Colloques
du Groupement des Anthropologistes de Langue Française (GALF)
Ben-Ncer, A., Oujaa, A., El Hajraoui,
M.A., Nespoulet, R., 2012, Etude archéothanatologique de La Sépulture 4 d’El
Harhoura II. Antropo, 27, 87-96. www.didac.ehu.es/antropo
Etude archéothanatologique de La Sépulture 4 d’El
Harhoura II
Abdelouahed Ben-Ncer1, Aïcha Oujaa1, Mohamed-Abdeljalil El Hajraoui1,
Roland Nespoulet2
1Institut national des Sciences de
l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat, Maroc.
2Muséum national d’Histoire naturelle, Paris,
France.
Auteur
correspondant: Abdelouahed Ben-Ncer. E-mail:
bensarabdel@yahoo.fr
Mots-Clefs: Sépulture, Néolithique, El Harhoura II, Maroc.
Keywords: Burial, Neolithic, El Harhoura
II, Morocco.
Résumé
La sépulture 4 d’El Harhoura II est une sépulture primaire individuelle
d’un sujet adulte de sexe masculin et de grande taille. La tombe a été aménagée
en pleine terre dans une fosse peu profonde et localement bien exiguë. Le crâne
a été maintenu surélevé par rapport au restant du squelette. La datation 14C
effectuée sur des tests de coquillages appartenant au même niveau archéologique
que celui de la sépulture créditerait celle-ci d'un âge d’environ 6978±167 ans
(RABAT 168).
Abstract
The fourth burial from the site of El Harhoura II
is a primary individual burial of an adult male ho is tall. The tomb was
constructed in the ground in a shallow grave and locally small. The skull was
kept raised above the rest of the skeleton. 14C dating of the
archaeological level of the burial gives an age of about 6978±167 years (RABAT
168).
Introduction
Dans le cadre du programme maroco-français de
fouilles archéologiques préhistoriques "El Harhoura II", une sépulture
individuelle primaire a été découverte dans ce site et ce, lors des travaux de
la campagne de 2002. Il convient de signaler que cette sépulture est la 4ème
qui soit mise au jour dans ce site.
Situé sur le littoral atlantique à 10 km, à vol d’oiseau, au sud-ouest
de Rabat (cf. figure 1), la grotte d’El Harhoura II (cf. figure 2) est riche de
plusieurs sépultures néolithiques. La première sépulture est double et a été
mise au jour en 1978 (Debénath et al., 1979-1980). Les sujets correspondants
sont: 1 jeune adulte de sexe féminin reposant en decubitus latéral droit et un
adulte plus âgé reposant en decubitus latéral gauche (Oujaa, 1992; Debénath,
2000). Les fouilles entreprises en 1996 ont permis la mise au jour de 2
sépultures individuelles supplémentaires (sépultures 2 et 3). Depuis, les
travaux dans cette grotte ont été interrompues et n’ont pu reprendre qu’en 2001
et ce, dans le cadre d’un nouveau programme maroco-français. Dès lors, deux
nouvelles tombes sont découvertes, une en 2002 et une autre en 2005. Cela fait
passer à 5 le nombre de sépultures à El Harhoura II (cf. figures 3 et 4).
Ainsi, l’étude proposée ici se consacrera à la sépulture 4, mise au
jour comme indiqué en 2002. Les constats établis lors de la fouille et au cours
du démontage du squelette permettent de caractériser l’espace de décomposition
du cadavre et de discuter la dynamique relative à cette sépulture. Aussi, les
observations effectuées in situ, nous permettent de se prononcer sur l’âge
approximatif, la stature et le sexe du sujet en question.
Figure 1. Situation du site
Figure 2.
Site d’El Harhoura II
Figure 3. Localisation
des sépultures 1, 2 et 3
Figure 4. Position de la sépulture 4
Contexte géologique et
archéologique
D’un point de vue géologique, la grotte d’El Harhoura II a été creusée
dans une falaise morte se rapportant à l’Ouljien (Gigout, 1956) et ce, à l’instar de toutes les grottes du
littoral de Rabat-Témara. Le remplissage est composé principalement de
sédiments sablo-argileux provenant du démantèlement de l’encaissant par
désagrégation granulaire de la calcarénite (Niftah et al., 2005).
Pour ce qui de l’occupation du site, l’ensemble des travaux de fouilles
entrepris dans le site (Debénath et al., 1979-1980; Nespoulet et al.,
2008) ont permis de reconnaître huit couches archéologiques à savoir: une
couche attribuable au Néolithique (couche 1), une couche se rattachant à
l’Ibéromaurusien (couche 2) et 6 couches attribuables à l’Atérien (couches 3,
4, 5, 6, 7 et 8 (cf. figure 5).
