Abbad, Z., Oukarroum, A., Drissi, A., Abdelmajid, S., Khadmaoui, A., 2016. Etude génétique de l’endogamie spatiale et son impact sur l’immobilité sociale dans la région de Tiflet (Maroc). Antropo, 36, 47-55. www.didac.ehu.es/antropo


 

Etude génétique de l’endogamie spatiale et son impact sur l’immobilité sociale dans la région de Tiflet (Maroc)

 

Genetic study of the spatial endogamy and its impact on the social immobility in Tiflets region (Morocco)

 

Z. Abbad2, A. Oukarroum1, A. Drissi2, S. Abdelmajid2, A. Khadmaoui2

 

1 Département de Chimie et Biochimie, Université de Québec à Montréal, C.P. 8888, Succ. Centre-Ville, Montréal, Québec, H3C 3P8 Canada. Email.

2 Laboratoire de Génétique et Biométrie, Département de Biologie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, B.P. 133, Kénitra 14000, Maroc. E-mail: abbad.zhour@courrier.uqam.ca

 

Mots clés: Choix du conjoint, endogamie spatiale, population fermée, Tiflet, Maroc.

 

Keywords: Choice of spouse, spatial endogamy, closed population, Tiflet, Morocco.

 

Résumé

Dans une population donnée, lampleur et l’évolution de lendogamie et de lexogamie sont de bons indicateurs de la répartition, la structure et lhétérogénéité du patrimoine génétique. Elles sont comptées parmi les facteurs assurant limmobilité sociale et, par conséquent, lisolement génétique de différents regroupements. Lobjectif principal, donc, de notre étude est de déterminer le taux dendogamie géographique dans la région de Tiflet (Nord-Ouest du Maroc). Pour bien élucider la situation sociale de cette pratique, une enquête prospective a été réalisée sur 1000 couples échantillonnés au hasard entre juin et novembre de lannée 2012. En effet, à partir des données de lenquête, le choix du conjoint est traité selon lorigine géographique (lieu de naissance) et le lieu de résidence avant et après le mariage des deux conjoints chez la génération des couples étudiés et la génération de leurs parents. Les résultats obtenus ont révélé des niveaux élevés dendogamie spatiale et dimmobilité sociale. Comparés avec dautres résultats obtenus dans différentes régions marocaines, nos résultats témoignent que la population de Tiflet est une population fermée.

 

Abstract

In a given population, the magnitude and evolution of endogamy and exogamy are good indicators of the distribution, structure and genetic heterogeneity. They are counted among the factors ensuring social immobility and, consequently, the isolation of different genetic combinations. The main objective, therefore, of our study is to determine the rate of geographical endogamy in Tiflets region (northwestern Morocco). To elucidate the social situation of this practice, a prospective study was conducted on 1000 pairs randomly sampled between June and November of 2012. Indeed, based on the survey data, the choice of spouse is treated by geographical origin (place of birth) and locality of residence before and after marriage both partners in the generation of the studied couples and their parents' generation. The results revealed high levels of spatial and social immobility endogamy. Compared with other results from different Moroccan regions, our results show that the population of Tiflet is a closed population.

 

Introduction

Le mariage est à la fois une institution sociale qui consiste à stabiliser les intérêts collectifs, établir des alliances entre groupes familiaux et un comportement individuel qui exprime dans sa variabilité les différents critères gérant le choix du conjoint (Girard, 1964). Sensible aux mouvements sociaux, le mariage constitue un bon indicateur de l'étude de l'évolution des attitudes matrimoniales. Cette institution reste la base qui décide la plupart des redistributions des gènes entre les individus au fil des générations (Talbi et al., 2008).

La notion de choix dans la recherche d'un conjoint est une notion récente. Mais dans de nombreuses sociétés, aujourd'hui comme hier, le choix du conjoint demeure encore moins libre que nous ne l'imaginons compte tenu de la modernisation (Ben Mrad et Chalbi, 2004).  En effet, la nature du choix du conjoint détermine la structure génétique, socio-culturelle voire économique de la société. Le choix peut se faire au hasard (modèle de panmixie, deux tirages indépendants dans la population) ou bien endogame. Dans ce dernier comportement matrimonial, considéré comme un facteur dimmobilité sociale par de nombreux auteurs (Ben Mrad et Chalbi, 2004), lindividu choisit son conjoint préférentiellement dans sa propre catégorie (religion, nationalité, région, classe sociale, profession, etc..., à la limite dans sa propre famille). L'intensité de l'endogamie dépend de la parenté, de l'éloignement géographique ou de la stratification sociale (Lathrop et Pison, 1982).

