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Colloques du Groupement des Anthropologistes de Langue Française (GALF)

Ardagna, Y., Richier, A., Schmitt, A., 2012, Proposition d’une fiche d’enregistrement pour les dépôts secondaires (fiche «DS») en contexte historique. Antropo, 27, 33-40. www.didac.ehu.es/antropo


 

Proposition d’une fiche d’enregistrement pour les dépôts secondaires (fiche «DS») en contexte historique

 

Secondary deposit in historical context: proposal of a new collecting form

 

Yann Ardagna1, Anne Richier2, Aurore Schmitt3

 

1UMR 6578 Anthropologie bioculturelle, CNRS EFS Université de la Méditerranée, Faculté de Médecine de Marseille.

2INRAP, Centre archéologique Méditerranée, Marseille,UMR 6578 Anthropologie bioculturelle, CNRS EFS Université de la Méditerranée, Faculté de Médecine de Marseille.

3UMR 6578 Anthropologie bioculturelle, CNRS EFS Université de la Méditerranée, Faculté de Médecine de Marseille.

 

Abstract

Archeological excavations on cemeteries in historical context lead to large amount of comingled bones. Collecting forms linked to primary burials are fairly knowned and used by field anthropologist. But we observed a lack of recording patterns for secondary deposit. Thus we proposed a collecting form divided in two parts. The first one allows identification of a specific type of secondary burial (reductions, association with bone transfert, ossuary, concentrated bones without burying, presence of pit etc...). Then several characteristics are recorded (stratigraphic information, position of bones, relation between bones parts…). The second aspect of our collecting form concerns “in situ” biological parameters of secondary deposit (Minimum number of individuals, age estimation, sex diagnosis, paleopathological conditions…). this original collecting form do not offer many open part of free text in a way to be easily “translate” in computerized database.

 

Introduction

Contrairement aux inhumations primaires, les fiches d’enregistrement de terrain dédiées aux dépôts secondaires sont rares. Or, les fouilles préventives ou programmées, menées en contexte historique (Antiquité tardive, Moyen âge, Moderne) livrent très fréquemment des ensembles d’ossements en position secondaire. Une fiche d’enregistrement de ces dépôts: la «fiche DS», basée sur la littérature de référence, se concentre uniquement sur ces périodes historiques.

 

Structuration de la fiche DS

 Dans un souci d’exhaustivité, la fiche comporte 2 volets: le premier dévolu aux données archéothanatologiques et un second dédié à l’ostéologie ainsi qu’aux données paléobiologiques.

 

Le 1er Volet: enregistrement des données archéothanatologiques

Préalablement à l’enregistrement des informations, la fiche requiert une «prise de décision » quant au type de dépôt secondaire qui est ensuite enregistré par des groupes de champs (communs et/ou spécifiques). Six types d’amas secondaires ont été retenus, définis et illustrés pour les contextes historiques Les figures illustrant chaque type de dépôt secondaire proviennent de quatre sites datés de l’antiquité tardive à l’époque moderne. Le champ sémantique retenu dans le cadre de la fiche se base sur des articles princeps, des études spécifiques au restes en position secondaire du moyen âge ou de récentes analyses archéothanatologiques (Blaizot, 1997; Boulestin et Duday, 2005, Duday, 2005, Duday et al., 1990; Gleize, 2006)

 

1. Parmi les 6 types des dépôts secondaires, la «Réduction»  nécessite le plus d’enregistrement (fig 1, 2 et 3). Elle est définie et caractérisée ainsi:

- Le regroupement d’os en position secondaire dans le lieu de dépôt initial (sépulture où le ou les cadavres se sont décomposés). En général, la réduction concerne un sujet mais le NMI peut être supérieur dans le cas d’inhumations primaires successives.

- L’organisation de la réduction traduit de possibles regroupement, rangement, cohérence anatomique ou agencement en lien avec dernier inhumé.

- Les os « réduits » sont placés soit sur le  fond de fosse ou du réceptacle, soit sur les os du dernier inhumé.

- La représentation anatomique de l’individu «réduit» est variable bien que généralement quasi intégrale.

 

Figure 1. Réduction dans une fosse en pleine terre. Site du Carré Saint-Jacques (La Ciotat, Richier 2009).

 

Figure 2. Réduction dans un sarcophage  en réemploi. Saint Estève le Pont (Berre l’Etang, Thomann, A 2004).

 

Figure 3. Réduction dans un coffre de moellons. Saint Jean de Todon (Gard, Ardagna et al. 2010).

 

Outre les cartels et autres éléments de localisation, les informations recensées concernent ces éléments de définition.  Ainsi la fiche propose la description d’éventuels agencements osseux entre le dernier inhumé et les os en position secondaire (comme  l’existence de contact). Puis la fiche s’attarde sur la mise en place des os de la réduction: ont-ils été redéposés selon un schéma particulier (cohérence anatomique), existe-t-il des zones de concentration différentielle des pièces osseuses, des rangements spécifiques, des regroupements (en fonction de l’âge par exemple dans le cas de multiples réductions) ou des connexions résiduelles.