La couche 1, d’où émanent les cinq sépultures du site, se caractérise
par un dépôt cendreux noir épais, pouvant atteindre plus d’1 m d’épaisseur.
Elle est très riche en coquilles de mollusques terrestres et marins (Kjökkenmödding).
Par ailleurs, bien que perturbée (animaux fouisseurs), la couche 1 est riche en
mobilier céramique caractéristique du Néolithique ancien (Cardial) et moyen
(Debénath & Lacombe, 1986; Daugas et al., 1998). L’industrie
lithique est composée surtout d’éclats avec la présence de rares lames et
lamelles.
Plusieurs dates au 14C ont été obtenues pour cette couche: 5 980
B.P. ± 210 (Debénath & Lacombe 1986), 5 800 B.P. ± 150 (Daugas et
al. 1998) et 6 978 B.P. ± 167 (El Hajraoui & Nespoulet,
2002-2003).
La couche 2, dont l’épaisseur peut atteindre 60 cm, est chargée en
blocs d’effondrements. Le matériel archéologique la caractérisant consiste en
un débitage lamellaire qui concerne 12 % des supports. Elle comporte également
des pièces à dos, pièces esquillées et burins (Nespoulet et al. 2008). A
défaut de datations pour cette couche, l’on peut admettre, par extrapolation,
qu’elle est âgée d’environ 16500 ans ±250, soit l’âge obtenu pour
l’Ibéromaurusien d’un site voisin à savoir Dar-Es- Soltane II (Debénath, 2000).
Les couches 3 à 8 disposent d’une épaisseur comprise entre une dizaine
et une soixantaine de centimètres. Aucune pièce pédonculée n’y a été observée.
Toutefois, plusieurs pièces caractéristiques de ce faciès sont
présentes. Il s’agit de: nucléus micro-Levallois, racloirs, pièces
encochées et pièces denticulées. Le débitage d’éclat peut atteindre 75% du
total des supports. Les éclats Levallois sont faiblement représentés (<4%) (Nespoulet
et al., 2008). La faible quantité de matériel lithique de la couche 8
n’a pas permis de faire une diagnose précise. Les datations radiométriques
(OSL, ESR, TL) des niveaux atériens sont en cours.
Figure 5. Stratigraphie d’El Harhoura II
Étude de la sépulture 4
1. Localisation
La sépulture 4 provient des
niveaux inférieurs de la couche 1. El se trouve en marge sud-ouest par rapport
aux autres sépultures (cf. figure 4).
2. Description
La sépulture a été aménagée en fosse en pleine terre. Le
sujet en question repose en decubitus dorsal en direction nord-sud avec
le crâne au sud. Ce dernier est légèrement surélevé par rapport au restant du
squelette.
La sépulture est partiellement endommagée. C’est que,
tout le tiers distal du squelette, dont la moitié distale des fémurs, les patellas,
les tibias, les fibulas et tous les os des pieds, serait perdue à
l’occasion dans un éventuel effondrement.
La sépulture, ou plutôt ce qui en reste, occupe une
fosse d'environ 1 m de long (cf. figure 6).
2.1 Caractéristiques
2. 1. 1. Fosse et remplissage
La fosse sépulcrale est de forme plus au moins
rectangulaire d’environ 1 m de long sur 40 cm de large. Elle est peu profonde
(30 cm) et étroite.
En coupe longitudinale, la fosse est en forme de
cuvette. Ainsi, les os du bassin se retrouvent à l’endroit le plus bas. Tandis
que et le crâne et la partie distale du squelette occupent une position haute.
En coupe transversale, la fosse est arquée avec une largeur
qui va en se réduisant de la région de la ceinture scapulaire à celle de la
ceinture pelvienne.
Le remplissage de la tombe à son tour n'a été que
sommaire. Le sédiment extrait lors du creusement de la fosse est le même qui
aurait servi pour enterrer le défunt et ce, a priori sans aucun apport
allochtone.
Figure 6. Sépulture 4 à un stade avancé de décapage
2. 1. 2. Le squelette: constats et
interprétations
Pour
caractériser le milieu de décomposition du cadavre et approcher la dynamique de
la sépulture, l’on doit faire valoir la disposition ou l’agencement des os dans
cette sépulture (Duday H. et al., 1990).
