Rovillé-Sausse, F., Prado Martinez, C., 2009, Alimentation et santé des femmes migrantes chinoises et de leurs enfants en Europe occidentale: l’exemple de la France et de l’Espagne. Antropo, 19, 47-56. www.didac.ehu.es/antropo


 

Alimentation et santé des femmes migrantes chinoises et de leurs enfants en Europe occidentale: l’exemple de la France et de l’Espagne

 

Food and health of the Chinese migrant women and their children in Western Europe: the example of France and Spain

 

Françoise Rovillé-Sausse1, Consuelo Prado Martinez2

 

UMR 7206 Eco-Anthropologie, Muséum national d’Histoire naturelle, 17 place du Trocadéro, 75116 Paris, France. E-mail: sausse@mnhn.fr

Depto Biologia, Facultad de Ciencias, Universidad Autonoma de Madrid, Madrid 28049, España. E-mail: consuelo.prado@uam.es

 

Auteur chargé de la correspondance: Françoise Rovillé-Sausse, UMR 7206 Eco-Anthropologie, Muséum national d’Histoire naturelle , 17 place du Trocadéro, 75116 Paris, France. E-mail: sausse@mnhn.fr

 

Mots clés: alimentation, santé, Chinois, femmes, enfants, migration.          

 

Keywords: food, health, Chinese, women, children, migration.

                                              

Résumé

Pour des raisons historiques et économiques, la diaspora chinoise est présente sur tous les continents, et a su s’adapter avec dynamisme aux conditions de travail locales, tout en gardant son identité culturelle. Pour cette raison, la présente étude menée en France et en Espagne fournira les informations utiles concernant les modèles alimentaires des femmes et des enfants des communautés migrantes chinoises vivant dans d'autres pays du monde.  L’étude incluse deux échantillons de femmes née en République Populaire de Chine, dans la province du Zhejiang, âgées de 18 à 40 ans. Le premier groupe est composé de 152 femmes vivant à Madrid (Espagne) et le second groupe, de 110 femmes vivant à Paris (France). Durant l’enquête, 40 femmes enceintes ont été suivies depuis le début de la gestation, jusqu’à l’accouchement (étude longitudinale).

 De plus, 70 femmes ayant un enfant de moins de 6 ans nous ont donné les détails sur l’évolution de leur alimentation depuis leur naissance (étude longitudinale). Les variables analysées (anthropométrie, comportements alimentaires) ont permis d’évaluer le statut nutritionnel des femmes et des futures mères. Quatre-vingt pour cent des femmes chinoises ont une corpulence « normale », 15% sont en insuffisance pondérale et 4% sont en surpoids. Le gain de poids gestationnel et le poids de naissance des enfants est satisfaisant. Le modèle alimentaire, de type traditionnel, est caractérisé  par  une  faible  consommation  de  viande   et   un   accroissement de la consommation des produits laitiers. On remarque l’acquisition de pratiques néfastes inconnues avant l’immigration : consommation d’alcool et de tabac. La connaissance des pratiques alimentaires de cette communauté est importante car elle facilitera notre compréhension d’éventuels problèmes de santé liés aux déséquilibres nutritionnels, et permettra d’agir préventivement en donnant les conseils adéquats aux familles.

 

Abstract

For historical and economic reasons, the Chinese diaspora is present on all continents and has been able to adapt with dynamism to local working conditions on the basis of its cultural identity. For this reason, the present study carried out in France and in Spain, will provide useful information regarding the women and children feeding patterns of Chinese migrant communities living in other countries in the world. The study included two samples of women born in People’s Republic of China, in the province of Zhejiang, and aged between 18 and 40 years. The first group was composed of 152 women living in Madrid (Spain). The second group was composed of 110 women living in Paris (France). During the investigation, 40 women were pregnant, and followed since the beginning of the pregnancy until the childbirth (longitudinal study). Moreover, 70 women having children aged of less than six years detailed the food of their children since the birth (longitudinal study). The analyzed variables (anthropometry, food behaviour) made it possible to evaluate the nutritional status of the women and the future mothers. Eighty one percent of the Chinese women have a “normal” body mass index, 15% have a weight insufficiency and 4% have an overweight. The gestational weight gain and the birthweight of the children are satisfactory. The food pattern, of traditional type, is characterized by low consumption of meat, and an increased consumption of dairy products. One notices the acquisition of negative practices unknown before immigration: consumption of alcohol and tobacco. Knowledge of the food practices of this community is important because it will facilitate understanding of the possible health problems related to nutritional imbalances, and will make it possible to act by prevention and provision of advice to families.

