Rebgui, H., Soulaymani-Bencheikh, R., Hami, H., Ouammi,
L., Hadrya, F., Soulaymani, A., Mokhtari, A., 2013. Les déterminants des
intoxications par les plantes. Cas de la région de Fès-Boulemane, Maroc.
Antropo, 30, 71-78. www.didac.ehu.es/antropo
Les déterminants des intoxications par les plantes. Cas de la
région de Fès-Boulemane, Maroc
Causes of plant poisoning.
Case of the region of Fez-Boulemane, Morocco
H. Rebgui1, R. Soulaymani-Bencheikh 2, 3, H. Hami1,
L. Ouammi2, F. Hadrya1, A. Soulaymani1, A.
Mokhtari1
1 Laboratoire de Génétique
et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kenitra, Maroc
2 Centre Anti
Poison et de Pharmacovigilance du Maroc, Rabat, Maroc.
3 Faculté de Médecine et de Pharmacie, Université
Mohammed V, Rabat, Maroc.
Auteur correspondant: Rebgui Hajar
(rebgui.hajar@gmail.com)
Mots-clés: Intoxication, Plante,
Epidémiologie, Etude rétrospective, Fès-Boulemane.
Keywords: Poisoning,
Plant, Epidemiology, Retrospective study, Fez-Boulemane region.
Résumé
Dans le but de réduire la morbidité et la
mortalité résultant des intoxications par les plantes, nous avons décrit les
caractéristiques épidémiologiques et cliniques qui leur sont associées et avons
déterminé les facteurs de risque. A cet effet, nous avons mené une étude
rétrospective descriptive de 241 cas d’intoxication notifiés, entre 1980 et
2007, dans la région de Fès-Boulemane, auprès du Centre Anti Poison du Maroc.
D’après les résultats obtenus, l’âge moyen des victimes était de 17 ans. La
tranche d’âge la plus touchée était celle des enfants de 5 à 14 ans (44,2%). L’exposition était la même chez les
deux sexes (Sex-Ratio=1). Les plus rencontrées étaient les intoxications
accidentelles, avec 72,5%. Les tentatives suicidaires avaient représenté 83,3%
des intoxications volontaires. La majorité des cas intoxiqués avaient présenté
des affections du sytème gastro-intestinal. L’évolution était favorable pour 127
cas (78,9%) et 31 cas avaient perdu la vie; la létalité était de 19,3%. Suite à
l’analyse du risque relatif, (Moins de 15 ans / Plus de 15 ans) et l’origine de
l’intoxiqué (Urbain / Rural) auraient influencé sur le pronostic vital. Le
risque relatif étant, respectivement, de 2,25 (CI95%: 1,28-3,95) et 3,72 (CI95%: 1,70-8,13).
Abstract
In
order to reduce the
morbidity and mortality resulting from poisonings by plants, we
have described epidemiological and clinical
characteristics which they are associated and we have identified risk factors.
To this end, we have conducted a descriptive retrospective study of 241
cases of poisoning reported
between 1980 and 2007 in Fez-Boulemane region, to Moroccan Poison
Control Center. According to results, average age of victims was 17 years. Most affected age group was that of children
aged 5 to 14 years (44,2%).
Exposure was the same for both sexes (Sex-Ratio = 1). Most accidental poisonings were encountered, with 72,5%.
Suicidal attempts had accounted for 83, 3% of
voluntary self-poisonings. Majority of poisoned cases
were presented disorders
of the gastrointestinal tract. Evolution was favorable for 127 cases (78, 9%),
and 31 cases had died, fatality rate was 19,3%. Following the analysis of relative risk, (Less than 15 years /
More than 15 years) and origin of
intoxicated (Urban / Rural) would have influenced the prognosis. The
relative risk is, respectively, 2,
25 (with a 95% CI of 1, 28 and 3, 95) and 3,72 ( with a 95% CI of 1,70 and 8,13).
Introduction
Au Maroc, les conditions écologiques
hétérogènes favorisent la prolifération de plus de 42.000 espèces, appartenant
à 150 familles et 940 genres (Jahandiez, 2003).
