Description: Description: Description: Description: Description: Description: Description: Description: Description: Description: image

Belarbi, N., Rhalem, N., Soulaymani, A., Hami, H., Mokhtari, A., Soulaymani Bencheikh, R., 2013. Intoxication par l’Atractylis gummifera-L au Maroc (1992-2008) . Antropo, 30, 97-104. www.didac.ehu.es/antropo


Intoxication par l’Atractylis gummifera-L au Maroc (1992-2008)

 

Poisoning by Atractylis gummifera-L in Morocco (1992-2008)

 

N. Belarbi1, N. Rhalem1,2, A. Soulaymani1, H. Hami1, A. Mokhtari1, R. Soulaymani Bencheikh2,3

 

1 Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc.

2 Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc, Rabat, Maroc.

3 Faculté de Médecine et de Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat, Maroc.

 

Auteur chargé de la correspondance: Belarbi Nihad, Université Ibn Tofaïl, Faculté des Sciences, Département de Biologie, Laboratoire de Génétique et Biométrie, BP 133 Kénitra 14000 Maroc, E-mail: nihadbelarbi@yahoo.com

 

Mots clés: Atractylis gummifera-L., Intoxication, Population marocaine.

 

Keywords: Atractylis gummifera-L., Poisoning, Moroccan population.

 

Résumé

La flore marocaine compte de nombreuses plantes d’intérêt médicinal. L’Atractylis gummifera-L est l’une des plantes qui sont responsables du problème d’intoxication au Maroc.

L’objectif de cette étude était de décrire les caractéristiques épidémiologiques des intoxiqués par l’Atractylis gummifera-L au sein de la population marocaine pendant la période allant de 1992 à 2008 en se basant sur les données du Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM). Durant cette période, 344 cas d’intoxication ont été déclarés dont 68 sont décédés. L’âge moyen des intoxiqués était de 16,2±13,38 ans. Le sex-ratio (F/H) était de 1,25.

 

Abstract

The Moroccan flora has many plants of medicinal interest. The Atractylis gummifera-L is one of the plants that are responsible for the problem of poisoning in Morocco.

The objective of this study was to describe the epidemiological characteristics of intoxicated subjects by Atractylis gummifera-L within the Moroccan population during the period 1992 to 2008 based on data from the Moroccan Center of Poison Control and Pharmacovigilance (CAPM). During this period, 344 cases of poisoning have been reported of which 68 died. The mean age of intoxicated subjects was 16.2±13.38 years. The sex ratio (F/M) was 1.25.

 

Introduction

On estime environ 20.000 le nombre d'espèces de plantes utilisées dans le monde pour des fins alimentaires, cosmétiques, chimiques, pharmaceutiques, thérapeutiques et agro-alimentaires.

Parmi les 40.000 espèces végétales existantes au Maroc, plus de 280 plantes sont actuellement exploitées (Hmamouchi, 1999). Les plantes toxiques comprennent des plantes vénéneuses et hallucinogènes, et sont capables de provoquer des symptômes graves même lorsqu’elles sont consommées en faible quantité, causant des perturbations des métabolismes des différents organes et pouvant provoquer la mort (Bouzidi et al, 2001). Les principales plantes ayant provoqué des intoxications au Maroc, selon leur ordre de toxicité sont:

Chardon à glu: Atractylis gummifera (Addad),

Harmel: Peganum harmala (Hermal),

Datura: Datura stramonium (Chdeq-jmel),

Lavande,

Tabac (petit): Nicotiana rustica (Taba),

Coloquinthe: Citrullus colocynthis (Hdej),

Champignons,

Ricin: Ricinus cummunìs (Kharwâ),

Chanvre indien: Cannabis sadva (Kif),

Thym: Thymus vulgaris (Azzâtra),

Belladone: Atropa belludona (Belaydour),

Laurier rose: Nerium oleander (Defla),

Mandragore: Mandragora autumnalis (bayd al ghal) (Hmamouchi, 1999).

