Coulibaly, S. K., Hami, H., Hmimou, R., Mokhtari, A.,
Soulaymani, R., Maiga, A., Soulaymani, A., 2013.
Les envenimations
ophidiennes dans la région de Koulikoro au Mali. Antropo, 29, 41-47. www.didac.ehu.es/antropo
Les envenimations
ophidiennes dans la région de Koulikoro au Mali
The
ophidian’s envenomations in the Koulikoro region, Mali
S.
K. Coulibaly1,2, H. Hami2, R. Hmimou2, A. Mokhtari2,
R. Soulaymani3,4, A. Maiga1, A. Soulaymani2
1 Faculté de
Médecine et d’Odontostomatologie, Université des Sciences, des Techniques et
des Technologies de Bamako, Mali
2 Laboratoire
de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra,
Maroc
3 Centre Anti-Poison et de
Pharmacovigilance du Maroc, Rabat, Maroc
4 Faculté de
Médecine et de Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat, Maroc
Correspondance: Sanou Khô
COULIBALY, Doctorant en Toxicologie, Laboratoire de Génétique et Biométrie,
Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc. Email: sanoucoul@yahoo.fr. GSM: (00223) 66 69 66
44
Mots-clés: Morsures de
serpents, Envenimation, Sérothérapie, Koulikoro, Mali.
Key
works: snakes bites, embittering, serotherapy, Koulikoro,
Mali.
Résume
Cette étude rétrospective a consisté en
une analyse de tous les cas de morsures de serpents enregistrés entre Janvier
2008 et Décembre 2009 dans la région de Koulikoro au Mali. L’objectif était de
décrire les caractéristiques épidémiologiques, diagnostiques, thérapeutiques et
évolutives des morsures de serpents. Durant cette période, 284 cas de morsures
de serpents ont été enregistrés soit une moyenne de 28,4 cas/an. Le sexe
masculin était le plus touché avec 68% des cas (sex-ratio H/F = 2) et l’âge
moyen des patients était de 37±15 ans. Les adultes de 15 ans et plus ont
représenté 91,9% des cas. Les victimes ont été mordues aux membres inferieurs
dans 68,8% des cas et au cours des activités agricoles dans 52,9% des cas. Le
délai moyen de consultation était de 11±16 heures. Les vipéridés étaient
responsables de 89% des cas de morsures. Les principaux signes cliniques
observés étaient l’œdème, les signes digestifs, neurologiques et
hématologiques. Le taux d’envenimation a été de 81,7%. Dans l’ensemble, 84,4%
des victimes ont reçu un traitement traditionnel et 45,4% ont pu bénéficier
d’une sérothérapie antivenimeuse polyvalente. Parmi les 254 cas pour lesquels
l’évolution était connue, 40 sont décédés. Le taux de létalité
était de 14,08%.
Abstract
This
retrospective study consisted of an analysis of all the cases of snakes bites
recorded form January 2008 to December 2009 in the Koulikoro region of Mali.
The objective was to describe the epidemiological, diagnostic, therapeutic and
progressive characteristics of snakes bites. During this period, 284 cases of snakes
bites have been recorded worth an average of 28.4 cases/year. The male sex was
the most concerned with 68% of cases (sex-ratio H/F = 2) and the average age of
Patients was from 37 to 15. Adults of 15 years and over have represented 91.9%
of cases. The victims have been bitten on lower limb in 68.8% of cases and
during farming activities in 52.9% of cases. The average period of consultation
was from 11 to 16 hours. Vipers were responsible of 89% of cases of bites. The
main clinical signs observed, were aedema, digestive, neurological and,
hematological signs. The embittering rate has been 81.7%. In the whole, 84.4%
of victims have received a traditional treatment and 45.4% have benefited a
polyvalent antivenin serotherapy. Among the 254 cases for which the evolution
was recognized, 40 deceased. The lethality rate was 15.08%.
