wilaya de Tlemcen.
Figure
3. Frequency of consanguinity of the population of Sabra compared with
that of the populations of the wilaya of Tlemcen.
Fréquence des mariages consanguins de la population de
Sabra comparé à celles du monde arabo-musulman
Un des traits les plus importants du système matrimonial en Algérie est, le fort niveau de l’endogamie familiale.
Le taux des mariages consanguins jugé trop important issu de l’enquête menée
sur la population rurale de Sabra, vient renforcer le résultat obtenu par ENAF (1989), qui rapporte les préférences
pour les mariages endogames particulièrement en milieu rural à l’échelle
nationale.
A l'issu
de nombreuses études effectuées dans différents pays du monde, en particulier
ceux Arabo-musulmanes aussi bien du Moyen Orient et du nord de l'Afrique, et
ceux du pourtour Méditerranéen en général, l’endogamie familiale s’est montrée
une particularité du système des alliances encore contractée, avec des
taux de consanguinité apparaissant dans un intervalle très étendue
allant de 19,9 % à 54% (Tableau 3).
Quant
aux comparaisons inter- populationnelles, la population de Sabra présente une
fréquence de consanguinité intermédiaire par rapport par rapport à l’ensemble
des pays arabo-musulmans (Tableau 3). Cette fréquence reste clairement élevée par rapport à celles
enregistrées dans les populations du Maroc, du Liban, de la Palestine, de
l’Egypte, du Bahreïn et de la Tunisie. Elle est comparable avec les fréquences observées dans les populations
de l’Iraq et de la Turquie.
Cependant,
elle apparait nettement inférieur à celles retrouvées dans plusieurs
populations hautement consanguines telles que Oman, la Syrie, l'Arabie
saoudite, le Yémen, les Emirats arabes, la Mauritanie, la Lybie, le Koweït, le
Qatar, le Soudan et la Jordanie.
Ville |
pourcentage de la consanguinité |
Référence |
Sabra |
33,33 |
Nos resultats |
Maroc |
19,9 |
(Baali, 1994) |
Liban |
25 |
(Khlat, 1988) |
Palestine |
27,70 |
(Assaf and
Khawaja, 2009) |
Egypte |
31,79 |
(Temtamy et al.,
1998) |
Bahrain (Bahrain) |
31,80 |
(Al Arrayed.,
1994)2 |
Tunisie |
32,71 |
(Ben M’rad et
Chalbi, 2004) |
Iraq |
33 |
(COSIT, 2005) |
Turquie |
33,9 |
(Radovanovic et
al., 1999) |
Oman |
35,9 |
(Rajab and
Patton., 2000) |
Algérie |
38,80 |
(Forem, 2007) |
Syrie |
39,8 |
(Othman, Saadat,
2009) |
Arabie Saoudite |
40,60 |
(El-Hazmi et al.,
1995) |
Yemen (Sana’a) |
44,7 |
(Gunaid et al.,
2004) |
Emirates Arabes |
46 |
(Bener et al.,
2001) |
Mauritanie |
47,2 |
(Hammami et al.,
2005) |
Lybie |
48,4 |
(Broadhead,
Sehgal, 1981)1 |
Koweït |
50,5 |
(Al Awadi et al.,
1986) |
Qatar |
51 |
(Bener, 2011) |
Soudan (Khartoum) |
52 |
(Saha and El
Sheik.h, 1988) |
Jordanie |
54 |
(Pronthro et
Diab, 1974)3 |
Tableau 3. Fréquence de la
consanguinité de la population de Sabra
comparée au monde arabo-musulman. 1 cités in Tadmori et al.,
2009; 2 cités in Bittles et Hamamy., 2010; 3 cités in Aouar et al., 2005
Table
3. Frequency of consanguinity of the Sabra population
compared to the Arab-Muslim world.
Effets biologiques des unions consanguines sur l’avortement et
la mortalité
Nous
avons évalué les effets biologiques des mariages consanguins sur la descendance
à l'aide d'indicateurs sanitaires directs relevant des domaines de
l'obstétrique (fécondité de la femme, avortement et mortalité).
Influence de la consanguinité sur l’avortement
Les
résultats mentionnés dans le tableau 4 mettent en évidence un effet
significativement néfaste (p < 0,01) de la consanguinité sur l'avortement au
sein de la population de Sabra. Le taux
d'avortement est nettement supérieur chez les couples consanguins comparé aux
couples non consanguins.
De plus,
si nous tenons en compte le degré de répétabilité, nous avons enregistré
une proportion d’avortement légèrement
importante chez les couples consanguins du premier degré que chez ceux du
second degré.
Enfants |
Pourcentage de
l’avortement |
Total des couples |
Issus de CC1 |
57.63 |
16 |
Issus de CC2 |
26.32 |
25 |
Issus de CNC |
16.05 |
82 |
Tableau 4. Relation entre la
consanguinité ( 1er et 2ème
degré ) et le taux d’avortement.
CC1: couple du premier degré. CC2:
couple du deuxième degré. CNC:
couple non consanguin.
Table 4. Relation between
inbreeding (1st and 2nd degree) and abortion rate.
Nos
résultats s’accordent avec ceux des études effectuées pour estimer les effets
biologiques de la consanguinité en Turquie (Basaran et al., 1989) et en
Irak (Hamamy et al., 1986) qui ont
reporté une proportion d'avortement deux fois supérieure chez les
couples consanguins du premier degré par rapport aux couples non consanguins
(Hussain, 1998).