Ainsi, sont
à souligner les faits suivants:
La sépulture
en question est individuelle et primaire à axe nord-sud avec le sujet qui repose
en decubitus dorsal, le crâne au sud. Ce dernier étant surélevé par
rapport au restant du squelette. La tête devait donc être "comprimée"
contre le bord sud de la fosse lequel aurait été à l’origine endurci. Il serait
ainsi possible d’admettre que les bâtisseurs de cette tombe, au moment du
creusement de la fosse ont dû constater qu’une partie de la surface à aménager
est endurcie. Sans trop s’avancer dans ce creusement, ils auraient décidé de se
servir de cette partie comme bord de la fosse sur lequel allait prendre appui
la tête du défunt. Dès lors, l’on cherchait peut-être à donner plus de hauteur
à la tête, par rapport au restant du cadavre, tel que cela se fait chez le
vivant en maintenant, quand on est en position allongée, la tête surélevée par
rapport au restant du corps.
On se retrouve
donc avec un premier effet de paroi qui est engendré par le bord sud de la
fosse. La présence de celui-ci aurait peut-être motivé l’adoption de
l’orientation nord-sud de la sépulture avec la tête au sud. C’est dire que le
choix de l’orientation est tout à fait aléatoire et ce, dans la mesure où la
sépulture 2 du même gisement (cf. figure 4) avait, elle, une orientation
nord-sud avec la tête au nord.
Par ailleurs,
la mandibule en connexion stricte avec le crâne vient se montrer également par
la face supérieure. Une posture qui corrobore ledit effet de paroi.
Les scapulas
sont mises à plat, mais elles restent toutefois légèrement obliques en épousant
le fond oblique de la fosse. Les clavicules, elles, ont une position telle que
derrière il y aurait une constriction laquelle serait la résultante d’un effet
de paroi au niveau de la ceinture scapulaire. Cet effet serait induit par la
forme arquée et étroite que prend la fosse à cet endroit.
Les os
coxaux, visibles en face antérieure, sont en connexion stricte avec le sacrum
et ménagent entre eux un espace qui aurait été comblé au fur et à mesure de la
décomposition des parties molles. Mais le maintien des os coxaux dans cette
position est dû essentiellement à l’effet de paroi.
Ainsi, aussi bien pour la région du bassin que pour celle des épaules
ledit effet de paroi est évident et pourrait s’expliquer par l’exiguïté de la
fosse à leur niveau. A cet effet de paroi vient s’ajouter le colmatage
progressif et rapide dans lequel se déroulait la décomposition du cadavre. L’on
peut mettre en avant aussi pour étayer cela la courbure marquée par les
vertèbres de l’étage cervical et qui n’auraient pu se maintenir en état sans
que l’on soit en présence d’une décomposition dans un espace à colmatage
sédimentaire progressif.
Dans le
prolongement des os coxaux et en connexion stricte avec eux, les fémurs sont à
moitié conservés. Ils sont visibles par la face antérieure.
Les deux
humérus, surtout celui du côté gauche, lequel est visible par sa face latérale,
ont une position qui confirme cet effet de paroi.
L’étage
cervical est en stricte connexion avec d’une part les condyles occipitaux et
d’autre part l’étage thoracique. Epousant la forme du fond de la fosse, à leur
niveau, les vertèbres cervicales suivent le crâne dans sa courbure et vont se
maintenir en forme d’arc à concavité vers le haut. La dernière de cette série,
en l’occurrence la 7ème vertèbre cervicale, termine cet arc en
annonçant le point de départ d’une autre inclinaison à concavité vers le bas,
induite par la structure sinueuse du fond de la fosse, qui se poursuivra avec
les vertèbres thoraciques. Cet aspect sinueux du fond de la fosse, vu de
profil, fait que certaines vertèbres thoraciques vont se retrouver situées en
bas telles que les 6ème et 7ème d’une part et la 11ème
d’autre part. D’autres, en revanche, sous le même effet, vont se retrouver
situées en haut telles que la 1ère ou la 9ème vertèbre
thoracique.
C’est qu’à
la fin de la décomposition du cadavre et sous l’effet de la pesanteur, les
vertèbres composant la colonne vertébrale en général et ceux de l’étage
thoracique en particulier allaient épouser la forme de la fosse dont le fond
est irrégulier.
Les 1ères
vertèbres ont une position telle que l’on peut s’apercevoir de l’existence d’une
rotation latérale droite. Ce fait peut-être dû d’abord au relâchement et à la
décomposition des ligaments puis accentué par le fond irrégulier de la fosse.
Les vertèbres concernées sont toutefois contenues à l’intérieur du volume
initial du cadavre. La même remarque est à faire valoir pour le sternum -qui a
dû glisser vers en bas à gauche- et du grill costal -dont la mise à plat a dû s’effectuer
vers en bas-.
