Toilabiya,
L., Soulaymani, A., Benali, D., Hami, H., Ouammi, L., Mokhtari, A., Rhalem, N.,
Soulaymani, R., 2012, Profil épidémiologique des intoxications dans la région
de Tanger-Tétouan au Maroc.. Antropo, 26, 49-57. www.didac.ehu.es/antropo
Profil
épidémiologique des intoxications dans la région de Tanger-Tétouan au Maroc
Epidemiologic profil of poisoings in Tanger-Tetouan
region in Morocco
L. Toilabiya1, A. Soulaymani1,
D. Benali1, H. Hami1, L. Ouammi2, A. Mokhtari1,
N. Rhalem2, R. Soulaymani2,3
1 Laboratoire de Génétique et
Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra 14000, Maroc.
2 Centre Anti-Poison et de
Pharmacovigilance du Maroc, Rabat, Maroc
3 Faculté de Médecine et de
Pharmacie, Université Mohammed V, Rabat, Maroc
Auteur
correspondant: Abdelmajid Soulaymani (asoulaymani@yahoo.fr)
Mots-clés:
Intoxications, Tanger-tetouan, CAPM, Maroc.
Keywords:
Poisoning, Tanger-Tetouan, Poison Control Center Morocco.
Résumé
Les
intoxications constituent un problème qui nuit à la santé publique, tant par
leur fréquence que par leur gravité. L’objectif de cette étude est de dresser
le profil épidémiologique des intoxications enregistrées au niveau de la région
de Tanger-Tétouan au Maroc. Une étude rétrospective a été réalisée sur tous les
cas d’intoxication déclarés au Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du
Maroc entre 1980 et 2008. Durant la période d’étude, 7152 cas d’intoxication
ont été collectés, soit environ 8,4% de toutes les intoxications enregistrées
au Maroc. L’âge moyen des patients était de 22 ans. Le sex-ratio (M/F) était de
0,8. Le monoxyde de carbone suivis des aliments puis des médicaments ont été
les causes les plus incriminés avec respectivement 27,2%, 27% et 20,9% des cas.
Les plantes et les pesticides ont causé le maximum de décès (22 et 16 cas).
L’évolution était favorable pour la plupart des patients (98% des cas), mais on
a noté 67 cas de décès.
Abstract
Poisonings constitute a public
health problem as rate as severity. The aim of this
study is to determine the epidemiological profile of poisonings recorded in Tanger-Tetouan
region, in order to reduce morbidity and mortality resulting from poisonings. A retrospective
study was performed on all poisoning cases reported to the Poison Control
Center of Morocco between 1980 and 2008. During this period, 7152 cases of
poisoning were collected, 8.4% of all poisonings recorded in Morocco. The
average age of the patients was 22 years old. The sex ratio (M / F) was 0.8.
The most frequently implicated products were carbon monoxide (27,2% of cases),
food (27% of cases) and drugs (20,9% of cases). Plants followed by pesticides
caused the most deaths (22 and 16 cases). The majority of patients (98% of cases) cured, but 67
deaths have been notified.
Introduction
Les
intoxications constituent un véritable problème dans de nombreux pays du monde,
ainsi qu’une cause fréquente d’admission aux urgences et en réanimation. En
effet, au cours de l’année 2004, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a
enregistré 345 814 cas de décès dus aux intoxications dans le monde (OMS,
2008), soit 5,35 décès pour 100 000 habitants. Aux Etats Unis, l’Association
Américaine des Centres Anti-Poison (AAPCC) a collecté 2 403 539 cas
d’intoxication en 2006, soit 8,03 pour 1000 habitants avec 1 229 cas de décès,
soit un taux de létalité de 0,05%. Le Maroc est l’un des pays concerné par cette pathologie toxicologique; ainsi, depuis
1980, la déclaration de tous les cas d’intoxication est devenue obligatoire,
conformément à la circulaire ministérielle N°19 829 DR/BF/MM). De 1980 à 2007,
le CAPM a collecté 78 374 cas d’intoxication (Ouammi et al, 2009). Cependant,
le plan d’action devant les intoxications n’est pas unifié. La prise en charge des intoxications revêt un
caractère particulier du fait de la diversité des toxiques et de leur
évolution dans le temps et dans l’espace. Conscient de l’ampleur du
problème et afin d’accomplir sa mission dans la vigilance sanitaire, le Centre Anti-Poison
et de Pharmacovigilance du Maroc est entrain d’établir la monographie des
intoxications par région, afin de mettre en place des actions ciblées et
efficaces. C’est dans ce cadre que nous nous proposons de décrire les
caractéristiques relatives à l’intoxication, de déterminer les facteurs pouvant
influencer l’évolution des patients et de comparer l’évolution des indicateurs
de santé pour les intoxications collectées dans la région de Tanger-Tétouan.
