Coulibaly,
S.K., Hami, H., Mokhtari, A., Soulaymani, R., Maiga, A., Soulaymani, A., 2012. Problématiques des morsures de serpents
dans la région de Mopti, Mali. Antropo, 28, 81-85.
www.didac.ehu.es/antropo
Problématiques des morsures de serpents dans la
région de Mopti, Mali
Problematics of snakebites
in the Mopti region, Mali
S. K. Coulibaly1,2, H. Hami2, A.
Mokhtari2, R. Soulaymani3,4, A. Maiga1, A.
Soulaymani2
1 Faculté de Médecine et
d’Odontostomatologie, Université des Sciences, des Techniques et des
Technologies de Bamako, Mali
2 Laboratoire de Génétique et
Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
3 Centre Anti-Poison et de
Pharmacovigilance du Maroc, Rabat, Maroc
4 Faculté de Médecine et de
Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat, Maroc
Auteur
correspondant:
Sanou Khô COULIBALY, Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des
Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc. Email: sanoucoul@yahoo.fr
Mots-clés: Morsures de
serpents, difficultés thérapeutiques, Mopti, Sévaré, Mali.
Keywords: Snake bites, therapeutic
difficulties, Mopti and Sévaré town, Mali.
Résumé
Dans les pays tropicaux,
les morsures de serpents constituent un problème de santé publique mais aussi
une pathologie négligée. Au Mali, les morsures de serpents constituent une préoccupation des responsables de santé.
Dans cette étude, nous avons décrit les difficultés thérapeutiques et de suivi
des morsures de serpents aux seins des communes de Mopti et de Sévaré (région
de Mopti) au Mali, à partir d’une étude rétrospective menée entre Janvier 2005
et Décembre 2009. Sur 156 dossiers étudiés, 101 cas de morsures étaient de
Sévaré contre 55 cas de Mopti. Au cours des activités agricoles (riziculture),
52% des victimes ont été mordues à Sévaré contre 39% des cas à Mopti aux cours
des activités de pêche sur le fleuve et pendant la saison des pluies pour la
plupart des cas. En consultation traditionnel, 69% des patients
avaient utilisé des plantes
traditionnelles; 31% avaient appliqué une pierre noire et 5% avaient pratiqué
une scarification (pour les deux communes) avant leur admission. Toutes les
victimes avaient reçu un traitement médical inadapté aux grades cliniques et/ou
biologiques recommandés par l’OMS. L’évolution était connue dans 35% des cas
dont 9 cas de décès à Sévaré et 3 cas à Mopti. La surveillance
post-hospitalière n’a pu être observée que dans 13% des cas dans les deux
communes.
Abstract
In
tropical countries, snake bites are a public health problem but also a
neglected disease. In Mali, snake bites are a concern of health officials. In
this study, we described the difficulties and therapeutic monitoring of snake
bites in the town of Mopti and Sévaré (Mopti region) in Mali, from a
retrospective study between January 2005 and December 2009. Of 156 cases
studied, 101 cases of bites were Sévaré against 55 cases of Mopti. During
agricultural activities (rice), 52% of victims were bitten in Sévaré against
39% in Mopti to over fishing activities on the river during the rainy season
for most cases. In traditional consulting, 69% had used traditional plants, 31%
had used a stone black and 5% had practiced scarification (both common) prior
to admission. All the victims had received medical treatment unsuitable for
clinical grades and/or biological recommended by WHO. The evolution was known
in 35% of cases including 9 deaths and 3 cases in Sévaré in Mopti.
Post-hospital monitoring has been observed that in 13% of cases both common.
Introduction
Dans les pays tropicaux,
les morsures de serpents constituent un problème de santé publique mais aussi
une pathologie négligée en raison d’une sous-estimation de leur incidence.
