Bachir, S., Aouar, A., Moussouni, A., 2017.
Etude Anthropo-sociologique de la consanguinité dans la population de
"Beni Abbés" dans le sud-ouest Algérien. Antropo, 37, 69-82.
www.didac.ehu.es/antropo
Etude
Anthropo-sociologique de la consanguinité dans la population de "Beni
Abbés" dans le sud-ouest Algérien
Anthropo-sociological
study of inbreeding in the population of "Beni Abbés" in South West
Algeria
Said
Bachir 1, Ammaria Aouar1,
Abdellatif Moussouni2,3
1Laboratoire de Valorisation de l’Action de l’Homme pour la Protection de
l’Environnement et Application en Santé Public (équipe Environnement et Santé),
Faculté des Sciences, Université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen, Algérie.
2Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques
(station de Tlemcen).
3Laboratoire d’Anthropologie des Religions et de leur Comparaison,
Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Université Abou bekr Belkaïd de
Tlemcen, BP 218 Imama, Tlemcen, Algérie.
Auteur chargé de la correspondance: Abdellatif
Moussouni. Centre National de Recherches
Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques (station de Tlemcen) 03 Imama,
Tlemcen - Algérie. abdellatif.moussouni@gmail.com.
Mots-clés:
Population, Béni Abbes (Algérie), mariage consanguin, choix du conjoint,
corrélats sociaux.
Keywords: Population, Béni Abbes (Algeria), consanguineous marriage, choice of spouse, social correlates.
Résumé
La consanguinité est une pratique matrimoniale très répandue en Algérie à l’instar de tous les pays arabo-musulmans, elle est motivée par les traditions et les coutumes et est également influencée par le statut social, culturel et économique. Elle a pour conséquence à long terme la redistribution génique à travers les générations conduisant ainsi à l’augmentation de la fréquence des homozygotes dans la population et de là le risque de mortalité et d’atteintes morbides.
Dans le but d’expliciter les raisons sociales, culturelles et économiques liées à cette pratique, nous avons mené une étude sur un échantillon de 315 individus pris au hasard parmi la population de Béni Abbes, située au sud-ouest Algérien. Ils ont répondu à un questionnaire préétabli comportant des paramètres socio-anthropologiques.
L’exploitation des résultats a révélé un taux de consanguinité de 50,06 %. Ce dernier reste largement élevé par rapport à la moyenne nationale (38,80 %).
L’analyse des paramètres socio-économiques et culturels montre une forte corrélation entre le choix de ce types de mariage et des facteurs d’ordre sociale, culturel et démographique, tels que le niveau bas d’éducation en particulier chez les femmes, l’âge précoce de mariage, le type d’habitat et l’influence des parents dans le choix du conjoint.
Summary
Inbreeding is a matrimonial practice widespread in Algeria like any country Arab and Muslims, it is motivated by the traditions and customs and is also influenced by social status, cultural and economic. It has long-term consequence of the genes redistribution across generations thus leading to increased frequency of homozygotes in the population and it resulted the risk of death and disease attacks.
In order to explain the social, cultural and economic reasons linked to this practice, we conducted a study on a sample of 315 randomly selected individuals among the population of Beni Abbes located southwest Algerian who answered a questionnaire with pre-established socio-anthropological parameters.
The exploitation of results revealed a rate of inbreeding (all confused degrees) of 50.06 % largely high compared to the national average (38.80 %).
The analysis of socio-economic parameters shows a strong correlation between choice this type of marriage and social, cultural and demographic factors, such as low level of education especially among women, the early marriage age, habitat type and parental influence in the choice of future husband.
Introduction
L’endogamie familiale ou la consanguinité est
en effet un cas particulier des liens matrimoniaux entre les conjoints.
Cependant, la fréquence des unions consanguines dépend de la taille de la
population, de son degré d’isolement et de l’existence de pratiques
socio-économiques et culturelles qui favorisent ou évitent un certain type
d’unions (Valls, 1982; Calderón, 1983; Pineda et al, 1985; Khlat, 1986;
Imaizumi, 1986; Moussouni, 2012; Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013; Mortad et
al., 2015).