Données
et méthodes
Le présent travail consiste en une étude rétrospective de tous les
cas d’intoxication déclarés sur une durée de vingt-huit ans allant de janvier
1980 à décembre 2008, au Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc au
niveau de la région de Tanger-Tétouan. Il est à signaler que cette région se
situe au nord du Maroc. Elle est délimitée par la Méditerranée au Nord, l’océan
atlantique à l’Ouest, la région de Taza-Al Hoceima-Taounate à l’Est et la
région de Gharb-Chrarda-Beni Hssen au Sud. Sa superficie est de 11 570 km². La population
était de 2 460 220 ha d’après le Recensement Général de la Population
et de l’Habitat (2004) (Figure 1).
Une base de données sur laquelle sont saisies les fiches de tous
les patients intoxiqués et hospitalisés dans les structures sanitaires de la
région durant la période de l’étude a été établie. La fiche est remplie par le
médecin en charge du patient ou, à défaut, par l’infirmier, et transmise
régulièrement au Centre Anti-Poison et Pharmacovigilance du Maroc. L’étude a
concerné tous les patients marocains intoxiqués (tous produits confondus) par
un seul produit à la fois. Les cas de piqûres et d’envenimations scorpioniques
ne sont pas pris en compte dans cette étude. Les données analysées concernent
7152 cas d’intoxication. La méthodologie adoptée se base sur une description de
l’échantillon étudié. Pour ce faire, une description a été faite sur les
caractéristiques du patient intoxiqué (sexe,
âge, origine), les caractéristiques du toxique (famille de produit), les
caractéristiques de l’intoxication (type d’intoxication, circonstance,
symptomatologie, traitement, gradation et évolution) et sa répartition dans le
temps et dans l’espace. L’évaluation de
la gravité a été effectuée grâce à une classification internationale: poisoning
severity score (Person et al, 1998). L’âge a été analysé selon le
Who art. L’analyse concerne également les indicateurs de santé (Létalité qui
représente le nombre de cas de décès par le nombre de cas d’intoxication, et
Létalité spécifique à un facteur donné). Le test χ² a été utilisé pour
permettre de savoir si une différence entre certaines variables est
significative. Le calcul du risque relatif nous renseigne sur la liaison des différents facteurs avec l’évolution des
patients intoxiqués.
Figure 1.
Position géographique de la région de Tanger-Tétouan au Maroc
Figure 1. Geographical position of Tanger-Tetouan region in
Morocco
Résultats
Durant la
période de l’étude, le Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc a
collecté 7152 cas d’intoxications dans la région de Tanger-Tétouan répondant
aux critères d’inclusion. Ceci représente environ 8,4% de l’ensemble des cas
d’intoxication collectés durant la même période au niveau national.
Caractéristiques
épidémiologiques
Les résultats concernant la distribution des intoxications selon les
paramètres étudiés sont consignés dans le tableau 1.
Toutes les
tranches d’âge sont concernées par les intoxications. La distribution des cas
d’intoxication selon les groupes d’âge a montré que la tranche d’âge la plus
exposée est celle de l’adulte (54%), suivie par l’adolescent (17%) puis par l’enfant (16). L’âge
moyen des intoxiqués est de 21,8 ± 14,17 ans avec des extrêmes allant de la
naissance à l’âge de 90 ans. Une légère prédominance féminine a été notée, avec
un sex- ratio de 0,8 (Tableau 1).