L’utilisation - pour des fins alimentaires, curatives ou esthétiques - de
certaines plantes éventuellement toxiques, ou du moins une partie
(graine, tige, …), peut induire de sérieuses intoxications, voire mortelle. Ces
intoxications constituent un accident fréquent dans la plupart des régions du
Monde. Leur fréquence était estimée à 1,5% en France, 5,0% en Belgique, 6,5% en
Italie, 7,2% en Suisse et 6,0% en Turquie, selon des études rétrospectives de
ces vingt dernières années (Oztekin-Mat, 1994).
Aux Etats-Unis, entre 1985 et 1994, ce type
d’intoxication occupait le quatrième rang, après les produits médicamenteux,
les produits d’entretien ménagers et les produits cosmétiques (Kenzelok, 1997).
Les enfants sont les plus touchés car ils sont
attirés par les baies colorées et les plantes
d’appartement laissées à leur portée. Assurément, d’après (Rjasperson-Schib et al. 1996), 85% des cas surviennent
chez des enfants de moins de 11 ans. Les autres cas, classés comme des
classiques d’empoisonnement, correspondent aux promeneurs et botanistes
amateurs qui confondent telle feuille, telle baie ou telle racine d’une plante
avec une variété comestible (Rjasperson-Schib, 1996).
Dans le cadre de l’amélioration du
système de surveillance - instauré par le Centre Anti Poison et de
Pharmacovigilance du Maroc - et la diminution de la morbi-mortalité due aux
intoxications par les plantes, la présente étude
consiste à tracer le profil épidémiologique et clinique de ces intoxications et
à déterminer les facteurs influents sur l’évolution des patients de la région
marocaine de Fès-Boulemane.
Données et méthodes
La région de Fès-Boulemane est limitée, au Nord
par la région de Taza- Al-Hoceima Taounate, à l'Est et au Sud par la région de
l'Oriental, au Sud-Ouest par la région de Meknès- Tafilalet et au Nord-Ouest
par la région du Gharb- Chrarda- Beni Hssen (Alaoui et al. 2000) (Figure 1). Elle
s’étend sur une superficie de 20,318 km², répartie en 4 provinces: Fès, Sefrou,
Boulemane et Zouagha Moulay Yacoub Elle comprend 15 communes urbaines et 48
communes rurales, et elle compte près de 1.573.055 habitants; la population
urbaine en représente 69% et le monde rural 31%, d’après le Recensement Général
de la Population et de l’Habitat (2004).
Il s’agit d’une étude rétrospective d’une série
de cas d’intoxication par les plantes survenus au niveau de la région d’étude
et déclarés sur une durée de vingt-huit ans, allant de janvier 1980 à décembre
2008, au Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM).
Une base de données sur laquelle sont saisies
les fiches de tous les cas intoxiqués et hospitalisés dans des structures
sanitaires de la région durant la période de l’étude, a été établie. La fiche
est remplie par le médecin en charge du patient ou, à défaut, par l’infirmier,
et transmise instantanément et systématiquement au CAPM
Les données analysées ont concerné 214 cas
d’intoxication. La méthodologie adoptée s’est basée sur une description de
l’échantillon étudié. Pour ce faire, cette dernière a été conduite sur les
caractéristiques du cas intoxiqué (sexe, âge), les caractéristiques du toxique
(famille de produits) et les caractéristiques de l’intoxication (origine, type
d’intoxication, circonstance, symptomatologie, traitement, gradation et
évolution). L’évaluation de la gravité a été effectuée grâce à une
classification internationale: poisoning severity score (Person et al, 1998). Le test khi-deux (χ²)
a été utilisé pour comparer des effectifs en vue de déduire la signification
entre des modalités et des variables. Le risque relatif (RR) a été calculé pour
quantifier la liaison entre ces variables et l’évolution des patients.
Figure 1. Situation géographique de la région de Fès-Boulemane, Maroc.
Figure 1. Geographical position
of Fes-Boulemane region, Morocco.