L’objectif de la présente étude est de décrire les caractéristiques épidémiologiques de l’intoxication par l’Atractylis gummifera-L. au sein de la population marocaine pendant la période allant de 1992 à 2008 en se basant sur les données du Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM).

 

Données et méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective sur une durée de 16 ans, allant de 1992 à 2008, qui concerne tous les cas d’intoxications par la plante Atractylis gummifera-L déclarés au CAPM. Les supports de données utilisés dans cette étude sont les fiches de toxicovigilance qui sont remplies par le médecin ou l’infirmier chargé du malade et les dossiers médicaux qui sont mis en place au service de l’information toxicologique au niveau du CAPM. Les données analysées concernent 344 cas d’intoxications. Les variables étudiés concernent les caractéristiques du patient intoxiqué (moyen d’âge, sexe, tranche d’âge), les caractéristiques de l’intoxication (milieu, lieu province, circonstances, voie, type d’intoxication, gradation, évolution). L’influence de ces différents facteurs sur le pronostic vital des personnes intoxiquées sera également analysée et discutée. L’analyse concerne également les indicateurs de santé (Incidence qui est le nombre de cas d’intoxication par la population de la région, Létalité qui représente le nombre de cas de décès par le nombre de cas d’intoxication, et Létalité spécifique à un facteur donné). Aussi, nous avons déterminé les liaisons éventuelles entres les différentes variables par le test χ² de contingence pour nous permettre de savoir si une différence entre certaines variables est significative et le risque relatif (RR) des variables à deux modalités: sexe, milieu, âge, type d’intoxication et état clinique.

 

Résultats

L’Atractylis gummifera L. est une plante appartenant à la famille des Astéracée, son nom en français est chardon à glu et les Arabes la dénomment Addad (Haddad, Dad), en berbère c’est Chouk-El-Eulk, Aghfyoun.

C’est une Plante herbacée, épineuse et odorante, vivace par sa partie souterraine et ressemble fortement à l’artichaut sauvage (Guernina). Elle a une tige (1m) d’où s’épanouissent des feuilles très épineuses et profondément découpées. Son  latex est blanc jaunâtre qui exsude du capitule. Desséché, il constitue une masse sphérique de couleur gris noirâtre. Le fruit est akène velu, ellipsoïdal et surmonté d’une aigrette blanche. Sa partie souterraine est constituée d’un rhizome flexueux et des racines pivotantes. (Bensalah et al, 2001)

L’Atractylis gummifera-L se trouve dans tout le Maroc sauf dans les régions désertiques ou aride et l’anti atlas. (Charnot, 1945)

La toxicité du chardon à glu est liée à deux substances, l’atractylate de potassium, et la gummiférine, qui sont capables d’inhiber la phosphorylation oxydative mitochondriale et le cycle de Krebs (Larrey, 1997; Stedman, 2002). Les intoxications ont été observées principalement dans trois circonstances: 1- lors d’utilisation du chardon à glu comme plante médicinale en raison de ses propriétés anti-pyrétiques, diurétiques, abortives, purgatives et émétiques (Hmamouchi, 1999; Mouhib & El Omari, 1988); 2-lorsque les enfants utilisent la substance blanchâtre sécrétée par la plante et ressemblant à de la glu comme chewinggum; 3- lorsqu’il existe une confusion entre le chardon à glu et l’artichaut sauvage. (Bellakhdar, 1997; Becker, 1995)

 

Mécanisme d’action toxique

Les Inhibiteurs de la phosphorylation oxydative s’opposant à la formation de l’ATP à partir d’ADP.

L’atractyloside: compétition avec l’ADP au niveau de l’adénosine nucléotide translocase.

Le carboxytractyloside: Inhibiteur de la transformation de l’ADP en ATP.

Caractère non compétitif (Ben Salah et al, 2001).

 

Figure 1. Echange ATP/ADP à travers la membrane mitochondriale (Megueddem et Djafer, 2002).

Figure 1. Exchange ATP/ADP across the mitochondrial membrane (Megueddem et Djafer, 2002).

 

Durant la période d’étude (1992- 2008), 344 cas d’intoxications par l’Atractylis gummifera-L sont déclarés au Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc dont 68 de décès.

