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Sebbani, M., Adarmouch, L., Mouwafaq, S., Amine, M., 2012, Connaissances, attitudes et pratiques à l’égard de la grippe AH1N1: Enquête auprès des médecins en formation au CHU Mohammed VI, Marrakech. Antropo, 26, 77-82. www.didac.ehu.es/antropo


 

Connaissances, attitudes et pratiques à l’égard de la grippe AH1N1: Enquête auprès des médecins en formation au CHU Mohammed VI, Marrakech

 

Knowledge, attitudes and practices towards the flu H1N1:

Survey of interns CHU Mohammed VI, Marrakesh

 

Majda Sebbani, Latifa Adarmouch, Safwane Mouwafaq, Mohamed Amine

 

Laboratoire d’épidémiologie, Faculté de Médecine et de Pharmacie. Université Cadi Ayyad, CHU Mohammed VI, Marrakech.

 

Auteur correspondant: Majda Sebbani. Laboratoire d’épidémiologie, Faculté de Médecine et de Pharmacie. Université Cadi Ayyad, CHU Mohammed VI, Marrakech. dr.sebbani@gmail.com

 

Mots clés: Connaissances, Attitudes, Pratiques, Grippe, H1N1, Marrakech

 

Keywords: Knowledge, Attitudes, Practices, Influenza, H1N1, Marrakesh

 

Résumé

L’année 2009 a été marquée par l’avènement de  la grippe AH1N1. L’objectif de l’étude était de décrire les connaissances, attitudes et pratiques des médecins en formation au CHU Mohammed VI vis-à-vis de la grippe pandémique. Il s’agissait d’une étude transversale exhaustive ayant inclut 118 médecins internes et résidents affectés aux différents services. Un questionnaire anonyme auto administré a permis de collecter les données. Au total, 84.2% des médecins se sentaient prêts à prendre en charge des cas suspects, tandis que 52.7% connaissaient la conduite à tenir nationale face à ces cas. Seuls  36% des répondants pensaient être suffisamment informés. Cinquante et un répondants (44.7 %) se sont déjà fait vacciner contre la grippe saisonnière et seuls 14 parmi 112 médecins (12.5%) ont déclaré qu’ils se feraient vacciner contre la grippe A H1N1.  Les résultats de cette étude soulignent l’intérêt de la communication et la formation dans ce contexte de pandémie.

 

Summary

The influenza virus H1N1 has been considered a pandemic since the transition to phase 6 declared on June 11, 2009. The aim of our study was to describe the knowledge, attitudes and practices of trainee doctors in Mohammed VI university hospital towards the pandemic. A cross-sectional descriptive study has included 118 interns assigned to different departments of the university hospital of Marrakesh. Data collection used a self-administered anonymous questionnaire. Physicians who felt ready to manage suspected cases of influenza a accounted for 84.2%, while 52.7% knew the national strategy in response to these cases. Only 36% of respondents believed they were sufficiently informed to meet the needs of the population. Fifty-one respondents (44.7%) have already been vaccinated against seasonal influenza. Only 14 among 112 physicians (12.5%) said they would be vaccinated against influenza A H1N1. These results underline the importance of communication and information for doctors.

 

Introduction

La grippe à virus AH1N1 est une grippe pandémique depuis le passage à la phase 6 déclaré par l’OMS le 11 juin 2009. Les instances sanitaires internationales et nationales (Ministère de la Santé et ses différents partenaires) ont élaboré des stratégies précises de prise en charge de cette maladie aussi bien sur le plan préventif que curatif. Dans toutes les stratégies développées, les professionnels de santé constituaient le fer de lance des différentes actions curatives et préventives menées pour faire face à une éventuelle pandémie, d’où la nécessité pour eux d’appréhender en un temps record les différentes dimensions cliniques et psychosociales d’une nouvelle maladie surmédiatisée et suscitant la polémique dans les différentes sphères de la société. L’approche des préoccupations et du comportement des médecins dans ce contexte est important pour mieux cibler les outils de communication et d’information et optimiser la prise en charge de la population. Nous avons réalisé cette étude au cours de la période de préparation nationale face à une éventuelle pandémie dans le but de décrire les connaissances, attitudes et pratiques des médecins en formation au CHU Mohammed VI de Marrakech.

 

Méthodes

Il s’agissait d’une étude transversale à visée descriptive réalisée au cours du mois de novembre 2009 (du 09 au 20) auprès des médecins en formation (internes et résidents) des différentes spécialités des quatre hôpitaux du CHU Mohammed VI de Marrakech. L’étude était exhaustive incluant 195 médecins ayant tous manifesté leur consentement à participer à notre étude.

