Diallo,
T., Dénou, A., Coulibaly, B.F., Dakouo, B., Koumaré, B.Y., Maïga, A., 2016. Epidemiologie
des intoxications aiguës chez les enfants de moins de 15 ans au Mali. Antropo,
35, 103-110. www.didac.ehu.es/antropo
Epidemiologie
des intoxications aiguës chez les enfants de moins de 15 ans au Mali
Epidemiology of acute poisoning in children
under 15 years in Mali
T. Diallo1,2, A. Dénou1,
B.F. Coulibaly1, B. Dakouo1,2, B. Y. Koumaré1,2,
A. Maïga1
1Faculté de
Pharmacie, Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de
Bamako, Mali
2Service Contrôle
Qualité des médicaments, Laboratoire National de la Santé de Bamako, Mali
Auteur
correspondant: Docteur Tidiane Diallo, Maître Assistant en Toxicologie, Faculté
de Pharmacie, Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de
Bamako, Mali. B.P.: 1805, Email: t_diallo2003@yahoo.fr
Mots clés: intoxications aiguës,
enfants, Mali.
Keywords: acute, poisonings, children, Mali.
Résumé
Le présent travail vise à étudier les caractéristiques
épidémiologiques et cliniques des intoxications chez les enfants de moins de 15
ans au Mali, en vue de diminuer la morbidité et la mortalité liées à ces
intoxications.
Notre étude a regroupé les dossiers médicaux et les
registres de consultation avec le diagnostic d’intoxication aiguë survenue chez
les enfants de moins de 15 ans au Mali durant la période 2000-2010.
Nous avons enregistré 1.323 cas d’intoxications soit 42% de
l’ensemble des intoxications sur la même période. L’âge moyen des patients
était de 5±4,5 ans avec un sex-ratio de 1,2 en faveur des garçons. Les bébés
marcheurs de 1 à 4 ans étaient les plus touchés avec 37,1% des cas. Les
circonstances de survenue étaient volontaires dans 6,3% des cas. Les produits
incriminés étaient composés essentiellement d’aliments (49,4%) et de
médicaments (24,9%). L’évolution était défavorable chez 34 patients soit 2,5%
des cas.
La majeure partie de ces
intoxications pourrait être évitée par une communication avec les parents sur
l’hygiène alimentaire et l’utilisation rationnelle des médicaments.
Abstract
The present work aims at studying the epidemiological
and clinical characteristics of the poisonings at the children under age 15 in
Mali, to decrease the morbidity and the mortality connected to these
poisonings.
Method: Our study
grouped the medical files and the registers of consultation the diagnosis of
which was favorable to an acute poisoning arisen at the children under age 15
in Mali during period 2000-2010.
Results: We registered
1323 cases of poisonings that is 42 % of all the poisonings over the same
period. The average age of the patients was of 5±4.5 years with a sex-ratio
which was 1.2 in favors of the boys. The babies’ walkers from 1 to 4 years old
were the most affected with 37.1 % of the cases. The circumstances of arisen,
were voluntary in 6.3 % of the cases. The products of poisonings consisted
essentially of food (49.4 %) and of medicine (24.9 %). The evolution was
unfavorable at 34 patients’ that is 2.5 % of the cases.
Conclusion: The major part
of these poisonings could be avoided by a communication with the relatives on
the food hygiene and the rational use of medicine.
Introduction
D’un naturel curieux,
les enfants veulent explorer leur maison et les alentours. Malheureusement, le
foyer et ses environs peuvent présenter des dangers pour l’enfant notamment des
risques d’intoxication. La plupart de ces intoxications sont accidentelles avec
une évolution favorable, mais quelques fois elles sont graves avec des
séquelles, voire mortelles.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et United Nations Children's Fund (UNICEF) en 2000-2001, les
intoxications constituent la quatrième cause de décès chez les enfants âgés de
1 à 14 ans après les accidents de la route, les incendies et les noyades.