Elles sont responsables d’un million d’accidents chaque année, 600.000
envenimations et plus de 20.000 décès en Afrique. Le sérum antivenimeux étant
le traitement le plus efficace, il reste cependant inaccessible aux populations
les plus concernées (en milieu rural) en raison de son coût et des contraintes
logistiques et commerciales (Chippaux, 1999; Chippaux et Goyffon, 2000).
Au Mali, les morsures de
serpents constituent une préoccupation
des responsables de santé, due au manque de statistiques fiables et des personnels
qualifiés pour la prise en charge des cas.
Une étude menée par Dabo
et al. (2002) à Bancoumana (région de Koulikoro), a montré trois cas de décès
sur 17 victimes de morsures de serpents.
Selon une étude
effectuée par Dramé et al. (2005) à Bamako, on démontre une létalité annuelle
de 9,8% tout en identifiant les espèces responsables.
L’objectif de
cette étude était d’évaluer les difficultés thérapeutiques et de suivi des
morsures de serpents dans les communes de Mopti et Sévaré (région de Mopti) au
Mali.
Patients et Méthodes
Lieu d’étude
La région de Mopti (5ème
région administrative du Mali) est composée de 9 cercles avec 2.037.330
habitants sur une superficie de 79.017 Km2. La capitale régionale
est le cercle de Mopti (368.512 habitants) qui compte 15 communes dont la
commune de Mopti et Sévaré. La figure 1 montre la région de Mopti.
Figure 1. Région de
Mopti. Commune de Mopti et Sévaré en bande rouge.
Source: Mission de décentralisation du Mali. Direction National de la
cartographie
Figure 1. Mopti region. Mopti and Sevare town in red band
Type d’étude
Il s’agit d’une étude
rétrospective des dossiers des patients qui ont consulté pour morsures de
serpents dans les communes de Mopti et de Sévaré, entre Janvier 2005 et
Décembre 2009. Les données ont été collectées et saisies sur Excel. L’analyse
statistique a été effectuée sur Epi Info.
Résultats et
Interprétations
Ainsi, 156 dossiers ont
été inclus dans cette étude dont 55 cas à Mopti et 101 cas à Sévaré. Le tableau
suivant montre la distribution des victimes en fonction de l’âge et du sexe (dans les deux communes).
Age |
Sexe |
Effectif (%) |
|
Moins de 15
ans |
M |
6 (4%) |
|
F |
2 (1%) |
||
15 ans et plus |
M |
134 (86%) |
|
F |
14 (9%) |
||
Total |
|
156 (100%) |
|
Tableau
1. Distribution des victimes en fonction de l’âge
et du sexe
Table 1. Distribition of victims according to age and sex
Selon le résultat, les
adultes ont été les plus touchés (95% des cas) et 90% des victimes étaient de
sexe masculin. L’âge moyen des victimes était de 36±13 ans.
Dans cette étude, 53%
des victimes de la commune de Sévaré contre 48% de Mopti ont été mordues aux
membres inférieurs. Au cours des activités agricoles (riziculture), 52% des victimes ont été mordues à Sévaré contre
39% des cas à Mopti au cours des activités de pêche sur le fleuve. La plupart
des accidents de morsures étaient survenu pendant la saison des pluies (Juin
– Septembre). Le délai moyen de consultation des patients était de 6
heures à Mopti contre 4 heures à Sévaré. La figure suivant résume la
symptomatologie présentée par les victimes des deux communes.
Figure
2. Répartition des victimes en fonction des
symptômes présentés
Figure 2. Distribution of victims according to symptoms pressed
Selon les résultats, la
symptomatologie était dominée par l’œdème (82% des cas). A l’admission, 69%,
31% et 5% des patients avaient utilisé
respectivement des plantes non spécifiques, des pierres noires et des
scarifications chez des guérisseurs traditionnels. La figure 3 montre une
victime de morsure avec une pierre noire (comme un aspi venin).
Figure 3. Pierre
noire collée contre le point de morsure.