Le phénomène de l'endogamie a des conséquences directes sur la répartition, la structure et l'hétérogénéité du flux génétique d'une population. Ces conséquences peuvent toutefois varier considérablement en fonction de l'étendue et de la durée du phénomène (Ben Mrad et Chalbi, 2006).

Notre enquête sur la population de la ville de Tiflet a pour objectif de déterminer les critères géographiques, culturels et socio-professionnels qui régissent le choix du conjoint, dune part, et, dautre part, l’évolution intergénérationnelle de lendogamie spatiale et culturelle dans le but davoir une image complète sur louverture ou la fermeture de notre population.

 

Matériels et méthodes

Enquête

Une enquête prospective a été réalisée sur 1000 couples échantillonnés au hasard entre juin et novembre de lannée 2012 dans la ville de Tiflet, sise au Nord-ouest du Maroc.  Lenquête a été menée à laide dun questionnaire établi par le laboratoire de Génétique et Biométrie de la Faculté des Sciences de Kénitra. Les données recueillies concernent le lieu dorigine (lieu de naissance), le lieu de résidence avant et après le mariage des couples étudiés, de leurs propres parents et de leurs beaux-pères. Dans cette étude, sont concernés les mariages contractés entre 1920 et 2011 chez les deux générations.

 

Méthodes de calcul et danalyses

Dans cette étude, nous avons eu recours au calcul des paramètres suivants :

- Le taux dendogamie spatiale: [Nombre de couples endogames / Nombre total des couples] x100

- Les taux dimmobilité avant le mariage: [Nombre de conjoints qui ont résidé dans leur lieu de naissance jusquau mariage/Nombre total des conjoints] x100.

- Le taux dimmobilité après le mariage: [Nombre de conjoints qui nont pas changé leur lieu de naissance (résidence) après le mariage/ Nombre total des conjoints] x100.

Les données recueillies ont fait lobjet dune analyse statistique approfondie lors de laquelle nous avons fait appel au test de corrélation.

 

Résultats

Endogamie spatiale selon le lieu (région) de naissance et de résidence des conjoints

Chez les couples étudiés, l’âge des maris, au moment de l’enquête, varie entre un minimum de 20 ans et un maximum de 95 ans, avec un moyen d’âge de 50 ans, alors que, chez les femmes, l’âge s’étend entre 18 ans et 80 ans avec un moyen d’âge de 42 ans (figure 1A). 

D’après les résultats illustrés dans la figure 1B, nous constatons que, dans la génération des couples étudiés, les femmes se marient plus tôt que les hommes. En effet, létendu de l’âge au mariage des femmes varie entre 13 ans et 50 ans et leur âge moyen au mariage est de 20 ans, tandis que, chez les hommes, l’intervalle d’âge au mariage oscille entre 16 ans et 58 ans et leur âge moyen s’élève jusqu’à 28 ans. 

Ces résultats concernant l’âge des couples étudiés montrent une corrélation positive hautement significative entre les âges des maris et ceux de leurs femmes. En effet, plus l’âge des maris est élevé plus celui de leurs femmes l’est aussi soit au moment de l’enquête (r= 0,926. p<0,05) (figure 1A) ou au moment du mariage (r = 0,445, p˂0,005) (figure 1B).  

Par ailleurs, les conjoints ont en moyenne un écart d’âge de 8 ans au profit des maris. Cette différence d’âge est acceptée et considérée comme naturelle dans la société marocaine majoritairement musulmane.  Le mariage précoce est aussi un facteur appuyant cette différence d’âge, car 56% des femmes se sont mariées à un âge moins de 20 ans (Figure1B), ce résultat est supérieur à celui déclaré dans une étude récente réalisée sur la population du littoral (Msirda) située dans l’extrême ouest Algérien par Mortad (2013), qui a trouvé que 17,81% des femmes enquêtées ont un âge inférieur à 18 ans au moment du mariage

Les résultats de notre étude montrent une analogie avec ceux d’une étude réalisée sur une population de 291 couples ayant contracté des mariages entre 1940 et 1984 et appartenant à différentes régions du Maroc (Talbi et al, 2006). En effet, l’écart d’âge entre les conjoints relevé lors de cette étude (9 ans) est presque similaire à celui trouvé dans notre population (8 ans). De même, la moyenne d’âge des maris est plus élevée par rapport à celle des femmes, c’est le cas dans notre population. Cependant, dans cette population précitée, la moyenne d’âge, au moment de l’enquête, chez les maris et chez les femmes (55,88 ans et 46,31 ans respectivement) est plus élevée que celle trouvée dans la nôtre (49,74 ans pour les maris et 41,64 ans pour les femmes). Ceci pourrait témoigner d’une certaine évolution de la conception culturelle du comportement matrimonial due à l’ouverture de la population sur les autres cultures sous pression du progrès technologique.