Ainsi, en Afrique le taux d’empoisonnements fatals chez l’enfant est de 4 pour
100.000 habitants (Margie et al.,
2008). En France et en Inde, les intoxications représentent la deuxième cause
d’accident de vie avec respectivement 8% et 22,3% (Jeager et Flesch, 1999; Sheriff et al., 2011). Au Maroc,
elles constituent 44,6 % de l’ensemble des intoxications (Achour et al., 2012). En 2012 au Mali, Diallo et al ont trouvé que les intoxications
chez les enfants de moins de 15 ans à Bamako représentaient 41,2% de l’ensemble
des intoxications (Diallo et al.,
2012). La prévalence des hospitalisations liées aux intoxications au service de
pédiatrie du Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Touré de Bamako (Mali)
par intoxication était de 1,08% durant la période d’étude de janvier 2001 à
juin 2002 (Sylla et al., 2006).
Au Mali, les études sur les intoxications sont rares et se
limitent à quelques structures sanitaires. Aucune étude globale approfondie
analysant les différents aspects épidémiologiques sur les intoxications chez
les enfants au Mali n’a été faite.
L’objectif du présent travail était d’étudier les
caractéristiques épidémiologiques et cliniques des intoxications aiguës chez
les enfants de moins de 15 ans au Mali, au niveau des structures de soin du 3°
niveau de la pyramide de santé du pays (CHU, CHR, Centres de référence de
Bamako).
Patients et Méthodes
C’est une étude rétrospective sur les intoxications
survenues chez les enfants de moins de 15 ans au Mali durant la période allant
du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2010.
Notre étude a été réalisée dans trois Centres Hospitaliers
Universitaires (Gabriel Touré, Point G, et Kati), les six Centres de Santé de
Référence (CSRéf) du district de Bamako ainsi que dans les six Hôpitaux
Régionaux du Mali: Alphosseïny Daou de Kayes, Hôpital de Sikasso, Nianakoro
Fomba de Ségou, Somino Dolo de Mopti, Hôpital Régional de Tombouctou et Hôpital
Régional de Gao.
Nous avons inclus dans cette étude, les intoxications par tous
types de produits, en excluant les envenimations, survenues chez les enfants de
moins de 15 ans entre 2000 et 2010.
Les patients qui ont été transférés dans d’autres structures
sanitaires enfin qu’un patient ne soit pris deux fois dans notre
échantillonnage, les intoxications chez le fœtus et le nouveau né d’une mère
intoxiquée, n’ont pas été retenus dans cette l’étude.
Dans chacune des structures d’étude, une équipe a été
constituée pour la sélection des dossiers des cas d’intoxications en fonction
de nos critères. Nous nous sommes servis des dossiers médicaux et des registres
de consultation pour la collecte des données durant la période 2000-2010.
Après la collecte des cas d’intoxications, les informations
ont été transférées dans une base de données dans laquelle nous avons pris en
compte la répartition de l’intoxication dans le
temps (années, saisons et mois), la distribution dans l’espace (milieu,
régions, provenance et services), les caractéristiques du patient intoxiqué
(sexe, âge), les caractéristiques du toxique (famille, toxique lui-même), les
caractéristiques de l’intoxication (unique ou répétée, isolée ou collective,
circonstances, lieu de l’intoxication, symptomatologie, traitement, et
évolution).
Les données ont été traitées successivement par les
logiciels Microsoft Excel et Epi Info. Les analyses statistiques ont
concerné l’Analyse en Composantes Principale (ACP), le Ratio Odds (OR) ainsi que la letalite specifique.
L’ACP est une méthode de statistique descriptive
multi-variée qui consiste à transformer sous forme graphique l’essentiel de
l’information contenue dans un tableau de données quantitatives des variables
liées entre elles en de nouvelles variables décorrélées les unes les autres,
ces nouvelles variables sont appelées «composantes principales».
Quant au OR, il se définit comme le risque de survenue d’un
évènement. Dans notre étude, nous l’avons calculé pour le risque d’évoluer vers
la mort de chaque variable (sexe, âge, origine). Il correspond au rapport de
l’incidence chez les exposés (Ie) sur les incidences des non exposés (Ine) pour
que l’OR soit significatif il faut que la valeur 1 soit en dehors de l’IC (Schwartz,
1993).