Les caractéristiques de la population intoxiquée et de l’intoxication sont reportées au tableau 1.

D’après les résultats du Tableau 1, l’âge moyen des intoxiqués était de 16,2±13,38 ans. La tranche d’âge la plus touchés était celle des enfants moins de 15 avec 64,65%. Le sex-ratio (F/H) était de 1,25.

La circonstance accidentelle était la plus fréquente avec 81,57% des cas et il s’agissait des intoxications collectives avec 54,15%, alors que 45,85% des cas d’intoxications sont isolés.

La voie orale était prépondérante, avec 97,67% des cas. Le grade de gravité était égal à 3 dans 31,48% des cas.

Le tableau 2 présente les symptômes des intoxiqués qui sont issus à la consommation de la plante Atractylis gummifera-L.

L’intoxication par l’Atractylis gummifera-L se manifeste par des symptômes digestifs qui sont dominants avec 161 cas telques les diarrhées, les vomissements, les douleurs et ballonnement abdominal, l’hématémèse, l’hémorragie intestinale et méléna. Puis les signes neurologiques (104 cas) avec un coma de stade 1,2 et 4, les céphalées, les vertiges, … Ensuite, les troubles cardio-vasculaires avec 44 cas (tachycardie, hypertension artérielle, accélération du pouls, irrégularités tensionnelles, collapsus terminal), et aussi les troubles respiratoires avec 43 cas (dyspnée, bronchospasme et cris, hypersécrétion, encombrement), enfin, une atteinte rénale (insuffisance rénale bénigne avec élévation de la créatinine, hématurie, oligurie ou anurie).

 

Les facteurs de risque

Le tableau 3 représente l’influence des différents facteurs sur le pronostic vital des intoxiqués.

Après avoir déterminé les liaisons éventuelles entres les variables à deux modalités (sexe, milieu, âge, type d’intoxication et état clinique) par le test χ² de contingence et le risque relatif, nous pouvons conclure que l’âge les circonstances le milieu et l’état clinique sont les facteurs qui présentent une différence hautement significative avec respectivement un RR de 24,615 (IC 95%: 5,791-104,632); 0,057 (IC 95%: 0,008-0,426); 0,360 (IC 95%: 0,110-1,184) et 2,508 (IC 95%: 1,308-4,807). Le sexe présente une différence significative avec un RR de 1,536 (0,835-2,828). Donc, l’âge les circonstances le milieu l’état clinique et le sexe sont des facteurs significativement liés au décès.

 

Indicateurs de santé

L’évolution des indicateurs de santé: incidence, létalité spécifique et mortalité par l’Atractylis gummifera-L au Maroc en fonction des années (1994 à 2008) sont reportés au tableau 4.

D’après le tableau 4, l’incidence le plus fort des intoxications par l’Atractylis gummifera-L au Maroc (1,97 E-03) a été enregistrée en 1996 et le plus faible est (1,77 E-04‰) en 1999 cela pourrait être du à la création du Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc et aux déclarations prépondérantes durant cette année.

 

Globale

Evolution

Létalité
spécifique %

Effectif

Fréquence

Guérison

Décès

N, nombre de cas

344

-

161

68

29,69

Age moyen: 16,2±13,38 ans

344

100,00

161

68

29,69

≤ 15 ans

214

64,65

83

62

42,75

> 15 ans

117

35,35

74

2

2,63

Non précisé

13

-

4

4

50,00

Sexe: Le sex-ratio(F/H)=1,25

344

100,00

161

68

29,69

Féminin

180

55,56

99

31

23,84

Masculin

144

44,44

60

30

33,33

Non précisé

20

-

2

7

77,77

Circonstances

344

100,00

161

68

29,69

Accidentelles

270

81,57

115

66

36,46

Volontaires

55

16,62

35

1

2,77

Pharmacovigilance

6

1,81

4

-

Non précisé

13

-

7

1

12,50

Type intoxication

344

100,00

161

68

29,69

Collective

111

54,15

47

29

38,15

Isolée

94

45,85

44

12

21,42

Non précisé

139

-

70

27

27,83

Voie d’intoxication

344

100,00

161

68

29,69

Cutanée

6

1,75

2

-

-

Inhalation

1

0,29

1

-

-

Orale

335

97,67

158

68

20,29

Percutanée

1

0,29

-

-

-

Non précisé

1

-

-

-

-

Gradation

344

100,00

161

68

29,69

Grade 0 (Néant)