 

2. Le second type de dépôt, la: «Réduction avec transfert» est une variation de la réduction mais dans ce cas les os en position secondaire sont regroupés après déplacement hors du lieu du dépôt initial (fig 4, 5 et 6). Les os sont  replacés à proximité immédiate de la tombe initiale (dans des espaces interstitiels, sur les couvercles, entre deux sarcophages, entre les parements de coffrages, donc au dessus ou au dessous de l’emprise de la tombe). Les informations enregistrées (organisation, représentation, agencement…) sont identiques à celles de la réduction simple.

 

Figure 4. «Réduction avec transfert» hors d’un sarcophage. Saint Estève le Pont (Berre l’Etang, Thomann, A 2004).

 

Figure 5. «Réduction avec transfert» des os contre les parois et l’aménagement en matériau périssable isolant le sujet en place. Site de La Baisse de Sainte-Anne (Valensole, Richier 2007).

 

Figure 6. Réduction avec transfert des os réduits entre le cercueil et les parois de la fosse. Site du Carré Saint-Jacques (La Ciotat, Richier 2009).

 

3. Le troisième type de dépôt sont les «os erratiques dans le comblement» des fosses / coffres ou tombes au sens large (fig. 7).

La présence de ces os répond à une gestuelle différente (voire l’absence) de la réduction. Ces os erratiques retrouvés en position secondaire sont  intégrés au sédiment de comblement d’une sépulture. Leur origine est parfois difficilement identifiable.  La fiche permet de les enregistrer indépendamment et souligne qu’il importe de bien les distinguer des os en réduction, car les gestes et intentions sont différents.

Les informations récencées par la fiche s’attardent sur les éléments de localisation des os, du mode de prélèvement (avec schémas etc…) mais aussi sur les éventuels regroupements, rangements osseux ou les connexions résiduelles.

 

Figure 7. Trois état d’une même sépulture, de nombreux ossements réduits ont été replacés dans le comblement de la fosse scellant le sujet en place Site de La Baisse de Sainte-Anne (Richier 2007)

 

4. Le quatrième type de dépôt permet de considérer les «dépôts d’os localisés sans enfouissement» (fig 8).

Ces derniers sont situés dans une zone bien circonscrite sans creusement, ni comblement ultérieur (parfois situé hors du contexte funéraire strico sensu du site). Bien évidemment ces dépôts demeurent difficilement interprétables mais la fiche permet de les enregistrer tant au cas pas cas qu’à l’échelle du site. En effet, outre les éventuels schémas, les informations requises dans la fiche soulignent les éléments de localisation, de concentration (geste diffus, épiphénomène, sectorisé) et le liens avec la stratigraphie ou d’autres faits archéo-anthropologiques.

 

Figure 8. Exemple de dépôts localisés (époque moderne), ici des crânes non enfouis ayant manifestement «roulés» contre un mur. Site du Carré Saint-Jacques (La Ciotat, Richier 2009).

 

5. Les «ossuaires» sont le 5e type de dépôt de la fiche DS (fig 9). Ils sont définis comme des os en position secondaire déposés dans une structure dont  la vocation n’est pas nécessairement funéraire (possible couverture, creusement en réemploi ou prévu à cet effet, coffrage ou sarcophage en remploi, construction, caveau). Le NMI d’un ossuaire est supérieur à 1 et les sujets sont généralement  incomplets (déficit des petits os, sur-représentation des crânes et des os longs). Une possible gestion «anatomique» (regroupement, rangement des pièces osseuses…) ainsi que des connexions résiduelles restent envisageables. les informations de la  fiche s’attardent sur ces paramètres de même que sur le mode de prélèvement, agrémenté éventuellement de schémas (du carroyage, des niveaux…).

 

Figure 9. Ossuaire. Site du Carré Saint-Jacques (La Ciotat, Richier 2009).

 

Figure 10. Ossuaire. Site du Carré Saint-Jacques (La Ciotat, Richier 2009).

 

6. Le sixième type de dépôt de la fiche concerne l’existence « d’os erratiques présents dans les couches sédimentaires ». Ces ensembles d’ossements épars sans aucune organisation (ni rangement, regroupement ou cohérence anatomique…) mais pleinement inclus dans un niveau archéologique sont typiques de la gestion cimetériale du Moyen Age et de l’Ancien Régime (fig 10, 11). En effet, dès lors que l’occupation funéraire d’un site couvre un large spectre chronologique, la fréquence des recoupements de tombes implique une forte densité de restes «purgés», de sépultures vidangées, présents dans le sédiment remanié.