 

Introduction

L’intensification des mouvements migratoires Est-Ouest modifie en profondeur l’Europe économique. Parmi ceux-ci, l’importance croissante des déplacements de populations chinoises (qu’elles soient très qualifiées ou qu’elles le soient peu) redessine le marché du travail européen et trace les contours d’espaces économiques et sociaux inédits. Ces "nouvelles migrations" révèlent le processus de mondialisation "par le bas" et "par le haut", portées par les itinéraires individuels et collectifs des migrants (Roulleau-Berger 2007).

Outre l’arrivée massive de migrants en Europe occidentale, du fait du regroupement familial et de la migration clandestine, le nombre de migrants chinois s’accroit avec les personnes se déplaçant dans le cadre de leur travail ou de leurs études. Aussi bien en France qu’en Espagne, les nouveaux arrivants proviennent en majorité du Zhejiang, province située dans le sud-est de la Chine (Beltran Antolin 1997, IOM 2002, Pina-Guerassimoff et al. 2002, Poisson 2004). La migration chinoise en Europe a tendance à se féminiser et, parmi les primo-arrivants, les femmes  (54%) sont aujourd’hui plus nombreuses que les hommes (46%). D’autre part, les tranches d’âges 20-29 ans et 30-39 ans étant numériquement plus importantes, les femmes en âge de procréer sont nombreuses et requièrent particulièrement l’attention des services de protection maternelle et infantile.

L’objectif du présent travail est de déterminer s’il existe, parmi les primo-arrivants chinois, des barrières culturelles à l’adaptation des femmes, des mères et de leurs enfants,  aux ressources alimentaires occidentales et aux messages de santé (Loue 1998). Les barrières culturelles limitant l’accès aux systèmes de santé occidentaux pourraient être dues aux difficultés linguistiques (Edwards 1994, Bourdillon et al. 1991), ou à la conceptualisation de la santé et de la maladie. En effet, les Asiatiques conceptualisent la santé et la maladie différemment des Occidentaux et le système de soins véhiculé en France peut leur sembler inadéquat. Pour eux, la maladie est le résultat d’un déséquilibre causé non seulement par des agents pathogènes ou l’hérédité, mais aussi par un environnement inapproprié, la honte, le châtiment divin, ou une combinaison de tout cela (Chin 1992, Jenkins et al. 1996, Kim & Rew 1994, Zane et al. 1991). Nous avons donc analysé certains aspects de la qualité de vie des femmes et des enfants d’origine chinoise récemment installés en France et en Espagne, afin d’estimer leur état nutritionnel et d’évaluer leurs comportements alimentaires. Le but de cette étude est de mieux connaître la situation de cette population et de comprendre comment les femmes et les enfants peuvent être informés, aidés et soutenus dans leurs efforts pour maintenir une alimentation équilibrée indispensable  à la croissance des jeunes et à la préservation du capital santé de tous. Cette démarche peut servir de référence dans d’autres pays d’accueil, et pour d’autres communautés.

 

Matériel et méthodes

L’échantillon analysé est composé de 262 femmes nées en République Populaire de Chine, toutes originaires de la région du Zhejiang et vivant désormais dans une métropole occidentale (Madrid en Espagne ou Paris en France). Elles étaient âgées de 18 à 40 ans au moment de l’enquête (âge moyen : 27.1 ans ­+/- 4.3 ans) et donc toutes en âge de procréation et d’activité professionnelle. Quarante d’entre elles ont été enceintes au moment de l’étude et leur grossesse a été suivie jusqu’à la naissance de l’enfant (gain de poids de la mère et état du nourrisson à la naissance). Toutes les femmes ont accepté de participer à une enquête anthropo-biologique et de comportement alimentaire. Soixante-dix mères de famille ont accepté de répondre à un entretien concernant la consommation de leurs jeunes enfants de moins de 6 ans.

