Kaoutar,
K., Hilali, M.K., Loukid, M., 2013. Comportement alimentaire et Indice de Masse
Corporelle des adolescents de la Wilaya de Marrakech (Maroc). Antropo, 30, 79-87.
www.didac.ehu.es/antropo
Comportement alimentaire et Indice de Masse Corporelle des adolescents
de la Wilaya de Marrakech (Maroc)
Feeding behavior and body mass index of adolescents in the Wilaya of
Marrakech (Morocco)
Kamal Kaoutar, Mohamed Kamal
Hilali, Mohamed Loukid
Laboratoire
d’Ecologie Humaine, Faculté des Sciences Semlalia, Université Cadi Ayyad,
Marrakech, Maroc.
Correspondance: Kamal Kaoutar,
Laboratoire d’Ecologie Humaine, Faculté des Sciences Semlalia, Université Cadi
Ayyad, Boulevard Prince Moulay Abdallah, BP2390, 40000 Marrakech (Maroc).
E-mail: kamalpanorama@hotmail.com
Mots
clés:
Comportement alimentaire, Adolescents, Wilaya de Marrakech, Maroc
Keywords: Feeding behavior,
Adolescents, Wilaya of
Marrakech, Morocco
Résumé
Les résultats présentés dans ce travail proviennent d’une
enquête transversale de croissance et de comportement alimentaire et hygiénique
réalisée en 2008 à la Wilaya de Marrakech. L’échantillon est constitué de 1407
adolescents scolarisés dont 656 garçons, âgés de 12 à 18 ans.
L’évaluation de l’état nutritionnel est réalisée à partir de
l’Indice de Masse Corporelle (IMC) suivant les courbes de références françaises.
Sur l’ensemble des élèves enquêtés, près de 84 % ont des valeurs d’IMC
«normales» et 16 % présentent un problème nutritionnel lié à l’insuffisance
pondérale ou à la surcharge pondérale ou à l’obésité. La prévalence de ces
problèmes est plus importante chez les garçons que chez les filles soit une
prévalence de 22,0%, contre 11,4%.
La surcharge pondérale (surpoids et obésité) est plus
prépondérante chez les élèves qui consomment de hamburgers, panini, pizzas,
frites et gâteaux 4 fois ou plus par semaine.
Les
résultats laissent apparaître une relation de dépendance statistiquement
significative entre la fréquence de prise du petit déjeuner par les élèves et leur corpulence (Chi-Carré: 10,61;
p<0,03) ainsi nous constatons moins d’adolescents prenant un petit déjeuner tous les jours
parmi les adolescents en surcharge pondérale, que parmi les autres adolescents.
Abstract
The results presented in this study come from a cross-sectional survey of
growth and food and hygiene behavior conducted in 2008 in the Wilaya of
Marrakech. The sample consisted of 1407 adolescents attending school with 656
boys, aged 12 to 18 years.
The assessment of nutritional status is made from the Body Mass Index (BMI)
according to the French reference curves. Of all students surveyed, nearly 84%
have BMI values "normal" and 16% have a nutritional
problem associated with underweight or overweight or obese. The prevalence of
these problems is higher among boys than among girls is a prevalence of 22.0%,
against 11.4%.
Overweight (overweight and obesity) is more predominant among students who
eat hamburgers, pannini, pizza, chips and cakes 4 or more times a week.
The results reveal a dependency relationship statistically significant
relationship between frequency of taking breakfast by students and their
corpulence (Chi-Square: 10.61, p <0.03) and we see fewer teenagers taking
breakfast daily among adolescents overweight, than among other adolescents.
Introduction
A cause de
l’incidence de l’obésité de nos jours, le comportement alimentaire est devenu
un sujet d’intérêt, de préoccupations, voire d’inquiétudes particulièrement
pour les enfants et les adolescents, et pose la question de la pérennité du
modèle alimentaire comme garant d’une bonne santé et de la qualité de vie.
