Colloques du Groupement des Anthropologistes de Langue Française
(GALF)
Cabot,
E., Chevet, P., Duchesne, S., 2012, La bataille du Mans, apports archéo
anthropologiques à l’étude des guerres de Vendée, 10-13 décembre 1793. Antropo,
27, 15-22. www.didac.ehu.es/antropo
La bataille
du Mans, apports archéo anthropologiques à l’étude des guerres de Vendée, 10-13
décembre 1793
The Battle
of Le Mans, archaeological and anthropological contributions to the study of
the Wars of Vendée, December 10-13, 1793
Elodie Cabot1, Pierre Chevet2,
Sylvie Duchesne3
1 Anthropologue,
Inrap Grand Ouest, Université de la Méditerranée, UMR 6578- Anthropologie bioculturelle,
elodie.cabot@inrap.fr
2 Responsable
Scientifique, Inrap Grand Ouest, CNRS UMR CReAAh 6566, pierre.chevet@inrap.fr
3
Anthropologue, Inrap Grand Sud Ouest, Université Paul Sabatier, UMR 5288,
laboratoire AMIS 2960- Anthropologie Moléculaire et Imagerie de Synthèse,
sylvie.duchesne@inrap.fr
Mots clefs: Décembre 1793, Guerres de Vendée, Bataille du Mans, Armée catholique
et Royale, Armée Républicaine, Charniers, Sépulture de catastrophe,
Traumatologie, Épidémiologie, Paléodémographie
Keys words: December 1793, Wars of Vendée, Battle of Le Mans, Catholic and Royal Army,
Republican Army, Mass grave, Burial of catastrophe, Traumatology, Epidemiology,
Paleodemography
Résumé
La question des guerres de Vendée et du
déroulement de celles-ci a fait l’objet d’une abondante littérature rédigée par
des auteurs des deux camps. Ces témoignages sont souvent partisans, parfois
divergents, et leur confrontation peut laisser perplexe. A ces textes, nous
pouvons maintenant confronter les résultats de la première fouille
archéologique d’un des épisodes majeurs de ces troubles, la bataille du Mans,
lieu de défaite de l’armée catholique et royale. Neuf charniers comportant les
corps de 159 individus ayant péri lors de cet événement ont fait l’objet d’une fouille
exhaustive sur la place des Jacobins au Mans (2009-2010). La contribution
historique de ces restes osseux est importante car c’est la première fois que
des victimes des guerres de Vendée sont examinées avec un œil d’archéologue et
d’anthropologue. Les données récoltées sont riches d’enseignement, tant pour le
déroulement de la bataille avec l’analyse des traces de coups (arme blanche et
arme à feu) que pour la caractérisation d'une population de la fin du XVIIIe
siècle dans l’ouest de la France au travers de ses profils sanitaires (étude
paléopathologique et paléoépidémiologique) et paléodémographiques.
La traumatologie, apporte un éclairage sur la
nature des combats en centre ville et sur la question du lieu de ramassage des
corps. En effet, des profils se dessinent dans les charniers et montrent
différents faciès des combats (canonnade, charges de cavalerie, corps à corps,
fuite…) dont les traces sont observables sur l’os.
Abstract
The
question of the wars of the Vendée territory and the unfolding of those was the
subject of an abundant literature written by authors of the two camps. These
testimonys are often in favour, sometimes divergent, and their confrontation
can leave perplexed.
Opposite
to these texts, we can now confront the results of the first archaeological
excavation of one of the major episodes of these disorders, the battle of Le
Mans, place of defeat of the catholic and royal army.
Nine
mass graves comprising the bodies of 159 individuals having perished at the
time of this event were the subject of an exhaustive excavation on the place of
the Jacobins in Mans (2009-2010). The historical contribution of these bones
remainders is important because it is the first time that victims of the wars
are examined with an eye of archaeologist and anthropologist.
The
collected data are rich of teaching, so much for the course of the battle with
the analysis of the traces of blows (knife and firearm) that for the
characterization of a population from the end of the XVIIIe century in the west
of France through its medical profiles (paleopathologic and paleoepidemiologic
study) and paleodemographic.
