Colloques du Groupement des Anthropologistes de Langue
Française (GALF)
Grill, S., Telmon, N., Barcet,
H., Dedouit, F., Rouge, D., Sevin, A., Gibert, M., 2012, Patronymes et
structure de deux populations pyrénéennes: Vallées de l’Oueil et de Larboust
(XIX°-début XX°). Antropo, 27, 27-31. www.didac.ehu.es/antropo
Patronymes et
structure de deux populations pyrénéennes:
Vallées de
l’Oueil et de Larboust (XIX°-début XX°)
Surnames and structure of two
Pyrenean populations:
Valleys of Oueil and Larboust
(XIX-early XX centuries)
S. Grill1, N. Telmon2, H. Barcet3,
F. Dedouit4, D. Rouge5, A. Sevin6, M. Gibert7
1M2R en Anthropologie Biologique,
Laboratoire AMIS CNRS UMR 5288 Université Toulouse III, Unistras, grill.s@chu-toulouse.fr
2PU-PH, Laboratoire AMIS CNRS UMR 5288
Université Toulouse III, Unistras, telmon.n@chu-toulouse.fr
3IE, Informaticien et Géomaticien. IE,
Laboratoire GEODE CNRS-UMR 5602, Univ.Toulouse II, barcet@univ-tlse2.fr
4MCU-PH, laboratoire AMIS CNRS UMR 5288
Université Toulouse III, Unistras, dedouit.f@chu-toulouse.fr
5PU-PH, Laboratoire AMIS CNRS UMR 5288
Université Toulouse III, Unistras, rouge.d@chu-toulouse.fr
6IR, Laboratoire AMIS CNRS UMR 5288
Université Toulouse III, Unistras, sevin@cict.fr
7CR, Laboratoire AMIS CNRS UMR 5288
Université Toulouse III, Unistras, gibert@cict.fr
Mots-clés: Patronyme, Isonymie,
algorithme Soundex, algorithme Monmonier, Pyrénées françaises.
Key
words: Surname, Isonymy, SOUNDEX algorithm, Monmonier
algorithm, French Pyrenees.
Résumé
L’étude préliminaire présentée ici a pour but d’évaluer à
travers l’analyse patronymique une possible structuration des populations de
deux vallées françaises mitoyennes situées dans la partie centrale des Pyrénées:
la vallée de l’Oueil et la vallée de
Larboust. Les noms de famille étudiés sont issus
des registres de mariages du XIX ème siècle et du début du XX ème
siècle. Il a été procédé à un codage de ces patronymes selon l’algorithme
Soundex II. La diversité patronymique de chaque village a été évaluée à partir
des indices de condensation et d’isonymie. Une matrice de distance patronymique
a été calculée pour évaluer la différentiation entre villages. L’analyse
spatiale a fait appel à plusieurs approches. Une représentation spatiale à
trois dimensions a été réalisée par utilisation du logiciel Arcview © en
intégrant à un modèle numérique de terrain les valeurs de projection sur les
axes 1 et 2 de l’analyse en composante principale calculée à partir de la matrice
de distances patronymique. Nous avons appliqué le logiciel Barrier © sur cette
matrice de distances à la recherche d’une frontière. Enfin la corrélation entre
distances patronymiques et géographiques a été testée par le test de Mantel.
Les résultats montrent une endogamie classiquement observée
dans les Pyrénées. L’absence de corrélation systématique entre les distances
patronymiques et géographiques souligne la notion de géographie humaine. Ainsi,
cette étude préliminaire montre la nécessité d’intégrer à l’analyse spatiale la
dimension socio-écologique du système pour saisir à l’échelle
micro-géographique les facteurs à l’origine de la dynamique des populations.
Abstract
By using surnames, this preliminary
study aimed to evaluate the exchanges between
human populations living in two contiguous high valleys located in the central
part of the Pyrenees: the Oueil valley and the Larboust valley. Husband’s and wife’s surnames were extracted from marriage records (XIXth century and
early XXth century). Soundex II, a phonetic algorithm
for indexing names by sound, was used to code surnames. Patronymic diversity of
each village was estimated from condensation and isonymy indexes. A surname distance
matrix between the villages was
calculated and used to compute a boundary using the Barrier software. A
three-dimensional analysis was also carried out using the Arcview 9.3 GIS
software to project the coordinates of the principal component analyses (axes 1
and 2) on a numerical model of ground. The correlation between surname and
geographic distances was tested by Mantel test. The results were in agreement
with previous reports which showed a high endogamy in Pyrenean populations.