Dans le monde
en général, ce sont les populations arabo-musulmanes les plus concernées par
cette pratique que d'autres (Talbi et al., 2007). Des
études concordantes menées dans
différents pays arabes le confirment: Giza en Egypte: 31,79 % (Temtamy et al., 1998), Tunisie: 38,02
% (Zakaria, 1999), Liban: 25% (Khlat, 1986), Kuwait: 54,20 % (Al-Awadi et al.,
1985), Arabie Saoudite: 50,5 % (Abdulrazzaq et al., 1997), Maroc: 19,87 %
(Lamdouar, 1994) sur la période 1982-1992. En Algérie une étude réalisée en
2007 dans un nombre de wilayas par la Fondation nationale pour la promotion de
la santé et le développement de la recherche
a révélé un taux moyen de 38,80 %.
Le phénomène de l'endogamie a des conséquences
directes sur la répartition, la structure et l'hétérogénéité du flux génétique
d'une population. Ainsi la consanguinité est reconnue dans plusieurs études
comme un facteur accroissant le taux des malformations congénitales telles que
les cardiopathies et les néphropathies (Mustapha, 1997; Aoun et al,
1995; El-Kazen et al., 1993), l’incidence de la surdimutité (Akl, 1994),
de la cécité (OMS, 1993), en générale elle est susceptible d’avoir des
conséquences biologiques défavorables (au sens de la "fitness") sur
la descendance (Khlat, 1986; Aouar, 1988). Ces conséquences peuvent toutefois
varier considérablement en fonction de l'étendue et de la durée du phénomène
(Ben M'Rad et Chalbi, 2006).
La
présente étude s’inscrit dans la continuité des travaux menés par l’équipe
environnement et santé du professeur Aouar dans le laboratoire de valorisation de l’action de l’Homme
pour la protection de l’environnement et application en santé publique de
l’université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen et gagne son intérêt du fait de la
rareté des études qui se sont intéressées à examiner l’impact des pratiques
endogamiques, leurs causes et leurs impacts au sein des populations de l’ouest Algérien. Elle porte sur la
population de Béni Abbes dans la wilaya de Béchar située dans le sud-ouest
Algérien, et a pour objectif de décrire la perception des unions consanguines,
déterminer l'interaction entre le statut social, économique et culturel et la
prévalence de la consanguinité. Elle vise également à apprécier l’ancrage de la pratique des mariages consanguins dans
cette région et les causes qui la motivent.
Population et méthodes
Enquête
L’étude a porté sur 315 individus de la
population de Béni Abbes (extrême sud de
la wilaya de Béchar) (Figure1). Ils ont été invités en notre présence
personnelle à remplir un questionnaire préétabli, comportant les variables suivantes:
- socio
démographiques: âge, sexe, lieu de naissance, situation matrimoniale, résidence;
- socio-économiques:
niveau d’instruction, profession;
- anthropologiques:
lien de parenté du couple, des parents et des grands parents, structure du
foyer (nucléaire/étendu),
- sanitaires: maladies
(notamment hypertension artérielle et diabete), avortements, enfants
mort-nés.
- de comportement: les
personnes ont été interrogées au sujet de leurs attitudes vis- à-vis des
mariages consanguins.
Figure 1.
Carte de situation de la région de Béni Abbés.
Figure 1.
Location map of the Béni Abbés region.
Toutes les informations rassemblées ont permis
de classer les individus en deux catégories:
- Catégorie des consanguins: cousins du premier
degré (C1) et cousins du deuxième degré (C2);
- Catégorie des non consanguins (NC).
Traitement des données
Afin
de répondre aux interrogations contenues dans les objectifs de l’étude, nous
avons fait appel aux tests d’indépendance du 𝜒2, de Fisher pour la comparaison des
proportions des différentes catégories étudiées, qui permettent de comparer les
écarts entre les valeurs théoriques et les valeurs observées.
Résultats
et discussion
Analyse
de la fréquence et de la nature des mariages consanguins et degré de parenté
entre les conjoints
Le Tableau
1 présente l’ensemble des effectifs ayant participé à l’enquête, regroupée selon le sexe et le statut
matrimonial.