Traumatology,
brings new additional data to the historical knowledge on the nature of the
fight in city center and on the question of the place of collecting the bodies.
Indeed, profiles take shape in the mass graves and show various faces of the
fight (cannonade, cavalry, body with body, escape…) whose traces are observable on the
bone.
Introduction
Tel que stipulé par la
législation française, tout projet architectural entraînant la destruction d’un
site archéologique est précédé d’une fouille préventive destinée à sauver les
archives du sous-sol. C’est le cas du futur Espace Culturel des Jacobins au
Mans qui, sur 8000 m², a entraîné une intervention archéologique d’ampleur
scindée en trois tranches (2010-2011). Elle succède à deux diagnostics réalisés
en 1999 et 2009 (Chevet 1999; Chevet, Cabot, Le Boulaire 2009).
Depuis l’Antiquité jusqu’à la
révolution, le contexte du site est celui d’une périphérie de ville. Pour les
débuts de l’occupation (-50 à IIIe siècle ap. J.-C.), cette
situation a donné lieu à des activités caractéristiques (notamment artisanat).
Durant le Moyen Age, la ceinture de couvent qui entourait la Cité s’est
approprié les lieux, intégrés aux enclos et transformés en jardins. Cette
localisation, non loin de la ville moderne mais toutefois hors les murs à enfin
justifié le choix de cette zone comme secteur d’inhumation pour les victimes de
la bataille du Mans,
Les deux axes privilégiés de la
fouille ont concerné l’Antiquité et les 9 charniers issus de cette bataille, le
premier d’entre eux n’étant pas encore achevé, une dernière campagne se déroule
actuellement (juin-juillet 2011) sur les bordures nord, ouest et sud du site (Figure
1).
La période
antique
Pour l’Antiquité, et même s’ils
ne sont encore que partiels, les acquis sont de premier ordre. En fond d’une
vallée initialement parcourue par le Ruisseau d’Isaac (Figure 1), l’occupation
gallo-romaine s’organise le long d’une rue qui traverse cette vallée et relie
deux monuments publics de la ville. Il s’agit donc d’un axe important, le long
duquel se déploie des constructions de deux types: maçonnées en dur sur les
partie hautes et plus légères, sur solin, à l’approche du lit du ruisseau. Les
constructions sur solins ont accueilli des activités diverses, à vocation
artisanale affirmée, on soulignera en particulier un atelier de bronzier ou
furent fabriquées de très grosses pièces probablement de la statuaire.
L’élément le plus intéressant est la mise en eau de la vallée, à partir de la
seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C., générant ainsi un bassin
appareillé sur ses flancs sud et ouest et isolé des constructions par une zone
tampon peu occupée, permettant la protection contre les crues. La fouille des
dépôts vaseux qu’il contenait a permis la collecte d’un mobilier de valeur
(monnaies, ex-voto, éléments de parure parfois en or…), dans une telle
abondance qu’un lieu d’offrande a rapidement été soupçonné. Dernièrement, la
mise au jour d’un petit édicule de 3mx3m a définitivement entériné l’hypothèse,
puisque près de 300 monnaies antiques se trouvaient à l’intérieur ce qui ne
peut s’expliquer que par une fonction votive. La problématique s’oriente donc
désormais vers un lieu très original en milieu urbain ou périurbain, en
l’occurrence un probable sanctuaire de source dont la dernière tranche de
fouille va s’efforcer de caractériser la géométrie et l’évolution.
Nul doute donc que cette
intervention, qui contribue déjà à totalement renouveler notre vision de ce
secteur jusqu’alors peu exploré de l’agglomération antique, se soldera par un
bilan dont les retombées dépasseront largement le cadre local. Le discours
intéressera en effet le registre plus large de la connaissance des lieux de
cultes urbains antiques, encore quelque peu fragmentaire.
Figure 1. La
place des Jacobins au Mans, localisation des vestiges archéologiques, DAO P.