Un questionnaire auto administré anonyme de trois pages, comportant des questions ouvertes et fermées a permis de recueillir  Les informations sur les données sociodémographiques des participants, la désignation pour assurer les gardes spécialement dédiées à la grippe, les connaissances sur le virus pandémique (épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et préventives), les attitudes vis-à-vis d’une pandémie avérée et les pratiques en l’occurrence la vaccination antigrippale. La saisie et l’analyse des données a été réalisé à l’aide du logiciel Epi-info version 6. Les données quantitatives ont été décrites par les moyennes et écarts types. Les données qualitatives par les fréquences et les pourcentages. Le test  a été utilisé pour comparer les pourcentages avec un  seuil de signification fixé à 5%.

 

Résultats

Au total, 195 médecins avaient participé à notre enquête avec un taux de réponse de 60,5%. La moyenne d’âge était de 27,6±3,5 ans avec des extrêmes de 21 à 42 ans. Les résidents représentaient 71% des enquêtés versus 29% d’internes. Parmi les répondants, 57 (29,2%) avaient été assignés pour assurer les gardes spécialement dédiées à la grippe.

 

Connaissances

Concernant la question portant sur la gravité du virus pandémique, 96,4% (n=111) des participants ont répondu que la transmission interhumaine du virus était efficace, 84 (71,8%)  pensaient que la grippe A était aussi contagieuse que la grippe saisonnière et 31 (26,5%) pensaient qu’elle était plus contagieuse. Quant à la mortalité engendrée par le virus pandémique, 47 (39,8%) pensaient que la nouvelle grippe était associée à une mortalité plus élevée que la grippe saisonnière, 25,4% pensaient que ces taux étaient similaires alors que 34,7% pensaient qu’ils étaient plus faibles. Les connaissances sur les modes de transmission du virus AH1N1 selon les participants sont mentionnées dans le tableau 1.

 

Modes de transmission

Effectif

Pourcentage

Gouttelettes de salive

116

99,1

Secrétions respiratoires

111

96,5

Contact manuel

104

94,5

Objets souillés

95

88,0

Larmes

12

13,2

Sueur

9

10,2

Viande de porc

7

7,8

Matières fécales

4

4,4

Tableau 1. Modes de transmission de la grippe selon les participants.

Table 1. Modes of transmission of influenza according to participants.

 

La fièvre était considérée comme obligatoire pour retenir le diagnostic chez 58,8% des répondants. Concernant la  conduite à tenir nationale face à un cas, 52,7% des enquêtés estimaient la connaitre, alors que  seuls 18 médecins connaissaient les instances réglementaires se chargeant de la gestion de la pandémie. Les médecins assignés pour assurer les gardes dédiées à la grippe AH1N1 étaient proportionnellement plus élevé à connaitre la conduite à tenir devant un cas suspect de grippe AH1N1 comparé au groupe non affecté aux gardes dans respectivement 63,6% contre 41,5%   (p=0,02).

Face à un cas suspect, 40,7% des médecins avaient déclaré qu’ils ressentiraient de l’angoisse et 84,2% se sentaient prêt à assumer sa prise en charge. Ces sentiments ne semblaient pas être influencés par l’affectation à la garde ni par le niveau d’information.

 

Attitudes et pratiques

L’adoption du port de masque comme moyen de protection en cas de pandémie était déclaré de la part de 25,7% des participants alors que le port de gants serait préconisé par 60,5% des répondants.

Parmi 114 médecins, 51 (44,7%) s’étaient déjà fait vacciner contre la grippe saisonnière et 34 (66,7%) s’étaient vaccinés au cours de la même année. Quant à la vaccination contre la grippe AH1N1 seuls 14 médecins (12,5%) déclaraient qu’ils allaient se faire vacciner contre la grippe AH1N1, et 24 (22,6%) conseilleraient le vaccin. La réticence vis-à-vis du vaccin semblait indépendante du niveau d’information et de la désignation pour assurer les gardes spécialement dédiées à la grippe (tableau 2).

Parmi les médecins qui se considéraient assez informés, seuls 4/40 (10%) se feraient vacciner une fois le vaccin disponible. Les raisons de réticence à l’égard du vaccin contre la grippe pandémique; pouvaient être scindées globalement en deux catégories: la crainte des effets secondaires, et l’absence de recul.

 

 

Conseiller le vaccin aux autres

 

P*

Oui

Non

Affectés à la garde

9 (17%)

43 (83%)

 

0,19

 

Non affectés

14 (28%)

36 (72%)

Bien informé

6 (16%)

32 (84%)

Mal informé

17 (25%)

50 (74%)

0,25

Tableau 2. Conseil de la vaccination contre la grippe H1N1 aux autres. *p: degré de signification statistique.