Un modèle de
comportement alimentaire correspond à l’ensemble des règles sociales et
culturelles qui régissent l’acte alimentaire. De celui-ci dépendent les
produits qui peuvent et doivent être mangés, leurs quantités, ainsi que la
manière de les cuisiner, ce qui permet ainsi d’établir un «profil de
consommation». Le modèle est défini, non seulement par la consommation
alimentaire, mais aussi par une structure et une rythmicité des repas, et une manière
de socialiser l’acte alimentaire (Recours et al., 2005).
Le modèle de
comportement alimentaire inclus le modèle de consommation alimentaire et il a
plusieurs règles structurantes, les principales concernant le nombre de repas
par jour et la structure de ces repas. Les nutritionnistes recommandent un
rythme journalier des repas à peu prés fixe, qui consiste en trois repas à intervalles
de 3-4 heures parmi eux, rythme qui peut assurer un bon réglage du mécanisme
faim-satiété, et un fonctionnement normal du système digestif. En réalité le
rythme des repas, journalier et hebdomadaire aussi, est très fortement
influencé par des facteurs individuels et socioculturels.
Le statut
pondéral est évalué à partir de méthodes précises d’évaluation de la
composition corporelle. Aussi, il peut être approche indirectement en utilisant
certains indicateurs anthropométriques (Rolland-Cachera, 1993). L’indicateur
anthropométrique le plus utilisé est le rapport du poids sur le carre de la
taille appelé indice de masse corporelle (IMC).
L’évaluation du
statut pondéral des enfants est plus complexe que celle de l’adulte en raison
de la variation de la taille et du poids avec l’âge. L’OMS recommandait
l’utilisation de courbes du poids selon la taille établies par le National
Center for Health Statistics (NCHS) (WHO, 1986). Ces courbes de références ne
sont toutefois adaptées qu’aux âges entre 0 et 10 ans pour les filles et 0 et
11,5 ans pour les garçons. Plus récemment, l’utilisation de l’IMC est devenue
courante pour évaluer le statut pondéral de l’enfant et des courbes de
référence ont été publiées dans différents pays tels que la France (Rolland-Cachera
et al., 1991), les Etats-Unis (Must et al., 1991) ou le Royaume
Unis (Cole et al., 1995). Les courbes de corpulence françaises
présentent tous les rangs de centiles définissant les zones de déficit
pondéral, de normalité et d’excès pondéral. Elles sont utilisées par les
cliniciens pour évaluer le statut pondéral d’un enfant et, en suivant son
évolution, dépister les sujets à risque de devenir obèses. Le traçage des
courbes de l’IMC en fonction de l’âge permet de situer une population par
rapport à la population de référence et de dépister les enfants susceptibles de
contracter des pathologies et des maladies liées à un excès d’adiposité
(Rolland-Cachera et al., 1982).
Les données sur les
habitudes alimentaires et sur prévalence de la surcharge pondérale (surpoids et
obésité) des enfants et des adolescents
au Maroc sont cependant actuellement très limitées.
Afin de contribuer à remédier à l’insuffisance des données sur
les habitudes alimentaire des enfants et des adolescents et leurs corpulence, ce
travail est destiné à l’étude de
certains comportements susceptibles d’influencer l’équilibre de l’état
nutritionnel des enfants et des adolescents de la Wilaya de Marrakech, soient
les habitudes alimentaires: l’habitude de la prise du petit déjeuner et la
fréquence de consommation de quelques aliments par les élèves.
