Belomaria, M., Aboussaleh, Y., Ahami, A.O.T., Bouazza, O., Mahly, M., Khayati, Y., 2010, Evolution des toxi-infections alimentaires collectives dans la région du Gharb-Chrarda-Bni Hsein au  Nord Ouest du Maroc. Antropo, 21, 79-84. www.didac.ehu.es/antropo                                                                                   


 

Evolution des toxi-infections alimentaires collectives dans la région du Gharb-Chrarda-Bni Hsein au  Nord Ouest du Maroc

 

Collective Food Toxi- infection  Patterns in Gharb-Chrarda-Bni Hsein region in  North West of Morocco

 

M. Belomaria1, 2, Y. Aboussaleh1, A. O. T. Ahami1, O. Bouazza2, M. Mahly2, Y. Khayati2

 

1 Equipe de neurosciences et nutrition. Laboratoire de biologie et santé. Faculté des Sciences. Université Ibn Tofail. BP: 133. Kenitra

2 Direction du médicament et de la pharmacie, Ministère de la Santé. Rabat.

 

Mots clés: Toxi-infection,  Alimentaire, Collective, Maroc

 

Key words: Food, Toxi-infection, Collective, Morocco

 

Résumé

Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC), affections collectives d'origine alimentaire touchant généralement plus de deux personnes à la suite d'un repas pris en commun, sont en croissance aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Le Maroc est touché par cette pathologie.

Conscients de cette réalité, les autorités sanitaires marocaines ont déployés ces dernières années beaucoup d'efforts dans le cadre de ces affections.

Après exposition du problème, nous proposons dans cette étude, portant sur les foyers de toxi-infections alimentaires collectives notifiées à l'Hôpital Provincial de Kenitra au cours de la période (2007 - 2009), de dégager le profil épidémiologique de ces affections dans la région du Gharb-Chrarda-Bni hsein. Ainsi les principaux résultats:14 cas de Toxi-infections Alimentaires Collectives pour la période 2007-2009, les déclarations sont presque stable pour les années 2007-2008, huit des foyers déclarés (57%) avaient concerné le milieu urbain alors que six soit (43%) des foyers avaient intéressées le milieu rural, les 2/3 des malades sont des adolescents, les femmes sont les plus exposés (64%). La déclaration est faite en majorité par l'animateur de santé (80%), le foyer familial est le plus atteint (72%). Les principaux aliments causes des TIAC sont les poissons (22%) et Lben (22%). L’agent responsable est le Staphylocoque doré (93%) et le Clostridium perfringens (7%). Les actions à entreprendre devraient être axées sur l'éducation des ménages qui devraient bénéficier de l'apport des médias et de l'intervention du tissu associatif pour s'imprégner des messages éducatifs portant sur l'observation des règles d'hygiène alimentaire.

 

Abstract

The collective food Toxi-infection (CFTI) are  collective foodborne diseases affecting usually more than two people following a common meal, are increasing in both industrialized countries than in developing countries. Morocco is affected by this disease. Recognizing this reality, the Moroccan health authorities have made in recent years many efforts under these conditions.After exposure of the problem, we propose in this study related to outbreaks of foodborne illness group reported to the Provincial Hospital of Kenitra during the period (2007 - 2009), to identify the epidemiological profile of these diseases in region of Gharb-Chrarda-Bni Hsein.Thus the main results: 14 cases of foodborne illness Collective for the period 2007-2009, the statements are almost stable for the years 2007-2008, eight reported outbreaks (57%) were concerned the urban areas while six either ( 43%) of households were interested in the rural areas, the 2 / 3 of patients are adolescents, women are most at risk (64%). The statement is made mostly by the host of health (80%), the home is the most affected (72%). The main causes of foodborne disease are food fish (22%) and Lben (22%). The causative agent is Staphylococcus aureus (93%) and Clostridium perfringens (7%). The actions to be undertaken should be focused on the education of households that should benefit from the contribution of the media and the intervention of the associative fabric to absorb the educational messages on the observation of food hygiene.

 

Introduction

Les Toxi-Infections Alimentaires Collectives (TIAC) constituent un problème majeur de santé publique à l'échelle mondiale (Hamza et al, 2007).

Ce problème se pose dans notre pays en terme d'urgence notamment au cours des festivités. La survenue d'une TIAC suscite des vives inquiétudes surtout lorsqu'elle génère un foyer de taille relativement importante et entraîne de nombreuses hospitalisations.