Résultats
Profil
épidémiologique et clinique des cas d’intoxication par les plantes apparues
dans la région de Fès-Boulemane
Caractéristiques épidémiologiques des cas d’intoxication enregistrés
Nous avons analysé 241 cas d’intoxication par les plantes collectés durant vingt-huit ans. D’après les résultats de l’analyse des données, la province de Fès avait déclaré le plus grand nombre de cas d’intoxication, soit 92,9% des cas. La tranche d’âge la plus exposée était celle des enfants (5 – 14 ans), avec 44,2% des cas, suivie par celle des adultes (20 – 74 ans) avec 32,5% des cas, des bébés marcheurs (1 – 4 ans) avec 12,6% des cas et des adolescents (15 – 19 ans) avec 9,5% des cas. L’âge moyen des cas intoxiqués était de 16,73±13,33 ans. Le sex-ratio (Hommes/Femmes) était toutefois de 1. Presque les trois quarts des intoxications étaient accidentelles. La recrudescence des intoxications par les plantes était au cours des périodes chaudes (le printemps dans 32,5% des cas, et l’été dans 29,6% des cas). Cette recrudescence pourrait être liée à la période d’abondance et de floraison de la végétation. Le grade 2 (correspondant à la gravité modérée) était observé chez 65 cas et des complications (grade 3 = gravité sévère) avaient apparu chez 24 cas. L’évolution est connue pour 161 cas. Elle était favorable pour 127 cas (78,9%) dont trois cas avaient présenté des séquelles, mais défavorable pour 31 cas (19,3%).
Les principales variables
épidémiologiques sont décrites au niveau du tableau 1.
Variable |
Globale |
Evolution |
Létalité
spécifique |
||
Effectif |
% |
Guérison |
Décès |
|
|
Tranches
d’âge |
|
|
|
|
|
nouveau
né Nourrisson |
1 3 |
0,4 1,3 |
1 3 |
- - |
- - |
Bébé marcheur |
29 |
12,6 |
11 |
2 |
0,0689 |
Enfant |
102 |
44,2 |
54 |
19 |
0,1862 |
Adolescent |
22 |
9,5 |
11 |
4 |
0,1818 |
Adulte |
75 |
32,5 |
94 |
1 |
0,0133 |
Personne âgée |
0 |
0 |
- |
- |
- |
Sexe |
|
|
|
|
|
Masculin |
118 |
50,0 |
59 |
16 |
0,1355 |
Féminin |
118 |
50,0 |
70 |
15 |
0,1271 |
Origine |
|
|
|
|
|
Urbain |
78 |
66,1 |
56 |
8 |
0,
1025 |
Rural |
40 |
33,9 |
28 |
8 |
0,2000 |
Circonstance |
|
|
|
|
|
Accidentelle |
158 |
72,5 |
76 |
27 |
0,1708 |
Volontaire |
60 |
27,5 |
39 |
4 |
0,0666 |
Type
d’intoxication |
|
|
|
|
|
Isolée |
175 |
72,6 |
101 |
22 |
0,1257 |
Collective |
66 |
27,4 |
29 |
9 |
0,1363 |
Clinique Asymptomatique Symptomatique |
74 167 |
30,7 69,3 |
48 82 |
9 22 |
0,1216 0,1317 |
Gradation |
|
|
|
|
|
Grade
0 (Néant) |
33 |
19,9 |
28 |
- |
- |
Grade1
(Mineur) |
13 |
7,8 |
11 |
- |
- |
Grade2
(Modéré) |
65 |
39,2 |
30 |
- |
- |
Grade3
(Sévère) |
24 |
14,5 |
4 |
- |
- |
Grade4
(Fatal) |
31 |
18,7 |
- |
31 |
1 |
Tableau 1. Description
des caractéristiques épidémiologiques de la population étudiée.
Table 1.
Description of epidemiologic characteristics of the study population.
Figure 2. Distribution des cas
d’intoxication et de décès selon la saison.
Figure 2. distribution of poisoning and
death according to the season.
Le tableau 2 décrit la répartition des cas
d’intoxication, des cas de décès et la létalité spécifique selon la plante en
cause. Les trois premières plantes qui avaient causé le plus de cas
d’intoxication sont les Atractylis gummifera L., Datura stramonium L., Mandragora officinarum, avec
respectivement 112, 12 et 10
cas. Atractylis gummifera L., Citrullus colocynthis L., Euphorbia balsamifera Aiton va étaient
cependant les seules causes de décès, avec respectivement 27, 2 et 1 décès. Citrullus colocynthis L. avait présenté
la létalité la plus haute (50%).