Matériel et méthodes
La région de Marrakech-Tensift-Al Haouz est située dans le
centre du pays, elle s’étend sur une superficie de 31,160 km² (Direction de la
statistique, 2004) soit l’équivalent de 4,4% du territoire national, entre la
latitude Nord 31° et la longitude Ouest 8°, à une altitude de 468 m par rapport
au niveau de la mer. Elle est composée de quatre provinces et une préfecture:
Chichaoua, Al Haouz, El Kalâa des Sraghna et Essaouira puis la préfecture de
Marrakech chef lieu de la région. Elle côtoie au Nord la région de Chaouia
Ouardigha, au sud la région de Souss-Massa, à l'Est celle de Tadla-Azilal, à
l’Ouest l’océan atlantique et au Nord Ouest la région de Doukkala-Abda. Sa
population totale est estimée à 3 102 652 habitants ce qui représente 10,4% du
total national, avec une densité de 99,6 habitants au km² (Direction de la statistique, 2004).
La ville de Marrakech est le chef-lieu de la région de
Marrakech-Tensift-Al Haouz qui occupe une superficie équivalente à 4,4 % de la superficie nationale (Direction de la statistique, 2004). La ville
de Marrakech s’étend sur une superficie
de 64 km² entre les massifs du
Haut Atlas au Sud et des Jbilet au Nord.
D’après le recensement général de la population et de
l’habitat (RGPH) de 2004 au Maroc, la ville de Marrakech compte 843 575
habitants. La répartition de la population par groupe d'âge quinquennal et par
sexe indique que la population de Marrakech est une population très jeune. En
effet les personnes âgées de moins de 20 ans représentent 36,4 % de la
population totale de la ville. Le taux d’activité dans la ville de Marrakech
atteint en moyenne 38 % de la population active. Il est de 56,3 % chez les
hommes et de 21,5 % chez les femmes (Direction de la statistique, 2004). Les
principales activités exercées au niveau de la ville sont le tourisme, le
commerce et l’artisanat. La moitié de la population active de Marrakech vit
directement ou indirectement du secteur touristique.
Dans le cadre d’un programme de recherche sur la santé et
l’hygiène de la population infantile scolarisée de la Wilaya de Marrakech, nous
avons mené en 2008 une enquête transversale rétrospective dans certains
établissements scolaires de la Wilaya de
Marrakech. L’échantillon a été constitué dans des établissements scolaires
publics et privés de la ville de Marrakech et de la province d’Al Haouz. Au
total 1407 enfants et adolescents ont été enquêtés.
L’enquête est basée sur un questionnaire standardisé permettant
la collecte d’informations détaillées sur les conditions de vie, d’hygiène et
d’alimentation des élèves et sur un examen anthropométrique comprenant les
mensurations essentielles du corps (poids, stature, plis sous-cutanés,
périmètres du bras et de la ceinture).
Les âges des enfants et adolescents enquêtés s’étalent entre
12 et 18 ans. L’âge moyen est de 15,19
ans (écart-type = 1,80) et ne présente pas de différence statistiques entre les
des deux sexes (t=0,46; p=0,65). La répartition des élèves examinés par genre
et par classe d’âge d’un an selon le milieu de résidence urbain ou rural est exprimée par le tableau 1.
Les enfants et adolescents relevant de milieu urbain
représentent 65,4% de l’ensemble des enfants enquêtés soit un peu plus d’un tiers
contre 34,6% qui sont issus du milieu rural.
La saisie et le traitement statistique des données ont été
réalisés à l’aide du logiciel SPSS, version 10.
L’état nutritionnel des élèves est évalué à l’aide de
l’Indice de Masse Corporelle (IMC) en rapportant le poids en Kg à la taille en
m². La valeur de l’IMC de chaque enfant a été reportée sur des courbes de
corpulence de référence française (Rolland-Cachera et al., 1991) afin de
situer sa corpulence par rapport aux références en tenant compte de son âge et
de son sexe. L’enfant sera par la suite
classé dans l’une des trois catégories de corpulence définies par les normes
françaises: insuffisance pondérale, état normal ou surpoids et obésité. Les
courbes de référence françaises, allant du 3ème au 97ème percentile, ont l’avantage de permettre
d’évaluer le déficit et l’excès pondéral.
