Latifi, M., Soulaymani, A., Ahami, A.O.T., Mokhtari, A., Aboussaleh, Y., Rusinek, S., 2009, Comparaison des performances cognitives chez les adolescents consanguins et les non consanguins de la région nord Ouest marocain. Antropo, 19, 57-65. www.didac.ehu.es/antropo


 

Comparaison des performances cognitives chez les adolescents consanguins et les non consanguins de la région nord Ouest marocain

 

A comparison of cognitive performances of inbreed and non inbreed adolescents in North West of Morocco

 

Mohamed Latifi1, Abdelmajid Soulaymani1, Ahmed Omar Touhami Ahami2, Abdelrhani Mokhtari1, Youssef Aboussaleh2 et Stephane Rusinek3

 

1Laboratoire de Génétique & Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofaïl. B.P 133 Kénitra 14 000 Maroc.

2Unité de Recherche en Biologie Humaine & Santé des Populations, Département de Biologie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail Maroc.

3UFR de Psychologie. Université de Lille. France

Correspondence: Prof. Ahmed OT Ahami. Unité de neursciences et Santé. UFR BHSP. Département de Biologie.Email:Ahami_40@yahoo.fr

 

Mots clés: Consanguinité, Cognition, Matrices, adolescents, Raven, Maroc.

 

Key words: inbreeding, Cognition, Matrices, adolescents, Raven, Morocco.

 

Résumé

La consanguinité demeure une pratique matrimoniale courante au Maroc, puisqu’environ 30 % des mariages sont consanguins. Cependant l’impact de celle-ci sur les fonctions cognitives est très peu étudié. Le présent travail est l’un des premiers travaux qui ont prospecté la relation entre la consanguinité et les performances cognitives au Maroc. Il est basé sur un échantillon de 239 enfants scolarisés, de la première année collégiale (suivant le système éducationnel marocain). Leur âge était compris entre 13 et 18 ans. Le pourcentage de consanguinité était important au niveau de notre étude (21.3 %). En outre, le mariage entre cousins est prédominant par 13 %.Les scores au test de Raven du groupe consanguin sont significativement plus bas par rapport à ceux du groupe non consanguin.

 

Abstract
 
Inbreeding is a common practice of marriage in Morocco, since approximately 30% of marriages are consanguineous. However, the impact of inbreeding on cognitive function has not been enough investigated. The present work constitutes one of the first studies that were interested in exploring the relationship between inbreeding and cognitive performance in Morocco. It was based on a sample of 239 primary school children from the first year of college (according to the Moroccan educational system). Their age varied from 13 to 18 years old. The percentage of consanguinity is important in our study (21.3%). Moreover, the marriage between cousins is prevalent with 13%. The Raven test scores in inbreeding group are significantly lower compared with those of non inbreeding one.

 

Introduction 

D’après les résultats des enquêtes nationales menées par la Direction des Statistiques (1989, 1994, 1999), la consanguinité demeure une pratique matrimoniale courante au Maroc, puisqu’environ 30 % des mariages sont consanguins.

Les répercussions de la consanguinité sur la santé humaine ont fait l’objet de plusieurs travaux portant sur divers profils de populations (Neel et al, 1970; Sutter et Tabah, 1971; Lamdouar Bouazaoui, 1994; Zlotogora, 1997; Soulaymani et al, 1999; Stoltenberg et al, 1999; Hussain et al, 2001; Nabulsi et al, 2003).

Cependant l’impact de celle-ci sur les fonctions cognitives est peu étudié au monde. Au Maroc cette étude est l’une des toutes premières à prospecter la relation entre la consanguinité et les performances cognitives.

Les fonctions cognitives sont des fonctions intellectuelles qui se divisent en quatre grandes classes. Les fonctions réceptives permettant l’acquisition, le traitement, la classification et l’intégration de l’information. La mémoire et l’apprentissage permettant le stockage et le rappel de l’information. La pensée ou le raisonnement concernant l’organisation et la réorganisation mentales de l’information et enfin les fonctions exécutives permettant la communication ou l’action. Toutes ces fonctions correspondent à des fonctions élaborées de logique, de stratégie, de planification, de résolution de problèmes et de raisonnement hypothético-déductif (Bérubé, 1991).

