Antropo, 2011: Hioui et al

EL Hioui, M., Ahami, A.O.T., Aboussaleh, Y., Rusinek, S., Dik, K., Soualem, A., 2011, L’anémie et le développement neurocognitif chez les enfants scolaires de la région rurale de Kenitra (Maroc). Antropo, 24, 55-59. www.didac.ehu.es/antropo

L’anémie et le développement neurocognitif chez les enfants scolaires de la région rurale de Kenitra (Maroc)

Aneamia and Neuro-cognitive Development among Rural School Children in Kenitra, Morocco

M. EL Hioui¹, A.O.T. Ahami¹, Y. Aboussaleh¹, S. Rusinek², K. Dik¹, A. Soualem¹

¹Laboratoire de Biologie et Santé. Unité de Neuroscience et Nutrition. Département de Biologie, Faculté des Sciences. Université Ibn Tofail, BP: 133, Kenitra, Maroc.

² UFR de Psychologie, Laboratoire PSITEC, Université Charles De Gaulle, Lille 3, France.

Correspondance: Dr. EL HIOUI Mohamed. Laboratoire de biologie et santé, unité de Neurosciences et Nutrition. Faculté des Sciences Kenitra- Université Ibn Tofail. Maroc. E-mail: elhioui2000@yahoo.fr

Mots clés: Raven, Neuropsychologie, ferritine, Anémie, Kenitra.

Key words: Neuropsychological, Raven, Ferritin, Anemia, Kenitra.

Résumé

L’association entre l’anémie et le développement neurocognitif et psychomoteur a été largement rapportée chez les enfants d’âge scolaire portant ainsi préjudice aux capacités d’apprentissage et à la performance scolaire.

Objectif: l’objectif de notre étude est de procéder à une exploration neuropsychologique chez les enfants anémiques et carencés en fer.

Méthodes: Un sous échantillon de 36 enfants anémiques ont été dépistés sur un total de 293 écoliers âgés de 6 à 16 ans d’un niveau socioéconomique modeste et d’origine rural. Ils ont subi une batterie de tests cognitifs parmi lesquels, le test de Raven pour estimer les capacités intellectuelles d’induction. Les élèves ont subit aussi un questionnaire relatif à l’appréciation du niveau du développement neuropsychologique cognitif et comportemental. Le statut en fer a été déterminé par le dosage de la ferritine sérique.

Résultats: Nous avons constaté une corrélation entre le score du test des matrices progressives de Raven et les performances scolaire exprimées par la moyenne générale (R= 0,28) et le classement général (R= -0,2). Nous notons également une corrélation positive très forte entre les taux de ferritine et la note des mathématiques (R= 0,27). Le test de Raven s’est révélé être significativement associé à l’anémie (p=0,036).

Conclusion: Le fer est un nutriment clef pour le développement du cerveau et un statut optimal en fer est nécessaire pour assurer de meilleures performances cognitives.

Summary

Iron deficiency in early life alters the course of behavioral and cognitive development in humans, causing decreased physical activity and responsiveness to the environment.

Aims: Our objective is to conduct a neuropsychological exploration among anaemic children and deficient in iron and compare them to non anaemic ones in a rural setting in North West of Morocco.

Methods: Indeed from a 295 pupils aged from 6 to 16 years old were observed. Ferritin cut off point of 15µg/dl has showed that 76 children are iron deficient with 36 of them physiologically anaemic as revealed by their haemoglobin under 11.5 g/dl.

A battery of psychological and cognitive test was performed. (Progressive Matrix of Raven to measure the inductive component of intelligence and the bells barrage to determine visual attention and visual strategy). Data on demography and socioeconomic status were collected by questionnaire answered by the parents.

Results: We found a correlation between test score of Raven's Progressive Matrices and school performance expressed by the overall average (R = 0.28) and overall (R = -0.2). We also note a strong positive correlation between ferritin levels and math score (R = 0.27). The Raven test was found to be significantly associated with anemia (p = 0.036)

Conclusion: Anaemia need to be treated and iron status is repleted in this school. A follow up study was planned with the partnership of health delegation.

