Bachir, S., Aouar, A., Moussouni, A., 2017. Etude Anthropo-sociologique de la consanguinité dans la population de "Beni Abbés" dans le sud-ouest Algérien. Antropo, 37, 69-82. www.didac.ehu.es/antropo


 

Etude Anthropo-sociologique de la consanguinité dans la population de "Beni Abbés" dans le sud-ouest Algérien

 

Anthropo-sociological study of inbreeding in the population of "Beni Abbés" in South West Algeria

 

Said Bachir 1, Ammaria Aouar1,  Abdellatif Moussouni2,3

 

1Laboratoire de Valorisation de l’Action de l’Homme pour la Protection de l’Environnement et Application en Santé Public (équipe Environnement et Santé), Faculté des Sciences, Université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen, Algérie.

2Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques (station de Tlemcen).

3Laboratoire d’Anthropologie des Religions et de leur Comparaison, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Université Abou bekr Belkaïd de Tlemcen, BP 218 Imama, Tlemcen, Algérie.

 

Auteur chargé de la correspondance: Abdellatif Moussouni. Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques (station de Tlemcen) 03 Imama, Tlemcen - Algérie. abdellatif.moussouni@gmail.com.

 

Mots-clés: Population, Béni Abbes (Algérie), mariage consanguin, choix du conjoint, corrélats sociaux.

 

Keywords: Population, Béni Abbes (Algeria), consanguineous marriage, choice of spouse, social correlates.

 

Résumé

La consanguinité est une pratique matrimoniale très répandue en Algérie à l’instar de tous les pays arabo-musulmans, elle est motivée par les traditions et les coutumes et est également influencée par le statut social, culturel et économique. Elle a pour conséquence à long terme la redistribution génique à travers les générations conduisant ainsi à l’augmentation de  la  fréquence  des  homozygotes  dans  la  population  et  de    le  risque de mortalité et d’atteintes morbides.
Dans le but d’expliciter les raisons sociales, culturelles et économiques liées à cette pratique, nous  avons  mené  une  étude sur un échantillon de 315  individus pris au hasard parmi la population de Béni Abbes, située au sud-ouest Algérien. Ils ont répondu à un questionnaire préétabli comportant des paramètres socio-anthropologiques.
L’exploitation des résultats a révélé un taux de consanguinité de 50,06 %. Ce dernier reste largement élevé par rapport à la moyenne nationale (38,80 %).
L’analyse des paramètres socio-économiques et culturels montre une forte corrélation entre le choix de ce types de mariage et des facteurs d’ordre sociale, culturel et démographique, tels que le  niveau bas d’éducation en particulier chez les femmes, l’âge précoce de mariage, le type d’habitat et l’influence des parents dans le choix du conjoint. 

 

Summary

Inbreeding is a matrimonial practice widespread in Algeria like any country Arab and Muslims, it is motivated by the traditions and customs and is also influenced by social status, cultural and economic. It has long-term consequence of the genes redistribution across generations thus leading to increased frequency of homozygotes in the population and it resulted the risk of death and disease attacks.
In order to explain the social, cultural and economic reasons linked to this practice, we conducted a study on a sample of 315 randomly selected individuals among the population of Beni Abbes located southwest Algerian who answered a questionnaire with pre-established socio-anthropological parameters.
The exploitation of results revealed a rate of inbreeding (all confused degrees) of 50.06 % largely high compared to the national average (38.80 %).
The analysis of socio-economic parameters shows a strong correlation between choice this type of marriage and  social, cultural and demographic factors, such as low level of education especially among women, the early marriage age, habitat type and parental influence in the choice of future husband.

 

Introduction                                                                                                                          

L’endogamie familiale ou la consanguinité est en effet un cas particulier des liens matrimoniaux entre les conjoints. Cependant, la fréquence des unions consanguines dépend de la taille de la population, de son degré d’isolement et de l’existence de pratiques socio-économiques et culturelles qui favorisent ou évitent un certain type d’unions (Valls, 1982; Calderón, 1983; Pineda et al, 1985; Khlat, 1986; Imaizumi, 1986; Moussouni, 2012; Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013; Mortad et al., 2015).