La
répartition géographique a montré que la province de Tétouan a déclaré le plus
grand nombre d’intoxication (38%), suivie par les provinces de Larache (35%),
de Chefchaouen (21%), de Tanger-Assilah (5%) puis de Fahs-Anjra (1%). La
majorité de déclarations (79% des cas) provenait
de la zone urbaine (Tableau 1). Les
intoxications étaient à 85% isolées; 83% subviennent à domicile, 13% en milieu
public et 4% en milieu professionnel (Tableau I). La voie de pénétration du toxique était à 65% orale à 30%
inhalation et à 5% cutanée. Les patients intoxiqués présentent une
symptomatologie modérée. La gravité des intoxications était de niveau 2 (grade
2) et de niveau 3 (grade 3) à respectivement 72% et 11% des cas. Parmi les 4203
cas dont l’évolution des patients était connue, 4136 cas ont évolué
favorablement, 67 sont décédés, soit une létalité générale était de 2%.
n |
% |
Guérison |
Décès |
Inconnu |
LS |
|
Catégorie
d'âges |
||||||
Nouveau né |
6 |
0,1 |
5 |
0 |
1 |
0 |
Nourrisson |
18 |
0,3 |
12 |
0 |
6 |
0 |
Bébé marcheur |
838 |
12,3 |
488 |
6 |
344 |
0,01214575 |
Enfant |
1100 |
16,2 |
624 |
23 |
453 |
0,03554869 |
Adolescent |
1170 |
17,2 |
671 |
7 |
492 |
0,01032448 |
Adulte |
3635 |
53,5 |
2116 |
31 |
1488 |
0,01443875 |
Personne âgée |
25 |
0,4 |
12 |
0 |
||
6792 |
100,0 |
|||||
Sexe |
||||||
Féminin |
3912 |
55,3 |
2262 |
37 |
1613 |
0,01609395 |
Masculin |
3161 |
44,7 |
1830 |
30 |
1301 |
0,01612903 |
7073 |
100,0 |
|||||
Origine |
||||||
Rural |
744 |
20,6 |
455 |
9 |
280 |
0,01939655 |
Urbain |
2871 |
79,4 |
2013 |
31 |
827 |
0,01516634 |
3615 |
100,0 |
|||||
Province |
||||||
Chefchaouen |
1507 |
21 |
990 |
20 |
497 |
0,01980198 |
Fahs-Anjra |
56 |
1 |
55 |
0 |
1 |
0 |
Larache |
2509 |
35 |
1382 |
14 |
1090 |
0,01002865 |
Tanger-Assilah |
371 |
5 |
50 |
2 |
4 |
0,03846154 |
Tétouan |
2709 |
38 |
1375 |
17 |
1286 |
0,01221264 |
7152 |
100 |
|||||
Lieu intox |
||||||
Domicile |
4142 |
82,7 |
2386 |
21 |
1735 |
0,00872455 |
Public |
666 |
13,3 |
388 |
5 |
273 |
0,01272265 |
Travail |
191 |
3,8 |
149 |
0 |
42 |
0 |
Autre |
7 |
0,1 |
||||
5006 |
100,0 |
|||||
Circonstance |
||||||
Accidentelle |
5021 |
81,5 |
3134 |
34 |
1853 |
0,01073232 |
Volontaire |
1141 |
18,5 |
594 |
18 |
529 |
0,02941176 |
6162 |
100,0 |
|||||
Type intox |
||||||
Collective |
1090 |
15,2 |
837 |
6 |
247 |
0,00711744 |
Isolée |
6062 |
84,8 |
3299 |
61 |
2702 |
0,01815476 |
7152 |
100,0 |
|||||
Grade |
||||||
Grade 0 |
362 |
9,0 |
253 |
0 |
109 |
0 |
Grade 1 |
271 |
6,8 |
232 |
0 |
39 |
0 |
Grade 2 |
2886 |
72,1 |
1991 |
0 |
895 |
0 |
Grade 3 |
419 |
10,5 |
274 |
0 |
145 |
0 |
Grade 4 |
67 |
1,7 |
0 |
67 |
0 |
1 |
4005 |
100,0 |
Tableau 1. Distribition des cas d’intoxication selon les
caractéristiques de l’intoxiqué et de l’intoxication.