On se propose dans cette étude, portant sur les foyers de TIAC déclarées à l'Hôpital Provincial de Kenitra au cours de la période (2007-2009), de dégager le profil épidémiologique de ces affections dans la région du Gharb-Chrarda-Bni Hsein.

La connaissance de l'épidémiologie de ces affections dans notre région devrait nous permettre d'affiner d'avantages une stratégie de lutte contre un tel fléau et de cibler les actions de prévention.

 

Epidémiologie dans le monde

En France, on compte en moyenne 500 à 6000 foyers épidémiques déclarés par an, représentant 8000 à 10000 sujets atteints.

Aux Etats-Unis, 45000 cas ont été rapportés entre 1983 et 1986 représentant 785 foyers épidémiques confirmés, mais les résultats des études épidémiologiques systématiques suggèrent que le monde réel d'infections est au moins 10 fois supérieur au nombre déclaré.

Si la morbidité des Toxi-Infections Alimentaires Collectives est élevée, la létalité qui leur est attribuable est en revanche faible.

En France, le nombre de décès dus à ces toxi-infections est d'environ 10%, et 6% des sujets atteints ont été hospitalisés car ils présentaient  des signes d'intoxication grave (Borgdorff  et al, 1997).

 

Matériels et Méthodes

Il s'agit d'une étude rétrospective portant sur 14 foyers de TIAC déclarés à l'Hôpital Provincial de Kenitra d'Avril 2007 à Décembre 2009. Nous avons procédé à l'analyse des enquêtes effectuées suite à la déclaration. Les dossiers consultés relatifs comportaient des données portant sur le nombre et les caractéristiques des personnes touchées, la  gravité des cas, l'aliment incriminé, le germe en cause et les facteurs qui auraient pu favoriser de tels foyers.

 

Résultats

Au total 14 foyers ont été notifiés de 2007 à 2009 dans la région du Gharb-Chrarda-Bni Hsein ayant fait état de 77 malades.

 

 Sources de déclaration.

Onze foyers (80%) ont été déclarés par les animateurs de santé, deux (13%) par les médecins urgentistes et un (7%) par le responsable de cellule épidémiologique. Il faut noter l'absence de déclarations émanant des médecins du secteur privé.

 

Taille des foyers

La taille moyenne a été de 5.4 personnes. Le foyer le plus important a été enregistré en Mars 2008 dans une école et comportait 11 malades.

 

 Origine des foyers

Le plus grand nombre de foyers a été notifié dans la ville de Kenitra (50%) (Tableau 1).

Huit des foyers déclarés (57%) avaient concerné le milieu urbain alors que six (43%) des foyers avaient intéressé les milieux rurales.

 

%

Nombre de Foyers

Ville

50

7

Kenitra

14

2

Sidi Kacem

22

3

Sidi Slimane

14

2

Sidi Yahya

Tableau 1. Répartition des foyers de TIAC par ville

Table 1. Collective food toxi- infection (CFTI) distribution  by city

 

Gravité des cas

La gravité des TIAC est habituellement appréciée par le taux d'hospitalisation et la létalité (Hassine  et al, 2007).  Dans cette étude, 49 personnes ont été hospitalisées, soit un taux d'hospitalisation de 64%. Par ailleurs, aucun décès été noté, soit un taux de létalité de 0%. Les TIAC affecte 28 hommes (36%) contre 49 femmes (64%).

 

Evolution temporelle

L'évolution annuelle du nombre de TIAC déclarée a été marquée par une diminution du nombre de foyers passant de 6 foyers en 2007 à 4 foyers en 2008 et une stabilité à la valeur de 4 foyers en 2009 (Figure 1).

 

Figure 1. Evolution annuelle des Foyers des TIAC

Figure 1. Annual CFTI  area patterns

 

La distribution mensuelle d'avril 2007 au décembre 2009 des foyers déclarés met en évidence un pic saisonnier. C'est ainsi que la plupart des foyers ont été enregistrés pendant la saison estivale avec un maximum de fréquence au cours du mois de Juillet (Figure 2) 

 

Figure 2. Evolution mensuelle des Foyers des TIAC

Figure 2. Monthly CFTI area patterns

 

Lieux de survenue.

L'analyse des circonstances de survenue avait permis d'individualiser trois situations à savoir l'espace familial avec 10 foyers (72%), les marchands ambulants 3 foyers (21%) et en dernier l'école avec 1 foyer (7%) (Tableau 2).