Dans le monde en général, ce sont les populations arabo-musulmanes les plus concernées par cette pratique que d'autres (Talbi et al., 2007). Des études concordantes  menées dans différents pays arabes le confirment: Giza en Egypte: 31,79 %  (Temtamy et al., 1998), Tunisie: 38,02 % (Zakaria, 1999), Liban: 25% (Khlat, 1986), Kuwait: 54,20 % (Al-Awadi et al., 1985), Arabie Saoudite: 50,5 % (Abdulrazzaq et al., 1997), Maroc: 19,87 % (Lamdouar, 1994) sur la période 1982-1992. En Algérie une étude réalisée en 2007 dans un nombre de wilayas par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche  a révélé un taux moyen de 38,80 %.

Le phénomène de l'endogamie a des conséquences directes sur la répartition, la structure et l'hétérogénéité du flux génétique d'une population. Ainsi la consanguinité est reconnue dans plusieurs études comme un facteur accroissant le taux des malformations congénitales telles que les cardiopathies et les néphropathies (Mustapha, 1997; Aoun et al, 1995; El-Kazen et al., 1993), l’incidence de la surdimutité (Akl, 1994), de la cécité (OMS, 1993), en générale elle est susceptible d’avoir des conséquences biologiques défavorables (au sens de la "fitness") sur la descendance (Khlat, 1986; Aouar, 1988). Ces conséquences peuvent toutefois varier considérablement en fonction de l'étendue et de la durée du phénomène (Ben M'Rad et Chalbi, 2006).

La présente étude s’inscrit dans la continuité des travaux menés par l’équipe environnement et santé du professeur Aouar dans le  laboratoire de valorisation de l’action de l’Homme pour la protection de l’environnement et application en santé publique de l’université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen et gagne son intérêt du fait de la rareté des études qui se sont intéressées à examiner l’impact des pratiques endogamiques, leurs causes et leurs impacts au sein des populations  de l’ouest Algérien. Elle porte sur la population de Béni Abbes dans la wilaya de Béchar située dans le sud-ouest Algérien, et a pour objectif de décrire la perception des unions consanguines, déterminer l'interaction entre le statut social, économique et culturel et la prévalence de la consanguinité. Elle vise également à apprécier l’ancrage  de la pratique des mariages consanguins dans cette région et les causes qui la motivent.

 

Population et méthodes

Enquête

L’étude a porté sur 315 individus de la population  de Béni Abbes (extrême sud de la wilaya de Béchar) (Figure1). Ils ont été invités en notre présence personnelle à remplir un questionnaire préétabli, comportant  les variables suivantes:

- socio démographiques: âge, sexe, lieu de naissance, situation matrimoniale, résidence; 

- socio-économiques: niveau d’instruction, profession;                    

- anthropologiques: lien de parenté du couple, des parents et des grands parents, structure du foyer (nucléaire/étendu),

- sanitaires: maladies (notamment hypertension artérielle et diabete), avortements, enfants mort-nés. 

- de comportement: les personnes ont été interrogées au sujet de leurs attitudes vis- à-vis des mariages consanguins.

 

Figure 1. Carte de situation de la région de Béni Abbés.

Figure 1. Location map of the Béni Abbés region.

 

Toutes les informations rassemblées ont permis de classer les individus en deux catégories:             

- Catégorie des consanguins: cousins du premier degré (C1) et cousins du deuxième degré (C2);

- Catégorie des non consanguins (NC).  

 

Traitement des données

Afin de répondre aux interrogations contenues dans les objectifs de l’étude, nous avons fait appel aux tests d’indépendance du 𝜒2, de Fisher pour la comparaison des proportions des différentes catégories étudiées, qui permettent de comparer les écarts entre les valeurs théoriques et les valeurs observées.

 

Résultats et discussion

Analyse de la fréquence et de la nature des mariages consanguins et degré de parenté entre les conjoints

Le Tableau 1 présente l’ensemble des effectifs ayant participé à l’enquête,  regroupée selon le sexe et le statut matrimonial.

 

Statut

Homme

Femme

Total

Célibataires

36

12

48

Marié/e

177

69

246

Divorcé/e

0

3

3

Veuf/ve

3

15

18

Total

216

99

315

Tableau 1. Distribution global des effectifs  selon le sexe et le statut matrimonial.

Table 1. Global distribution of the workforce by gender and matrimonial status.

 

Afin de vérifier l'existence d'une continuité dans les comportements matrimoniaux d'une génération à l'autre (grands-parents, parents et enfants), des comparaisons intergénérationnelles de la consanguinité dans la population de Béni Abbes ont été établies à partir de données recueillies du questionnaire.

Sur les 315 individus interviewés dans cette enquête, 267 non célibataires (mariés, divorcés et veufs), sur lesquels l’analyse de la consanguinité a portée.