|
Milieu
urbain |
Milieu
rural |
||
Age
(ans) |
Masculin |
Féminin |
Masculin |
Féminin |
12,5 |
66 |
81 |
31 |
39 |
13,5 |
72 |
76 |
43 |
52 |
14,5 |
72 |
84 |
43 |
52 |
15,5 |
81 |
76 |
37 |
47 |
16,5 |
83 |
92 |
36 |
43 |
17,5 |
59 |
78 |
33 |
31 |
Total |
433 |
487 |
223 |
264 |
Tableau 1. Effectif des élèves par âge et par genre selon le milieu de résidence
urbain ou rural
Table 1. Number of students by
age and gender according to place of residence urban or rural
Le niveau socio-économique et culturel des familles est
apprécié grâce à la profession des parents, leur niveau d’instruction, le type
d’habitat et le logement (tableau 2) en plus de la structure et la taille de
ménage et des moyens de transport et des équipements en mass-médias dont
dispose la famille.
Les catégories socio-économiques sont
définies suivant la classification proposée par (Orban-Segebarth et al.,
1982) qui distinguent quatre catégories socioprofessionnelles:
La première catégorie
(CSP1) comporte les grands commerçants et les professions libérales;
La deuxième catégorie
(CSP2) regroupe les fonctionnaires et les cadres;
La troisième catégorie
(CSP3) renferme les artisans, les salariés, les ouvriers, les employés, les agriculteurs, les manœuvres,
les chauffeurs de taxi et de camions, les aides commerçant et les journaliers
ou saisonniers;
La quatrième catégorie
(CSP4) des pères sans profession au moment de l’enquête.
Variable |
Catégorie |
Milieu urbain |
Milieu rural |
||
N |
% |
N |
% |
||
Profession
du père* |
CSP1 CSP2 CSP3 |
177 394 311 |
20,1 44,7 35,2 |
38 86 326 |
8,4 19,2 72,4 |
Profession
de la mère |
CSP1 CSP2 CSP3 CSP4 |
22 252 56 581 |
2,4 27,7 6,1 63,8 |
2 22 13 446 |
0,4 4,6 2,7 92,3 |
Niveau
d’instruction du père |
Analphabète Coranique /primaire Secondaire /supérieur |
116 103 663 |
13,2 11,7 75,1 |
194 104 152 |
43,1 23,1 33,8 |
Niveau
d’instruction de la mère |
Analphabète Coranique /primaire Secondaire /supérieur |
206 100 605 |
22,6 11,0 66,4 |
367 42 74 |
76,0 8,7 15,3 |
Type
d’habitat |
Villa Maison individuelle Appartement Autre |
263 470 184 3 |
28,6 51,1 20,0 0,3 |
11 258 31 187 |
2,2 53,0 6,4 38,4 |
Nature
du logement |
Propriété Location Hypothèque Autre |
804 46 21 49 |
87,4 5,0 2,3 5,3 |
426 29 12 20 |
87,4 6,0 2,5 4,1 |
Tableau 2. Quelques
caractéristiques socio-économiques et culturelles des parents d’élèves dans les
deux milieux de résidence urbain ou rural. * les pères décédés ne sont pas
comptés (N=75).
Table 2. Some socio-economic and
cultural parents in both areas of residence urban or rural.
Chez les hommes, en milieu urbain les catégories les plus représentées sont la
CSP2 et la CSP3 qui représentent respectivement presque 44,7 % et 35,2%. En
milieu rural, la CSP3 vient en tête avec un pourcentage de 72,4%. En milieu
urbain parmi les femmes actives (N =
330) les fonctionnaires et les cadres
viennent au premier rang avec 74 % et sont suivi des femmes de la CSP3
qui représentent 19, 39%. En milieu rural les femmes au foyer représentent
92,3%.