Table 1.
Distribution of poisoning cases according to the intoxicated characteristics
and the poisoning.
Produits incriminés
La figure 2
décrit la répartition des cas d’intoxication selon le produit en cause, le
nombre de décès par produit et la létalité spécifique.
Les trois
premières causes d’intoxication de point de vu effectif sont les produits
gazeux (monoxyde de carbone), les aliments puis les médicaments (1899, 1882 et
1455 cas). Les plantes, les pesticides et les produits gazeux constituent
les principales causes de décès par intoxication avec respectivement 22, 16 et
13 cas décès. La courbe de la létalité spécifique montre que celle-ci est maximale
pour les produits minéraux, ensuite les plantes puis les pesticides (Figure 2).
Indicateurs de santé
Les données relatives à l’incidence et la létalité sont décrites dans la
figure 3.
Le calcul
des indicateurs de santé nous a permis d’avoir des courbes d’évolution au cours
des années (1980 à 2008). Le nombre de cas d’intoxication augmente
progressivement au cours des années. Un pic a été observé en 2008. L’intensité
de la courbe de la létalité quant à elle, évolue de façon inverse à celle de
l’effectif des patients. Un pic a été marqué en 1981, puis la létalité diminue
au cours des années suivantes jusqu’en 2008 (Figure 3).
Figure 2.
Distribution des cas d’intoxication selon le produit, le nombre de décès et la
létalité spécifique
Figure 2.
Distribution of poisoning cases according to the product, death cases and
specific lethatity
Figure 3. Evolution du nombre de cas d’intoxication et de la létalité au cours des années
Figure 3. Evolution of poisoning
cases and the lethality
Effets de certains facteurs
sur l’évolution des patients
Afin de
déceler les différentes liaisons entre les variables à deux modalités et
l’évolution des patients, nous avons calculé le risque relatif et le Chi-deux
de contingence; les résultats sont résumés dans le tableau II. Les résultats montrent
que certains facteurs tels que, le type d’intoxication, le sexe et les
circonstances d’intoxication présentent une association significative avec
l’évolution. D’après les résultats, les risques relatifs sont respectivement:
2,58; IC95% [1,17-3,09], 1,90; IC95% [1,11-5,99] et 2,79;
IC95% [1,57-4,98]. L’intoxication volontaire, le sexe féminin
et l’intoxication de type isolé sont des facteurs de risque d’évolution vers le
décès chez les patients (Tableau 2).
|
n |
Guérison |
Décès |
Chi-deux |
P |
RR |
IC 95% |
|
Age |
||||||||
Adulte |
5001 |
2900 |
37 |
0 |
1,000(NS) |
0,998 |
0,614-1,621 |
|
Enfant |
2151 |
1236 |
30 |
|||||
Sexe |
||||||||
Féminin |
3912 |
2262 |
37 |
6,947 |
0,011(TS) |
1,901 |
1,170-3,093 |
|
Masculin |
3161 |
1830 |
30 |
|||||
Origine |
||||||||
Rural |
744 |
455 |
9 |
0,431 |
0,537(NS) |
1,284 |
0,607-2,717 |
|
Urbain |
2871 |
2013 |
31 |
|||||
Type intox. |
||||||||
Collective |
1090 |
837 |
6 |
5,234 |
0,020(TS) |
2,579 |
1,111-5,987 |
|
Isolée |
6062 |
3299 |
61 |
|||||
Circonstance |
||||||||
Accidentelle |
5021 |
3134 |
34 |
13,191 |
0,001(HS) |
2,793 |
1,567-4,979 |
|
Volontaire |
1141 |
594 |
18 |
|||||
Clinique |
||||||||
Asymptomatique |
1966 |
1042 |
14 |
0,647 |
0,480(NS) |
1,275 |
0,705-2,307 |
|
|
Symptomatique |
5186 |
3094 |
53 |
Tableau 2. Facteurs de sévérité en relation
avec l’évolution des patients. RR: Risque relatif; IC: Intervalle de confiance;
S, TS, HS, NS: différentes significativités aux seuils de 5% et 1‰.