66

24,44

56

-

-

Grade 1 (Mineur)

9

3,33

7

-

-

Grade 2 (Modéré)

61

22,59

37

1

1,63

Grade 3 (Sévère)

85

31,48

16

26

30,58

Grade 4 (Fatal)

41

15,19

-

41

100,00

Ingradable

8

2,96

4

-

-

Non précisé

74

-

41

-

-

Tableau 1. Caractéristiques épidémiologiques de la population étudiée.

Table 1. Epidemiological characteristics of the studied population.

 

Signes cliniques

Types de signes

Effectif

Fréquence

Digestifs
(161 cas) 46%

Nausées et Vomissements

103

63

Douleurs digestifs

13

8

Douleurs abdominales

8

4

Hématémèse; Hémorragie intestinale et méléna

4

2

Hépatite; Hoquet; Douleur de la gorge; Sialorrhée; Syndrome extrapyramidal; Hallucinations

1

0,62

SHD-Autres

16

9

Autres

3

1

Brulures de l’estomac; Obnubilation

2

1

Neurologiques
(104 cas) 30%

Coma stade1

40

38

Céphalées

15

14

Vertiges

10

9

Somnolence obnubilation

16

15

Agitation

6

5

Coma stade4

5

4

Coma stade2; Asthénie; Convulsions et crises cloniques; Ebriété

2

1

Déficit moteur; Hypertonie généralisée; Hypotonie; Trouble de conscient

1

0,96

Cardiovasculaires
(44 cas) 12%

Tachycardie

16

36

SVC-Autres

14

31

Hypertension Artérielle; Trouble du rythme

3

6

Arrêt cardiaque; Bradycardie; Hypotension; Pouls accéléré; Pouls ralentis; Collapsus; Tension artérielle augmenté et diminué.

1

2

Respiratoires
(43 cas) 12%

Dyspnée

19

44

Détresse respiratoire

14

32

Bronchospasme et cris; Hypersécrétion; Encombrement

2

4

Trouble du rythme; Polypnée; Gène respiratoire; SR-Autres

1

2

Neurovégétatifs
(13 cas) 3%

Mydriase

7

53

Myosis

4

30

Cécité; Autres

1

7

Rénaux
(7 cas) 2%

Insuffisance Rénale; Autres

3

42

Oligurie

1

14

Cutanéo-muqueux
(5 cas) 1%

Cyanose; Douleur localisée; Eruption; Irritation cutanée; Autres

1

0,2

Psychiques
(3 cas) <1%

Agitation; Excitation

2

66

Hallucination

1

33

Etat Vigilance
(2 cas) <1%

Conscient

2

100

Ostéo-Tendineux
(2 cas) <1%

Hypoglycémie; Myalgie

1

50

Tableau 2. Signes cliniques des intoxiqués.

Table 2. Clinical symptoms of intoxication.

 

Guérison

Décès

χ²

p

RR

IC 95%

Milieu

Urbain

45

7

11,560

0,001

0,360

0,110-1,184

Rural

17

10

Sexe

Féminin

99

31

4,000

0,046

1,536

0,835-2,828

Masculin

60

30

Tranche d’âge

≤ 15 ans

83

62

28,420

<0,001

24,615

5,791-104,632

> 15 ans

74

2

Type d’intoxication

Isolée

44

12

1,410

0,235

1,715

10,746-3,946

Collective

47

29

Circonstances

Accidentelles

115

66

141,55

<0,001

0,057

0,008-0,426

Volontaires

35

1

Etat clinique

Symptomatique

90

52

25,680

<0,001

2,508

1,308-4,807

Asymptomatique

71

16

Tableau 3. Facteurs de risque en fonction des caractéristiques de l’intoxiqué et de l’intoxication.