Statut |
Homme |
Femme |
Total |
Célibataires |
36 |
12 |
48 |
Marié/e |
177 |
69 |
246 |
Divorcé/e |
0 |
3 |
3 |
Veuf/ve |
3 |
15 |
18 |
Total |
216 |
99 |
315 |
Tableau 1. Distribution global des
effectifs selon le sexe et le statut
matrimonial.
Table 1. Global distribution of the
workforce by gender and matrimonial status.
Afin
de vérifier l'existence d'une continuité dans les comportements matrimoniaux
d'une génération à l'autre (grands-parents, parents et enfants), des
comparaisons intergénérationnelles de la consanguinité dans la population de
Béni Abbes ont été établies à partir de données recueillies du questionnaire.
Sur
les 315 individus interviewés dans cette enquête, 267 non célibataires (mariés,
divorcés et veufs), sur lesquels l’analyse de la consanguinité a portée.
Le Tableau
2 et la Figure 2 présentent la répartition des fréquences de la consanguinité (consanguins
du 1 premier degré et consanguins du deuxième degré) sur trois générations. Une
fréquence élevée de 55,06 % a été enregistré chez la génération des couples
étudiés contre 53,93 % chez la génération des parents et 39,33 % chez la
génération des grands-parents.
|
Consanguins |
Consanguins
% |
Non
Consanguins % |
|
Génération |
Cousin
1° % |
Cousin
2° % |
|
|
Couple |
67.35 |
32.65 |
55.06 |
44.94 |
Parents |
52.08 |
47.92 |
53.93 |
46.07 |
Grand
parents |
62.85 |
37.15 |
39.33 |
60.67 |
Tableau 2.
Répartition des fréquences de la consanguinité sur trois générations.
Table 2.
Frequency distribution of consangunity on three generations.
Figure
2. Proportion de
la consanguinité dans les trois générations.
Figure
2. Consanguinity
proportion in three generations.
La
tendance à se marier avec un cousin de 1er degré reste préférable aussi bien
chez la génération des couples étudiés 67,35 % que chez les parents 52,08 % et
chez grands-parents 62,85% (Figure 3). Le taux élevé de la consanguinité à
travers les trois générations peut trouver son explication dans le fait que
Béni Abbés a toujours constituée un isolat génétique (Bachir et Abdulkader,
1989) et continue vraisemblablement à l’être.
Figure
3. Proportion de
la consanguinité des cousins germains et éloignés dans les trois générations.
Figure
3. Consanguinity
proportion of first cousins and distant cousins in three generations.
La fréquence de la consanguinité enregistrée
dans la population de Béni Abbés parmi la génération des couples étudiés 55,06 %
est très élevée par rapport à la fréquence moyenne de l’Algérie 38,8 % (Figure 4).
Sa comparaison avec certaines populations de régions géographiquement voisines
(Figure 5) montre qu’elle est inférieure aux fréquences enregistrées aux hauts
plateaux de la wilaya de Tlemcen (Aouar Metri et al., 2005), celle
trouvée à Béni ounif à l’extrême nord de
Béchar (Bachir et al., 2014), relativement proche de celle enregistrée à
Ghardaïa (56 %) et inférieure
aux fréquences enregistrées à Béchar ville (Daki, 1994) et Tlemcen (valeur
moyenne) (Aouar Metri et al., 2005).
Figure
4. Proportionde
la consanguinité dans la population de Beni Abbés et de l’Algérie.
Figure
4. Proportion of
consanguinity in the population of Beni
Abbés and Algeria.
Corrélats
sociaux des mariages consanguins
L’étude des composantes du mariage permet de
mieux comprendre les processus de transformations synchroniques et
diachroniques des patrimoines sociales, anthropologiques, culturels et
génétiques.
Les variables (caractéristiques) que nous avons
considérées, à savoir le niveau d’instruction, l’âge au moment du mariage et le type d’habitation (foyer) ne
concernent que la génération des couples interviewés. Une analyse bivariée a été appliquée afin de
mesurer la significativité des résultats.