Le Tableau 2 et la Figure 2 présentent la répartition des fréquences de la consanguinité (consanguins du 1 premier degré et consanguins du deuxième degré) sur trois générations. Une fréquence élevée de 55,06 % a été enregistré chez la génération des couples étudiés contre 53,93 % chez la génération des parents et 39,33 % chez la génération des grands-parents.

 

 

Consanguins

Consanguins %

Non Consanguins %

Génération

Cousin 1° %

Cousin 2° %

 

 

Couple

67.35

32.65

55.06

44.94

Parents

52.08

47.92

53.93

46.07

Grand parents

62.85

37.15

39.33

60.67

Tableau 2. Répartition des fréquences de la consanguinité sur trois générations.                                   

Table 2. Frequency distribution of consangunity on three generations.

 

Figure 2. Proportion de la consanguinité dans les trois générations.

Figure 2. Consanguinity proportion in three generations.

 

La tendance à se marier avec un cousin de 1er degré reste préférable aussi bien chez la génération des couples étudiés 67,35 % que chez les parents 52,08 % et chez grands-parents 62,85% (Figure 3). Le taux élevé de la consanguinité à travers les trois générations peut trouver son explication dans le fait que Béni Abbés a toujours constituée un isolat génétique (Bachir et Abdulkader, 1989) et continue vraisemblablement à l’être.

 

 

Figure 3. Proportion de la consanguinité des cousins germains et éloignés dans les trois générations.

Figure 3. Consanguinity proportion of first cousins and distant cousins in three generations.

 

La fréquence de la consanguinité enregistrée dans la population de Béni Abbés parmi la génération des couples étudiés 55,06 % est très élevée par rapport à la fréquence moyenne de l’Algérie 38,8 % (Figure 4). Sa comparaison avec certaines populations de régions géographiquement voisines (Figure 5) montre qu’elle est inférieure aux fréquences enregistrées aux hauts plateaux de la wilaya de Tlemcen (Aouar Metri et al., 2005), celle trouvée à  Béni ounif à l’extrême nord de Béchar (Bachir et al., 2014), relativement proche de celle enregistrée à Ghardaïa (56 %) et inférieure aux fréquences enregistrées à Béchar ville (Daki, 1994) et Tlemcen (valeur moyenne) (Aouar Metri et al., 2005).

 

Figure 4. Proportionde la consanguinité dans la population de Beni Abbés et de l’Algérie.

Figure 4. Proportion of consanguinity in the population of  Beni Abbés and Algeria.

 

Corrélats sociaux des mariages consanguins

L’étude des composantes du mariage permet de mieux comprendre les processus de transformations synchroniques et diachroniques des patrimoines sociales, anthropologiques, culturels et génétiques.

Les variables (caractéristiques) que nous avons considérées, à savoir le niveau d’instruction, l’âge au moment du  mariage et le type d’habitation (foyer) ne concernent que la génération des couples interviewés. Une analyse bivariée a été appliquée afin de mesurer la significativité des résultats.

Le paramètre statut professionnel du mari n’a pas été pris en considération du fait de son non significativité dans l’échantillon des couples étudiés (la majorité des couples de l’échantillon ont des statuts professionnels qui se rapprochent).

 

Niveau d’instruction

La distribution conjointe du statut du mariage (mariage consanguin et non consanguin) et du niveau d’instruction des couples représentée dans le Tableau 3 ne montre pas une association significative entre le niveau d’instruction et la tendance à se marier avec des proches, en comparant les pourcentages des individus ayant contracté des mariages consanguins avec ceux des couples non consanguins (p > 0,05).

Ayant poussé l’analyse de ce facteur particulièrement vers les épouses (sachant que les femmes dans ces régions sont les plus privées de l’éducation et aussi les plus influencées par la volonté des familles à contracté des mariages avec des proches comparativement aux hommes), on a constaté (Tableau 3, Figure 6) que la proportion des mariages consanguins augmente significativement lorsque le niveau d’instruction de l’épouse s’abaisse.

 

Figure 5. Proportion de la consanguinité dans la population de Beni Abbés et d’autres  populations en Algérie.

Figure 5. Proportion of consanguinity in population of Beni Abbés and other populations in Algéria.

 

 

Consanguins

Non consanguins

Niveau  d’instruction

N

%

N

%

Bas

45

31,25

51

41,46

Moyen

84

58,33

51

41,46

Élevé

15

10,41

21

17,07

Total

144

100

123

100

Tableau 3. Répartition des fréquences de la consanguinité en fonction du niveau d’instruction. Bas: Analphabète, primaire; Moyen: Moyen, secondaire; Elevé: Universitaire.