Les informations recherchées sont identiques à celles de l’ossuaire (type 5), mais dans ce cas précis, le «diagnostic in situ» du type de dépôt prime sur le reste des données archéothanatologiques.

 

Figure 11. Ensemble assez dense d’os erratiques dans une couche sédimentaire, parfois trivialement qualifié de «couche de cimetière» ou de «terre de cimetière». Site du Carré Saint-Jacques (La Ciotat, Richier 2009)

 

Figure 12. Ensemble peu dense mais couvrant une grande surface, d’os erratiques dans une couche sédimentaire. Site du Carré Saint-Jacques (La Ciotat, Richier 2009)

 

Le second volet: enregistrement in situ des paramètres paléobiologiques.

Deux classiques fiches d’enregistrement ostéologique (adulte et immature) (Mise en place via quelques modifications et adaptations de la fiche préalablement élaborée pour la nécropole de Bordeneuve, 24,  par D. Bonnissant, INRAP GSO, déjà modifiée par P. Courtaud, UMR 5199, PACEA) comprennent l’équivalent de 5 individus en présentation os par os. Ainsi, pour chaque ossements un numéro d’enregistrement in situ peut être reporté sur la fiche. Le niveau de détail choisi pour la fiche est adaptable car il comporte l’illustration anatomique de 5 vertèbres (C1, C2, T1, T12 et L5), des métacarpiens et des métatarsiens mais associé à un simple comptage des phalanges. En revanche toutes les épiphyses des os longs immatures figurent sur la fiche. Un tel niveau d’enregistrement permet l’utilisation des schémas précis et de relevés iconographiques (eux mêmes dépendants des contingences de temps imparties à la fouille). Les autres informations paléobiologiques de la fiche sont orientées autour des pièces discriminantes en termes de NMI, de diagnose sexuelle, d’estimation de l’âge au décès ou d’état sanitaire. Fort de l’enregistrement éventuel de ces quelques pièces (après attribution impérative d’un numéro d’identification archéologique), la fiche incite à l’évaluation d’un NMI «de terrain».

 

Conclusion

La fiche DS tient compte du champ sémantique associé à la diversité des dépôts secondaires des périodes historiques. Son fonctionnement est basé sur la prise de décision sur le terrain tant au niveau du type de dépôt que des paramètres biologiques préliminaires. Par ailleurs, les informations récoltées se suffisent à elle-même et peuvent être complétées in situ par des relevés et des clichés. De plus, les enregistrements sont aisément transposables sous la forme d’une base de données, à l’instar des cartels d’enregistrement des sujets en connexion.

 

Références Bibliographiques

Ardagna Y., Blanchard D., Pélaquier E., Vidal L., 2010, Saint-Jean de Todon alias Saint-Jean de Rousigue (Laudun L’Ardoise, Gard. Archéologie du Midi Médiéval, 28.

Blaizot F., 1997, L'apport des méthodes de la paléo-anthropologie funéraire à l'interprétation des os en situation secondaire dans les nécropoles historiques. Problèmes relatifs au traitement et à l'interprétation des amas d'ossements, Archéologie Médiévale 26, 1-22.

Boulestin B, Duday H., 2001, Ethnologie et archéologie de la mort: De l'illusion des références à l'emploi d'un vocabulaire. Dans Les pratiques funéraires à l'âge du Bronze en France: Actes de la table-ronde de Sens-en-Bourgogne (10-12 juin 1998), édité par Depierre G et Mordant  C, (Toulouse: CTHS Editions) p. 17-35.

Duday H., 2005, L'archéothanatologie ou l'archéologie de la mort. Dans Introduction à la  Paléoanthropologie, édité par  Dutour O, Hublin J-J et Vandermeersch B, (Toulouse: CTHS Editions) p.153-216.

Duday H, Courtaud P, Crubézy E, Sellier P., Tillier AM., 1990, L'anthropologie  de terrain ": reconnaissance et interprétation des gestes funéraires, BMSAP t2 (3-4), 29-50.

Gleize Y., 2006, Gestion de corps, gestion de morts Analyse archéo-anthropologique de réutilisations de tombes et de manipulations d’ossements en contexte funéraire au début du moyen âge (entre Loire et Garonne, Ve-VIIIe siècle). Thèse anthropologie biologique. Université de Bordeaux I. pp.646

Richier A., 2007, Site de la Baisse de Sainte-Anne Valensole, BSR PACA, 33-35

Richier A., 2009, La Ciotat, Carré Saint-Jacques, BSR PACA, 116-118.

Thomann A., 2004, Pratiques funéraires et anthropologie biologique d'une population en contexte rural au haut Moyen Age en Provence. Le site de Saint-Estève le Pont (Berre l'Étang, Bouches-du-Rhône). Thèse Anthropologie Biologique. Université de la Méditerranée Marseille, pp.289