Le rapport du nombre de décès causé par l’intoxication et le
nombre des intoxiqués le tout rapporté en pourcentage, nous a permis d’avoir le
taux de la létalité spécifique.
Durant notre étude, l’anonymat a été garanti pour tous les
patients. Par ailleurs nous avons obtenu l’avis favorable du Comité National
Éthique pour la Santé et les Sciences de la Vie (CNESSV) pour la réalisation de
l’étude.
Résultats
Durant notre période d’étude, nous avons recensé 1.323 cas
d’intoxications de l’enfant (0-15 ans), soit 42% de l’ensemble des
intoxications sur la même période. L’âge moyen des patients était de 5±4,5 ans
avec un sex-ratio de 1,2 en faveur des garçons. Les bébés marcheurs 1 et 4 ans
étaient les plus touchés avec 37,1% des cas (Tableau 1). Les intoxications
étaient domiciliaires dans 97% des cas. Le produit était pris par la voie orale
dans 98% des cas.
Caractéristiques |
Nombre de cas (n=1323) |
Âge en années (n=1314) |
|
Nouveau-né [0-1[ |
168 |
Bébé marcheur [1-5[ |
649 |
Petit enfant [5-10[ |
234 |
Grand enfant [10-15[ |
263 |
Inconnus |
9 |
Sexe (n=1323) |
|
Féminin |
591 |
Masculin |
732 |
Ville (n=1323) |
|
Bamako Sikasso Gao Ségou Mopti Kayes Tombouctou Koulikoro (Kati) |
768 149 143 88 79 52 37 7 |
Tableau 1.
Caractéristiques sociodémographiques
des intoxications aigues chez les enfants, Mali, 2000-2010
Table 1. Demographics of acute poisoning in children, Mali,
2000-2010
Nous avons noté une tendance croissante dans le temps des
cas d’intoxication avec une nette augmentation à partir de l’année 2002 (Figure
1).
Figure 1. Répartition annuelle des intoxications aiguës chez l’enfant, Mali,
2000-2010
Figure 1. Annual breakdown of acute poisoning in
children, Mali, 2000-2010
Par rapport à la répartition saisonnière des intoxiqués,
nous avons obtenu 31% des cas pendant les mois de juin, juillet et août ce qui
correspond à la saison d’hivernage (Figure 2).
Figure 2.
Répartition mensuelle des intoxications
aiguës chez l’enfant, Mali, 2000-2010
Figure 2. Monthly distribution of acute poisoning in
children, Mali, 2000-2010
La fréquence des intoxications accidentelles était de 1240
cas sur les 1323 qui ont été recensés, soit 93,7% des cas contre 6,3% qui
étaient volontaire.
Les causes de ces intoxications accidentelles se
répartissaient comme suit: les aliments (49,4%), les médicaments (25%), le
pétrole lampant (9,7%), les acides et la soude caustique (7,5%), les pesticides
(4,5%), les plantes médicinales (2,4%), et le monoxyde de carbone (1,5%).
Les circonstances de survenue volontaires étaient l’apanage
des grands enfants (10-14 ans). Ces circonstances volontaires étaient dominées
par les tentatives de suicide (6%) et les avortements clandestins non
médicalisés (2,1%). Nous avons enregistré cinq cas d’intoxication criminelle
avec une évolution favorable pour l’ensemble.
À l’admission des patients à l’hôpital, les signes cliniques
étaient multiples et variés, la prise en charge était principalement
symptomatique (78%) et évacuatrice (20,9%) avec un faible taux de traitement par
antidote avec 1,1% des cas (Tableau 2).
L’évolution
était défavorable (décès) chez 34 patients soit un taux de létalité globale de 2,5%.
Type de traitement |
Effectif |
% |
Symptomatique |
1032 |
78 |
Evacuateur |
|
|
Lavage gastrique |
104 |
7,8 |
Diurèse forcée |
153 |
10,5 |
Vomissements
provoqués |
34 |
2,6 |
Antidote et chélateurs |
15 |
1,1 |
Autres traitements |
|
|
Surveillance
médicale |
206 |
15,6 |
Bilan |
135 |
10,2 |
Examen
complémentaire |
40 |
3 |
Tableau 2. Traitement des intoxications aiguës chez les enfants, Mali, 2000-2010
Table 2. Treatment of acute poisoning in children, Mali,
2000-2010
L’étude de la létalité spécifique des victimes montre un
fort taux de létalité pour le sexe féminin, l’hôpital de Sikasso, et le
monoxyde de carbone (Tableau 3).