Introduction

Le fer est l’oligoélément le plus présent dans le cerveau. Il participe au métabolisme neuronal et de ce fait influence les fonctions cognitives et comportementales. Le tissu cérébral est riche en fer, avec des concentrations qui différent selon la région du cerveau et le stade du développement (Youdin, 2000). Parmi les nombreux effets biologiques du fer, son rôle dans le fonctionnement neuronal et le développement du cerveau est essentiel (Beard, 2001). En effet, les enfants carencés en fer sont plus hésitants et se fatiguent facilement. Ils sont moins actifs aux instructions et aux démonstrations. Ces comportements peuvent contribuent à l’altération du développement cognitif par l’isolement fonctionnel (Lozoff et al, 1998; Granthan-McGrégor et al, 2001). Aliamo et al. (2001) ont comparé les performances cognitives chez les enfants scolaires de 6 à 11 ans et ceux de 12 à 16 ans en insécurité alimentaire. Les premières ont de moins bonnes performances en arithmétique, redoublent plus, décrochent plus des psychologues. En outre, les enfants dépensent généralement moins d’énergie en cas de réduction importante de l’apport alimentaire, ils s’intéressent moins à ce qui se passe autour d’eux et perdent l’envie de participer à des activités de découverte

Des études longitudinales révèlent que les enfants anémiques en bas âge voient leurs développements moteur et cognitif ralentis et éprouvent des difficultés scolaires jusqu’à l’âge de 10 à 13 ans (Lozoff B, 2000).

Nous avons mené une étude dans la région de OULAD BERJAL, dans la province de Kenitra, zone rurale à vocation agricole, avec un objectif de procéder à une exploration neuropsychologique chez les enfants anémiques et carencés en fer.

Matériel et méthodes

L’étude a porté sur un échantillon de 293 enfants scolarisés de la région de Oulad Berjal, province de Kenitra, au Sud West du Maroc. Tous les enfants de l’école présents les jours de l’enquête ont été inclus dans l’étude, sauf refus de consentement exprimé par les enfants ou leurs parents. L’étude a reçu l’approbation de l’autorité de santé provinciale.

Pour chaque enfant ont été réalisés:

Une enquête par questionnaire standardisé portant notamment sur le statut socio-économique et démographique du ménage.

Développement cognitif

Au total 295 élèves ont subi des tests cognitifs parmi le quel: Matrice progressives de Raven (Raven, 1958), et le test de barrage des cloches.

L’épreuve choisi dans notre étude: Matrices Progressives de Raven.

L’épreuve est composée de 60 problèmes qui se présentent en blanc et noir, distribués dans 5 séries, A, B, C, D et E, chacune des séries est composée, à son tour, de 12 problèmes, ordonnés en degré croissant de difficulté.

Le test a été individuellement administré par une équipe de notre laboratoire, et les scores ont été établis selon un barème de percentile en fonction de l'âge (Raven, 1958; Ivanovic et al., 2003).

Examen hématologique

Le diagnostic de l’anémie se base sur l’étude de l’hémogramme et le taux de l’hémoglobine alors que le statut de fer est déterminé par le niveau de ferritine sérique.

L’anémie a été définie selon les critères de l’OMS par un taux d’hémoglobine inférieurs à 11,5 g/dl. L’insuffisance de fer est définie quand le taux de ferritine sérique est inférieur à 15 µg/l (WHO, 2002).

Ces examens ont été effectués au laboratoire d’analyses médicales privé de la ville de kenitra.

Les données ont été saisies et analysée par le logiciel SPSS (version 10). La mesure de l’association entre l’anémie et les facteurs de risques potentiels est réalisée selon un modèle de régression logistique utilisant la méthode descendante pas à pas (conditionnelle). Les résultats sont donnés sous forme des tableaux. Nous avons adopté un degré de signification de p <0,05.

Résultats

Il ressort du tableau 1 une corrélation positive entre les taux de ferritine et la note de mathématique (R= 0,5) et la moyenne générale annuelle (R=0,37).

Nous relevons que les résultats du test de Raven sont fortement corrélées avec les performances scolaire exprimée par la moyenne générale et le classement général (p<0,001) (tableau 12). Alors que la moyenne générale en Maths est positivement corrélée avec les matrices progressives de Raven (p<0,001).

Le test de Raven s’est révélé être significativement associé à l’anémie (p=0,036). L’insuffisance intellectuelle à été notre chez 77,9% des enfants anémiques contre 68,5 % des enfants non anémiques (tableau 3).