Pour évaluer une ou plusieurs fonctions cognitives d’un individu on dispose de divers tests neuropsychologiques. Parmi les principaux tests utilisés, il y’a les tests de Wechsler et les tests de Raven.

Les tests de Wechsler se composent de subtests verbaux et ceux de performance, ils couvrent toutes les fonctions cognitives.

Les tests de Raven ou matrices progressives de Raven sont spécifiques à la fonction de pensée et raisonnement, ils mesurent la capacité de raisonnement non verbal et la capacité inductive de l’individu.

Les matrices progressives de Raven apparaissent comme l’une des meilleures mesures du facteur G. Le facteur G renvoie à une aptitude intellectuelle générale, d’après la théorie de Spearman (Rozencwajg, 2006). Lorsque nous proposons différentes épreuves à un sujet, nous pouvons les regrouper selon leurs spécificités: aptitude intellectuelle, spatiale, mnésique…Le facteur G serait ce qui est commun à toutes ces épreuves une fois leur spécificité enlevée. C’est un facteur général qui sous tend toute l’activité intellectuelle.

Les tests des matrices analogiques sont des tests communs entre les tests de Wechsler et les tests de Raven. Une corrélation élevée entre les tests des matrices analogiques et les notes de QIP (quotient intellectuel performance) et de QIT (quotient intellectuel total) des échelles de Wechsler a été démontrée (Hall, 1957).

Quelques travaux dont ceux de Bashi, (1977), Agrawal et al (1984), Badaruddoza et Afzal (1993) et Badaruddoza (2004) ont étudié l’effet de la consanguinité sur les fonctions cognitives en utilisant soit les tests de Raven soit les tests de Wechsler.

Ces travaux ont trouvé que la descendance des mariages consanguins a un score moyen plus bas que la descendance des mariages non consanguins.

A travers les caractéristiques des tests utilisés dans ces études on peut dire que la plupart des fonctions cognitives sont affectées par la consanguinité.

Dans cette étude on a utilisé les matrices progressives de Raven vu ses caractéristiques spéciales citées plus haut et vu son indépendance de la culture et du langage.

Deux objectifs sont visés par cette étude:

-       comparer les scores du groupe consanguin avec ceux du groupe non consanguin.

-       Situer les scores des enfants marocains ruraux par rapport aux scores des autres enfants du monde pour détecter les déficits afin d’en préciser les causes et de développer des programmes du renforcement des fonctions cognitives.

 

Population et méthodes:

 Population

 La population de cette étude se constitue d’enfants scolarisés, de la première année collégiale (suivant le système éducationnel marocain). Leurs âges sont compris entre 13 et 18 ans (moy = 14.48; écart type = 1.1). Ils sont supposés d’après Piaget avoir franchis le quatrième stade du développement psychologique qui est le stade des opérations formelles (11 ans à 16 ans), stade dans lequel l’enfant ou l’adolescent est capable de faire des hypothèses et de les soumettre à l'expérience. Ils peuvent réfléchir sur des réalités virtuelles et développer un raisonnement qui s'en tient aux formes logiques (Reginensi, 2004).

Il s’agit d’une étude qui concerne deux groupes d’élèves, le premier se constitue de descendance de mariages consanguins (51 enfants), l’autre se constitue de descendance de mariages non consanguins (188 enfants); les deux groupes sont de même milieu socioéconomique vivant dans le milieu rural.

Cette étude s’est déroulée entre février et octobre 2005 au sein du seul collège de la commune rurale Sidi El Kamel dans la région du nord ouest marocain.