 

%

Nombres

Foyers

72

10

Familiaux

21

3

Marchands Ambulants

7

1

Ecole

100

14

Totale

Tableau 2. Distribution des TIAC selon le lieu de survenue

Table 2. CFTI distribution by localisation

 

Aliments incriminés.

Les poissons et le Lben vient en tête des aliments causals, elles ont été à l'origine de 3 foyers chacun (22%), les poulets et autres volailles 2 foyers (14%), suivent les viandes; couscous; soupe et confiserie bonbon avec 1 foyer pour chacun (7%) et en dernier l'aliment responsable n'a pas été identifié (14%) (figure 3).

 

Facteurs favorisants.

L'utilisation de matières contaminées a été à l'origine de 6 foyers (43%). Le délai important entre la préparation et la consommation des repas a été noté dans 4 foyers (29%). Quant au non respect de la chaîne de froid lors de la conservation des aliments et à l'insalubrité de l'environnement, ils ont été relevés dans 3 foyers (21%). Enfin, il n'a pas été rapporté de facteurs favorisants par les enquêteurs dans un foyer (7%).

 

Germes en cause.

La recherche du germe en cause responsable n'a pas été effectuée ou s'est révélée négative pour 4 foyers (29%). Au niveau des 10 foyers de TIAC   ou l'agent a été identifié (71%), le germe a été isolé dans 3/10 des cas (30%) dans les selles des personnes contaminées et dans 7/10 des cas (70%) à partir des aliments contaminants. L'agent en cause a été isolé à la fois chez les malades et dans l'aliment consommé dans un seul foyer. Les germes en cause ainsi identifiés se limitent à Staphylocoque doré dans 13 foyers (93%) et Clostridium perfringens dans un foyer (7%).

 

Figure 3. Aliments incriminés

Figure 3. Food incriminated

 

Discussion

Les déclarations de TIAC dans la région du Gharb-Chrarda-Bni Hsein émanant seulement des établissements relevant du secteur public à l'exclusion des secteurs privés. Il va de soi que les données disponibles ne reflètent pas la situation épidémiologique réelle dans la mesure où elles sont loin d'être exhaustives. En effet, notre système de surveillance des TIAC basé sur la déclaration obligatoire soufre encore de sous déclaration et beaucoup de foyers de TIAC passe inaperçus. Ce phénomène, n'est d'ailleurs pas propre à notre région (Ben Abdelaziz et al, 1999; Hamza  et al, 2005; Saadi et al, 1998).

Par ailleurs, la qualité des données résultent des enquêtes épidémiologiques, effectuées lors de survenue de TIAC, n'est pas toujours satisfaisante puisque les investigations ne sont pas toujours menées dans des délais raisonnables à cause notamment des déclarations tardives. Un tel phénomène est également observé dans d'autres régions.

Néanmoins, les données de cette étude sur les TIAC dans notre région représentent une base importante qui pourrait être enrichie au fil des années et qu'on peut exploiter pour orienter nos actions de prévention. Ainsi, cette étude a le mérite de dégager certaines particularités des TIAC dans notre région. Nous retiendrons, en particulier, la prédominance dans le milieu urbain et les espaces familiaux avec une taille moyenne des foyers de 5.4 personnes, un taux d'hospitalisation de 64% et une létalité de 0%. Par ailleurs, les premiers aliments incriminés sont les poissons et Lben, responsable de 22% chacun des foyers et l'agent responsable, le plus  fréquemment isolé est représenté par staphylocoque doré.

En fait, la situation épidémiologique des TIAC dans notre région  ne semble pas être différente de celle du reste du pays comme l'atteste les résultats du (tableau 1). Par contre, dans la plupart des pays développés la situation semble être différente. Le comportement alimentaire de la population se caractérise par un recours croissant aux préparations industrielles des repas et à la restauration collective qui occupe désormais une part, de plus en plus importante, au sein des habitudes alimentaires de ces sociétés, d'où une médiatisation plus prononcée des TIAC, dans ces pays, il est possible que la déclaration des foyers de TIAC est meilleure grâce à une meilleure sensibilisation à ce problème de la part des différents intervenants dans le domaine de la sécurité alimentaire (Buisson, 1992; Cheftal et  Morell, 1997)..