	Ferritine sérique (µg/l)
Moyenne général	0,37
Classement général de l’année	-0,23
Moyenne général en Maths	0,5

Tableau 1. Corrélation entre le taux de ferritine sérique et les résultats scolaires chez les enfants.

Table 1. Correlation between serum ferritin levels and educational outcomes among children.

	Matrice de Raven
Moyenne général	0,28
Classement général de l’année	-0,2
Moyenne général en Maths	0,27

Tableau 2. Corrélation entre le test de Raven et les résultats scolaires chez les enfants.

Table 2. Correlation between the Raven test and school performance in children.

Classes de Raven	Non anémie (n=257)		Anémie (n= 36)		P
	N	%	N	%
Grade 1	2	0,8	0	0
Grade 2	6	2,3	0	0
Grade 3	16	6,2	2	5,5	0.036
Grade 4	57	22,2	6	16,6
Grade 5	176	68,5	28	77,9

Tableau 3. Association entre l’anémie et la fonction cognitive. La corrélation est significative au niveau 0.05

Table 3. Association between anemia and cognitive function.

Discussion

Les déficits en fer chez l’enfant se traduisent par des altérations des fonctions cognitives et des troubles de la mémoire et de l’apprentissage. Ces résultats concordent avec certaines caractéristiques des troubles de l’apprentissage soulevés par Taras (2005).

Nous avons constaté une corrélation entre le score du test des matrices progressives de Raven et les performances scolaire exprimées par la moyenne générale (r₂₉₅= 0,28) et le classement général (r₂₉₅= -0,2). Nous notons également une corrélation positive très forte entre les taux de ferritine et la note des mathématiques (r₂₉₅= 0,27). Ces résultats sont comparables à ceux des travaux de Helterman et al (2001).

Sungthong et al. (2002) ont constaté que le taux de l’hémoglobine est corrélé avec les performances scolaires en particulier chez les enfants d’âge scolaire déficients en fer. Plusieurs études épidémiologiques ont démontré que l’anémie ferriprive chez l’enfant jeune est associée à un retard du développement cognitif (Walker, 1998; Hurtado et al., 1999). Lozoff et al. (1991) ont étudié les performances cognitives d’enfants costaricains atteints d’anémie ferriprive et ont aussi observé une diminution significative des performances spatiales, visuelles et auditives des enfants atteints d’anémie par carence en fer par rapport à celles des enfants sains, ou des enfants carences mais non anémiques (Grantham-McGregor et al., 2001). Le retard cognitif persiste même plusieurs années après l’anémie (Lozoff, 2000).

Nous avons constaté également une association significative entre l’anémie et l’hyperactivité. Celle-ci est plus fréquente chez les anémiques. Le déficit d’attention et l’hyperactivité ont été également observés par Konofal (2004) en cas de malnutrition. Hack et al (1992) ont souligné que la carence en fer entraîne des problèmes de développement psychosocial.

Pour expliquer cette association entre anémie par carence en fer et troubles de comportement, Scrimshaw (1998) a rapporté que les enzymes du système nerveux impliquées dans la cognition et le comportement sont parmi les premières fonctions affectées par le déficit en fer. Ces effets s’ils surviennent très tôt dans l’enfance sont irréversibles.

Sachdev et Gera (2005) ont aussi observé que la supplémentation en fer améliore bien que modestement le niveau de développement mental particulièrement chez les individus âgés de 7 ans et ceux ayant présenté initialement une anémie par carence en fer.

L’analyse des résultats du test de la matrice progressive de Raven supporte que, l’anémie a un effet remarquable sur le développement intellectuel chez les écoliers, 77,9% des enfants anémiques soufrent de la déficience intellectuelle. Ces résultats concordent avec la littérature qui supporte la carence en fer agit sur les résultats intellectuelles des enfants (Grantham-McGregor et al., 2001).

Conclusion

L’anémie est un problème de santé publique, elle touche plus d’un tiers de la population à l’échelle nationale. Au sein de notre étude 12,3 % d’écoliers présentent une anémie, dont 61 % de garçons contre 39 % des filles. Le fer est un nutriment clef pour le développement du cerveau et un statut optimal en fer est nécessaire pour assurer les performances cognitives. Par ailleurs, les déficits en fer chez l’enfant se traduisent par des altérations des fonctions cognitives, des troubles de la mémoire et de l’apprentissage.

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