Table 2. Severity factors in relation to patients outcome
Discussion
Les déclarations
d’intoxications dans la région étudiée ont été fréquentes. En effet, entre 1980
et 2008, un total de 7152 cas a été dénombré. Durant cette période, le nombre
de cas d’intoxication a augmenté de façon progressive et quelque soit le
toxique suspecté, cette distribution temporelle montre que les intoxications
ont été enregistrées tout au long de l’année. L’augmentation du nombre de
déclaration durant la période d’étude pourrait être attribuée aux multiples
actions et innovations réalisées par le Centre Anti-Poison et de
Pharmacovigilance du Maroc. D’après les résultats, le sex-ratio (M/F) est de
0.8, les femmes sont légèrement plus exposées
aux intoxications et au risque de décès par intoxication (RR=1,90; IC à 95% [1,11-5,99]).
Contrairement aux différents travaux fait sur les piqures et envenimations
scorpioniques dans d’autres régions, les hommes sont les plus concernés (Arfaoui
et al, 2009; Mahaba, 2000; Tchoua et al, 2002; Sgarbi et al, 1995; Amin et al,
2008; Charrab et al, 2009; Osnava-Romero et al, 2001; Saulat et al, 2007). Les adultes
sont les plus représentées dans cette étude (67%), Ce résultat est différent
des résultats trouvés en 2007 au Centre Anti Poison de Belgique (Centre Anti
poison belge, 2007) et au Centre Suisse d’Information Toxicologique (Centre
suisse d’information, 2007) selon lesquels, la tranche d’âge la plus exposée
aux intoxications est celle des enfants. D’après les résultats, les
déclarations provenaient en majorité des domiciles urbains (79%). Ceci pourrait
être expliqué par la croissance démographique due à l’exode rural non contrôlé
des populations, et à la sous déclaration au niveau des zones rurales. Cette
dernière serait due à l’insuffisance d’infrastructures sanitaires et des moyens
de communication. La circonstance accidentelle dominaient avec 81% des cas, les
cas volontaires sont loin d’être négligeables (19% des cas). Les cas de
tentatives de suicide représentent 17%. D’après les donnés, ces dernières
concernent surtout les adultes. Ce résultat diffère de la littérature qui
stipule que les adolescents sont les
plus suicidant (LeHeuzay et al, 1995; Centre
for disease control, 1995; Choquet et Granboulane, 2003). Divers produits sont
impliqués dans ces intoxications; les plus important sont respectivement les
produits gazeux (monoxyde de carbone), les aliments puis les médicaments. Le
monoxyde de carbone est à l’origine de 1899 cas d’intoxication dans la région
de Tanger-Tétouan. C’est une des régions à hiver très froid. L’hostilité des
conditions climatiques nécessite l’utilisation des sources de chauffage dans
ces régions (Aghandous et al, 2009). Au niveau national, ces produits ont causé
11 488 cas d’intoxications pour la même période d’étude (Aghandous et al,
2009). Au Maroc, les sources génératrices de monoxyde de carbone sont
nombreuses et diverses allant des dispositifs de chauffage traditionnels comme
le brasero (Kanoun), aux chauffe-eaux les plus sophistiquées, en passant par
les émanations des pots d’échappement des voitures, les fumés, notamment de
cigarette, etc (Soulaymani, 2009). Le monoxyde de carbone continue à être l’un
des gaz les plus incriminés dans des cas d’intoxication impliquant des dommages
humains (Chara et Louardi, 2002; Mathieu et al, 2000; Vincenti et al, 2000; Borron
et al, 2008; Donaty et al, 2005; Macovei et al, 2008). Les aliments font
l’objet de 1882 cas d’intoxication dans la région d’étude. Ce problème est peut
être amplifié par les conditions climatiques. Ainsi, la température joue un
rôle important sur l’incidence des maladies et des intoxications causées par