Cependant,
elles ne rejoignent pas les études qui
ont montré une proportion d’avortement moins élevée dans les familles où la
consanguinité se perpétue pendant plusieurs générations, à cause de l’effet de
l’homozygotie croissant sur le développement du fœtus, (Hussain, 1998; Bener et
al., 2001), qui favorise l’élimination des gènes délétères dans le pool
génétique de la population (Biémont, 1979; Klat,1986; Solignac et al.,
1995; Bener et al., 2001).
Influence
de la consanguinité sur la mortalité
Sachant
que les données de l’enquête ne fournissent pas la date exacte (données incomplètes) des évènements de
mortalité, il n’est possible d’estimer qu’une mortalité globale. De plus, les
sujets interviewés (hommes ou femmes) sont incapables pour la plupart de
différencier entre mort-nés et néo mort-nés, ces deux notions étant pour eux
très ambiguës, en particulier lorsque la mort survient quelques minutes ou
quelques instants avant l’accouchement, c’est pourquoi nous avons regroupés
mortalité fœtale tardive et mortalité néonatale.
Enfants |
Pourcentage de la
mortalité |
Total des couples |
Issus de CC1 |
43.23 |
16 |
Issus de CC2 |
39.92 |
25 |
Issus de CNC |
16.85 |
82 |
Tableau 5. Relation entre la
consanguinité ( 1er et 2ème
degré ) et le taux de la mortalité. CC1:
couple du premier degré. CC2:
couple du deuxième degré. CNC:
couple non consanguin.
Table 5. Relation between
inbreeding (1st and 2nd degree) and the mortality rate.
Le
risque relatif est utilisé en épidémiologie dans l’étude de mortalité infantile
associée aux mariages consanguins. Estimé au sein de notre population a été de
1,22 et le risque attribuable proportionnel de la population, qui tient compte de la fréquence de la
consanguinité, de 0,88. Le risque de surmortalité calculé par le khi-carré,
montre un effet significativement néfaste (p < 0,01) de la consanguinité sur la mortalité de la
descendance dans notre population. Le
taux de mortalité apparait clairement supérieur chez les couples consanguins
que celui enregistré chez couples non consanguins.
De
même, les résultats consignés dans le
tableau 5 mettent en évidence un taux de mortalité plus élevé chez les enfants
nés de couples consanguins du premier degré par rapport aux enfants issus de
couples consanguins du deuxième degré.
Nos résultats
rejoignent la conclusion des travaux de Benallègue
et al., (1984), Hussain et Bittles
(1998), Charlesworth et Hughes (1999) in
Aouar et al., (2005), Chalbi (2009), Bittles (2010); Bittles, and Black
(2010), Bittles et Hamamy (2010), Ehlayel
et al., (2013), Ben Halim et al., (2013, 2016), Shawky et
al., (2013), Anwar et al., (2014), Chentouf et al., (2015), Kelmemi
et al., (2015 ), Taleb (2015) et Abbad
et al., (2016) qui révèlent que la consanguinité augmente
inéluctablement le taux de mortalité pré-natale et post-natale et de morbidité
infantiles.
Contrairement
les travaux d’Al-Awadi et al., (1986) sur la mortalité pré-natale et
post-natale au Sud de l’Inde et au Koweït, ont conclu une indépendance entre la consanguinité et la
mortalité. Les auteurs interprètent généralement cette absence d’effet par un
mécanisme d’adaptation à la consanguinité par élimination progressive des gènes
létaux au fur et à mesure des générations consanguines (Khlat et al., 1986; Bener et al., 2001;
Bittles, 2001; Rittler et
al., 2001).
Conclusion
La
caractérisation anthropo-génétique de la population rurale de Sabra (ouest algérien)
à travers l'analyse de la consanguinité et quelques paramètres sanitaires
d’avortement et de mortalité a permis de définir les principales caractéristiques
expliquant ses profils socio- culturelles et biologiques.
Ainsi,
les mariages consanguins constituent, depuis plusieurs générations et encore à
ce jour une pratique sociale courante dans notre population, malgré que
l'impact de telle pratique ne soit pas toujours compris.
Cette
forme de mariage semble offrir aux couples et à leurs parents plus d'avantages
que d'inconvénients sur le plan individuel, familial et collectif. Elle assure
la sécurité affective et matérielle des conjoints, la stabilité du mariage,
l'acceptation du partenaire et de ses parents dans leur être et leur avoir, le
renforcement des liens inter-familiaux, la cohésion et la solidarité collective
(Bou-assy et al., 2003).
Nos
résultats sur les unions consanguines au
sein de la population de Sabra mettent en évidence un taux de consanguinité de 33,33%.
Ce taux de demeure intermédiaire par
rapport à l’ensemble des pays arabo-musulmans. Ces résultats montrent également un déclin des
mariages consanguins dans notre population au fil du temps, avec toujours une préférence des unions entre cousins du deuxième degré.
En
ce qui concerne l'impact biologique des mariages consanguins, nous avons
constaté un effet significativement néfaste de la consanguinité sur l’avortement
et la mortalité.
En
effet, de nombreuses études confirment que la consanguinité réduit la vigueur et la
fitness des individus en augmentant le degré d'homozygotie et en favorisant
l'apparition des gènes délétères récessives (Solignac et al., 1995; Aouar
et al., 2005).
En
revanche, nous pouvons toutefois considérer que, dans les pays en
développement, les facteurs de l'environnement ont beaucoup plus de poids que la
consanguinité dans le déterminisme de l’avortement, la mortalité ou de
certaines pathologies liées au patrimoine génétique.
En
définitive, il paraît raisonnable de préconiser la dissémination d'informations
relatives aux risques des mariages consanguins par l'éducation sanitaire de la
population.
Remerciements. Nous
tenons à remercier la population de Sabra ainsi que le personnel de la Mairie,
le personnel du PDAU et le personnel de l’EPSP de Sabra.
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