 

 Instrument d’évaluation

 Les matrices progressives de Raven

Ce test mesure la capacité de raisonnement non verbal, par analogie; il consiste à repérer une transformation dans une situation A et à la transférer, ou à la reporter dans une situation B.

Pour résoudre un nouveau problème, il faut:

-       Trouver une correspondance entre le problème à résoudre et un problème connu.

-       Transférer nos connaissances de la situation familière à la situation non familière.

La version utilisée est la PM 38. Elle est publiée par Raven en 1938, elle est destinée pour les adultes et enfants à partir de 12 ans; Il s’agit de la forme la plus utilisée, elle compte 60 items présentés en noir et blanc regroupés en 5 ensembles, chaque ensemble contenant 12 items. Chaque item constitue un pattern avec une partie manquante, 6 à 8 images sont proposées en dessous parmi les quelles le sujet doit faire un choix pour compléter la partie manquante de manière adéquate. Chaque ensemble implique différents principes de transformation et à l’intérieur de chaque ensemble, les items deviennent de plus en plus difficiles, les items faciles servent d’expérience pour apprendre à inférer une règle.

Le test a été administré en demi-classes en deux passations:

-       La première fois, planches A, B, C.

-       La seconde fois, planches D, E.

Il a été administré en matinée, une demi-heure pour chaque passation.

La tache du sujet consiste à trouver la figure manquante de la matrice parmi les huit choix proposés, qui est la figure 5.

 

Figure 1. Exemple de PM 38 

Figure1. Example of PM 38 

 

 Analyses statistiques

Les données recueillies ont été saisies et analysées à l’aide du deux logiciels informatiques: Epi info 6 et SPSS (Statistical Package for Social Science). Les résultats ont été analysés statistiquement grâce à une analyse de variance (ANOVA) et au test du Chi2. Nous avons utilisé le test d’ANOVA pour étudier l’effet de la consanguinité sur les performances aux matrices progressives de Raven. Des tests de Chi2 ont été effectués dans un temps préalable afin de tester l’hypothèse d’une répartition identique des enfants dans les différents groupes.

Pour cette étude, on a retenu un seuil de signification de 5 %.

 

 Description de l’échantillon

Notre échantillon se compose de 72 filles (30.1 %) et de 167 garçons (69.9 %); la sex-ratio est: 2.32. L’âge des enfants est compris entre 13 et 18 ans. L’âge moyen des filles est 14.14 (écart type = 0.89), pour les garçons il est de 14.61 (écart type = 1.15).Les filles sont relativement plus jeunes que les garçons (F = 7.408, ddl = 1;237, p = 0.007).

La répartition des âges -suivant le sexe- est présentée dans le tableau 1.

 

Ages

13

14

15

16

17

18

Garçons

27

60

45

22

12

1

Filles

14

37

16

3

2

0

Tableau 1. répartition des âges suivant le sexe

Table 1. age distribution by sex

 

Le redoublement

On a considéré redoublant tout élève qui a redoublé au moins une fois durant sa scolarité. Le tableau suivant nous présente les pourcentages des redoublants parmi les garçons et les filles.

 

 

Redoublants

Non redoublants

Garçons

79 (47.3%)

88 (52.7%)

Filles

17 (23.6%)

55 (76.4%)

Total

96 (40.2%)

143 (59.8%)

Tableau 2. Les pourcentages de redoublement suivant le sexe

Table 2. The Percentage of class redoubling by sex

 

Le pourcentage des redoublants parmi les garçons est 47.3 %, il est plus grand que le pourcentage des redoublantes parmi les filles qui est 23.6 % avec une différence significative (Chi2 = 11.75, ddl = 1, p < 0.001).

En général le pourcentage de redoublement est très élevé; il est plus important parmi les garçons; Les filles réussissent leurs scolarités plus que les garçons.