Table 3. Fréquency distribution of consanguinity based on the level of education.

 

Le Tableau 4 et la Figure 7 montrent  clairement qu’une femme ayant le niveau d’instruction élevé évite de contracter un mariage consanguin (de par ses connaissances éventuelles sur les méfaits d’une telle union sur la progéniture et sa tendance à être moins influencée par les coutumes familiales) qu’une femme qui a un niveau bas d’études (analphabète ou primaire). Ces résultats concordent avec ceux obtenus par d’autres études (Benhamadi, 1997; Khoury et Massad, 2000; Jurdi et Saxena, 2003; Raz et al, 2003; Barbour et Salameh, 2009, Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013).

 

Figure 6.  Proportions de la consanguinité en fonction du niveau d’instuction.

Figure 6. Proportions of consanguinity based on the level of education.

 

 

Consanguins

Non consanguins

Niveau  d’instruction

N

%

N

%

Bas

25

44,64

06

19,35

Moyen

20

35,71

11

35,48

Élevé

11

19,64

14

45,16

Total

56

100

31

100

Tableau 4. Répartition des fréquences de la consanguinité en fonction du niveau d’instruction des femmes. Bas: Analphabète, primaire; Moyen: Moyen, secondaire; Elevé: Universitaire.

Table 4. Fréquency distribution of consanguinity based on the level of education of wives.

 

Figure 7. Proportions de la consanguinité en fonction du niveau d’instruction des épouses

Figure 7.  Proportions of consanguinity based on the level of education of wives

 

Age au moment du mariage

Concernant l’âge au moment du mariage, les résultats montrent une étroite association entre le mariage consanguin et la tranche d’âge inférieure à 24 ans (86,08 %) des épouses consanguines, et inversement, pour les épouses non consanguines, une forte association entre le mariage et la tranche d’âge supérieure à 25 ans (77,41 %) (Tableau 5, Figure 8).

Pour les époux on note que l’âge précoce des jeunes hommes (≤ 19 ans) est également associé à l’acceptation de cette forme d’union avec 8,08 % contre 2,47 % (Tableau 6, Figure 9) pour les jeunes hommes qui ont contracté un mariage avec une femme éloignée. Pour les autres tranches d’âges il n’existe aucune corrélation.

Ces résultats démontrent ainsi, que plus les couples (époux et épouses) se marient jeunes, plus elles ont tendance à accepter l’union avec un apparenté  en comparaison avec les couples qui se marient moins jeunes.

Nos résultats concordent parfaitement  avec les résultats de l’étude réalisée dans les années 1980 sur les mariages consanguins au Liban par Khlat (1989) et ceux obtenus par Sidi-Yakhlef et Aouar Metri (2013) à travers l’étude anthropo-sociologique de la consanguinité dans la population de "Oulhaça" dans l’ouest Algérien.

 

 

Couples Consanguins

Couples Non Consanguins

Age au mariage

N

%

N

%

≥19

18

31,80

05

16,13

20 - 24

36

64,28

02

06,45

25 - 29

02

03,57

10

32,25

≤ 30

00

00

14

45,16

Total

56

100

31

100

Tableau 5.  Répartition des fréquences de la consanguinité en fonction d’âge du mariage des épouses.

Table 5. Fréquency distribution of consanguinity based on marrying age of wives.

 

Figure 8. Proportions de la consanguinité en fonction d’âge du mariage des épouses.

Figure 8. Proportions of consanguinity based on marrying age of wives.

 

 

Couples Consanguins

Couples Non Consanguins

Age au mariage

N

%

N

%

≥19

08

8,08

02

2,47

20 - 24

23

23,23

17

20,99

25 - 29

22

22,22

34

41,97

≤ 30

46

46,46

28

34,56

Total

99

100

81

 

Tableau 6. Répartition des fréquences du statut de mariage en fonction de l’âge du mariage des époux.

Table 6.  Fréquency distribution of consanguinity based on marrying age of husbands.

 

Figure 9. Proportions de la consanguinité en fonction d’âge du mariage des époux

Figure 9. Proportions of consanguinity based on marrying age of husbands.

 

Type de foyer

Cette question avait comme but de comparer des personnes ayant contracté un mariage consanguin à des personnes témoins, en termes de type de foyer étendu ou nucléaire. Les anthropologues décrivent la famille nucléaire par le fait qu’elle est formée d’un couple et de ses enfants non mariés; une famille étendue consiste en deux ou plusieurs couples possédants des liens consanguins, avec leurs enfants célibataires et parfois des ascendants directs et collatéraux (Cresswell, 1975).