Le paramètre statut professionnel du mari n’a
pas été pris en considération du fait de son non significativité dans
l’échantillon des couples étudiés (la majorité des couples de l’échantillon ont
des statuts professionnels qui se rapprochent).
Niveau d’instruction
La distribution conjointe du statut du mariage
(mariage consanguin et non consanguin) et du niveau d’instruction des couples
représentée dans le Tableau 3 ne montre pas une association significative entre
le niveau d’instruction et la tendance à se marier avec des proches, en
comparant les pourcentages des individus ayant contracté des mariages
consanguins avec ceux des couples non consanguins (p > 0,05).
Ayant poussé l’analyse de ce facteur
particulièrement vers les épouses (sachant que les femmes dans ces régions sont
les plus privées de l’éducation et aussi les plus influencées par la volonté
des familles à contracté des mariages avec des proches comparativement aux
hommes), on a constaté (Tableau 3, Figure 6) que la proportion des mariages
consanguins augmente significativement lorsque le niveau d’instruction de
l’épouse s’abaisse.
Figure
5. Proportion de
la consanguinité dans la population de Beni Abbés et d’autres populations en Algérie.
Figure
5. Proportion of
consanguinity in population of Beni Abbés and other populations in Algéria.
|
Consanguins |
Non consanguins |
||
Niveau
d’instruction |
N |
% |
N |
% |
Bas |
45 |
31,25 |
51 |
41,46 |
Moyen |
84 |
58,33 |
51 |
41,46 |
Élevé |
15 |
10,41 |
21 |
17,07 |
Total |
144 |
100 |
123 |
100 |
Tableau 3. Répartition des fréquences de la consanguinité
en fonction du niveau d’instruction. Bas:
Analphabète, primaire; Moyen: Moyen, secondaire; Elevé: Universitaire.
Table
3. Fréquency
distribution of consanguinity based on the level of education.
Le Tableau 4 et la Figure 7 montrent clairement qu’une femme ayant le niveau
d’instruction élevé évite de contracter un mariage consanguin (de par ses
connaissances éventuelles sur les méfaits d’une telle union sur la progéniture
et sa tendance à être moins influencée par les coutumes familiales) qu’une
femme qui a un niveau bas d’études (analphabète ou primaire). Ces résultats
concordent avec ceux obtenus par d’autres études (Benhamadi, 1997; Khoury et
Massad, 2000; Jurdi et Saxena, 2003; Raz et
al, 2003; Barbour et Salameh, 2009, Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013).
Figure 6. Proportions de la consanguinité en fonction du
niveau d’instuction.
Figure
6. Proportions of
consanguinity based on the level of education.
|
Consanguins |
Non consanguins |
||
Niveau d’instruction |
N |
% |
N |
% |
Bas |
25 |
44,64 |
06 |
19,35 |
Moyen |
20 |
35,71 |
11 |
35,48 |
Élevé |
11 |
19,64 |
14 |
45,16 |
Total |
56 |
100 |
31 |
100 |
Tableau 4. Répartition des fréquences de la consanguinité
en fonction du niveau d’instruction des femmes. Bas: Analphabète, primaire; Moyen: Moyen, secondaire; Elevé:
Universitaire.
Table 4. Fréquency distribution of consanguinity based
on the level of education of wives.
Figure 7. Proportions de la consanguinité en fonction du
niveau d’instruction des épouses
Figure
7. Proportions of consanguinity based on the
level of education of wives
Age au moment du mariage
Concernant l’âge au moment du mariage, les
résultats montrent une étroite association entre le mariage consanguin et la
tranche d’âge inférieure à 24 ans (86,08 %) des épouses consanguines, et
inversement, pour les épouses non consanguines, une forte association entre le
mariage et la tranche d’âge supérieure à 25 ans (77,41 %) (Tableau 5, Figure 8).
Pour les époux on note que l’âge précoce des
jeunes hommes (≤ 19 ans) est également associé à l’acceptation de cette
forme d’union avec 8,08 % contre 2,47 % (Tableau 6, Figure 9) pour les jeunes
hommes qui ont contracté un mariage avec une femme éloignée. Pour les autres
tranches d’âges il n’existe aucune corrélation.