However, no clear correlation between surname and geographic distances was
detected on this spatial scale. This underlined the notion of human geography.
This study demonstrated the integration of the micro-system socio-ecological
dimension to the spatial analysis was required to take into account the factors
influencing the population dynamics.
Introduction et objectif
Il existe une analogie entre les études patronymiques et les
études génétiques. En effet, dans le cadre de la transmission patrilinéaire du
nom de famille, ce dernier peut être assimilé à un marqueur génétique. Le nom
se transmet de génération en génération par le père au même titre que les
chromosomes Y. Ces études apportent dans le domaine de la génétique des
populations des informations sur l’isolement et les flux migratoires (Crow et al., 1965; Zei et al., 1983; Jobling, 2001;
Darlu, 2004).
Les Pyrénées représentent un massif montagneux jouant le
rôle de frontière naturelle entre la France et l’Espagne. Ce massif est
constitué de larges vallées orientées nord/sud dans lesquelles s’ouvrent des
vallées orientées est/ouest. L’objet de notre étude est d’analyser la
distribution des patronymes et d’évaluer la structuration des populations de
deux vallées mitoyennes situées dans les Pyrénées centrales au XIX ème
siècle - début XX ème siècle: la vallée de l’Oueil et la vallée de
Larboust (figure 1). L’activité de ces deux vallées séparées par la montagne
d’Espiau est essentiellement agropastorale.
Matériels et méthodes
Les patronymes des familles ayant vécu dans les deux vallées
au XIX ème siècle – début XX ème siècle, sont issus
des registres de mariages disponibles dans les registres d’état civil et
paroissiaux (recueil élaboré par Guy, 1990). L’ampleur de la période
considérée, 5 générations environ, peut constituer un biais si l’on s’intéresse
aux facteurs à l’origine de la dynamique des populations (Darlu, 2004).
Toutefois, l’objectif de cette étude préliminaire, n’est pas de considérer les
facteurs d’évolution mais d’évaluer une possible structuration des populations
du fait notamment de la géographie des lieux. L’intégration des migrants est
ainsi considérée non pas comme un biais mais comme un élément de la démographie
et de la dynamique des populations. De plus, ne sont considérés ici que les
noms issus de mariages, excluant une partie non négligeable des migrations
temporaires.
Figure 1. Localisation géographique des vallées de l’Oueil et de Larboust.
L’informatisation des données s’est faite en majuscule et
sans accentuation. Certaines variations orthographiques entre deux patronymes
peuvent être en rapport avec l’illettrisme et des erreurs de retranscription.
Afin d’éviter l’influence de ces variations orthographiques, il a été procédé à
un traitement des données selon l’algorithme phonétique Soundex II (Newcombe, 1967).
Le recueil patronymique comporte 9493 individus se répartissant en 751
patronymes. Après application de cet algorithme, on dénombre 505 codes
phonétiques
La diversité patronymique de chaque village a été évaluée à
partir de deux indices: indices de condensation et d’isonomie. L’indice
de condensation correspond au rapport du nombre de patronymes rencontrés divisé
par le nombre d’individus observés. L’indice d’isonymie correspond à la
probabilité de tirer au hasard deux patronymes identiques au sein de la zone
géographique considérée. La distance patronymique calculée pour évaluer la
différentiation entre villages est l’indice de ressemblance dérivé du
coefficient de parenté entre deux populations défini par Malécot et standardisé
au dénominateur afin de considérer la diversité patronymique de ces dernières.
Cette distance est maximale entre populations ne partageant aucun patronyme et
tend vers 0 pour des populations présentant des distributions comparables. Ces
indices sont décrits dans l’article de Darlu (2004).
Ces distances ont servi au calcul de l’analyse en
composantes principales (ACP; logiciel StatBoxPro 5.0 GrimmerSoft ©). Une
projection (interpolation raster, pondération par l’inverse de la distance) des
coordonnées des axes 1 et 2 de l’ACP a permis une représentation graphique en
3D (contraste de l’image pour un coefficient d’altitude x2). Le recueil des
données géographiques (distances réelles prenant en compte les dénivelés) et la
représentation graphique ont été réalisés par l’intermédiaire du logiciel
Arcview ®.