 

Le niveau d’instruction des parents

Les pères qui n’ont subi aucun enseignement représentent 59.8 %, pour les mères ce pourcentage atteint 84.1 %; la profession majeure des pères est l’agriculture (77%), pour les mères c’est le travail au foyer (97.1 %); 89.5 % des parents vivent ensemble, alors que 2.9 % sont divorcés; le nombre moyen d’enfants pour chaque couple est 5.427 (écart type = 2.387).

Le niveau d’analphabétisme est très élevé parmi les parents; l’activité principale des pères est l’agriculture; le nombre d’enfants par couple est élevé.

 

Résultats

Performances des élèves en PM38 et comparaison avec d’autres populations

Les performances des élèves dans les matrices progressives de Raven sont données dans le tableau 3.

Pour situer ces performances nous allons utiliser deux étalonnages le premier du Chili et le deuxième de la Grande Bretagne.

 

 

Moyen

Médiane

Mode

Ecart type

Scores en séries A et B et C

19.80

20

20

8.24

Scores en séries D et E

8.42

9

10

4.75

Total

28.22

29

21

11.89

Tableau 3. Les performances des élèves en PM38

Table 3. PM 38 Raven Scores of Pupils

 

Etalonnage Chilien

On va considérer une étude qui a été effectuée sur 2003 enfants chiliens de 11 à 18.5 ans en 1987 (Ivanovic et al, 2000).

 Le tableau 4 résume cette comparaison.

On remarque une grande faiblesse des scores des enfants de notre étude par rapport aux enfants chiliens, il ne dépasse pas le 25ème percentile.

 

 

Ages en années

13

14

15

16

17

18

Scores des élèves en PM 38

28

28

30

38

27

29

Percentiles chilien

25

25

25

25

5

5

Tableau 4. Performances des élèves de Sidi el Kamel par rapport à l’étalonnage Chilien.

Table 4. Sidi el Kamel results according the Chilean calibration.

 

Etalonnage Britannique

Nous allons maintenant situer les résultats de nos enfants par rapport à un étalonnage britannique, effectué sur la base d’un échantillon représentatif de 3256 enfants durant l’année 1979 (Raven, 2000). Le tableau 5 résume la comparaison.

On peut observer la grande faiblesse des résultats de nos enfants par rapport à cet étalonnage, ils ne dépassent pas le 5ème percentile. Pour expliquer cette différence nous allons aborder ce qu’on appelle l’effet Flynn.

 

 

Ages en années

13

14

15

Scores des élèves en PM 38

28

28

30

Percentiles britannique

5

5

5

Tableau 5. Performances des élèves de Sidi el Kamel par rapport à l’étalonnage Britannique.

Table 5. Sidi el Kamel results according the Britain calibration.

 

L'effet Flynn

En comparant les résultats aux mêmes tests de QI de plusieurs générations d’Américains, James Flynn avait démontré, il y a trente ans, que ce QI était en constante élévation. Le même constat a été vérifié dans 14 pays développés, dont la France. Les uns attribuent l’effet Flynn à des causes biologiques – amélioration de l’alimentation, de la santé –, les autres, à l’élévation générale du niveau d’instruction (Teasdale et Owen, 2008).

La figure 3 de Raven (2000) illustre la notion de l’effet Flynn; il représente les résultats en matrices progressives de Raven ainsi que les percentiles de deux échantillons britanniques représentatives le premier de l’an 1938 et le deuxième en 1979.

Les graphiques montrent les scores obtenus par les jeunes enfants de différents âges et niveaux de capacité dans ces 2 ans. Si l'on compare les graphiques de l’an 1938 avec ceux de la même centile en 1979, il est clair que le niveau des scores a augmenté de façon marquée et que les jeunes obtiennent des scores plus élevés. Ainsi, dans le cas de la 5ème centile, les enfants de 10 ans et demi obtiennent en 1979 des scores similaires à ceux obtenus par les enfants de 14 ans en 1938.