Caractéristique |
Nombre de décès |
Nombre de cas d'intoxication |
Létalité spécifique |
Sexe |
|
|
|
Féminin |
21 |
591 |
3,6 |
Masculin |
13 |
732 |
1,8 |
Hôpitaux |
|
|
|
Hôpital de Sikasso |
18 |
149 |
12,1 |
H. Fousseiny DAOU de Kayes |
2 |
52 |
3,8 |
Somino DOLO de Mopti |
2 |
79 |
2,5 |
CHU Gabriel TOURE |
5 |
242 |
2,1 |
Hôpital de Gao |
3 |
143 |
2,1 |
CSRéf Commune I |
2 |
140 |
1,4 |
H. N. FOMBA de Ségou |
1 |
88 |
1,1 |
CSRéf Commune V |
1 |
167 |
0,6 |
Type de produit |
|
|
|
Monoxyde de Carbone |
3 |
19 |
15,8 |
Caustique |
5 |
72 |
6,9 |
Pesticide |
2 |
41 |
4,9 |
Hydrocarbure (pétrole lampant) |
5 |
105 |
4,8 |
Plante Médicinale |
1 |
30 |
3,3 |
Aliment |
14 |
612 |
2,3 |
Médicament |
4 |
301 |
1,3 |
Circonstances |
|
|
|
Accidentelles |
32 |
1240 |
2,6 |
Volontaires |
2 |
83 |
2,4 |
Tableau 3.
Létalité spécifique des intoxications
aiguës chez les enfants, Mali, 2000-2010
Table 3. Specific lethality of acute poisoning in
children, Mali, 2000-2010
Le taux de létalité spécifique était presque en égalité pour
les circonstances d’intoxication accidentelles et volontaires (2,6% et 2,4%).
Le tableau 4, nous mets en évidence le taux de létalité entre les différentes
structures sanitaires, avec une forte létalité pour les hôpitaux régionaux.
Hôpitaux |
Décès |
Cas |
Taux létalité |
CHU |
5 |
242 |
2,0 |
CHR |
26 |
410 |
6,0 |
CSRéf |
3 |
307 |
1,0 |
Tableau 4.
Létalité spécifique des intoxications
aiguës chez les enfants dans les structures sanitaires, Mali, 2000-2010
Table 4. Specific lethality of acute poisoning in
children in health facilities, Mali, 2000-2010
En étudiant les facteurs de risque pour le lieu
d’intoxication, nous trouvons une valeur hautement significative (p<0,001)
pour la différence de survenue des décès dans la capitale par rapport aux
autres villes du pays ainsi que par rapport à l’âge des enfants de moins de 6
ans et plus de 6 ans (tableau 5). Ainsi, les enfants intoxiqués des régions
présentent cinq fois plus de risque de décéder que ceux de la capitale, aussi
les enfants dont l’âge est inférieur ou égale à 6 ans présentent un risque
quatre fois plus de risques de décéder que les enfants plus de 6 ans.
Variables |
n |
Décès |
p |
OR |
IC 95% |
Age |
|
|
|
|
|
Enfant ≤ 6 ans |
881 |
30 |
0,006 |
3,86 |
1,35-11,02 |
Enfant ˃ 6 ans |
442 |
4 |
|
|
|
Sexe |
|
|
|
|
|
Féminin |
591 |
13 |
0,4 |
1,31 |
0,65-2,64 |
Masculin |
732 |
21 |
|
|
|
Origine |
|
|
|
|
|
Région |
555 |
26 |
0,0001 |
4,67 |
2,09-10,39 |
Capitale |
768 |
8 |
|
|
|
Circonstance |
|
|
|
|
|
Accidentelle |
1240 |
32 |
0,92 |
0,93 |
0,21-3,95 |
Volontaire |
83 |
2 |
|
|
|
Tableau 5. Facteurs
de risque de l’évolution des cas d’intoxications chez les enfants de moins de
15 ans au Mali (2000-2010). OR: Ratio Odds; IC: Intervalle de Confiance.