L’évaluation de ce paramètre a révélé que 65,31 % des personnes vivant dans un foyer étendu ont contracté un mariage consanguin contre 30,83 % qui sont mariés avec un non apparenté. A l’inverse chez les personnes vivant dans un foyer nucléaire, 34,70 % seulement ont contracté un mariage consanguin contre 69,17 %  qui sont mariés avec un non apparenté (Tableau 7, Figure 10). Ces résultats ne peuvent être expliqués que par l’existence  d’une corrélation entre la famille étendue et la pratique endogamique. Nos résultats sont en concordance avec ceux obtenue par Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013 sur la population d’Oulhça dans l’Ouest Algérien.

 

 

Couples Consanguins

Couples Non consanguins

Type de famille

N

%

N

%

Foyer étendu

96

65,31

37

30,83

Foyer nucléaire

51

34,70

83

69,17

Total

147

100

120

100

Tableau 7. Répartition des fréquences du statut de mariage en fonction du type de famille.

Table 7. Fréquency distribution of consanguinity based on type of family.

 

Figure 10. Distribution des proportions de la consanguinité en fonction du type de famille

Figure10.  Distribution of consanguinity proportions according to type of family

 

Pensez-vous qu’un mariage avec un apparenté constitue un arrangement avantageux (Question 1)?

L’analyse des réponses des personnes interrogées pour  cette question révèle que 41,95 % des répondants considèrent le mariage consanguin comme un arrangement avantageux, alors que 31,46 % ne sont pas favorables à ce type de mariage. 26,59 % des répondants n’ont pas affiché d’opinion (Tableau 8, Figure 11).

Ces chiffres dégagent un taux élevé d’adhésion à ce modèle de mariage parmi la population de Béni Abbés et notamment parmi les femmes (50,58 %) contre 37,78 % pour les hommes.

 Les arguments avancées par les questionnés  pour justifier leurs réponses varient de la sauvegarde de l’unité de la famille, l’assurance et la protection et le respect de la volonté des parents pour gagner leur gratitude et par là la bénédiction de Dieu,  pour les favorables à ce genre d’unions; à la crainte de la dégradation des liens familiaux sous l’effet des conflits qui peuvent survenir entre les époux, la crainte de survenue de maladies génétiques pour les descendants et la volonté de s’intégrer dans un milieu familiale différent de celui dans lequel ils ont vécu auparavant, pour les non favorables à ce genre de mariage.

 

 

Hommes

Femmes

Total

Réponse

N

%

N

%

N

%

Favorable

68

37,78

44

50,58

112

41,95

Non Favorable

57

31,67

27

31,03

84

31,46

Sans opinion

55

30,55

16

18,39

71

26,59

Total

180

100

87

100

267

100

Tableau 8. Répartition des fréquences des réponses de la question 1.

Table 8.  Fréquency distribution of responses to the question 1.

 

Figure 11. Proportions des réponses de la question 1.

Figure 11. Proportions of responses to the question 1.

 

Conseillerez-vous à votre fils/fille d'épouser sa cousine/son cousin (Question 2)?

Les résultats de la question 2 révèlent que 58,80 % des répondants (Femmes et Hommes) conseilleront à leurs fils et filles d’épouser leurs cousine/s, avec des pourcentages presque égaux: 58,62 % et 58,59 %.Par contre 24,64 % le déconseillent à leurs enfants  avec une proportion légèrement élevée chez les femmes 28,73 % par rapport aux hommes 22,22 %. Une proportion de 16,85 des personnes questionnée n’a pas exprimé d’opinion (Tableau 9, Figure 12). Ces résultats constituent une preuve de l’enracinement de cette pratique dans le système matrimonial et la culture de cette population.

Pour plusieurs auteurs (Khlat, 1986; Radovanovic et al., 1999; Bou-Assy et al., 2003; Qidai et al., 2003), l’endogamie garantit une continuité de la manière d’être et de la façon de faire, une protection de l’honneur de la femme, une stabilité de vie conjugale et une meilleure dynamique familiale, de même qu’une sécurité affective, psychologique et financière. Le fiancé n’a pas à s’intégrer dans un nouveau milieu ni à faire des efforts pour répondre aux exigences de sa fiancée. Étant du milieu, la cousine est habituée aux travaux et au mode de vie de ses beaux-parents. À l’opposé, l’incertitude existe de part et d’autre avec la femme étrangère, qui est perçue comme plus exigeante et indifférente aux conditions matérielles dans lesquelles vit son fiancé (Moussouni, 2012; Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013; Mortad et al., 2015).