Une population est qualifiée ouverte ou fermée selon que le choix du conjoint s’effectue préférentiellement à l’intérieur (endogamie) ou à l’extérieur du groupe (exogamie) (Prost et Boëtsch, 2001).

 

Figure 1A. Corrélation entre l’âge, au moment de lenquête, des maris et celui des femmes.

Figure 1A. Correlation of ages, at the time of the survey, between husbands and wives.

 

Figure 1B. Répartition des couples étudiés selon l’âge au mariage.

Figure1B. Distribution of couples studied by age at marriage.

 

 

 

Taux d’endogamie

Taux d’immobilité

Lieu de naissance

Lieu de résidence

avant mariage

Maris

Femmes

Population

N

%

ddl

%

ddl

%

ddl

%

ddl

Total

3000

95,4

100

94,7

110

84,9

110

87,33

100

GCE

1000

96,2

100

96,68

110

92,7

110

94,4

100

GGP

2000

95,1

100

93,85

100

84,4

100

83,8

100

GPM

1000

99,6

100

94,48

100

89,5

100

89,2

100

GPF

1000

90,7

100

93,67

100

79,3

100

78,4

100

Tableau 1. Taux de l’endogamie régionale et d’immobilité.

GCE : génération des couples étudiés; GPF: génération des parents des femmes; GPM: génération des parents des maris; GGP: génération des grands parents.

Table 1. Rate of regional endogamy and immobility.

 

Lanalyse des données concernant lendogamie régionale et limmobilité spatiale montre une différence hautement significative (p<0,05) entre la distribution des mariages endogamiques et la distribution des mariages panmictiques. En effet, dans notre population totale formée de 3000 couples (couples étudiés et leurs parents), le taux dendogamie atteint 95,4% selon le lieu de naissance et 94,7% selon le lieu de résidence avant le mariage. De même, le taux dimmobilité dans cette population est de lordre de 87,3% chez les femmes et 84,9% chez les maris.

Tenant compte des générations, le taux dendogamie, selon le lieu de naissance, chez les couples étudiés atteint 96,2%, ce taux est légèrement supérieur à celui de la génération des parents (95,1%) (Génération des parents des maris 99,6% et génération des parents des femmes 90,7%). Selon le lieu de résidence avant le mariage, le taux dendogamie chez les couples étudiés s’élève à 96,68% et il est supérieur à celui de la génération des parents (93,85%) (Génération des parents des maris 94,67% et génération des parents des femmes 93,67% (tableau 1).

Ces données révèlent que le taux dendogamie selon le lieu de naissance a augmenté légèrement en passant de la génération des parents à la génération des couples étudiés. De même, le taux dendogamie selon le lieu de résidence avant mariage a connu une augmentation marquée. Ces résultats confirment ceux trouvés dans l’évolution chronologique du taux dendogamie sur trois périodes dans la population totale. En effet, selon le lieu de résidence avant mariage, le taux dendogamie a augmenté dans les trois périodes établies entre 1920 et 2011, à savoir [1920-1959], [1960-1979] et [1980-2011]. Cependant, le taux dendogamie, selon lieu de naissance, a connu une fluctuation en allant dune période à lautre (tableau 2). Généralement, nos résultats concernant l’évolution de lendogamie au cours du temps ne saccordent pas à ceux déclarés par Talbi et al., 2006.

Quant au taux dimmobilité individuelle avant mariage, les résultats obtenus montrent que ce taux est plus élevé dans la génération des couples étudiés par rapport à celui dans la génération des parents. En effet, chez les couples étudiés, ce taux représente 94,4% chez les femmes et 92,7% chez les maris, alors que chez la génération des parents, le taux dimmobilité individuelle nest que 83,8% chez les femmes et 84,4% chez les hommes.

 

Taux d’endogamie selon

Période

Lieu de naissance

Lieu de résidence avant le mariage

1920-1959

97.67

93.69

1960-1979

92.83

95.17

1980-2011

95.75

95.29

Tableau 2. Evolution du taux d’endogamie régionale de la population au cours du temps.