A partir de la matrice des distances patronymiques, une
frontière a été recherchée. On entend par frontière la zone au niveau de
laquelle on observe une variation brutale des distances patronymiques. Pour se
faire nous avons utilisé le logiciel Barrier® (Monmonier, 1973; Manni et al., 2004).
Enfin les matrices de distances géographiques et de
distances patronymiques ont été comparées par le test de Mantel (Mantel, 1967).
Résultats et Discussion
Les vallées de l’Oueil (o) et de Larboust (l) présentent des indices d’isonymie (I) et de
condensation (P) comparables: Io 0.035 (+/-0.015), Po: 0.154 (+/-0.036), Il:
0.030 (+/- 0.009) et Pl: 0.150 (+/- 0.047).
Pour la vallée de l’Oueil, les deux villages apparaissant
comme les moins endogames sont Cirès (I: 0.012 et P: 0.202) et dans une moindre
mesure St Paul d’Oueil (I: 0.024 et P: 0.103). Concernant St Paul d’Oueil, il
s’agit du village ayant la démographie la plus importante de la vallée («Des
villages de Cassini aux communes d’aujourd’hui», 2007). Pour Cirès, la
démographie ne peut expliquer cette «ouverture» mais il est intéressant de
noter que les analyses spatiales montrent des échanges de fond de vallée avec
la vallée de Larboust.
Dans la vallée de Larboust, une différentiation globale
oppose une entrée de vallée «ouverte» avec Oo (I: 0.017 et P: 0.114), Cazeaux
(I: 0.019; P: 0.146), Saint-Aventin (I: 0.025 et P: 0.255) et Garin (I: 0.024
et P: 0.098) à un fond de vallée plus «fermé» avec Poubeau (I:0.0426 et P: 0.203),
Portet (I:0.038 et P: 0.110) et Jurvielle (I: 0.033 et P: 0.151).
D’une façon générale, les plus faibles distances
patronymiques (données accessibles sur demande aux auteurs) sont observées au
sein d’une même vallée. Toutefois, deux villages présentent des profils
atypiques. Les villages de Benque et de Cirès situés en vallée de l’Oueil
présentent leurs plus faibles distances avec des villages de la Vallée de
Larboust, et en particulier ceux situés en fond de vallée. Les distances les
plus faibles sont respectivement entre Benque et Poubeau, Castillon et Portet,
puis entre Cirès et Gouaux, Cathervielle, Jurvielle et Garin.
La représentation graphique (figures 2 et 3) illustre les
tendances observées sur la base des indices précédents.
Figure 2. Projection des coordonnées de l’axe 1 (valeur propre 26%) et de la frontière (Barrier ®).
Figure
3. Projection des coordonnées de l’axe 2 (valeur
propre 21%).
La comparaison des matrices de distances patronymiques et de
distances géographiques par le test de Mantel met en évidence une corrélation
dans la vallée de Larboust (r: 0.25, p: 0.03) et l’absence de corrélation dans
la vallée de l’Oueil (r: 0.01, p: 0.48). Ceci confirme l’importance des
facteurs autre que les distances géographiques dans la structuration des
populations à l’échelle des vallées (Lucchetti et al., 2005).
Conclusion
Cette étude préliminaire montre une structuration des
populations des Vallées de l’Oueil et de Larboust, impliquant la notion
d’endogamie de montagne (Boëtsch et Rabino-Massa, 1997). A cette échelle
micro-géographique, les facteurs géographiques seuls ne semblent pouvoir
expliquer le profil de différentiation observé dans cette étude. La
compréhension des facteurs impliqués dans la structuration des populations
devra s’appuyer sur des approches à la fois spatiale et temporelle. Ainsi, une
approche longitudinale plus fine intégrant les paramètres socio-écologiques
(Lagadeuc et Chenorkian, 2009) devra être réalisée afin de saisir la dynamique
des populations de ces vallées.
Remerciements. Nous
remercions les membres et le soutien du réseau Communauté de Travail des
Pyrénées «Biologie des populations humaines des Pyrénées» (CTP-2008-08012617).
Cette étude s’intègre dans le programme «micro-évolution et dynamique(s) des
populations pyrénéennes» développée au sein de l’Observatoire Homme-Milieu
Pyrénées «Haut-Vicdessos».
Références
Bibliographiques
Boëtsch G., Rabino-Massa E.,
1997, Biodemographic behaviours of mountain population Human Evolution, 12,
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Crow J.-F., Mange A.P., 1965,
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Lucchetti E., Tasso M., Pizzetti P., De Iasio Caravello
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