Les premières
côtes, elles, ne quittent pas leur position d’origine, aidés en cela, encore
une fois, par la forme de la fosse à leur niveau. En effet, le sédiment du
remplissage aurait pu se glisser pour venir soutenir ces côtes par en bas. En
tout état de cause, leur maintien dans cette position reflète un colmatage
sédimentaire progressif.
L’humérus
droit est visible par la face antérolatérale. Les os de l’avant-bras
correspondants sont en position de pronation et en connexion stricte avec les
os de la main lesquels sont visibles, dans l’ensemble, par la face dorsale.
Cela concerne en particulier les os du carpe et les métacarpiens. Le 1er
métacarpien et les phalanges correspondantes sont visibles par la face palmaire
(plus exactement: face médio-palmaire). Les phalanges du 5ème rayon sont
maintenues en face dorsale dans le prolongement des métacarpiens. En revanche, les
phalanges proximales des autres rayons sont dans l’ensemble en position
verticale, avec la tête en bas. Les phalanges moyennes et distales, quant à elles,
sont visibles par la face palmaire. Ces différentes orientations donnent à y voir
une main comprimée en poing avec cependant l’annulaire maintenu droit.
L’humérus
gauche est franchement visible par la face latérale. Les radius et ulna
correspondants sont en stricte connexion avec lui. Et l’humérus et ces deux
derniers sont donc dans une position de déséquilibre et n’auraient pu s’y
maintenir sans que le bord de la fosse ne soit tel qu’il serait possible de les
maintenir ainsi: une fois de plus, l’effet de paroi est mis à contribution.
La position
en déséquilibre intéressera aussi les os de la main gauche. Un colmatage
sédimentaire progressif a dû permettre à ces os de se maintenir dans leur
position initiale et ce, en dépit de la présence d’un pendage à leur niveau.
Cela permet de restituer la position de cette main qui devait être maintenue
dressée avec toutefois le pouce plié et l’index dressé vers en bas.
Les os des deux mains traduisent une position en
pronation.
Dans l’ensemble, un premier fait fondamental est donc
à souligner par rapport au crâne, d’une part, aux épaules et au bassin, d’autre
part. Il s’agit d’un effet de paroi très explicite.
Pour le crâne, l’effet de paroi se manifeste par sa
tenue incliné.
Pour la ceinture scapulaire, l’effet de paroi se
manifeste par la tenue surélevée des épiphyses proximales des humérus et des
bords latéraux des scapulas ainsi que par l’orientation des clavicules. Dans
le cas des os du bassin, cet effet, est entré en contribution pour leur
maintien dans leur position initiale.
Le second fait fondamental consiste en le colmatage
progressif qui caractérise cette sépulture.
2. 1. 3. Etat de conservation
Un éventuel accident se serait abattu sur cette
sépulture et ce, dans la mesure où elle se retrouve dépourvue d’une partie non
négligeable de son entièreté. Il s’agit de la disparition de presque le 1/3 du
squelette. Cela concerne la moitié distale du fémur droit et tout ce qui le
suit à savoir la patella, les tibia et fibula, les os du tarse,
les métatarsiens et phalanges du même côté. Cela concerne aussi le tiers distal
du fémur gauche et dans la foulée tout ce qui le suit à savoir la patella,
le tibia, la fibula et les os du pied correspondant.
Cette disparition aurait pu survenir suite à un quelconque
effondrement. Celui-ci a dû se produire très longtemps après la mise en place
de la sépulture. C’est que l’état de la facture au niveau des deux fémurs
montre que celle-ci aurait dû se produire alors que ces os étaient déjà secs et
que leur fossilisation était bien avancée.
Par ailleurs, le squelette a dû également souffrir de
quelques autres atteintes mécaniques. Celles-ci consistent en l’endommagement
des os de la face et en la fracturation de l’humérus gauche et des os des
avant-bras droit et gauche. Qu’ils soient au contact d’un petit bloc, une
quelconque pression par-dessus serait susceptible d’engendrer ces dommages.
Seulement, dans le cas des os de l’avant-bras gauche, le remaniement qui les aurait
touchés a dû ne pas s’arrêter là. En effet, la moitié distale du radius se
retrouve répartie en plusieurs morceaux lesquels sont alignés, à distance de la
position initiale de cet os. Cela pourrait être dû à l’éventuel passage d’un
animal fouisseur.
Mis à part ces disparitions et ces endommagements, les
autres os sont en bon état de conservation.
De manière générale, l’état de
conservation du squelette est relaté dans la fiche de conservation dont la cotation est faite selon la
méthode de Constandsee-Westermann
et Meiklejohn (1978) (cf. figure 7).