Nom
scientifique de la plante suspectée (nom
commun) |
Nombre
de cas d’intoxication |
Nombre
de décès |
Létalité
spécifique (%) |
Atractylis
gummifera L.
(Chardon à glu) Datura
stramonium L. (datura
stramoine) Mandragora officinarum (mandragore) Peganum
harmala (Harmel) Lupinus divers (Lupins) Citrullus
colocynthis L. (Coloquinte) Euphorbia balsamifera Aiton va Calotropis procéra (Krank) Papaver rhoeas (Pavot) Ricinus communis (Ricin) Nombre total |
112 12 10 9 8 4 3 3 3 3 241 |
27 - - - - 2 1 - - - 31 |
24,1 - - - - 50,0 33,3 - - - 12,9 |
Tableau 2. Distribution
des cas d’intoxication, de décès et la létalité spécifique selon la plante
suspectée.
Table
2. Distribution of poisoning, death and lethality
according to specific plant suspected.
Caractéristiques cliniques des cas d’intoxication enregistrés
Les systèmes vitaux
touchés par les plantes "toxiques" étaient essentiellement le système nerveux central et périphérique (104 cas), le sytème
gastro-intestinal (94 cas), les troubles de l’état général (42
cas) et l’appareil
respiratoire (21 cas) (tableau
3).
Nb
de cas (%) |
|
Troubles du système nerveux
central et périphérique |
104( 32,9) |
Affections du sytème
gastro-intestinal |
94(29,7) |
Troubles de l’état général |
42(13,3) |
Affections de l’appareil
respiratoire |
21(6,6) |
Affections de l’appareil
cardio-vasculaire général |
18(5,7) |
Troubles psychiatriques |
13(4,1) |
Affections de la peau et ses
annexes |
11(3,5) |
Troubles de l’appareil visuel |
9(2,8) |
Troubles de l’appareil
urinaire Total |
4(1,4) *316(100) |
Tableau 3. Répartition des
cas d’intoxication selon les signes cliniques.
* Le nombre total des effets manifestés dépasse le nombre total de cas d'intoxication,
car, certains patients avaient exprimé
plusieurs symptômes.
Table
3. Distribution
of cases of poisoning according
to clinical signs.
Facteurs influençant le pronostic vital des
patients
Le χ2 d’indépendance et le
risque relatif sont calculés pour dégager les facteurs de risque qui auraient affectés
l’évolution de l’état de santé des patients intoxiqués, dans notre série. Il
reflète l’effet relativement à la fréquence de base de l’événement. Le but
d’une mesure relative est de réaliser un ajustement sur la valeur initiale et
donc d’obtenir une mesure indépendante de cette-ci.
Les résultats consignés sur le tableau 2
concernent uniquement les caractéristiques qui révélés un effet significatif
d’une modalité par rapport aux autres pour les différentes caractéristiques
étudiées.
A la lumière du tableau ci-dessus, l’origine et
l’âge du patient étaient des facteurs de risque associés au décès. Ainsi, les
patients d’origine rurale étaient trois fois plus exposés au décès qu’aux
patients d’origine urbaine. Les enfants étaient deux fois plus exposés au décès
qu’aux adultes.
Variable |
Nombre
de guéris |
Nombre
de décès |
χ² |
p |
RR |
IC 95% |
Origine |
|
|
||||
Rural |
28 |
8 |
12,43 |
0,002 (TS) |
3,72 |
1,70-8,13 |
Urbain |
56 |
8 |
||||
Sexe |
|
|
||||
Masculin |
59 |
16 |
3,39 |
0,083 (NS) |
1,63 |
0,96-2,76 |
Féminin |
70 |
15 |
||||
Age |
|
|
||||
Enfant |
650 |
34 |
8,45 |
0,005 (TS) |
2,25 |
1,28-3,95 |
Adulte |
862 |
20 |
||||
Type d’intoxication |
|
|
||||
Collective |
29 |
9 |
0,28 |
0,58 (NS) |
1,19 |
0,61-2,34 |
Isolée |
101 |
22 |
||||
Circonstances |
|
|
||||
Accidentelles |
76 |
27 |
1,56 |
0,24 (NS) |
0,67 |
0,35-1,26 |
Volontaire |
39 |
4 |
||||
Etat clinique |
|
|
||||
Symptomatique |
82 |
22 |
0,51 |
0,56 (NS) |
0,80 |
0,45-1,44 |
Asymptomatique |
48 |
9 |
Tableau 4. Facteurs de
sévérité agissant sur l’évolution des patients.