Table 2. Conselling of vaccination against influenza to others.

 

Discussion

Les épidémies annuelles de grippe constituent un défi récurrent pour les systèmes de santé de part la fréquence importante des cas mais aussi de la gravité éventuelle chez les populations à haut risque.

Le professionnel de santé constitue un acteur principal dans tous les programmes élaborés pour lutter contre les épidémies de grippe, et pour améliorer la préparation en vue d’une éventuelle pandémie, dans la perspective de réduire la mortalité et la morbidité liées à cette infection

Au cours de l’année  2009, l’avènement de la grippe AH1N1 première pandémie grippale du 21éme siècle (Al Hajjar et McIntosh, 2010; Chang, 2009) a suscité la polémique à l’échelle mondiale. La nouvelle maladie surmédiatisée, a créée l’inquiétude et la confusion aussi bien chez la population générale que chez les professionnels de santé et les décideurs. Au Maroc, non épargné de la vague grippale, les médecins étaient confrontés  à gérer le flux de la population angoissée et à appréhender les différents aspects de la maladie, les internes et résidents  représentaient une des catégories de médecins ciblés par les programmes de formation et de riposte au niveau de notre CHU en vue de les préparer adéquatement à faire face à une éventuelle pandémie locale.

 

Connaissances

Le tableau de morbidité et de mortalité entraîné par le virus H1N1 différait de manière frappante de celui que l’on observe pendant la grippe saisonnière. Pendant les épidémies saisonnières, plus de 80% des décès surviennent chez des personnes âgées fragiles, alors que le virus AH1N1 touchait une tranche d’âge plus jeune (Les enfants et les adultes jeunes). La maladie semblait être bénigne néanmoins des complications peuvent survenir chez les personnes à haut risque tel que les femmes enceintes, les très jeunes enfants et les sujets porteurs de maladies chroniques ou immuno déprimantes.

Dans notre enquête la majorité des médecins pensaient que la grippe A était aussi sinon plus contagieuse que la grippe saisonnière avec des taux de mortalité plus élevées d’après  39,8% des répondants, plus faibles dans 34,7% et similaires dans 25,4% des cas. Les connaissances de nos médecins  concernant les modes de transmission du virus et les moyens de prévention étaient bonnes. Néanmoins, les larmes, sueurs, viande de porc et matières fécales ont été rapporté comme étant un mode de transmission possible. Nos médecins ont répondu que l’évitement des piscines et hammams figurent parmi les  moyens de prévention dans la moitié des réponses. L’angoisse et l’inquiétude rapportée par 40% de nos participants pourrait expliquer la surestimation de la virulence du virus pandémique exprimée à travers ces réponses. Cette amplification de la gravité du nouveau virus grippale a été apporté dans d’autres études réalisées dans ce contexte, ainsi l’évaluation des connaissances du personnel de santé (médecins et autres) en Australie, a montré que 80,9% (n=873) des répondants pensaient que la pandémie de la grippe était très grave mais moins que la moitié (43,9%, n=473) ont été en mesure de la définir correctement (Seale, 2009), Dans une autre étude, le contact sexuel a été noté comme moyen de transmission (Balkhy, 2010).

Pour remédier à cette insuffisance en matière de connaissances, il était primordial de former nos médecins, en effet La formation du personnel du soin est soulevée parmi les priorités dans la lutte contre une  éventuelle propagation de l’infection (Lautenbach et al., 2010). Dans ce sens des séminaires et des réunions de sensibilisation et de communication ont été organisées localement par le ministère de la santé en collaboration avec la délégation et le centre hospitalier universitaire au profit de notre personnel de santé en vue d’améliorer les connaissances et les pratiques. Cependant La source principale de l’information d’après nos enquêtés était représentée par les médias et via internet. Ceci a été noté également dans une enquête réalisée auprès de la population saoudienne, d’où la nécessité de diffuser une information correcte et précise pour surmonter la confusion générée par la sur médiatisation de l’événement (Balkhy, 2010).

Notre enquête a soulevé une méconnaissance des instances réglementaires chargées de la gestion de la grippe AH1N1  Ce qui peut refléter encore une fois le manque en matière de communication dans ce contexte de pandémie malgré les efforts visant cet aspect, et souligne la nécessité d’adapter les moyens de communication particulièrement aux médecins en formation.