Chevet
La Virée de Galerne et la
bataille du Mans
Les périodes modernes, longtemps délaissées
par l’archéologie, bénéficient maintenant d’une approche particulière initiée
suite aux problématiques nouvelles développées lors de récentes interventions
archéologiques. La fouille des fosses révolutionnaires du Mans s’inscrit dans
cette thématique, à cheval entre l’histoire et l’archéologie.
Le contexte politique et social de la fin du
XVIIIe siècle dans les campagnes après l’instauration de la jeune
république est tendu. La révolution de 1789 est pourtant bien accueillie dans
l’Ouest de la France et les populations bretonnes et vendéennes ne se
distinguent pas, dans un premier temps, de celles du reste du pays dans leur
volonté et leur adhésion au programme de réformes révélé par les cahiers de
doléances (Martin, 2007).
Une série d’évènements sera déclencheur d’une contestation qui va enfler et mener à l’insurrection des populations de l’Ouest. Le 12 juillet 1790, l’assemblée vote la constitution civile du clergé, loi qui vise à soustraire l'église au pouvoir de Rome, en faisant des prêtres des fonctionnaires élus civilement. La montée du prix du grain en 1792 et la baisse des assignats favorisent un climat de violence alimenté par la peur de disette. De la fin de l’été 1792 au début de l’année 1793, le mécontentement monte en puissance dans les campagnes et des incidents de plus en plus nombreux entre paysans et autorité éclatent.
A ces causes profondes vient s’ajouter un
élément important; le décret de réquisition
adopté le 25 janvier 1793 organisant la levée de 300 000 hommes afin
d’augmenter les effectifs de l’armée républicaine. Cette mesure d’enrôlement
est très mal accueillie dans l’Ouest où elle évoque les milices de l’Ancien
Régime dénoncées dans les cahiers de doléance. Le soulèvement des campagnes,
vite réprimé au nord de la Loire, donne naissance à la Chouannerie, une
guérilla qui touche la Bretagne et le Maine. Au sud du fleuve, dans ce qui sera
appelé la Vendée militaire, les attroupements de jeunes hommes contestant la
conscription vont rapidement s’étoffer et s’organiser. Des chefs sont choisis
tant parmi les roturiers (Stofflet, Cathelineau), que chez les nobles
(Charrette, Bonchamps, La Rochejaquelein). Des effectifs considérables sont
mobilisés dans de véries batailles rangées et pendant le printemps 1793, les
succès militaires de l’Armée Catholique et Royale s’enchainent. Ces premières
victoires sont rendues possibles par la soudaineté du mouvement populaire mais
aussi par le manque de réaction des autorités républicaines face à ce qui
s’avèrera plus important qu’un mouvement éphémère. L’échec devant Nantes le 29
juin marquera le déclin du soulèvement qui est cruellement mis à mal par
l’armée de Mayence devant Cholet le 17 octobre.
Cette défaite marque le début
d’une longue errance de l’armée Catholique et Royale, qui ne compte plus que 60
à 80 000 personnes dont une majorité de non-combattants (femmes, enfants,
vieillards). Ils sont placés sous le commandement de La Rochejacquelein, jeune
généralissime de 21 ans et décident de repasser La Loire afin de chercher du
soutien auprès des anglais (Dupuy, 1997). Cela nécessite de prendre un port en
eau profonde (en l’occurrence le port de Granville) afin de permettre le
débarquement des troupes anglaises. Cette expédition, nommée Virée de Galerne,
doit son nom au vent dominant soufflant du nord-ouest. La remontée au nord est
émaillée de victoires et de défaites et se solde par l’échec devant Granville
les 14 et 15 novembre (Figure 2). L’armée épuisée va alors chercher à rentrer
en Vendée le plus vite possible. Les insurgés échouent à passer la Loire à
Angers les 4 et 5 décembre. Talonnés par l’armée républicaine, ils remontent
sur le Mans qu’ils prennent sans difficulté le 10 décembre afin d’y refaire
leurs forces. La troupe est très affaiblie et on estime à environ 40 000
le nombre de personnes qui entrent dans la ville, dont une moitié de
non-combattants. L’armée républicaine (20 à 30 000 hommes) menée par le
commandant Marceau donne l’assaut le 12 décembre vers midi. Les barricades
élevées par les royalistes résistent peu de temps aux troupes et à
l’artillerie. Le 13 décembre, c’est l’assaut général et les blancs freinent la
progression de l’armée républicaine afin de protéger la fuite du reste de la
troupe vers Laval. La topographie urbaine et notamment l’engorgement des rues
freine l’évacuation rapide et de nombreuses personnes sont prises au piège. Les
pertes sont énormes, 10 à 15 000 morts dont 2 à 5 000 pour les
combats dans la ville même côté royaliste contre une petite centaine côté républicain.