Introduction
Les envenimations par morsures de
serpents constituent une urgence médico-chirurgicale et une véritable
préoccupation pour le personnel soignant, surtout dans les pays tropicaux où
leur fréquence est particulièrement élevée. Les caractéristiques
épidémiologiques essentielles (incidence, gravité, létalité, population à
risque, saisonnalité, espèces responsables) des accidents par animaux venimeux
permettraient, si elles étaient mieux appréhendées, d’assurer une meilleure
prise en charge thérapeutique (Chippaux et Goyffon, 2006).
L’incidence annuelle de ces morsures de
serpents dépasse six millions dans le monde (El Koraichi et al., 2011; Arfaoui
et al., 2009). L’Afrique vient en première position avec 1 100 000
morsures; 600 000 envenimations; 25 000 décès pour une population de
800 000 000. L’Asie occupe la deuxième place avec une incidence de
133 pour 100 000 habitants par an, suivis de l’Amérique Latine et du
Proche Orient (Chippaux, 2005 et 2008; Guyavarch
et Chippaux, 2005).
Des études faites par Dabo et al. (2002)
dans le centre de santé de Bancoumana (situé au sud du Mali) ont montré 17 cas
de morsure de serpent parmi lesquels 3 sont décédés. Les serpents incriminés
étaient les vipéridés et élapidés. Certaines activités telles les excursions,
les travaux champêtres, la chasse constituent un facteur de rencontre accidentelle
avec ces animaux (Chippaux, 2008; Chafiq et al., 2008). L’objectif spécifique de
cette étude était de décrire les caractéristiques des morsures de serpent dans la
région de Koulikoro au Mali et d’élucider les facteurs de risque susceptibles
de mettre en jeu le pronostic vital des envenimés. L’objectif général étant la
contribution à la mise en place d’une conduite à tenir adéquate devant cette
problématique en tenant compte des spécificités du pays pour diminuer la
morbidité et la mortalité.
Méthodologie
Une étude rétrospective des dossiers des
patients ayant consulté pour une morsure ou référés pour
envenimation par morsure de serpent entre Janvier 2008 et Décembre 2009.
L’identification de l’espèce était basée sur l’aveu du patient ou de
l’entourage présent sur le lieu de l’accident en plus de la symptomatologie
clinique décelée par le médecin en faveur d’une des familles (Vipéridés ou
Elapidés) largement répandues au Mali et/ou la présence du serpent abattu.
Ont été inclus dans cette étude, 284
patients admis pour morsure de serpent. L’analyse statistique s’est basée sur
les caractéristiques épidémiologiques concernant le patient (profession, sexe,
âge, poids…); les caractéristiques liées à la morsure (délai d’admission à une
structure sanitaire après la morsure…) et les caractéristiques cliniques et
thérapeutiques. L’étude des facteurs de risque mettant en jeu le pronostic
vital, s’est basée sur une analyse de variance à un facteur pour les variables
quantitatives (âge, poids) et le calcul de Khi-deux de contingence et du risque
relatif pour les autres facteurs variables.
Cadre d’etude
Cette étude a été réalisée à Koulikoro,
la deuxième région administrative du Mali, située à 60 kilomètres de la
capitale (Bamako). Elle couvre une superficie de 90 120 Km2 avec
une population de 2 418 305 habitants (Ministère de l’administration territoriale,
2009). Elle est composée, en plus du chef lieu de région, de six préfectures ou
cercles: Kati, Kolokani, Kangaba, Banamba, Nara et Dioila (Figures 1 et 2);
dotés chacun d’un centre de référence et des centres de santé communautaire.
Figure
1. Répartition
géographique des préfectures de la région de Koulikoro. Photo wikimedia.com. Ministère de
l’Administration Territoriale et des Collectivités Locale.
Figure 1. Geographical distribution of prefectures in the
Koulikoro region. Photo Wikimedia.com. Ministry of territorial administration
and local communities.
Figure 2.
les
préfectures de la région de Koulikoro. Photo cartographie des communes rurales
de la République du Mali, mission de décentralisation.
Figure 2. The
prefectures of Koulikoro region. Photo mapping rural communes of the Republic
of Mali, decentralization mission.