Table 2. Evolution of the regional endogamy rate of the population during the time.

 

En tenant compte des régions, les résultats du tableau 3 montrent que le taux dendogamie, selon le lieu de naissance, diffère dune région à lautre. En effet, il varie entre un minimum de 23,81% dans la région de Grand-Casa et un maximum de 98,39% dans la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer. En outre, si on tient compte du lieu de résidence avant mariage, nous constatons que le taux dendogamie fluctue entre un minimum de 42,11% dans la région de Grand-Casa et un maximum de 100% dans les régions Doukkala-abda  et Guelmim-Es-Semara.

Ces résultats sont en harmonie avec ceux trouvés par Talbi et al., 2006, qui rapporte que la région de Grand Casablanca est supposée être la région très ouverte parmi les autres régions du Maroc.

 

Région

Endogamie selon le lieu de naissance(%)

Endogamie selon le lieu de résidence(%)

1

46,15

60,00

2

98,11

87,27

4

76,47

75,00

5

69,05

90,91

6

98,39

96,78

7

92,92

95,94

8

23,81

42,11

9

63,64

71,74

11

55,00

100,00

13

92,72

100,00

14

84,72

95,52

Tableau 3. Taux d’endogamie régionale.

Régions: 1:Tanger—Tétouan; 2: Taza-Hoceima-Taounate; 4: Gharb-Chrarda-Beni-Hassen;  5: Fes-Boulmane; 6: Rabat-Salé-Zemmour-Zaer; 7: Meknès-Tafilalet; 8: Grand-Casablanca; 9: Chaouia-Ouerdigha; 11: Souss-Massa-Daraâ; 13: Doukkalaabda; 14: Guelmim-Es-Semara

Table 3. Rate of regional endogamy.

 

 

 

Taux d’immobilité post-matrimonial

Lieu de naissance

Lieu de résidence

Maris

Femmes

Maris

Femmes

Population

N

%

ddl

%

ddl

%

ddl

%

ddl

Total

3000

 86.63

110

86,63

110

83,93

121

82,57

110

GCE

1000

  87,00

-

85,80

-

90,90

-

90,00

-

GGP

2000

86,45

110

87,15

110

80,45

110

78,85

110

GPM

1000

 96,50

100

96,20

100

87,30

100

86,40

100

GPF

1000

76,40

110

78,10

110

73,60

110

71,30

110

Tableau 4.Taux d’immobilité post-matrimoniale.

Régions: 1:Tanger—Tétouan; 2: Taza-Hoceima-Taounate; 4: Gharb-Chrarda-Beni-Hassen;  5: Fes-Boulmane; 6: Rabat-Salé-Zemmour-Zaer; 7: Meknès-Tafilalet; 8: Grand-Casablanca; 9: Chaouia-Ouerdigha; 11: Souss-Massa-Daraâ; 13: Doukkalaabda; 14: Guelmim-Es-Semara

Table 4. Rate of post-matrimonial immobility.

 

La distribution de l’immobilité post-matrimoniale montre une différence très hautement significative (p<0,05) par rapport à la distribution théorique sur les deux générations et pour les deux conjoints. En effet, l’analyse du taux d’immobilité post-matrimoniale, dans la population totale, révèle que ce taux est presque le même chez les femmes comme chez les maris, et ce, par rapport au lieu de naissance comme par rapport au lieu de résidence. En effet, le taux d’immobilité est de 83% selon le lieu de résidence et de 86% selon le lieu de naissance chez les deux sexes.

Par ailleurs, selon le lieu de résidence, le taux d’immobilité post-matrimoniale chez les couples étudiés (90%) est plus élevé par rapport à celui chez la génération des parents (86,45% chez les maris et 87,15% chez les femmes). Cependant, selon le lieu de naissance, le taux d’immobilité post-mariage est presque le même dans les deux générations (tableau 4).

 

L’endogamie spatiale selon le milieu de naissance et de résidence des conjoints dans un environnement rural ou urbain

La distribution des deux types du mariage endogame et de limmobilité individuelle selon le milieu présente une différence très hautement significative (p<0,05) par rapport à la distribution théorique, et ce, pour les deux générations. En effet, daprès les résultats concernant lendogamie selon le milieu dappartenance (rural ou urbain), nous observons que le taux dendogamie selon ce critère est plus élevé chez la génération des parents (98%) que chez la génération des couples étudiés (92%) quel que soit le milieu, milieu de naissance ou milieu de résidence.  En revanche, le taux dimmobilité chez la génération des parents (97% chez les deux sexes) est légèrement élevé par rapport à celui chez les couples étudiés (95,30% chez les maris et 96,45% chez les femmes) (tableau 5).