RR: Risque relatif. IC95%: Intervalle de confiance à 95%. P≤0,001: Différence hautement significative. 0,001≤P<0,01: Différence très significative. 0,01≤P<0,05: Différence significative. p>0,05: Différence non significative

Table 3. Risk factors according to the characteristics of intoxicated and intoxication.

RR: Relative risk. 95% IC: Confidence interval at 95%. P0.001: Highly significant difference. 0.001P<0.01: Very significant difference. 0.01P<0.05: Significant difference. p>0.05: Non significant difference

 

Année

Décès

Effectif

Population

LS(%)

Mortalité(‰)

Incidence(‰)

1992

9

25

-

36,00

-

-

1993

10

48

-

20,83

-

-

1994

1

10

25926000

10,00

3,86e-05

3,86e-04

1995

8

23

26386000

34,78

3,03e-04

8,72e-04

1996

12

53

26848000

22,64

4,46e-04

1,97e-03

1997

4

16

27310000

25,00

1,46e-04

5,86e-04

1998

-

10

27775000

-

-

3,60e-04

1999

1

5

28238000

20,00

3,54e-05

1,77e-04

2000

1

14

28705000

7,14

3,48e-05

4,88e-04

2001

4

8

29170000

50,00

1,37e-04

2,74e-04

2002

11

27

29631000

40,74

3,71e-04

9,11e-04

2003

2

32

30088000

6,25

6,65e-05

1,06e-03

2004

1

29

30541000

3,45

3,27e-05

9,50e-04

2005

-

7

30991000

-

-

2,26e-04

2006

1

8

31412000

12,50

3,18e-05

2,55e-04

2007

1

12

31886000

8,33

3,14e-05

3,76e-04

2008

2

17

32330000

11,76

6,19e-05

5,26e-04

Total

68

344

437237000

Moyenne

29149133

Tableau 4. L’évolution des indicateurs de santé.

Table 4. The evolution of health indicators.

 

Le taux de mortalité le plus élevé est enregistré en 1996 avec (4,46e-04‰) et le moins élevé est (3,14e-05‰) en 2006 et 2007.

Le taux de létalité spécifique le plus élevé était de 50,00% en 2001 et le moins élevé est de 7,14 en 2000.

 

Discussion

L’intoxication par les plantes au Maroc est à l’origine d’une mortalité importante et elle représente 5,1% des intoxications en dehors des piqûres et envenimations scorpioniques (Rhalem et al, 2010). En France, les plantes représentent 5% des agents en cause dans les intoxications, en Italie 6,5%, en Turquie 6% (Oztekin-Mat, 1994) et aux Etats-Unis, l’intoxication par les plantes occupe le 4ème rang des empoisonnements courants et concerne des enfants dans 44 % des cas (Krenzelok et al, 1996). En Tunisie la flore locale comporte environ 2200 espèces de plantes (Hamouda et al, 2000;Pottier Alapetite, 1981) dont 478 pouvant avoir un usage médicinal (Boukef, 1986; Le Floch, 1981).

L’Atractylis gummifera-L est l’une des plantes les plus toxiques au Maroc avec un taux de létalité de 29,69%. Selon Skalli S et Soulaymani R en 1999, il s’agit surtout des intoxications accidentelles, fréquentes et collectives chez les enfants du milieu rural. La mentalité et la pauvreté constituent les principaux facteurs qui causent les intoxications accidentelles (81,57% des cas). Chez l’enfant soit la curiosité qui pousse à découvrir les différentes parties des plantes, particulièrement les fleurs et les fruits, avec les mains, et surtout avec la bouche (Bouzidi et al, 2001) soit par confusion avec un végétal comestible. (Bellakhdar, 1997)

En Tunisie, il s’agit régulièrement (21 cas) d’une intoxication accidentelle, souvent collective (47 %) chez des enfants d’une même fratrie, se produisant au printemps dans une zone rurale et montagneuse (Ben Salah et al, 2001).