Résultats
Les paramètres concernant les
caractéristiques des patients, le délai d’admission et l’espèce en cause en
fonction du pronostic vital sont consignés dans le tableau 1.
|
Pronostic vital |
|
||||
|
Guérison |
Décès |
|
|||
|
n |
Moy±E-type ou % |
Moy±E-type ou % |
Moy±E-type ou % |
Test statistique |
P ou [IC 95%] |
Age |
284 |
37,03 ±
15,92 |
37,06 ±
15,40 |
33,80 ±
17,48 |
F = 1,45 |
0,23 |
Poids |
284 |
60,97 ±
10,10 |
61,85 ±
9,72 |
55,98 ±
11,51 |
F = 11,60 |
<0,001* |
Délai de consultation |
275 |
11,22 ± 9,21 |
8,04 ± 3,74 |
28,54 ± 22,98 |
F = 64,38 |
<0,001* |
Sexe |
|
|
|
|
|
|
Masculin |
193 |
68% |
84,7% |
15,3% |
|
|
Féminin |
91 |
32% |
83,7% |
16,3% |
RR=1,07 |
[0,52-2,20] |
Classes d’âge |
|
|
|
|
|
|
< 15 ans |
23 |
8,1% |
77,3% |
22,7% |
|
|
≥ 15 ans |
261 |
91,9% |
85% |
15% |
RR =
1,67 |
[0,50-4,83] |
Siège de la morsure |
|
|
|
|
|
|
Membres supérieurs |
80 |
31,2% |
82,3% |
17,7% |
RR =
1,30 |
[0,64-2,66] |
Membres inférieurs |
176 |
68,8% |
85,8% |
14,2% |
|
|
Familles en cause |
|
|
|
|
|
|
Vipéridés |
|
|
|
|
|
|
Bitis arietans |
40 |
19,32% |
82,5% |
17,5% |
|
|
Echis ocellatus |
145 |
70,05% |
90,1% |
19,8% |
X22ddl
=
1,01 |
0,60 |
Elapidés |
|
|
|
|
|
|
Naja nigricollis |
21 |
10,15% |
80,5% |
19,5% |
|
|
Naja katiensis |
1 |
0,48% |
|
100% |
|
|
Tableau
1. Distribution
des patients en fonction du pronostic vital. F: Test de Fischer; RR: Risque
Relatif; X2: Khi-deux; ddl: Degré de liberté; IC 95%:
Intervalle de confiance; *: Différence hautement significative.
Table 1. Distribution of
patients according to prognosis
Ces résultats obtenus ont montré que sur les
284 patients mordus, 68% étaient de sexe masculin. Le sex-ratio (H/F) est de 2.
L’âge des victimes variait de 4 à 89 ans avec une moyenne de 37±15 ans. Le
délai d’admission variait de quelques heures à 7 jours, avec une moyenne de 11,22±9,21
heures. Il est lié significativement à l’évolution du patient (P<0,001).
Selon les données, plus le poids est faible, plus le risque de décès est élevé
(F = 11,60; P<0,001) et plus le délai de consultation est long, plus le
risque de décès est majeur (F = 64,38; P<0,001).
Dans notre étude, 68,8% des victimes ont
été mordues aux membres inférieurs et dans 90% des cas, les morsures étaient
attribuées aux vipéridés.
Le tableau 2 montrant la distribution des
patients en fonction de l’occupation au moment de la morsure.
Occupation |
n (%) |
A domicile |
6 (2,1) |
Chasse |
14 (4,9) |
Commerce |
12 (4,2) |
Cueillette |
74 (26,1) |
En dormant |
1 (0,4) |
Ménage |
4 (1,4) |
Pêche |
1 (0,4) |
Promenade |
65 (22,9) |
Berger |
2 (0,7) |
Travaux champêtres |
76 (26,8) |
Travaux domestiques |
1 (0,4) |
Travaux pratiques |
28 (9,9) |
Total |
284 (100,0) |
Tableau
2. Distribution
des victimes en fonction de l’occupation au moment de la morsure
Table 2. Distribution of
victims according to occupation at the time of bite
Selon les résultats de cette étude, il
apparaît que les personnes en activités agricoles respectivement travaux
champêtres et cueillette (26,8% et 26,1%) ont été les plus touchées suivies par
celles qui étaient en promenade en brousse (22,9%).