La distribution de limmobilité post-matrimoniale (selon le milieu) présente une différence très hautement significative (p<0,05) par rapport à la distribution théorique sur les deux générations et pour les deux conjoints. En effet, tenant compte de limmobilité post-matrimonial selon le milieu dappartenance (rural ou urbain), les résultats de notre enquête montrent que, chez les couples étudiés, un individu sur deux a changé, après le mariage, leur milieu de naissance et/ou leur milieu de résidence. Par contre, chez la génération des parents, ce nest que un individu sur cinq a changé leur milieu dappartenance. Par ailleurs, le taux dimmobilité post-matrimoniale, chez les individus de la population totale, reste élevé et dépasse 70%, et ce, selon de lieu de naissance comme le lieu de résidence (tableau 6).

 

 

Taux d’endogamie

Taux d’immobilité

Lieu de naissance

Lieu de résidence

Maris

Femmes

avant mariage

Population

N

%

ddl

%

ddl

%

ddl

%

ddl

Total

3000

96,67

9

96,30

9

97,03

9

97,00

9

GCE

1000

92,30

9

91,60

9

95,30

9

96,10

9

GGP

2000

98,85

9

98,70

9

97,90

9

97,45

9

GPM

1000

98,10

9

99,50

9

97,40

9

98,40

9

GPF

1000

99,70

9

97,90

9

98,40

9

96,50

9

Tableau 5. Taux d'endogamie et d'immobilité fonction de l'environnement.

GCE: génération des couples étudiés; GPF: génération des parents des femmes;  GPM: génération des parents des maris; GGP: génération des grands parents

Table 5. Rate of endogamy and immobility according to the environment.

 

 

 

Taux d’endogamie

Taux d’immobilité

 

 

 

 

Lieu de résidence

 

 

 

 

 

 

Lieu de naissance

avant mariage

Maris

Femmes

Population

N

%

ddl

%

ddl

%

ddl

%

ddl

Total

3000

71,03

9

72,73

9

72,8

9

74,57

9

GCE

1000

50,2

3

54,6

3

53,9

3

57,6

3

GGP

2000

81,45

9

81,8

9

82,25

9

83,05

9

GPM

1000

82,4

9

82,9

9

75,8

9

84,3

9

GPF

1000

80,5

9

  80,7

9

79,7

9

81,8

9

Tableau 6. Taux d’immobilité post-matrimoniale en fonction de l'environnement (Urbain/Rural).

Table 6. Rate of post-matrimonial immobility according to the environment.

 

Discussion

Les mots endogamie et exogamie ont été inventés par Mac Lennan en 1866, pour désigner les règles matrimoniales selon lesquelles les unions ne peuvent être établies quentre personnes appartenant à un même groupe ou, au contraire, entre personnes appartenant à des groupes différents (Descamps 1927). Une population est qualifiée douverte ou fermée selon que le choix du conjoint seffectue préférentiellement à lintérieur (endogamie) ou à lextérieur du groupe (exogamie) (Prost et Boëtsh, 2001).

Lendogamie constitue une pratique bénéfique pour les parents et la collectivité, et une forme dentraide entre les familles. Elle renforce les liens interfamiliaux et intrafamiliaux dun même groupe en contribuant de façon déterminante à créer un groupe intégré et de limiter sa tendance au fractionnement (Bou-Assy et al. 2003).

Dans la population de Tiflet, nous avons étudié lintervention de lendogamie spatiale dans le choix du futur conjoint ou de la future conjointe. Ce critère est traité dans deux volets du point de vue régional et environnemental (milieu rural ou urbain).

Lanalyse des pratiques endogamiques dans la région révèlent que le taux de lendogamie régionale reste très élevé dans la génération des couples étudiés comme dans la génération des parents. De plus, ce taux dendogamie a augmenté légèrement chez la génération des couples étudiés selon le lieu de naissance, tandis quil a connu une hausse marquée selon le lieu de résidence. Ces résultats ne rejoignent pas ceux trouvés par Hami et al (2006) qui a trouvé, dans la population de la région de Gharb-Chrarda-Beni Hssen (Maroc), un taux de 70,48% de l'endogamie dans la génération des couples étudiés, tandis que dans la génération des parents du mari et ceux des parents de la femme, elle a déclaré respectivement 92,31% et 85,85%.