La virée de galerne s’achève le 24 décembre 1793, avec la destruction
quasi-totale du reste de l’armée catholique et royale à Savenay (Loire-Atlantique).
Figure 2. Carte
représentant le parcours de la virée de Galerne, reproduction d’après
Meyer-Sablé, Le Corre, 2007
Au lendemain de la bataille,
les rues du Mans, sont parsemées de cadavres. Les troupes républicaines ont
quitté la ville à la poursuite des fuyards. La population mancelle, abandonnée
par ses édiles qui avaient fuit juste avant ces troubles se retrouve livrée à
elle-même dans un spectacle de désolation. La peur des épidémies, mais aussi
l’envie d’effacer rapidement toutes traces de ces combats, poussent les
habitants à se débarrasser des corps au plus vite. L’enlèvement des cadavres,
effectué tout d’abord de manière anarchique, s’organise dès le 14 décembre avec
la nomination d’une administration provisoire qui va prendre en charge les
inhumations. Les traces écrites sont rares, mais un rapport rédigé par le
Bureau de la commission des Arts en 1798, qui ne comporte pas de détails précis
sur les endroits choisis ni sur le nombre d'inhumation, nous apprend que les
corps jonchant les rues du Mans ont été enlevés et ensevelis en deux jours et
que les représentants provisoires de la commune firent creuser de
« grandes fosses » en « divers endroits » à cet effet
(Cabot, Chevet, Schmitt, 2009). Le quinconce fut un des lieux choisi, il réunit
probablement les victimes tombées lors des combats du centre ville (actuelles
places de la République et de l’Eperon) qui ont eu lieu du jeudi 12 au soir au
vendredi 13 au matin.
Les premiers résultats
Les travaux d’analyse et de recherche sur les
corps prélevés étant encore en cours, les résultats communiqués ici sont issus
des enregistrements de terrain et seront susceptibles d’être légèrement
modifiés à l’issue de l’étude. Cependant, le schéma global qui se dégage
dessine des grandes tendances qui ne devraient guère évoluer.
Les 159 sujets découverts dans les 9
charniers, s’ils ne représentent qu’environ 10% de l’effectif total (environ
2000 inhumés dans le secteur) sont significatifs mais non exhaustifs.
La gestion des
inhumations
On observe une grande variabilité dans le contenu des charniers, avec un nombre de corps allant d'une dizaine à plus de cinquante-trois. Les cadavres sont déposés sans ménagement dans les fosses et empilés sur plusieurs couches, sans distinction d'âge ou de sexe (le plus jeune sujet est âgé de 3 à 4 ans, si on exclut un fœtus retrouvé in utéro). Les fosses, creusées sous forme de tranchées rectangulaires (Type 2, figure 3), varient en dimensions et surtout en profondeur. Leur condamnation par une forte épaisseur de chaux rend compte de la peur des épidémies cependant, le nombre important de victimes et l'urgence de la situation n'ont pas permis une couverture complète de tous les charniers.
Une seule fosse, globalement
circulaire, se détache du lot (Type 1, Figure 4). Elle contient les corps
d’adultes majoritairement masculins (une seule femme). Les corps sont alignés,
tête bêche, sur deux niveaux, avec une disposition proche de celle observée
pour des inhumations individuelles classiques. Cette différence de traitement a
donné lieu à diverses interprétations dont aucune n’est satisfaisante. D’aucun
y ont vu les corps de républicains ou de Manceaux ayant bénéficié d’un respect
particulier, ce qu’aucun élément pertinent ne vient confirmer.