Dans l’ensemble le taux d’analphabétisme calculé est de 23,3
% chez les pères et de 41,1 % chez les mères. Selon le milieu de
résidence, chez les pères le taux
d’analphabétisme est de 13,2 % en milieu urbain et 43,1% en milieu rural. Quant
aux mères le taux d’analphabétisme est
de 22,6 % en milieu urbain et 76,0% en milieu rural. Ce qui révèle l’existence
d’une grande disparité entre le milieu urbain et le milieu rural. Ces taux sont supérieurs à ceux du recensement général
de la population et de l’habitat de 2004, estimés à 35,8% et 19,77%
respectivement chez les femmes et chez les hommes âgés de 25 ans et plus. La
présence de niveaux d’instruction du secondaire ou du supérieur est largement
observée en milieu urbain aussi bien chez les pères que chez les mères. Les
pourcentages respectifs sont 75,1% et 66,4%. Selon les résultats du recensement
de 2004, ce taux cache de grandes disparités entre le milieu urbain (32,2%) et
le milieu rural (65,5%) et entre les hommes (40,4%) et les femmes (63,2%). Son
amplitude de variation est très large puisque le taux varie de 15,3% pour les
hommes urbains à 75,1% pour les femmes rurales.
Le nombre moyen de personnes par
ménage est de 5,36 (écart-type = 1,54) en milieu urbain et de 5,84 (écart-type
= 1,92) en milieu rural.
Les familles réduites, comptant 3
personnes ou moins représentent 9,02 % (n=83) en milieu urbain et 8,3% (n=34)
en milieu rural et les familles nombreuses, formées de 7 personnes et plus,
représentent 17,94% (n=165) en milieu urbain et 27,11% (n=132) en milieu rural.
Les ménages sont majoritairement constitués de familles nucléaires avec un
pourcentage dépassant 65%.
Le tableau 3
donne la répartition des moyens de transport et les mass médias des familles en
nombre, en pourcentage et selon le milieu de résidence. Nous constatons qu’en milieu urbain 65,3% des ménages ont une
voiture et presque 37,3% des ménages profitent de la connexion internet.
Cependant en milieu rural, seul 13,8 % des ménages qui possèdent une voiture et 0,2 %
la connexion internent à la maison. Ces pourcentages sont largement
inférieurs à ceux fournis par une enquête récente réalisée par l’Agence
Nationale de la Réglementation des Télécommunications (ANRT, 2012). Selon cette
source, les ménages disposant d’un ordinateur représentent 39% et ceux équipés
en accès à internet représentent 35%.
|
|
Milieu
urbain |
Milieu
rural |
||
|
|
Effectif |
% |
Effectif |
% |
Moyen de transport familial |
Aucun |
35 |
3,5 |
277 |
56,9 |
|
Vélo |
430 |
46,7 |
60 |
12,3 |
|
Moto |
415 |
45,1 |
83 |
17 |
|
Voiture |
601 |
65,3 |
67 |
13,8 |
Mass-média |
Télévision |
920 |
100 |
487 |
100 |
|
Antenne
parabolique |
880 |
95,7 |
208 |
57,5 |
|
Ordinateur |
101 |
11 |
14 |
2,9 |
|
Connexion
internet |
343 |
37,3 |
1 |
0,2 |
Tableau
3.
Distribution des moyens de transport et des mass-médias des familles en nombre
et en pourcentage dans les deux milieux de résidence (urbain-rural)
Table
3.
Distribution of transportation and mass media families in number and percentage
in both areas of residence (urban-rural)
La plupart des
indicateurs socio-économiques et culturels et de biens matériels considérés ici
permettent de conclure la présence de disparités entre le milieu urbain et le
milieu rural. Généralement nous pouvons constater que le niveau
socio-économique des familles des élèves enquêtés est plutôt moyen à élevé.