Table 5. The Risk Factors of evolution of poisoning cases among
children under 15 in Mali (2000-2010)
L’analyse en composante principale (Figure 3), nous a permis
d’établir une corrélation entre la létalité et régions, entre genre et suicide
(F) ou accident (M), ainsi que selon le produit.
|
|
Figure 3. Représentation
graphique de l’analyse en composante principale du sexe, produit, circonstance,
provenance en fonction de l’évolution chez les enfants, Mali, 2000-2010.
Figure 3. Graphical representation of the principal component
analysis of sex product, circumstance, from depending on changes in children,
Mali, 2000-2010.
Discussion
Durant notre étude, nous avons collecté 1.323 cas sur une
période de 11 ans, ce nombre est largement sous-estimé vu le caractère
rétrospectif de l’étude (perte des données, problème d’archivage, informations
incomplètes). Notre recueil n’est pas exhaustif mais a été fait à partir de
toutes les structures du 3° niveau et sur 10 ans il est révélateur de l’ampleur
du problème de santé publique. En effet, l’intoxication aigue chez l’enfant représente
une question non négligeable au Mali puisqu’elle représente 42% de l’ensemble
des intoxications, ce résultat est similaire à ceux rapportés par d’autres
auteurs (Achour et al.,
2012; Diallo et al., 2012).
Les variations annuelles montrent une croissance continue vraisemblablement
due à une meilleure prise en charge et déclaration.
Les variations saisonnières montrent une
recrudescence.
La répartition spatiale montre un problème à Sikasso qui
nécessiterait des études complémentaires.
De même si la faible létalité trouvée dans les CSRéf peut
s’expliquer par la facilité d’évacuer celui de Ségou mériterait aussi d’être
exploré.
L’étude des
caractéristiques sociodémographique montre que les enfants de moins de cinq ans
sont les plus touchés avec une prédominance masculine, ceci confirme les études
nationales et internationales (Achour et al., 2012; Diallo et al., 2012; Sylla et al., 2006; Adonis-Koffy
et al., 1999).
Les
intoxications accidentelles sont généralement dues à un défaut de rangement des
produits comme les médicaments, le pétrole lampant, l’eau de javel, les
produits caustiques,…. Pour des raisons alimentaires, les enfants intoxiquent
en buvant ou en mangeant le produit qui est à sa portée. L’évolution de ces
intoxications accidentelles est fréquemment favorable, car le produit est
consommé en faible quantité ou bien, il est vite aperçu par un adulte.
Dans notre
étude, les intoxications volontaires par les tentatives suicidaires sont
rencontrées uniquement chez les enfants de plus de 10 ans avec une évolution
favorable dans la majeure partie des cas. Nos résultats sont similaires à ceux
d’une étude réalisée en Côte d’Ivoire par Adonis-Koffy et al. (1999)
qui avaient enregistré 8%.
D’après nos
résultats ainsi que quelques études menées en Afrique (Sylla et al., 2006; Mbika-Cardorelle et al., 2003) ont montré que les tentatives de
suicide sont principalement perpétrées par des filles. Une étude menée aux USA
a révélé que le suicide y est la quatrième cause de mortalité chez les 10-14
ans et la troisième chez les plus de 15 ans. Le suicide d’un enfant de 7 ans a
même été rapporté. Lors de deux enquêtes suisses menées en 2004 sur des 11-15
ans et des 16-20 ans, environ 8% des filles et 3% des garçons ont avoué au
moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Dans notre série, les
aliments occupaient la première place parmi les produits incriminés, suivis des
médicaments, des hydrocarbures (pétrole lampant), des produits chimiques, des
pesticides, des plantes médicinales et des produits gazeux. Contrairement à une
étude menée par Sylla et al (2006) à
Bamako, Mali, ont trouvé que les médicaments occupaient la première place
suivie par les produits ménagers. Nos résultats sont similaires à ceux d’une
étude réalisée au Maroc par Achour et al (2012)
qui rapportent que les aliments et les médicaments étaient plus incriminés dans
les intoxications chez les enfants. Les aliments les plus incriminés étaient:
poisson fumé, lait, riz et couscous.