A travers l’étude de l’effet de Flynn on peut expliquer la faiblesse des résultats de nos enfants de Sidi El Kamel aux matrices progressives de Raven. On peut attribuer cette faiblesse à des causes biologiques comme la malnutrition, à l’éducation, sachant le taux élevé de l’analphabétisme dans notre population, surtout parmi les mères (plus que 80 % des mères sont analphabètes); les autres, à la consanguinité élevée (plus de tiers des mariages sont consanguins).

 

Comparaison des performances des élèves en PM 38 suivant le sexe

Pour comparer les performances entre les garçons et les filles nous avons établi le tableau 6.

Les filles marquent des scores plus grands que les garçons mais sans différence significative (p>0.05).

 

 

Garçons

Filles

ddl

Valeur de F

Valeur p

Scores en séries A, B et C

19.56 (8.49)

20.36 (7.67)

1; 237

0.478

0.49

Scores en séries D et E

8.25 (4.68)

8.83 (4.91)

1; 237

0.754

0.38

Scores en PM 38

27.80 (12.04)

29.19 (11.59)

1; 237

0.682

0.41

Tableau 6. Performances des élèves suivant le sexe

Table 6. Pupil’s performances according to sex

 

La descendance consanguine de notre échantillon

Le pourcentage de consanguinité dans notre échantillon est 21.3 %; le tableau 7 présente la fréquence des différents types de consanguinité.

On remarque une prédominance du mariage entre cousins germains parmi les différents types de mariages consanguins.

 

Non Consanguins

188

78.7%

Cousins germains (1/8)

31

Total

13%

Total

Cousins issus de germains (1/64)

5

51

2.1%

21.3%

Cousins inégaux (1/32)

7

2.9%

Consanguinité lointaine

(< 1/ 64)

8

3.3%

Tableau 7. Les différents types de consanguinité

Table 7. Differents types of Inbreeding

 

Les fréquences des deux sexes dans le groupe consanguin et non consanguin

 Les fréquences des deux sexes ne diffèrent pas significativement entre le groupe consanguin et le groupe non consanguin (Khi 2 = 2,255; ddl = 1; p = 0.17).

 

 

Sexe

Total

 

Masculin

Féminin

Consanguin

40 (78,43%)

11

(21,57%)

51

Non Consanguin

127

(67,55%)

61

(32,45%)

188

Total

167

(69,87%)

72

(30,13%)

239

Tableau 8. Les fréquences des deux sexes dans le groupe consanguin et non consanguin

Table 8. The frequencies of both sexes in the non-inbreeding group and inbreeding one

 

Les scores du groupe consanguin et du groupe non consanguin

Le tableau suivant donne les scores en matrices progressives de Raven dans le groupe des consanguins et des non consanguins avec les valeurs de F (test d’analyse de variance) et de p. Les performances des consanguins sont plus faibles que les non consanguins avec une différence significative (p < 0.05).

Les scores des cousins germains sont plus faibles que les autres descendants consanguins mais cette différence n’est pas significative peut être parce que les effectifs sont devenus faibles après répartition en classe.

 

 

Consanguins

51

Non Consanguins

188

ddl

Valeur de F

Valeur de P

Moyennes des Scores en séries A et B et C

17.59 (8.47)

20.40 (8.10)

1; 237

4.735

0.031

Moyennes des Scores en séries D et E

6.98 (4.03)

8.82 (4.86)

1; 237

6.138

0.014

Total

24.57 (11.82)

29.22 (11.75)

1; 237

6.262

0.013

Tableau 9. Les scores en PM 38 des consanguins et des non consanguins

Table 9. Inbreed versus non Inbreed PM38 scores

 

 

Cousin germain

31

Autres types de consanguinité

20

ddl

Valeur de F

Valeur de P

Moyennes des Scores en A, B et C

17.35 (9.04)

17.95 (7.73)

1; 49

0.059

0.809

Moyennes des Scores en D et E

6.52 (4.16)

7.7 (3.81)

1; 49

1.049

0.311

Total

23.87 (12.51)

25.65 (10.90)