L'ubiquité des staphylocoques ainsi que la contamination de notre environnement par ces bactéries expliqueraient leur importante responsabilité dans la genèse des TIAC. Quant à la prédominance de sérotype doré, elle est certainement corrélée à la consommation de produits alimentaires à base de laits et de poissons mais témoignent aussi du non respect des règles d'hygiène à travers une ou plusieurs étapes de la chaîne alimentaire.       

    

Conclusion

La morbidité liée aux TIAC ne semble pas être très préoccupante dans la région du Gharb-Chrarda-Bni Hsein si l'on se réfère à la situation sus -décrite. Cependant, compte tenu du manque d'exhaustivité des données disponibles, actuellement, on doit interpréter cette situation avec prudence. Il y a lieu de renforcer notre système de surveillance des TIAC et d'en améliorer les performances de manière à mieux élucider l'épidémiologie. Par ailleurs, l'investigation des foyers de TIAC déclarés devrait être menée avec plus de rigueur et dans des délais raisonnables  usant d'approches épidémiologiques appropriées et bénéficiant de l'apport et du soutien du Laboratoire chaque fois que c'est possible. Ce n'est qu'à ce prix que l'on obtiendra des données fiables, utiles et utilisables pour  orienter nos actions de prévention et mieux affiner notre stratégie régionale de promotion de l'hygiène alimentaire.

Il serait donc fondamental de disposer de données épidémiologiques fiables afin de baliser les principales composantes d'un programme portant sur la salubrité des aliments (Haeghebaert, 2001; Nstasie  et al, 1997).

Mais d'ores et déjà et tenant compte des données de cette étude, on pourrait opter pour une stratégie de prévention compatible avec les particularités de la région, orientée principalement vers l'espace familial et ciblant surtout les zones urbaines.

Les actions à entreprendre devraient être axées sur l"éducation des ménages qui devraient bénéficier de l'apport des médias et de l'intervention du tissu associatif pour s'imprégner des messages éducatifs portant sur l'observation des règles d'hygiène alimentaire.

      

Références

Ben Abdelaziz.A, Saadi.M, Mitraoui.A, 1999,  Epidémiologie  des toxi-infections alimentaires collectives dans la région sanitaire de Sousse, (Tunisie) de 1988 à 1996. Microb Hyg Alim  11(31),  3-8.

Borgdorff.M.W, Motarjemi.Y, 1997, Surveillance of food borne diseases: What are the options? Food Safety Unit - World Health Organisation,  50(1-2), 12-23.

Buisson.Y, 1992, Toxi-infections alimentaires Med Mal Infect; 22 (Sl3),  272-81.

Cheftal.E, Morell.A, 1997,  Toxi-infection alimentaire collective Shigella flexneri dans une collectivité militaire. Cahiers de santé  7(5); 295-300.

Haeghebaert.S, Le Querrec.F, Vaillant.V, Delaroque Astagneau.E, Bouvel.P, 2001,  Les toxi-infections alimentaires collectives en France en 1988 BEH,  15, 65-72.

Hamza.R, Sghair.I, Kammoun.H, Dhaouadi.M, et al. 2005, Epidémiologie des toxi-infections alimentaires collectives dans la région de Bizerte (Tunisie); Bilan de dix ans de surveillance active (1994-2003). Microb Hyg Alim 17(48); 23-32.

 Hamza.R, Sghair.I, Mechri.A, Béjaoui.R, Falfoul.A, Slama.A, Rafrafi.M, Mchirgui.S, Belhadj.S, Boubakri.M, 2007,  Perception de l'hygiène alimentaire domestique par les consultantes des centres de santé de la ville de Bizerte (Tunisie) Rev Tun Infectiol, 1, (3),12-21.

Hassine.KH, 2007, Epidémiologie des toxi-infections alimentaires collectives dans la Région de Kasserine. Etude retrospective sur douze années (1993-2004) (Tunisie) ReV Tun Infectiol, 1(2),  11-15.

Nstasie.A, Mammina.C, Fantasia.M, Pontello.M,1997, Epidemiological analysis of strains of Salmonella enterica serotype enteritidis from food borne outbreaks in Italy, 1988-1994 J Med Microbiol,  46(5); 337-82

 Saadi.M, Haddar.A, Ferjani.H, Troudi.M, Ncib.M, Boujaafar.N, 1998, La surveillance des TIAC dans la région de Sousse. Etude rétrospective de neufs ans. Tunisie Med, 76(12),  448-54