RR: Risque
relatif - IC 95 %: Intervalle de confiance à 95 % - p ≥ 0,05:
liaison non significative - 0,01 ≤ p < 0,05: liaison significative
(5%) - 0,001 ≤ p < 0,01: liaison très significative (1 %) -
p<0,001: liaison hautement significative (0,1%).
Table 4. Severity factors affecting patient outcome.
Discussion
Les plantes sont principalement utilisées pour leurs propriétés
nutritionnelles et thérapeutiques, cependant, certaines variétés peuvent
présenter un risque sur la santé de l’homme.
Les plantes constituent la cinquième cause de
morbidité à travers le monde (Bagnis et
al. 2004). Selon le rapport annuel 2003 de l'Association
américaine des centres antipoison, les plantes sont à
l'origine de 3,2% de toutes les
intoxications aux États-Unis d'Amérique.
Une étude a été menée dans le centre antipoison de Strasbourg entre
1989 et 2003, il a révélé 4808 intoxications par
les plantes, comptant pour 5% de
tous les cas enregistrés (Flesch,
2005). Selon les résultats obtenus, l’intoxication par les
plantes avait majoritairement affecté les enfants dont l’âge est inférieur à 15
ans. Ces
résultats opposent ceux enregistrés en France (Jouglard et al. 1978) et au Canada Bulletin de toxicologie Québec, 2007.
Dans les pays développés, contrairement au Maroc, l’incidence des intoxications
par les plantes serait en baisse en raison de la meilleure sensibilisation de
la population face aux méfaits des plantes et à la prise de conscience des
risques chez les adultes.
Dans notre série, les déclarations des cas d’intoxication étaient en hausse
dans les zones rurales et pendant les
périodes chaudes de l’année favorisant l’abondance et la
floraison des plantes. Ceci concorde avec les
résultats trouvés par (Charnot, 1945; Soulaymani et al. 2006).
La majorité des patients avaient montré des troubles digestifs et neurologiques. Des résultats similaires ont été rapportés par Hami et al. (2011). Suivant Masri et al. (2009), les symptômes d’intoxication par Atractylis gummifera, communément appelé le chardon à glu, sont principalement des diarrhées, des vomissements, des douleurs et des ballonnements abdominaux. Les formes les plus graves sont identifiées comme des troubles neurologiques (coma profond), des troubles de la thermorégulation (hypothermie initiale), des troubles cardio-vasculaires (accélération du rythme cardiaque, pression artérielle irrégulière et borne collapsus), des troubles respiratoires, une insuffisance hépatique sévère et une insuffisance rénale. Dans notre étude, Atractylis gummifera était responsable de 68% des cas d'intoxication et a causé 30 décès dans la zone couverte par cette étude.
La grande majorité des
intoxications par les plantes étaient isolées. De nombreux cas sporadiques ont été signalés au niveau du bassin méditerranéen, notamment
à l’échelle nationale (Hami et al. 2011),
en Tunisie (Hamouda et al. 2004), en Grèce (Kairis et al.1996), en Italie (Santi
et al. 1955) et en Espagne (Salas et al. 1985).