2. 2. Données anthropologiques
2. 2. 1. Âge au décès
Tous
les os sont de grandes dimensions et leur texture est telle qu’il est possible
d’y voir un sujet dont la croissance est achevée très longtemps ante-mortem.
Bien
plus, les multiples séquelles d’arthrose relevées au niveau de plusieurs
vertèbres et l'usure très poussée voire la résorption de certains alvéoles
dentaires au niveau de la mandibule démontrent que le sujet étudié serait un
adulte d’âge assez avancé.
2. 2.
2. Diagnose
du sexe
Le sujet en question possède des os de grandes
dimensions, qui sont un peu robustes et présentent des reliefs d’insertion
musculaire, plus ou moins assez bien marqués. Soit, des caractères qui sont
plutôt d'expression masculine. En outre, la morphologie des os coxaux ne nous laissera
plus en doute. En effet, même s’il n’a pas été aisé de vérifier tous les
caractères recommandés par J. Bruzek (2002) à cause du délabrement des parties
requises des os coxaux, un de ces caractères, à savoir la forme de la grande
échancrure, s’avère s’inscrire parfaitement dans la forme M (J. Bruzek, idem). Cela nous autorise, me
semble-t-il, à faire du sujet étudié un sujet de sexe masculin.
2. 2. 3. Détermination de la stature
Le bon état de conservation de certains os longs nous
donne la possibilité d’estimer aisément la taille du sujet en question, de son
vivant.
La stature est calculée en tenant compte séparément de
la longueur de chacun des os. Ceux admis pour cet exercice sont les humérus
gauche et radius droit. Ainsi, par rapport à chaque os, la stature estimée
selon la méthode de G. Olivier (1978) est la suivante:
Os |
Côté |
Longueur |
Stature selon Olivier et al. |
Humérus |
Gauche |
331 mm |
172.54 cm |
Radius |
Droit |
262 mm |
180.62 cm |
Les résultats obtenus sur la
base des deux os sont divergents. L’humérus donne une valeur visiblement
surestimée et le radius une autre, apparemment, sous-estimée. Mais quoi qu’il
en soit, la stature du sujet en question serait à situer entre les deux valeurs
obtenues à savoir 1.72 et 1.80 m.
Figure 7.
Fiche de conservation
3. Mobilier archéologique et éléments de
datation
La
sépulture 4 d’El Harhoura II est dépourvue de tout mobilier funéraire. Cela
n’est pas surprenant dans la mesure où aucune des autres sépultures de ce site
n'a livré de mobilier funéraire. Jusqu’ici, c’est une des caractéristiques
funéraires de cette grotte.
Mais, la
question qui se pose est pourquoi a-t-on à seulement une dizaine de km, à vol
d’oiseaux, du site d’El Harhoura II, la nécropole néolithique de
Rouazi-Skhirat, qui est riche en mobilier funéraire (Sbihi-Alaoui F.-Z., Daugas
J. P. et C & Lacombe J. P., inédit) ? Les datations absolues admises
pour cette nécropole la créditent d’environ 6000 ans d'âge (Lacombe &
Daugas, 1988; Daugas, 2002). Les datations obtenues pour El Harhoura II sont telles
que les sépultures néolithiques mises au
jour dans ce site sont plus âgées que celles de Rouazi-Skhirat.
Nous sommes donc
en face de deux populations, appartenant certes au même complexe néolithique,
très proches géographiquement, mais dont une est plus ancienne que l’autre.
Une, visiblement la plus ancienne, qui, de son temps, n’aurait pas encore
découvert les éventuelles "vertus" de doter les sépultures de
mobilier funéraire et une où cette dotation a dû être quasi-systématique. Cela,
serait-il imputable à une éventuelle amélioration, avec le temps, des
conditions de vie ? Cela serait-il dû à l'adoption d'une pratique funéraire
venue d'ailleurs ? La question reste posée…
Quoi qu'il en soit, disposer de sépultures dépourvues de mobilier
funéraire et par conséquent d'éventuels moyens de datation relative est handicapant.
Cela est d'autant plus vrai dans la mesure où l'on ne dispose pas de charbons
de bois. Ce qui est le cas ici. Faudrait-il alors faire recours à d'autres
moyens tels que ces tests de coquilles de gastéropodes qui se rapportent au
contexte de la sépulture 4. C'est ce à quoi nous nous sommes employés. Le
résultat obtenu à savoir un âge d’environ 6978±167 ans (El Hajraoui &
Nespoulet, 2002-2003) mérite d'être corroboré par une datation absolue faite à
partir du squelette. Celle-ci est en cours. Il faut espérer qu'elle soit
concluante.
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