Ces résultats démontrent ainsi, que plus les couples
(époux et épouses) se marient jeunes, plus elles ont tendance à accepter
l’union avec un apparenté en comparaison
avec les couples qui se marient moins jeunes.
Nos résultats concordent parfaitement avec les résultats de l’étude réalisée dans
les années 1980 sur les mariages consanguins au Liban par Khlat (1989) et
ceux obtenus par Sidi-Yakhlef et Aouar Metri (2013) à travers l’étude anthropo-sociologique
de la consanguinité dans la population de "Oulhaça" dans l’ouest
Algérien.
|
Couples Consanguins |
Couples Non Consanguins |
||
Age au mariage |
N |
% |
N |
% |
≥19 |
18 |
31,80 |
05 |
16,13 |
20 - 24 |
36 |
64,28 |
02 |
06,45 |
25 - 29 |
02 |
03,57 |
10 |
32,25 |
≤ 30 |
00 |
00 |
14 |
45,16 |
Total |
56 |
100 |
31 |
100 |
Tableau
5. Répartition des fréquences de la consanguinité
en fonction d’âge du mariage des épouses.
Table 5. Fréquency distribution of consanguinity based
on marrying age of wives.
Figure
8. Proportions de
la consanguinité en fonction d’âge du mariage des épouses.
Figure
8. Proportions of
consanguinity based on marrying age of wives.
|
Couples Consanguins |
Couples Non Consanguins |
||
Age au mariage |
N |
% |
N |
% |
≥19 |
08 |
8,08 |
02 |
2,47 |
20 - 24 |
23 |
23,23 |
17 |
20,99 |
25 - 29 |
22 |
22,22 |
34 |
41,97 |
≤ 30 |
46 |
46,46 |
28 |
34,56 |
Total |
99 |
100 |
81 |
|
Tableau 6. Répartition des fréquences du statut
de mariage en fonction de l’âge du mariage des époux.
Table 6. Fréquency distribution of consanguinity based
on marrying age of husbands.
Figure 9. Proportions de la consanguinité en fonction
d’âge du mariage des époux
Figure
9. Proportions of
consanguinity based on marrying age of husbands.
Type de foyer
Cette question avait comme but de comparer des
personnes ayant contracté un mariage consanguin à des personnes témoins, en
termes de type de foyer étendu ou nucléaire. Les anthropologues décrivent la
famille nucléaire par le fait qu’elle est formée d’un couple et de ses enfants
non mariés; une famille étendue consiste en deux ou plusieurs couples
possédants des liens consanguins, avec leurs enfants célibataires et parfois
des ascendants directs et collatéraux (Cresswell, 1975).
L’évaluation de ce paramètre a révélé que 65,31
% des personnes vivant dans un foyer étendu ont contracté un mariage consanguin
contre 30,83 % qui sont mariés avec un non apparenté. A l’inverse chez les
personnes vivant dans un foyer nucléaire, 34,70 % seulement ont contracté un
mariage consanguin contre 69,17 % qui
sont mariés avec un non apparenté (Tableau 7, Figure 10). Ces résultats ne
peuvent être expliqués que par l’existence
d’une corrélation entre la famille étendue et la pratique endogamique.
Nos résultats sont en concordance avec ceux obtenue par Sidi-Yakhlef et Aouar
Metri, 2013 sur la population d’Oulhça dans l’Ouest Algérien.
|
Couples Consanguins |
Couples Non consanguins |
||
Type de famille |
N |
% |
N |
% |
Foyer étendu |
96 |
65,31 |
37 |
30,83 |
Foyer nucléaire |
51 |
34,70 |
83 |
69,17 |
Total |
147 |
100 |
120 |
100 |
Tableau
7. Répartition
des fréquences du statut de mariage en fonction du type de famille.
Table 7. Fréquency distribution of consanguinity based
on type of family.
Figure 10. Distribution
des proportions de la consanguinité en fonction du type de famille
Figure10.