1; 49

0.271

0.605

Tableau 10. Les scores en PM 38 suivant les différents types de consanguinité

Table 10. PM38 scores according to different types of Inbreeeding

 

Discussion

Le score moyen brut est de 28 sur 60 items, ce score ne correspond qu’au 25ème percentile selon l’étalonnage d’une étude concernant 2003 enfants chiliens (Ivanovic et al, 2000).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les faibles performances au test de Raven: le niveau élevé de l’analphabétisme parmi les pères (59.8 %) et les mères (84.1 %) et aussi la malnutrition (Aboussaleh et al, 2006). La situation est plus accentuée par l’absence quasi totale de l’enseignement préscolaire, associé à l’absence de toute activité culturelle et créative au sein du milieu rural.

Le pourcentage de consanguinité dans notre échantillon est important (21.3 %.); Le mariage entre cousins germains est prédominant dans 13 % de cas.

Les scores au test de Raven du groupe consanguin (Moy = 24.57; E.T= 11.82) sont plus bas en comparaison avec ceux du groupe non consanguin (Moy = 29.22; E.T =11.75) (F= 6.262; p = 0.013).

En séries A, B et C du test de Raven, le score moyen du groupe consanguin est 17.59, pour le groupe non consanguin le score moyen est 20.40; les scores du groupe consanguin sont inférieurs significativement au scores du groupe non consanguin (F = 4.735; p = 0.031).

En séries D et E du test de Raven, le score moyen du groupe consanguin est 6.98, pour le groupe non consanguin, le score moyen est de 8.82. Les scores du groupe consanguin sont inférieurs significativement au scores du groupe non consanguin (F= 6.138; p = 0.014).

Ces résultats confortent de précédentes études, menées par Badaruddoza et Afzal (1993) et Badaruddoza (2004) qui ont étudié une population musulmane du nord de l’Inde a travers le test de Wechsler. Ils ont trouvé que la descendance consanguine est d’une moins bonne intelligence que la descendance non consanguine.

Pour Agrawal et al (1984), ils ont étudié une population musulmane du nord de l’Inde à l’aide du test de Raven. L’étude a porté sur des écoliers de 13 à 15 ans. Le groupe consanguin a obtenu un score sensiblement plus faible que le groupe non consanguin.

Bashi (1977) a étudié une population arabe palestinienne et a également montré que la descendance des mariages consanguins enregistre le niveau le plus bas aux examens des fonctions cognitives surtout pour la descendance des mariages entre doubles cousins germains.

Zaoui et Biémont (2002) ont adopté une méthode différente de celle de la présente étude. Ils ont étudié une population algérienne de la région de Tlemcen de 3983 foyers en milieu hospitalier et en milieux urbain et rural. Ils ont affirmé l’existence d’une fréquence élevée de la débilité mentale parmi la descendance consanguine. Saadat (2008) a relevé une corrélation négative entre le quotient intellectuel et le coefficient de consanguinité dans 35 pays réparties dans le monde.

D’autres études effectuées en Algérie par Zaoui et Biémont (2002) et au Bangladesh par Durkin et al (2000) et au Qatar par Bener  et Hussain (2006) ont prouvé que l’arriération mentale est plus fréquente chez la descendance consanguine.

L’ensemble de ces travaux confirment l’existence d’une déficience au niveau du fonctionnement cognitif chez les consanguins.

 

Conclusion

Les performances des élèves au test de matrices progressives de Raven confirment l’hypothèse d’une différence significative entre les consanguins et les non consanguins.

Le fonctionnement cognitif est d’une faible efficience chez la descendance consanguine. La consanguinité est un facteur de risque pour un déficit au niveau du développement cognitif qui pourrait évoluer vers un retard mental.

Les dysfonctions cognitives chez ces enfants ruraux nécessitent la création des programmes adaptés de remédiation. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation auprès de la population locale sur les risques des mariages consanguins, doivent être menées régulièrement afin de faire cesser ces pratiques encore relevées dans certaines régions du Maroc.

 

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