La différenciation des corps d’armées reste impossible sur les éléments osseux, la présence d’effets militaires comme les boutons d’uniforme est attestée dans deux charniers (fosses 5 et 10), mais leur présence n’indique en rien l’appartenance à l’armée républicaine (Figure 5). En effet, la récupération de vêtements (dépouillement de soldats républicains morts) était monnaie courante. En réalité, il est fort probable que ces fosses aient servi non seulement à l’enfouissement des corps de vendéens, mais aussi à celui de quelques militaires républicains voire même de manceaux. Dans tous les charniers, la présence d’éléments vestimentaires indique que les corps sont encore partiellement habillés lors de l'inhumation. Les textes parlent d’un dépouillement des cadavres, or, certains effets de valeur sont toujours associés à leurs propriétaires et montrent que si dépouillement il y a eu, celui-ci n’a pas été systématique. Parmi ces effets, on peut citer une bourse contenant des monnaies (3 écus d’argent Louis XV) ou une croix ciselée en or (Figure 5). On peut raisonnablement envisager que la crainte éprouvée à l’égard des cadavres a freiné le dépouillement; l’armée catholique et royale était réputée souffrir d’une sorte de dysenterie hémorragique: la fièvre brigantine.
Figure 3. Exemple de charnier sous forme
de tranchée rectangulaire (type 2), clichés E. Cabot, DAO Ch. Le Boulaire
Figure 4. Charnier de type fosse circulaire, clichés E. Cabot, DAO
Ch. Le Boulaire
La composition des
charniers
Les données générales (159
sujets) rendent compte d’une forte proportion d’individus matures avec moins de
15% d’enfants inhumés. Les hommes sont majoritaires (70 hommes pour 38 femmes)
et la proportion de sexe indéterminé (28) ne peut bouleverser cette tendance.
Les enfants, au nombre de 23, sont majoritairement d’un âge supérieur à 10-14
ans (21/23) et donc socialement assimilables à des adultes (Figure 6).
En revanche, pris individuellement, les
charniers montrent des différences de recrutement. Certaines fosses sont quasi
exclusivement composées de sujets de sexe masculin (fosses 1, 5, 9 et 10),
d’autres de sujets féminins (fosses 2 et 8) (Figure 6).
Figure 1.
Exemple de mobilier vestimentaire, clichés E. Cabot
Charnier |
Total sujets |
Total adultes |
Hommes |
Femmes |
Sexe indéterminé |
Total immatures |
Sex ratio |
% immatures |
1 |
9 |
9 |
6 |
1 |
2 |
0 |
0,2 |
0 |
2 |
22 |
19 |
1 |
7 |
11 |
3 |
7 |
13,6 |
3 |
13 |
13 |
5 |
3 |
5 |
0 |
0,6 |
0 |
4 |
13 |
12 |
6 |
4 |
2 |
1 |
0,7 |
7,7 |
5 |
53 |
44 |
33 |
7 |
4 |
9 |
0,2 |
17,0 |
7 |
3 |
3 |
|
1 |
2 |
0 |
0 |
0 |
8 |
22 |
17 |
1 |
14 |
2 |
5 |
14 |
22,7 |
9 |
13 |
10 |
10 |
|
|
3 |
0 |
23,1 |
10 |
11 |
9 |
8 |
1 |
|
2 |
0,1 |
18,2 |
Total |
159 |
136 |
70 |
38 |
28 |
23 |
0,5 |
14,5 |
Tableau 6. Récapitulatif des données biologiques par
charnier
La traumatologie
Pour les combats, l’étude fine des lésions,
leur localisation, leur taille, leur direction et angulation permettent la
reconstitution des gestes responsables du traumatisme, leur chronologie, ainsi
que l’identification de l’arme ou de l’objet à l’origine de la blessure (poids,
puissance, état, …). In fine, ces
données aboutissent à une mise en relation avec les données historiques
disponibles sur l’armement de la fin du XVIIIe siècle. De nombreux
corps portent les stigmates osseux de violents combats à l'arme blanche, mais
aussi d'impacts d'armes à feu. Les armes blanches utilisées sont variées
(tranchantes ou perforantes) cependant, l’emploi du sabre semble dominant
(Figure 7).