Distribution
of consanguinity proportions according to type of family
Pensez-vous qu’un
mariage avec un apparenté constitue un arrangement avantageux (Question 1)?
L’analyse des réponses des personnes
interrogées pour cette question révèle
que 41,95 % des répondants considèrent le mariage consanguin comme un
arrangement avantageux, alors que 31,46 % ne sont pas favorables à ce type de
mariage. 26,59 % des répondants n’ont pas affiché d’opinion (Tableau 8, Figure 11).
Ces chiffres dégagent un taux élevé d’adhésion
à ce modèle de mariage parmi la population de Béni Abbés et notamment parmi les
femmes (50,58 %) contre 37,78 % pour les hommes.
Les
arguments avancées par les questionnés
pour justifier leurs réponses varient de la sauvegarde de l’unité de la
famille, l’assurance et la protection et le respect de la volonté des parents
pour gagner leur gratitude et par là la bénédiction de Dieu, pour les favorables à ce genre d’unions; à la
crainte de la dégradation des liens familiaux sous l’effet des conflits qui
peuvent survenir entre les époux, la crainte de survenue de maladies génétiques
pour les descendants et la volonté de s’intégrer dans un milieu familiale
différent de celui dans lequel ils ont vécu auparavant, pour les non favorables
à ce genre de mariage.
|
Hommes |
Femmes |
Total |
|||
Réponse |
N |
% |
N |
% |
N |
% |
Favorable |
68 |
37,78 |
44 |
50,58 |
112 |
41,95 |
Non Favorable |
57 |
31,67 |
27 |
31,03 |
84 |
31,46 |
Sans opinion |
55 |
30,55 |
16 |
18,39 |
71 |
26,59 |
Total |
180 |
100 |
87 |
100 |
267 |
100 |
Tableau
8. Répartition des
fréquences des réponses de la question 1.
Table
8. Fréquency distribution of responses to the question 1.
Figure
11. Proportions
des réponses de la question 1.
Figure
11. Proportions
of responses to the question 1.
Conseillerez-vous à
votre fils/fille d'épouser sa cousine/son cousin (Question 2)?
Les résultats de la question 2 révèlent que
58,80 % des répondants (Femmes et Hommes) conseilleront à leurs fils et filles
d’épouser leurs cousine/s, avec des pourcentages presque égaux: 58,62 % et
58,59 %.Par contre 24,64 % le déconseillent à leurs enfants avec une proportion légèrement élevée chez les
femmes 28,73 % par rapport aux hommes 22,22 %. Une proportion de 16,85 des
personnes questionnée n’a pas exprimé d’opinion (Tableau 9, Figure 12). Ces
résultats constituent une preuve de l’enracinement de cette pratique dans le
système matrimonial et la culture de cette population.
Pour plusieurs auteurs (Khlat, 1986;
Radovanovic et al., 1999; Bou-Assy et al., 2003; Qidai et al.,
2003), l’endogamie garantit une continuité de la manière d’être et de la façon
de faire, une protection de l’honneur de la femme, une stabilité de vie
conjugale et une meilleure dynamique familiale, de même qu’une sécurité
affective, psychologique et financière. Le fiancé n’a pas à s’intégrer dans un
nouveau milieu ni à faire des efforts pour répondre aux exigences de sa
fiancée. Étant du milieu, la cousine est habituée aux travaux et au mode de vie
de ses beaux-parents. À l’opposé, l’incertitude existe de part et d’autre avec
la femme étrangère, qui est perçue comme plus exigeante et indifférente aux
conditions matérielles dans lesquelles vit son fiancé (Moussouni, 2012; Sidi-Yakhlef
et Aouar Metri, 2013; Mortad et al., 2015).
Selon Bourdieu (1980), l’endogamie a pour effet
de contribuer de façon déterminante à créer un groupe intégré et de limiter sa
tendance au fractionnement.