Résultats
L’indice de Masse Corporelle dans l’ensemble et selon
le sexe
Le tableau 4 donne la
réparation des classes de l’IMC selon le sexe en référence aux courbes de
corpulence françaises 4. Il en ressort que sur l’ensemble des élèves enquêtés,
près de 84 % ont des valeurs d’IMC « normales » et 16 % présentent un problème
nutritionnel lié à l’insuffisance pondérale ou à la surcharge pondérale ou à
l’obésité. Les prévalences de l’insuffisance et de la surcharge pondérale sont
respectivement 7,2% et 9,1%.
Classe de l’IMC |
Masculin |
Féminin |
Ensemble |
|
||||||||||
|
N |
% |
N |
% |
N |
% |
|
|||||||
Insuffisance
pondérale |
95 |
14,5 |
33 |
4,4 |
128 |
9,1 |
|
|||||||
Etat
normal |
511 |
78,0 |
661 |
88,6 |
1172 |
83,7 |
|
|||||||
|
Surpoids
et obésité Total |
49 655 |
7,5 100 |
52 399 |
7,0 100 |
101 1401 |
7,2 100 |
|||||||
Tableau
4. Répartition des classes de l’IMC selon le
sexe en référence aux courbes de corpulence françaises
Table
4. Class distribution of BMI by sex in
reference to the French BMI curves
Selon le sexe, la
prévalence des problèmes nutritionnels (insuffisance pondérale, surpoids ou
obésité) est plus importante chez les garçons que chez les filles; les
prévalences respectives sont de 22,0% et 11,4%. Cette différence des
prévalences entre les deux sexes est due essentiellement à une insuffisance pondérale
plus fréquente chez les garçons qu’aux problèmes de surcharge pondérale de
fréquence presque égale pour les deux
sexes. La prévalence de l’insuffisance pondérale chez les garçons triple celle
observée chez les filles soit 14,4% contre 4,4%.
Indice de masse corporelle et fréquence de
consommation de quelques aliments
L’examen
des résultats du tableau 5 qui représente l’association entre les classes de
l’IMC et la fréquence de consommation de quelques produits alimentaires par les
élèves montre que la surcharge pondérale (surpoids et obésité) est associée
significativement avec la fréquence de consommation de Hamburgers, panini, pizzas,
frites et gâteaux par les élèves enquêtés.
|
|
Indice de
Masse Corporelle (IMC) |
χ² |
||
|
|
IP |
EN |
SO |
|
Hamburgers |
Jamais |
102(85,6) |
781(783,3) |
54(67,5) |
|
|
1 à 3
fois / semaine |
24(38,9) |
360(356,4) |
42(30,7) |
|
|
4 fois et
plus / semaine |
2(3,5) |
31(31,8) |
5(2,7) |
18,28* |
Pannini |
Jamais |
94(80,9) |
737(741,2) |
55(63,9) |
|
|
1 à 3
fois / semaine |
31(40,2) |
372(368,1) |
37(31,7) |
|
|
4 fois et
plus /semaine |
3(6,9) |
63(62,7) |
9(5,4) |
10,94* |
Pizza |
Jamais |
83(66,7) |
605(610,7) |
42(52,6) |
|
|
1 à 3
fois / semaine |
40(56,9) |
531(521,2) |
52(44,9) |
|
|
4 fois et
plus / semaine |
5(4,4) |
36(40,2) |
7(3,5) |
16,65* |
Frites |
Jamais |
45(37,0) |
335(338,8) |
25(29,2) |
|
|
1 à 3
fois / semaine |
61(65,1) |
607(596,5) |
45(51,4) |
|
|
4 fois et
plus / semaine |
22(25,9) |
230(236,7) |
31(20,4) |
9,89** |
Gâteaux |
Jamais |
20(21,7) |
189(199,1) |
29(17,2) |
|
|
1 à 3
fois / semaine |
83(75,5) |
699(691,0) |
44(59,5) |
|
|
4 fois et
plus / semaine |
25(30,8) |
284(281,9) |
28(24,3) |
15,39** |
Tableau
5. Association des classes de l’IMC et la
fréquence de consommation de quelques aliments par les élèves.