Le taux dendogamie régionale déclaré par Talbi et al. en 2006 dans la population marocaine est similaire à celui trouvé dans notre population selon le lieu de résidence, Par contre, il est inférieur au nôtre selon le lieu de naissance.

Quant au taux dimmobilité individuelle selon les régions, il a augmenté dans la génération des couples étudiés, ce qui confirme, dune part, l’évolution de  lendogamie selon le lieu de naissance et le lieu de résidence en allant de la génération des parents  à la génération des couples étudiés  et, dautre part, l’évolution chronologique du taux de lendogamie entre 1920 et 2011. A linstar du taux dendogamie, le taux dimmobilité dans la génération des couples étudiés de notre population est supérieur à celui dans la génération des parents.

Talbi et al., (2006) a déclaré que le pourcentage dimmobilité dans la population marocaine a diminué en passant de la génération des parents à la génération des couples étudiés. 

Nos résultats semblent amener à dire que la génération des couples étudiés est plus stable que celle de leurs parents, ceci pourrait être attribué au fait que la ville de Tiflet a connu dans les dernières décennies une croissance économique et un développement social très marqués, facteurs qui ont participé à cette stabilité.

Limmobilité post-matrimoniale selon les régions, dans la population totale, reste la même chez les individus des deux sexes selon le lieu de résidence comme selon le lieu de naissance. Toutefois, dans la génération des couples étudiés, on remarque que, comparé à celui de la génération des parents, le taux dimmobilité post-matrimoniale selon le lieu de résidence est très élevé, ceci témoigne et confirme que la résidence est un critère plus probable que le lieu de naissance, même constatation a été  faite par Talbi et al. (2006).

Ces résultats révèlent que nous sommes devant une population caractérisée par une grande stabilité spatiale. Cette stabilité sexplique, dune part, par le fait que la majorité des couples, dans les deux générations, nont pas changé ni la région de leur lieu de naissance ni celle de leur lieu de résidence avant le mariage voire après le mariage, et, dautre part, par le fait que la génération des couples étudiés qui ont conservé et renforcé le mariage endogame. En effet, le choix du conjoint est encore régi par plusieurs facteurs géographiques, culturels et socio-professionnels. Par ailleurs, de nombreux auteurs considèrent lendogamie géographique comme un facteur renforçant limmobilité sociale et, par conséquent, lisolement génétique des différentes populations (Segalen et Jacquard, 1973; Reddy, 1984; Kucher et al. 1999; Ben Arab et al. 2004; Manfredini, 2005). Dans les familles dites traditionnelles, sous l'ancien régime, le choix est lié aux biens, à la dot, au nom, et même à la propriété de la terre (Ben Mrad et Chalbi, 2004).

Le taux dendogamie selon le lieu dappartenance (rural ou urbain) comme le taux dimmobilité individuelle restent élevés et dépassent 90% chez les deux générations même sils ont connu une diminution en passant de la génération des parents à la génération des couples étudiés.

Dailleurs, plus de 80% des individus de la génération des parents et plus de 50% de ceux de la génération des couples étudiés nont pas changé leur milieu dappartenance après mariage. Ces pourcentages très élevés des femmes et des hommes qui conservent leur milieu dappartenance après le mariage prouve leur attachement à leur lieu de naissance et/ou de résidence. Ces résultats tendent à confirmer ceux déclarés par Talbi et al. 2006 dans la population marocaine.

 

Conclusion

Au terme de notre étude, il savère que lendogamie géographique, régionale ou environnementale, est un facteur déterminant dans le choix du conjoint, et un point de renforcement de limmobilité sociale et, par conséquent, lisolement génétique de la population.

 

Références

Ben Arab S., Masmoudi S., Beltaief N., Hachicha S. et Ayadi H., 2004 Consanguinity and  endogamy in northern Tunisia and its impact on non-syndromic deafness. Genetic Epidemiology, 27 (1), 74-79.

Ben Mrad L., Chalbi N., 2004. Le choix matrimonial en Tunisie est-il transmissible? Antropo, 7 : 31-37. www.didac.ehu.es/antropo

Ben M'Rad L., Chalbi N., 2006. Milieu de résidence origine des conjoints et consanguinité en Tunisie. Antropo, 12 : 63-71. www.didac.ehu.es/antropo.

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