Pour les antagonistes à ce type de mariage, en
plus des arguments évoqués précédemment, en approfondissant la discussion, ces
personnes considèrent que les cousins et les cousines comme des frères et sœurs
pour eux, ce type de mariage causera l’absence de nouveauté et de curiosité qui
entravent le plaisir de connaître et de découvrir l’autre, l’amour du
partenaire qui est un amour fraternel. Ces fiancés expriment d’une manière
subjective le privilège du mariage exogamique et le désir profond de se marier
avec un étranger (Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013).
|
Homme |
Femme |
Total |
|||
Réponse |
N |
% |
N |
% |
N |
% |
Oui |
106 |
58,59 |
51 |
58,62 |
157 |
58,80 |
Non |
40 |
22,22 |
25 |
28,73 |
65 |
24,34 |
Sans opinion |
34 |
18,89 |
11 |
12,64 |
45 |
16,85 |
Total |
180 |
100 |
87 |
100 |
267 |
100 |
Tableau
9. Répartition des fréquences des réponses à la
question 2.
Table
9. Fréquency distribution of
responses to the question 2.
Figure
12. Proportions des réponses de la question 2.
Figure
12. Proportions of
responses to the question 2.
Pensez-vous que le
fait d'épouser un apparenté augmente le risque des maladies héréditaires chez
les enfants? (Question 3)
Les réponses à cette question 3 révèlent que
51,68 % de la population questionnée sont convaincu que le mariage entre
apparentés augmente le risque d’atteinte de maladies héréditaires et 13,48 % (Tableau
10, Figure 13). Seulement pensent qu’il n’y a pas de relation entre ce type de
mariage et le risque d’atteinte de telles maladies, leurs preuves sont simples:
"ça fait des siècles que nos grands-parents contractent des mariages entre
cousins et cousines et ça n’a jamais posé de problèmes".
Les
personnes sans opinion représentent un taux de 34,83 %. Ces répondants déclarent
en majorité ne pas être spécialistes et ne disposent pas d’éléments
d’informations à ce sujets même si certains d’entre eux avouent déjà entendu
parler du sujet mais ils leurs est difficile de se prononcer.
|
Homme |
Femme |
Total |
|||
Réponse |
N |
% |
N |
% |
N |
% |
Oui |
92 |
51,11 |
46 |
52,87 |
138 |
51,68 |
Non |
26 |
14,44 |
10 |
11,49 |
36 |
13,48 |
Sans Opinion |
62 |
34,44 |
31 |
35,63 |
93 |
34,83 |
Total |
180 |
100 |
87 |
100 |
267 |
100 |
Tableau
10. Répartition des fréquences des réponses à la
question 3.
Table 10.
Fréquency distribution of responses to
the question 3.
Figure
13. Proportions
des réponses de la question 3.
Figure
13. Proportions of
responses to the question 3.
Conclusion
L’étude sur la consanguinité menée au sein de
la population de Béni Abbés a révélé un taux de consanguinité largement élevé (50,06 %) par rapport aux taux enregistrés par d’autres
études dans différentes régions du pays et par rapport à la moyenne nationale (38,80 %).
Un taux élevé de la consanguinité et des
apparentés de premier degré à travers les trois générations (couples étudiés,
parents et grand parents) a été enregistré.
Une association significative entre les
facteurs socio-anthropologiques étudiés (niveau d’instruction, âge au moment du
mariage et type d’habitat) et les
pratiques endogamiques dans la région de Béni Abbés se dégage à travers
l’analyse des résultats qui concordent
parfaitement avec les résultats
enregistrés par nombreuses études réalisées au sein des populations de l’ouest
de l’Algérie par le laboratoire de valorisation de l’action de l’homme pour la
protection de l’environnement et
application en santé publique, faculté des sciences de l’Université Abou bakr belkaid de Tlemcen, Algérie, sous
l’égide du Pr Aouar et d’autres à travers le monde, notamment ceux de Khlat (1988) dans son étude sur la population
Libanaise et Tunçbilek et Koc (1994) sur la
population de Turquie.
L’option du mariage consanguin semble très
ancrée dans la population de Béni Abbés et
semble t-il profondément influencée par la recherche de la sécurité et la stabilité par les individus
et leurs convictions religieuses et culturelles ainsi que par les bénéfices socio-économiques
et sociaux que la société s’est procurée de ce comportement matrimonial.
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