D’après les données analysées durant la période d’étude (1992-2008), 344 cas ont été déclarés au CAPM dont 68 de décès issus pour la majorité de zone rurale. En comparaison avec les résultats obtenus par Hind H et al en 2011, le nombre de décès a été diminué de 98 à 68 ce qui explique l’évolution des responsables de la santé et le rôle important du CAPM.

Les victimes de l’intoxication par l’Atractylis gummifera-L. sont essentiellement des enfants âgés moins de 15 ans avec 64,65% des cas, Ceci est concorde avec les résultats obtenus dans l’Est de l’Algérie avec 86,25% des cas (Bouzidi et al, 2001). La plupart des intoxications sont collectives avec 54,15%.

Les patients intoxiqués par le chardon à glu, présentent des symptômes digestifs (161 cas) sous forme des douleurs abdominales, des vomissements et nausées, douleurs digestifs, hématémèse… puis des symptômes neurologiques (104 cas) qui se manifestent par un coma stade 1, les céphalées, les vertiges…), ensuite et avec 44 cas les signes cardiovasculaires et respiratoires. Les symptômes neurovégétatifs, rénaux, cutanéo-muqueux viennent en dernière classe avec respectivement 13,7,5 cas. Ces résultats sont conformes avec celles indiqués par Lemaigre et al en 1975 & Hind et al, en 2010.

La toxicité dAtractylis gummifera-L d’après plusieurs études, est liée à deux substances, l’atractylate de potassium, et la gummiférine, qui sont des inhibiteurs de la phosphorylation oxydative s’opposant à la formation d’ATP à partir d’ADP au niveau des organites intracellulaires et en particulier au niveau des mitochondries et du réticulum endoplasmique et conduisant au maximum à la nécrose cellulaire. Les cellules les plus vulnérables étant celles des parenchymes à haut niveau métabolique comme ceux du foie, du rein, du pancréas, du myocarde, etc. (Ben Salah et al, 1995; Ben Salah, 1998; Stewart & Steenkamp, 2000).

D’autre part, l’emploi de la plante à des fins thérapeutiques, car la racine d’Atractylis gummifera-L. est utilisée dans de nombreuses préparations. On l'écrase pour en faire des pansements appliqués sur abcès, furoncles et chancres syphilitiques (Bellakhdar, 1997); en tisane, un fragment gros comme une noix provoque l'avortement; en plus faible quantité on l'utilise pour faciliter l'accouchement (Mouhib & El Omari, 1988) ou comme purgatif et vomitif (Bellakhdar, 1997).

 

Conclusion

L’intoxication par l’Atractylis gummifera-L au Maroc touche principalement les enfants qui appartiennent à la tranche d’âge inférieure à 15 ans et qui est généralement accidentelle et se déroule dans les zones rurales. Ceci est dû  au manque d'information de la population en ce qui concerne la toxicité des plantes et la nécessité d'assurer la valeur de la thérapeutique naturelle en informant le public sur les risques de l'information non contrôlée.

Nous voulons souligner que le nombre de décès par l’Atractylis gummifera-L au Maroc a été diminué depuis 1992 à 2008 car le public et les professionnels de la santé connaissent mieux le centre Anti-Poison et ont plus souvent recours à ses services.

La mise en garde contre l’intoxication par l’Atractylis gummifera-L par des informations massives à l’école, la télévision et dans la presse quant à la nature et au danger de la plante et de ses principes actifs, est indispensable pour une diminution des intoxications.

Une meilleure connaissance de ces plantes toxiques permettrait une bonne maîtrise de l’intoxication et une meilleure prise en charge du patient.

 

Références bibliographiques

Becker G., 1995, Plantes toxiques. Gründ.

Bellakhdar J., 1997, La pharmacopée marocaine traditionnelle. Médecine arabe ancienne et savoirs populaires, Saint-Etienne, Editions IBIS press. France, 764 pp.