*p<0,01;**p<0,004; IP: Insuffisance pondérale; EN: Etat normal; SO:
Surpoids et obésité
Table
5. Association classes BMI and the frequency of
consumption of certain foods by students
Indice de masse corporelle et habitude de prise du
petit déjeuner
Selon
les données du tableau 6 qui représente l’association entre la fréquence du
petit déjeuner et les classes de l’Indice de Masse Corporelle (IMC).
Fréquence
du petit déjeuner |
Indice
de Masse Corporelle (IMC) |
||||
IP |
EN |
SO |
Total |
||
|
Toujours |
99(83,9) |
758(767,9) |
61(66,2) |
168 |
Parfois |
22(28,2) |
268(263,5) |
25(22,7) |
315 |
|
|
Jamais |
7(15,3) |
146(140,5) |
15(12,1) |
918 |
|
Total |
128 |
1172 |
101 |
1407 |
Tableau 6. Association IMC et Fréquence du petit
déjeuner.
IP: Insuffisance Pondérale; EN: Etat Normal; SO:
Surpoids et Obésité. Entre parenthèses: Effectifs théoriques. Chi-Carré =
10,61; 2 ddl; p<0,03
Table 6. Association of BMI and
Frequency of breakfast
Il
en ressort que La fréquence de
petit déjeuner est statistiquement associée à la corpulence des élèves
(Chi-Carré: 10,61; p<0,03), ainsi nous constatons moins d’adolescents prenant un petit déjeuner tous les jours
parmi les adolescents en surcharge pondérale, que parmi les autres adolescents.
Discussion
L’adolescence est une période de changement. Période de remise en question des valeurs
traditionnelle et parentale, c’est aussi
une période d’acculturation et d’intégration sociale. Elle est caractérisée
par de nombreux changements dans les habitudes et comportements
alimentaires et tout déséquilibre peut avoir des répercussions immédiates ou à
long terme sur la santé des jeunes. Il est également essentiel de prendre en
considération les dimensions culturelles, économiques et démographiques des
habitudes alimentaires lors de la planification et de l’élaboration de
programmes éducatifs.
La
prévalence du surpoids et de l’obésité dans le groupe d’enfants et
d’adolescents de la Wilaya de Marrakech
est de 7,2%. Cette prévalence presque se concorde avec celle donnée par
Cherkaoui Dekkaki et al. (2011) sur une population d’enfants scolarisés
de la ville de Rabat, âgés entre 7 et 14 ans.
La
situation du Maroc est différente de celle de certains pays d’Europe. En
France, une enquête de prévalence portant
sur un échantillon de 1507 collégiens (garçons: 51,6 %; filles: 48,4 %),
âgés de 11 à 17 ans, menée dans le département des Hauts-de-Seine dont les
résultats nous montrent que 17,6 % des élèves sont en surcharge pondérale
(obésité incluse); 7,7 % des filles et 10,0 % des garçons sont en surpoids; 5,5
% des filles et 11,7 % des garçons sont obèses (Souames et al., 2005).
Prado et al. (2009) indiquent qu’en Espagne elle est de l’ordre de
29 % chez les enfants âgés de 13 à 16 ans.
Ainsi
la comparaison des prévalences du surpoids et de l’obésité chez les enfants et
les adolescents entre les pays est particulièrement difficile, du fait de
différences dans les groupes d’âges étudiés, les courbes de référence utilisées
et les années de réalisation des enquêtes.