La figure 3 montre la répartition des
patients en fonction de l’espèce en cause.
Selon les résultats, sur 125 cas de
morsures dues à Echis ocellatus, nous notons 20 cas de décès.
L’effectif total de décès était de
40 sur 256 patients où l’évolution était connue. Le taux de létalité était de
14,08%
Figure
3. Répartition
des patients en fonction de
l’évolution et les espèces en causes
Figure 3. Distribution of
patients according to the evolution and species causes
Discussion
Durant la période d’étude, des enquêtes
rétrospectives ont permis de colliger 284 cas de morsures de serpent, soit en
moyenne 28,4 cas par an.
Selon les données de cette étude, sur
l’ensemble des victimes de morsures de serpent et pour lesquels l’espèce était
connue, les vipéridés (89% des cas, soit 185 sur 207) et les élapidés (11% des
cas) ont été les deux familles responsables d’accident. Le sexe masculin a été
le plus touché (68%) et les adultes ont été plus représenté (91,9% des cas). Ces
résultats sont confirmés dans des certaines études menées par Chippaux (2002a,
2002b), Chippaux et Diallo (2005), Dramé et al. (2005). Au Maroc, comme dans
certains pays d’Afrique, l’étude sur les ophidiens a montré la présence de deux
familles dangereuses: les vipéridés et les élapidés (Chippaux, 2006; Chafiq et
al., 2008; Chani et al., 2008; arfaoui et al., 2009).
Dans notre étude, 52,9% des victimes ont
été mordues au cours des activités agricoles et dans 68,8% des cas au niveau du
membre inferieur soit 176 sur 284. La plupart de ces morsures étaient survenues
durant la période des moissons Octobre-Janvier (11,6% des cas) où le
déplacement est assez fréquent.
Au Bénin une étude sur les ophidiens a
montré la relation entre l’environnement agricole et les morsures de serpents
(Bossou et al., 1999). D’autres études ont montré que dans les pays en
développement, les trois-quarts des morsures surviennent au cours des travaux
agricoles, de la chasse ou des déplacements pédestres et dans la plupart des
cas durant la saison des pluies (Chippaux, 1998 et 2008; Chippaux et
Bressy, 1981; Mion et Olive, 1997).
Selon nos résultats, le cercle de Kati a
été le plus touché (160 cas sur 284, soit 56,33%). Dans l’ensemble des
personnes mordues, 240 victimes ont reçu un
traitement traditionnel avant leur admission, soit 84,4% des cas. Le taux
d’envenimation était de 81,7% et 45,4% des patients ont bénéficié de la
sérothérapie antivenimeuse. Parmi les
256 cas pour lesquels l’évolution était connue, 40 patients étaient décédés,
soit un taux de létalité de 14,08%.
Selon une étude rétrospective publiée par
El Koraichi et al. (2011) sur 17 patients mordus par le serpent, 4 ont eu une
prise en charge traditionnelle. Dans plusieurs autres études, il a été démontré
que la plupart des morsures ont lieu dans la campagne et que la gravité de
l’envenimation serait liée aux difficultés d’accès aux centres de soins, au
recours à la médecine traditionnelle pour plus de la moitié des victimes et au
coût du sérum antivenimeux (Chippaux, 1999; Chippaux et al., 2002; Guyavarch et
Chippaux, 2005; Dramé et al., 2005).
Conclusion
Les morsures de serpent constituent une
préoccupation surtout pour les paysans de la région de Koulikoro où le sérum
antivenimeux reste couteux et rare dans les pharmacies. De telle difficulté
pourrait favoriser la tradithérapie et le retard de consultation.
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