Pour les armes à feu, certains projectiles
sont fichés dans les os. D’autres, piégés dans les chairs, sont parfois proches
de leur point d’impact ou ont percolé dans la fosse. Ils témoignent de l'emploi
de fusils, pistolets (balles en plomb de différents calibres,) ainsi que de
pièces d'artillerie légère (grenaille à base de clous, boulets type biscaïen,
fig. 7). Les balles retrouvées (34) varient d’un diamètre de 8 mm à 12 mm,
elles sont surtout présentes dans les charniers 5 et 9. Les boulets, beaucoup
plus rares, ont tous été retrouvés dans le charnier 5 (3 exemplaires), ils sont
associés à de la mitraille en abondance.
Les différences de recrutement mises en
relation avec le type de blessure (arme blanche et/ou arme à feu), pointent
probablement un ramassage par quartier dans la ville à mettre en parallèle avec
le déroulement de la bataille (combat rapproché ici, embuscades ou charges de
cavalerie là, canonnades et fuites ailleurs…) et la population impliquée.
L’étude comparée de la répartition des coups et de leur caractérisation (arme
blanche/arme à feu, choc frontal/choc postérieur…) avec l’identification
biologique (homme/femme, adulte/adolescent) est trop incomplète à ce jour pour
avancer des chiffres fiables, cependant on peut risquer quelques hypothèses. La
majorité des projectiles issus de fusils ou de pistolets de même que les
boulets biscaïens ont été retrouvés dans les charniers 5 et 9 majoritairement
masculins, ils sont accompagnés de nombreux éléments métalliques associés à de
la mitraille. Dans certaines fosses (charnier 8 par exemple, majoritairement
féminin) seules des traces de coups tranchants ont été notées, assénées sur le
crâne ou les jambes, ces coups sont principalement portés d’en haut et par
l’arrière. Ces différences, pressenties à la fouille indiquent deux pans de la
bataille, impliquant d’un côté deux armées face à face et de l’autre, une masse
de non-combattants poursuivie lors de sa fuite hors les murs.
Figure 2. Type de coups et munitions employées, clichés E. Cabot
Conclusions
Cette opération de fouille, fait émerger des
données inédites sur un événement qui participe d’une histoire collective
encore passionnée. Ses conclusions, dont seul l’aboutissement des études encore
en cours permettra d’avoir une vision élargie, se déclinent selon deux volets
complémentaires. Le premier concerne l’approche archéo-anthropologique qui,
associée aux études pluridisciplinaires qui l’accompagnent, ouvrira un regard
neuf sur ces évènements. En arrière plan, les données collectées et leur
interprétation offrira sans doute un référentiel qui pourra être décliné à
d’autres cas moins documentés d’inhumations collectives successives à un fait
de guerre. C’est donc à ce niveau tout un pan cognitif intéressant l’histoire
locale mais aussi l’anthropologie qui est complété et qui permettra de faire
évoluer nos techniques de collecte des informations et notre aptitude à les
interpréter.
Références
Bibliographiques
Cabot E., Chevet P., Schmitt L., 2009, L’archéologie au service de
l’histoire: les charniers des Jacobins au Mans, Maine Découvertes, 61, 11-18
Chevet P., Cabot E., Le Boulaire Ch., 2009 Quinconce des jacobins, Le
Mans (Sarthe), Rapport de diagnostic archéologique. S.R.A. des
Pays-de-la-Loire, Nantes, 2009. 96 p. de texte.
Chevet P., 1999, Quinconce des jacobins, Le Mans (Sarthe), Sondages
d’évaluation. Rapport de diagnostic. S.R.A. des Pays-de-la-Loire, Nantes, 1999.
non paginé.
Dupuy R., 1997, Les Chouans, (Hachette Littératures coll. La Vie
Quotidienne), p287
Martin J.-Cl., 2007, La Vendée et la Révolution, (Perrin, Coll.
Tempus), p283
Meyer-Sablé N., Le Corre Ch., 2007, La Chouannerie et les guerres de
Vendée, (Collection Histoire, ed. Ouest-France), p127