Ben Salah N, Zaghdoudi I., Zhioua M., Hamouda C., Amamou M., et Thabet H., 2001, Quelques spécialités de chez nous: intoxications par les plantes, le chloralose et le méthanol, (http://www.samu.org/JAMU2003/jamu2001/chez%nous11.htm).

Ben Salah N., 1998, Atractylis gummifera L. IPCS INTOX. Published on behalf international programme on chemical safety. United Nations Environmental Programme, International Labour Organisation and World Health Organisation.

Ben Salah N., Lakhal S.,Amamou M., Hedhili A., Jerbi Z., Yacoub M., et Chedly A., 1995, Acute poisoning due to ingestion of Atractylis gummifera L. Jacob B and Boute W. Advances in forensic sciences, 5, 101-103.

Boukef MK., 1986, Les plantes dans la médecine traditionnelle Tunisienne. Collection médecine traditionnelle et pharmacopée, Agence de coopération culturelle et technique.

Bouzidi A., Mahdeb N., Allouche L., et Houcher B, 2001, Bulletin d’information toxicologique Etude épidémiologique sur les plantes toxiques dans les régions de Settif et Bou Arredij. Est de l’Algérie-Afrique du Sud, 18(2), 3.

Charnot A., 1945, La toxicologie au Maroc. Mémoire de la société des Sciences naturelles du Maroc. Emile Larose, 572-598.

Hami H., Soulaymani A., Skalli S., Mokhtari A., Sefiani H., et Soulaymani R., 2011, Intoxication par Atractylis gummifera-L. Données du centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc, Bull Soc Pathol Exot, jan 17 [Epub ahead of print].

Hamouda C., Hedhili A., Ben Salah N., Ben Brahim NE. et al., 2000, Plant poisonings from herbal medication admitted to a Tunisian Toxicologic intensive care unit, 1983 – 1998. Vet Human Toxicol, 42, 137-141.

Hmamouchi M., 1999, Les plantes médicinales et aromatiques marocaines, 5-39.

Krenzelok EP., Jacobsen TD., et Aronis JM., 1996, Plant exposures: A state profile of the most commun species. Vet Human Toxicol, 38, 289-298.

Larrey D., 1997, Hepatotoxicity of herbal remedies. J Hepatol; 26 [suppl. 1], 47-51.

Le Floch E., 1981, Contribution à une étude ethnobotanique de la flore Tunisienne. I.O.R.T. 1983. petite G.: Flore de la Tunisie angiospermes dicotyledones. Publications scientifiques Tunisienne.

Lemaigre G., Tebbi Z., Galinsky R., Michowitcz S., et Abelanet R., 1975, Hépatite fulminante par intoxication due au chardon à glu (Atractylis glummifera-L). Étude anatomo-pathologique de 4 cas. Nouv Presse Med, 4(40), 2565-2568.

Megueddem M., et Djafer R., 2002, Intoxication au chardon à glu. Faculté de médecine d’Annaba, Algérie, Toxicol Clin, 18, pp. 5-10.

Mouhib, El Omari, 1988, Nos plantes médicinales, emploi en médecine moderne, en homéopathie, en médecine populaire, Ed. Copiste,Casablanca, 158 pp.

Oztekin-Mat A., 1994, Les intoxications d’origine végétale en Turquie. Ann Pharm Fr, 52, 260-265.

Pottier Alapetite G., 1981, Flore de la Tunisie angiospermes dicotyledones. Publications scientifiques Tunisiennes.

Rhalem N., Khattabi A., Soulaymani A., Ouammi L., et Soulaymani-Bencheikh R., 2010, Etude rétrospective des intoxications par les plantes au Maroc: Expérience du Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc de 1980 à 2008. Toxicologie Maroc, 5, 5-8.

Skalli  S., Soulaymani R., 1999, Sur l’intoxication au chardon à glu, Atractylis gummifera L. L’Officinal, 11, 17.

Stedman C., 2002, Herbal hepatoxicity. Sem Liv Dis, 22, 195-206.

Stewart MJ., et Steenkamp V. 2000, The biochemistry and toxicity of atractyloside: a review. Ther Drug Monit, 22(6), 641-649.