Les cas de décès étaient généralement associés à
Atractylis gummifera,
avec un taux de létalité spécifique de 24,1%. Ceci corrobore ce qui a été
découvert dans l’est de l’Algérie, où la létalité de cette plante est de 17,5%
(Bouzidi et al. 2001). Dans la
médecine traditionnelle, le chardon à glu est utilisé sous la forme séchée pour une application locale en cas de syphilis, furoncle et abcès, ainsi que sous la forme de fines herbes, comme diurétique, purgatif, antipyrétique, avortée
et émétique (Chardon et al, 1964; Skalli
et al., 2002). Toutes les parties de la plante contiennent des composés toxiques, mais à
de faibles concentrations, de la racine à la feuille, et entre les deux, grâce
à la tige, les bractées, la fleur et la graine (Benkirane et al. 1994). Les composés toxiques, formés par l’actractyloside
(l’atractylate de potassium) et le carboxyatractyloside (la gummiferine), sont
des inhibiteurs de la phosphorylation oxydative, agissant comme des antagonistes
de la production d'ATP à partir d'ADP, à travers la membrane mitochondriale. Ainsi, une consommation accrue du glucose et une inhibition de la genèse du glycogène peuvent avoir lieu (Masri
et al. 2009). La fréquence élevée des empoisonnements
chez les enfants s'explique par la similitude des Atractylis gummifera à des plantes comestibles tels l’artichaut sauvage (Cynara humilis), le
baromètre ou la carline des Alpes à tige courte (Carlina acaulis),
et le chardon de l'Espagne ou l’épine
jaune (Scolymus
hispanicus) (Megueddem et al. 2002; Bellakhdar et al. 1997). Aux
Etats-Unis, dans une étude rétrospective incluant plus de 900.000 cas sur 10
ans, les dix genres les plus fréquemment incriminés étaient Philodendron,
Dieffenbachia, Euphorbia, Capsicum, Ilex, Crassula, Ficus, Toxicodendron,
Phytolacca et Schefflera,
pour lesquels aucun décès n’avait été rapporté (Kenzelok et al. 1997).
La variété Euphorbia balsamifera Aiton va était la plante la plus létale dans la région de Fès-Boulemane. Partout au Maroc, la résine de l'euphorbe est utilisée comme révulsif, en combinaison avec le canal de résine (la résinifératoxine), pour des applications locales, pétrie avec de la farine ou de la semoule et du blanc d'œuf, dans le traitement des rhumatismes et de la paralysie, ainsi que dans la prise en charge des piqûres et morsures venimeuses (Bellakhdar et al. 1997). La Résinifératoxine est un puissant irritant diterpène présent dans le latex de la plante, elle réduit les douleurs des dents, en interagissant avec un site spécifique de reconnaissance de la membrane (le récepteur vanilloïde) (Appendino et al. 1997). Le latex de cette plante, fraîche ou séchée, est un produit dangereux. Les intoxications accidentelles se produisent surtout chez les collectionneurs de résine et chez des personnes qui ont utilisé la résine comme un médicament ou un traitement abortif. L'ingestion de 0,5 g de la résine peut provoquer une inflammation grave des muqueuses du tractus digestif gastro-entérite. À des doses plus élevées, la substance peut aboutir à une inflammation digestive généralisée avec des ulcères gastro-intestinaux, de l'arythmie, des convulsions, une hématurie et, dans des cas très graves, la mort par asphyxie (Bellakhdar et al. 1997). Des études de toxicité ont été effectués sur Citrullus colocynthis plante utilisée dans le système traditionnel de la médecine arabe. Lors des essais de toxicité aiguë sur un groupe d’animaux, ils ont constaté que la plante provoque des changements morphologiques externes, une toxicité viscérale, des modifications hématologiques, et la dysfonction spermatogenèse, en plus des effets sur le poids corporel et le poids moyens des organes vitaux, ont été enregistrés (Shah et al. 2006).
Dans 78,9% des cas, l’évolution était favorable,
tandis que dans 19,3% des cas, des morts avaient apparu. Sur le plan
international, le taux de décès est largement inférieur. En effet, le réseau de
Toxicovigilance de Lille, en France, avait déclaré moins de 1% de cas de décès
relatif aux plantes (Mathieu Nolf et al.
2005).
Le taux de décès dans la région de
Fès-Boulemane, n’étant pas négligeable, doit être pris en considération par les
autorités. Des recommandations doivent être élaborées, quant à la conduite à tenir
face aux plantes toxiques. Et, les citoyens doivent recevoir une meilleure
sensibilisation sur les dangers et les risques de la consommation de ces
plantes, ce afin de diminuer le taux de morbi-mortalité dans la région de
Fès-Boulemane.
Références
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Chaddad. El Haouli M. Klikim et al,
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