Selon Aoued L. et al. (2010) les intoxications
alimentaires sont de plus en plus fréquentes du fait du changement du mode de
vie alimentaire (préparation des aliments longtemps avant consommation en
raison du travail de la femme à l’extérieur de la maison, achats de plats
préparés…). En plus s’ajoute le développement intense du secteur informel de
vente ainsi que des nouveaux technologies agroalimentaires (contamination des
aliments avec des pesticides, mauvaise conservation des aliments…). L’étude des
produits alimentaires a montré que le poisson fumé, le haricot, le «dégué»
(crème de mil), et le couscous étaient les plus incriminés. Nous avons
enregistré certains cas de contamination de ces aliments lors de leurs
conservations avec des pesticides (dans les mêmes récipients), ce qui
potentialise le risque d’intoxication.
Les
intoxications médicamenteuses sont généralement dues à la négligence des
parents et l’insuffisance de garde des médicaments dans les foyers facilitent
l’accès des enfants aux médicaments cherchant à satisfaire leur curiosité.
Le pétrole
lampant constituait également une cause d’importante d’intoxication au Mali,
car il occupait la troisième place parmi les produits incriminés. Selon une
étude réalisée en Côte d’Ivoire et Congo Brazzaville (Atanda et al. 1992; Adonis-Koffy
et al., 1999),
le pétrole lampant constituait le premier tandis que, chez Sylla et al. (2006) à Bamako, Mali, il
occupait la deuxième place des produits en cause d’intoxication chez les enfants
de moins de 5 ans. Les conditions de
conservation du pétrole lampant sont sources de confusions pour les enfants dans
beaucoup de pays africain (Atanda et al. 1992; Adonis-Koffy et al., 1999; Ake-Assi et al. 2001; Sylla et al., 2006); le pétrole lampant est,
en effet, conservé dans des bouteilles d’eau ou de boissons sucrées. Il est
utilisé comme moyen d’allumage de feu de cuisine (charbon de bois) et constitue
par la même occasion la seule source d’éclairage pour certaines familles. Les
enfants s’intoxiquent en buvant le pétrole lampant pour se désaltérer surtout
pendant la période de chaleur (entre mois de mars et juin).
Nous avons
enregistré une forte mortalité (létalité) avec le monoxyde de carbone, ceci est
dû à un système traditionnel de chauffage dans notre pays qui consiste à
l’utilisation du fourneau dans les chambres à coucher durant toute la nuit
pendant l’hiver. L’intoxication au monoxyde de carbone se produit suite à la
combustion du charbon qui donne du monoxyde de carbone, celui-ci est absorbé
par les enfants dans la chambre qui est totalement fermée.
L’évolution des
intoxications était favorable dans la majeure partie des cas (97,5%), ce
résultat est lié à la prise en charge rapide des enfants. Nous avons obtenu une
forte létalité avec le sexe féminin, la ville de Sikasso, et le monoxyde de
carbone. Le traitement était essentiellement symptomatique. Le traitement
antidotique reste parfois difficile en raison de la non disponibilité des
antidotes (1,1%) et la rareté des moyens de réanimation dans notre pays.
Conclusion
L’intoxication aiguë chez l’enfant de moins de 15 ans au
Mali est un événement fréquent. Cependant, l’évolution reste favorable dans la
majorité des cas. Ceci ne doit pas masquer la gravité potentielle ni faire
perdre de vue les mesures prophylactiques indispensables: l’information et la
sensibilisation des parents sur le danger que représentent les produits
domestiques pour les enfants ainsi qu’une meilleure conservation des aliments,
le respect des critères d’établissements d’une ordonnance destinée aux enfants;
l’équipement des infrastructures d’accueil; la formation du personnel médical
et para-médical; la création d’un centre antipoison au Mali. Ces mesures
prophylactiques pourront prévenir les intoxications en général et en
particulier chez les enfants.
Références
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