A l’échelle nationale, Le ministère de santé Marocain a élaboré un plan dans le cadre de la préparation et la riposte à une éventuelle pandémie locale, et il a bien codifié la conduite à tenir devant un cas suspect de grippe AH1N1 dans le but de standardiser la prise en charge. Cette conduite à tenir était significativement plus connu quand nos médecins étaient désignés pour assumer la garde dédiée à la grippe (p=0,002).

 

Attitudes et pratiques

Nos participants n’adopteraient le port de masque comme moyen de prévention que dans 25,7% des cas. Le refus de se conformer aux mesures de précautions préconisées pour limiter la propagation de la grippe aussi bien durant les épidémies que dans le cadre de la pandémie due au virus AH1N1 a été rapporté par d’autres enquêtes (Tang et Wong, 2004; Wicker, 2009a). En effet, l’inquiétude et les idées fausses concernant l’infection conduisent à des comportements inappropriés et un refus de se conformer aux mesures de précaution requises de la part de la population notamment le port de masque (Tang et Wong, 2004), le niveau de connaissance semble être un facteur déterminant de la conformité à ces mesures (Balkhy, 2010).

En matière de prévention de la propagation et de la contamination par La grippe, le moyen le plus efficace de se prémunir de la maladie ou d’une issue grave est la vaccination. Dans notre enquête, la vaccination antigrippale était globalement insuffisante chez nos médecins. Contrairement aux attentes des autorités nationales et aux préparatifs prises par les décideurs pour répondre à une éventuelle demande accrue du vaccin par les professionnels de santé, la vaccination a été l’objet d’un refus massif. La réticence à son égard  semblait indépendante du niveau d’information et de la désignation pour assurer les gardes spécialement dédiées à la grippe. Nos médecins ont exprimé un refus aussi bien pour se faire vacciner que pour le conseiller.  Les raisons de cette attitude pouvaient être scindées globalement en deux catégories: la crainte des effets secondaires, et l’absence de recul.

Dans la littérature, il est démontré que la vaccination antigrippale pour le personnel de santé réduit la morbidité et la mortalité des patients (Wicker, 2009b), cependant le taux de vaccination contre la grippe chez les professionnels de santé est universellement faible.

La faible couverture vaccinale serait due principalement à la méconnaissance de l’infection, la peur des effets secondaires, et le doute sur l'efficacité de la vaccination contre la grippe (Wicker, 2009a). Alors que la raison principale d’adoption de la vaccination était représentée par le désir de s’auto protéger. L’éducation et la communication peut jouer un rôle important dans la modification du comportement des professionnels de santé à l’égard de la vaccination (Tang et al, 2004; Thoon et al, 2010).

Au final, l’attitude très hétérogène des médecins par rapport à la grippe AH1N1 reste pleine d’enseignement et mérite plus d’investigations pour clarifier les déterminants de leurs réactions. Des actions plus soutenues se basant sur l’éducation et la communication  semblent nécessaires pour une meilleure préparation du professionnel de santé face au risque de nouvelles vagues de grippe.

 

Références

Al Hajjar S, McIntosh K. 2010. The first influenza pandemic of the 21st century. Annals Saudi Medicine. 30(1):1-10.

Balkhy HH. 2010. Awareness, attitudes, and practices related to the swine influenza pandemic among the Saudi public. BMC Infectious Diseases. 10:42.

Barr M. 2008. Pandemic influenza in Australia: using telephone surveys to measure perceptions of threat and willingness to comply. BMC Infectious Diseases. 8:117.

Chang L. 2009. Novel swine-origin influenza virus A (H1N1): the first pandemic of the 21st century. Journal of the  Formosan Medical Association. 108(7):526-532.

Lautenbach E et al. 2010. Initial response of health care institutions to emergence of H1N1 influenza: experiences, obstacles, and perceived future needs. Clinical Infectious Diseases. 50(4):523-527.

Seale H. 2009. "Will they just pack up and leave?" - attitudes and intended behaviour of hospital health care workers during an influenza pandemic. BMC Health Service Research. 9:30.

Tang CS, Wong C. 2004. Factors influencing the wearing of facemasks to prevent the severe acute respiratory syndrome among adult Chinese in Hong Kong. Preventive Medicine. 39(6):1187-1193.

Thoon KC, Chong CY. 2010. Survey of healthcare workers' attitudes, beliefs and willingness to receive the 2009 pandemic influenza A (H1N1) vaccine and the impact of educational campaigns. Annals  Academy of Medicine Singapore. 39(4):307-306.

Wicker S. 2009a. Influenza vaccination compliance among health care workers in a German university hospital. Infection. 37(3):197-202.

Wicker S. 2009b. Vaccination against classical influenza in health-care workers: self-protection and patient protection. Deutsches Arzteblatt International. 106(36):567-572.