L’occidentalisation
du comportement alimentaire, qui affecte premièrement les enfants et les
adolescents du milieu urbain induit la tendance vers des repas de plus en plus
destructurés. Plusieurs types de destructuration peuvent coexister (Ghersi,
2005): la destructuration temporelle si les repas ne se produisent plus à heure
fixe; la destructuration familiale si les repas ne réunissent plus toute la
famille; la destructuration qui concerne le contenu alimentaire si les
individus mangent n’importe quoi; la destructuration saisonnière: les facteurs
temporels imposent aussi une cyclicité annuelle du comportement alimentaire, en
fonction des aliments disponibles chaque saison, du point du vue agricole et
socio-économique(de moins en moins important à cause de la globalisation) et la
destructuration complète qui correspond à un grignotage généralisé, où chaque
membre de la famille mange n’importe quoi, n’importe quand et indépendamment
des autres.
Le
petit déjeuner est le premier repas de la journée. Au réveil, les réserves
d’énergie sont au plus bas et elles doivent être reconstituées. Depuis une
dizaine d’années les études se multiplient et montrent qu’un petit déjeuner
correct permet d’assurer les apports journaliers adéquats en énergie, macro- et
micronutriments. Souvent, le déficit qualitatif et quantitatif du petit
déjeuner n’est pas compensé par les autres repas de la journée, chez les
enfants et les adolescents en particulier (Morgan et al., 1981; Louis-Sylvestre,
1997).
En France le
rapport du Programme Nutrition, prévention et santé des enfants et adolescents
en Aquitaine a montré que les élèves des lycées généraux et surtout
professionnels prennent moins souvent de petit déjeuner que les élèves de
collèges. Les garçons prennent plus souvent un petit déjeuner que les filles.
Les élèves en surpoids (obésité incluse) sont moins nombreux à prendre un petit
déjeuner tous les jours et ont plus tendance à ne pas en prendre du tout
(Benjamin, 2006). Selon diverses études, le surpoids et l’obésité sont associés
à des apports énergétiques plus faibles au petit déjeuner (Machinot et al., 1975;
Bellisle et al., 1988; Deheeger et al., 1993; Préziosi et al., 1999).
Bellisle et al.
(1988) ont rapporté dans une étude française que les enfants obèses âgés de 7 à
12 ans mangeaient moins au petit déjeuner que les enfants de corpulence normale
(15,7 % versus 19 % des apports énergétiques quotidiens) mais plus au dîner
(32,5 % versus 28,7 %). Le fait a été également décrit chez l’adulte (Mela et
al., 1999). Cependant, en France, contrairement à d’autres pays, en
particulier les États-Unis d’où proviennent de nombreuses études, le «saut» du
petit déjeuner par les enfants et les adolescents reste rare: il concerne moins
de 10 % d’entre eux (Préziosi et al., 1996; Préziosi et al., 1999).
Conclusion
Les
observations faites par cette étude offrent ainsi quelques pistes pour des
actions de prévention et de promotion de la santé pertinents bien ciblés et
peuvent être plus efficaces. Compte tenu de l’importance que revêt la qualité
de l’alimentation dans la prévention des maladies chroniques ultérieure. Il
conviendrait d’envisager des actions d’éducation nutritionnelle visant à
souligner l’importance du petit déjeuner, des dix-, à améliorer la qualité
nutritionnelle des collations, à favoriser la consommation de fruits et de
légumes, à encourager la consommation de produits laitiers, notamment auprès du
public n’en consommant pas du tout et à encourager la consommation de
boissons « santé » (eau, lait, jus de fruits). Mais, partant de
constatations empiriques, d’autres approches ont été suggérées, soit notamment
l’action de prévention centrée sur trois lieux d’accès à la nourriture qu’ont les adolescents, à
savoir l’armoire de la cuisine et le réfrigérateur, le repas de midi à l’école,
les distributeurs automatiques surtout
dans les écoles privés.
Remerciements. Nous tenons à
remercier très vivement tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la
réalisation de ce travail, particulièrement les directeurs, les professeurs et
les élèves ainsi que la Direction de l’Académie Régionale de l’Education et de
la Formation de la Région Marrakech Tensift-Al Haouz.
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