les aliments (Bentham et Lanford, 1995). Une étude faite par les Centres for
Disease Control and Prevention d’ Atlanta au Etats-Unis montre que chaque année,
76 millions de cas de maladies d’origine alimentaire, dont 9000 cas de décès se
produisent aux Etats-Unis (Mead et al, 1999). Une autre étude a montré que le
nombre de ces maladies était d’environ de 2 365 909 cas en 1995 en
Angleterre et au pays de galles (Adak et al, 2002). De 1989 à 2008, les
aliments occupent au Maroc une part importante sur l’ensemble des intoxications
(17 896 cas avec 59 décès) (Aoued et al, 2010). Les résultats ont montré que
1455 cas d’intoxication ont été dus aux médicaments. A l’échelle
internationale, les médicaments représentent une part plus importante sur
l’ensemble des cas d’intoxication. En 1991, Une étude de 1101 cas réalisée à
Grenoble a montré que l’intoxication par les médicaments était la plus fréquente
avec 716 cas; soit 65 % des cas (Garnier et al, 2000). Selon Charalambos et al (1992),
entre novembre 1999 et novembre 2000, 8.5% des patients hospitalisés au Pérou
étaient intoxiqués par des médicaments. Un nombre élevé d’intoxication
médicamenteuse (67% des intoxications humaines) a été enregistré en 2002 au
centre Antipoison de Lille (Mathieu, 2002). Les analyses ont révélés que la
létalité maximale est observée chez les patients intoxiqués par les plantes
(14,5%), les pesticides (2,7%) et le monoxyde de carbone (0,7%). Les
pesticides, ont causé à l’échelle national et pour la même période d’étude, 382
décès parmi 10 332 cas d’intoxication, soit une létalité de 3,7% (Ait El cadi et al, 2009; Idrissi et al, 2010).
Entre 1992 à 1999, une étude faite sur 500 cas d’intoxication aigues admises en
réanimation à l’hôpital Ibn Sina de Rabat, a révélé 41 cas de décès parmi 79
cas d’intoxication aux organophosphorés (Madani et al, 2000). Durant la période
d’étude, le pronostic vital des patients était à 98% favorable. Il n’a été
fatal que pour 2% des patients. A Utah aux Etats-Unis, une augmentation d’un
facteur de 5 du nombre de décès toxiques passant de 79 en 1999 à 391 en 2003 a
été notée (Centre for disease control, 2005).
Cette étude a permis
d’avoir une idée générale et objective sur la pathologie. Les analyses faites
ont aidé à évaluer et à suivre les variations des caractéristiques spatiales,
temporelles, les caractéristiques relatives à l’intoxiqué, au toxique, à
l’intoxication. Ces intoxications étaient en majorité accidentelles, mais les
cas suicidaires sont loin d’être négligeables. De point de vu fréquence, les
aliments suivis par les produits gazeux puis par les médicaments sont en tête
de toutes les intoxications enregistrées au cours de la période étudiée. Ce
sont respectivement les plantes et les pesticides/produits agricoles qui ont
causé le plus de décès. Ces intoxications pourraient être prévenues par une
utilisation prudente et rationnelle de ces produits, une connaissance des
plantes toxiques, une conservation adéquate des aliments, une lutte contre
l’automédication…etc; ceci permettrait une bonne maîtrise de l’intoxication et une
meilleure prise en charge du patient.
Références
Adak, G.K., Long, S.M.,
O’Brien, S.J., 2002, Trends in indigenous foodborne disease and deths. England
and Wales, 51, 832-841.
Aghandous, R., Rhalem, N.,
Semllali, I., Benlarabi, S., Badri, M., Soulaymani, A., Ouammi, L., et
Soulaymani, R., 2009, Profil épidémiologique des intoxications par le monoxyde
de carbone au Maroc. Toxicologie Maroc, 3, 9-11.
Aït
El Cadi, M., Mezzane, A., Meddah, B., Khabbal, Y., et Idrissi L., 2009,
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