Source: Dr
Danfaga (Centre de Santé Communautaire de Sévaré)
Figure 3. Black stone pressed against of the bite
Les données de notre
étude ont montré que dans 94% des cas, des antibiotiques étaient prescrits de
façon non justifiées. Parmi les admissions, 10% des patients ont pu bénéficier
de l’antivenin polyvalent d’origine Indienne (ASNA ANTIVENOM: Snake Venom
Antiserum African, anti Echis, Bitis,
Naja et Dendroaspis) et dans 33% des cas du sérum antitétanique.
Selon ces résultats
toutes les victimes ont bénéficié d’un traitement médical inadapté aux grades
cliniques et/ou biologiques recommandés par l’OMS. L’évolution était connue
dans 35% des cas (dans l’ensemble) dont 9 cas de décès à Sévaré contre 3 cas à
Mopti. La surveillance post-hospitalière n’a pu être observée que dans 13% des
cas pour les deux communes.
Discussion
Les morsures de serpents
constituent un réel problème de santé publique en milieu tropical et en
Afrique. Au Mali, plus particulièrement dans les communes de Mopti et de
Sévaré, les morsures de serpents, à travers cette étude, doivent attirer plus
d’attention.
Ces problèmes pourraient
être d’une plus grande ampleur du fait du nombre important de patients mordus
qui se dirigent vers la médecine traditionnelle et échappant ainsi au système
de collecte de l’information. Cette étude a permis de montrer que la commune de
Sévaré (zone plus risquée de par sa forêt dense et ses espaces agropastoraux) a
été la plus touchée. Ceci pourrait permettre de mieux orienter la
sensibilisation avant et pendant la saison à risque (saison des pluies).
Sur l’ensemble des
données collectées, aucune information n’a été disponible sur un protocole
thérapeutique, ni la gradation et le suivi des patients recommandé selon l’OMS.
Les espèces responsables n’étaient pas identifiées par les victimes ou les
accompagnants. Aucun schéma portant sur l’indication des antivenins administrés
aux patients n’étaient justifiés.
La formation adéquate du
personnel de santé permettrait d’améliorer la prise en charge des patients et
des gestes de premiers secours. De plus, un renforcement du système
d’information permettrait d’améliorer la disponibilité des médicaments, et
notamment le sérum antivenimeux.
Il reste indispensable,
malgré la diversité des espèces (Echis,
Bitis, Naja, Mamba) connues au Mali, de valider un protocole thérapeutique
et de tester le sérum antivipmyn Afrique au coût onéreux et dont la tolérance
et l’efficacité ont été scientifiquement prouvées dans d’autres pays ouest
Africain (Chippaux, 2011).
Références
Chippaux, J. P.,
1999, L’envenimation ophidienne en Afrique: épidémiologie, clinique et
traitement. Ann. Inst. Pasteur/Actualités, 10(2), 161-71.
Chippaux, J. P.
et Goyffon, M., 2000, Epidémiologie des envenimations dans le monde. In Mion G,
Goyffon M Editors. Les envenimations graves. Arnette, Paris, p. 01-07.
Chippaux, J. P., 2011, Estimate of the burden of snakebites in
sub-Saharan Africa: A meta-analytic approach. Toxicon, 57, 586-599.
Dabo, A.,
Diawara, SI., Dicko, A., Katilé, A., Diallo, A. Doumbo, O., 2002, Evaluation
des morsures de serpent et de leur traitement dans le village de Bancoumana au
Mali. Bull Soc Pathol Exot, 95(3), 160-162.
Dramé, B., Diani,
N., Togo, N. N., Maïga, M., Diallo, D. Traoré, A., 2005, Les accidents
d’envenimation par morsure de serpent dans le service des urgences
chirurgicales de l’hôpital Gabriel Touré, Bamako, Mali (1998-1999). Bull Soc
Pathol Exot, 98(4), 287-290.