Selon Bourdieu (1980), l’endogamie a pour effet de contribuer de façon déterminante à créer un groupe intégré et de limiter sa tendance au fractionnement.

Pour les antagonistes à ce type de mariage, en plus des arguments évoqués précédemment, en approfondissant la discussion, ces personnes considèrent que les cousins et les cousines comme des frères et sœurs pour eux, ce type de mariage causera l’absence de nouveauté et de curiosité qui entravent le plaisir de connaître et de découvrir l’autre, l’amour du partenaire qui est un amour fraternel. Ces fiancés expriment d’une manière subjective le privilège du mariage exogamique et le désir profond de se marier avec un étranger (Sidi-Yakhlef et Aouar Metri, 2013).

 

 

Homme

Femme

Total

Réponse

N

%

N

%

N

%

Oui

106

58,59

51

58,62

157

58,80

Non

40

22,22

25

28,73

65

24,34

Sans opinion

34

18,89

11

12,64

45

16,85

Total

180

100

87

100

267

100

Tableau 9.  Répartition des fréquences des réponses à la question 2.

Table 9. Fréquency distribution of responses to the question 2.

 

Figure 12.  Proportions des réponses de la question 2.

Figure 12. Proportions of responses to the question 2.

 

Pensez-vous que le fait d'épouser un apparenté augmente le risque des maladies héréditaires chez les enfants? (Question 3)

Les réponses à cette question 3 révèlent que 51,68 % de la population questionnée sont convaincu que le mariage entre apparentés augmente le risque d’atteinte de maladies héréditaires et 13,48 % (Tableau 10, Figure 13). Seulement pensent qu’il n’y a pas de relation entre ce type de mariage et le risque d’atteinte de telles maladies, leurs preuves sont simples: "ça fait des siècles que nos grands-parents contractent des mariages entre cousins et cousines et ça n’a jamais posé de problèmes".

 Les personnes sans opinion représentent un taux de 34,83 %. Ces répondants déclarent en majorité ne pas être spécialistes et ne disposent pas d’éléments d’informations à ce sujets même si certains d’entre eux avouent déjà entendu parler du sujet mais ils leurs est difficile de se prononcer.

 

                                                

Homme

Femme

Total

Réponse

N

%

N

%

N

%

Oui

92

51,11

46

52,87

138

51,68

Non

26

14,44

10

11,49

36

13,48

Sans Opinion

62

34,44

31

35,63

93

34,83

Total

180

100

87

100

267

100

Tableau 10.  Répartition des fréquences des réponses à la question 3.

Table 10. Fréquency distribution of responses to the question 3.

 

Figure 13. Proportions des réponses de la question 3.

Figure 13. Proportions of responses to the question 3.

 

Conclusion   

L’étude sur la consanguinité menée au sein de la population de Béni Abbés a révélé un taux de consanguinité  largement élevé (50,06 %)  par rapport aux taux enregistrés par d’autres études dans différentes régions du pays et par rapport  à la moyenne nationale (38,80 %).                                                                                                                      

Un taux élevé de la consanguinité et des apparentés de premier degré à travers les trois générations (couples étudiés, parents et grand parents) a été enregistré.

Une association significative entre les facteurs socio-anthropologiques étudiés (niveau d’instruction, âge au moment du mariage et  type d’habitat) et les pratiques endogamiques dans la région de Béni Abbés se dégage à travers l’analyse des résultats qui  concordent parfaitement  avec les résultats enregistrés par nombreuses études réalisées au sein des populations de l’ouest de l’Algérie par le laboratoire de valorisation de l’action de l’homme pour la protection de  l’environnement et application en santé publique, faculté des sciences de l’Université  Abou bakr belkaid de Tlemcen, Algérie, sous l’égide du Pr Aouar et d’autres à travers le monde, notamment ceux de  Khlat (1988) dans son étude sur la population Libanaise et Tunçbilek et Koc (1994) sur la population de Turquie.

L’option du mariage consanguin semble très ancrée dans la  population de Béni Abbés et semble t-il profondément influencée par la recherche  de la sécurité et la stabilité par les individus et leurs convictions religieuses et culturelles  ainsi que par les bénéfices socio-économiques et sociaux que la société s’est procurée de ce comportement matrimonial. 

 

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