Ce travail comprend:

-            une évaluation de l’état nutritionnel des femmes et des enfants par les caractéristiques somatiques classiques directes (taille, poids) et dérivées (indice de masse corporelle, pourcentage de masse grasse par rapport au poids total). L’indice de Quételet, ou indice de masse corporelle (IMC=Poids / Taille2), est communément employé en anthropobiologie, car il permet d’évaluer l’état nutritionnel des individus. Lié au poids et à la masse grasse, il est indépendant de la taille et permet d’évaluer l’excès ou le déficit pondéral (Rolland-Cachera et al. 1996). Pour les femmes enceintes (les 40 femmes retenues ont accouché à terme, c’est-à-dire entre 37 et 41 semaines d’aménorrhée), les gains de poids et les pourcentages des gains de corpulence ont été comparés à ceux des femmes françaises et espagnoles.

-            une étude de consommation alimentaire des femmes, en fréquences sur une semaine de suivi (portant sur les produits des grands groupes d’aliments), du mode d’allaitement des nouveau-nés (allaitement maternel, durée, sevrage), et un rappel de consommation des dernières 24 heures des enfants.

-            une estimation des apports énergétiques et nutritionnels quotidiens des femmes et de leurs enfants en bas âge. L’analyse individuelle des consommations journalières a été réalisée en tenant compte de la composition des menus et des quantités ingérées lors de chaque prise. Ceci a permis d’établir une moyenne pour la population considérée et de comparer aux apports conseillés en fonction de l’âge (Martin 2001).

 

Résultats

Les femmes

L’état nutritionnel : avec une taille moyenne de 156.9 cm +/- 3.9 cm et un poids moyen de 51.3 kg +/- 4.1 kg, l’indice de masse corporelle moyen des femmes chinoises a une valeur de 20.8 kg/m2 +/- 1.5 (Prado et al. 2006), significativement inférieure à celle des femmes européennes (Tableau 1), bien que situé dans la normale de variabilité (Prado et al. 2004). Le pourcentage de masse grasse accumulée par rapport au poids total représente en moyenne dans l’échantillon étudié 29.9% +/- 2.4%, soit un taux de masse grasse relativement important, même si seulement 3.5% des femmes ont un pourcentage de graisse dépassant 33% du poids total, considérés comme représentant un risque (Durning et Womersley 1974). Il existe donc chez ces femmes un indice de corpulence normal avec une masse grasse corporelle relativement élevée (Gallagher et al. 2000).

 

Françaises

Espagnoles

Chinoises

 

M                    

M                   

M                   

Taille (cm)

163.8                6.8

158.5              5.2

156.9                 3.9

Poids (kg)

59.6               10.6

56.9                7.8

51.3                 4.1

IMC (kg/m2)

22.1                 3.8

22.6                3.4

20.8                 2.5

Tableau 1. Biométrie comparée des femmes migrantes chinoises, des Françaises et des Espagnoles (M = moyenne;  = écart-type)

Table 1. Compared biometrics of the Chinese migrant women, the Frenchwomen and Spanish (M = average;   standard deviation)

 

Les comportements alimentaires: l’alimentation est un fait culturel, donc social, qui conditionne nos comportements. Dans la société asiatique, manger a pour but d’équilibrer les énergies du corps et d’assurer une bonne santé (Fouatih 2006). Les modèles traditionnels autochtones sont-ils maintenus dans le cadre de la migration? Les modèles d’alimentation de chaque femme ont été analysés individuellement. On sait que l’introduction d’aliments nouveaux dépend largement du manque de produits traditionnels du lieu d’origine des migrants (Aranceta et al. 1995). Dans la population migrante chinoise, aussi bien en France qu’en Espagne, il existe un commerce d’approvisionnement en produits chinois très dynamique qui permet le maintien des habitudes alimentaires. Les femmes ont été interrogées sur leur consommation hebdomadaire des grands groupes d’aliments : poisson, viande, œufs, pain, pâtes, riz, fruits et légumes, produits laitiers (Tableau 2). Il leur a été également demandé ce qu’elles consommaient dans leur pays d’origine, avant leur migration, afin d’évaluer les changements.

 

Fréquence

Poisson

Viande

Œufs

Pâtes/riz

Pain

Fruits/légumes

Pr.laitiers

Jamais

0

0

1.9

2.7

42.3

0

32.7

< 1 fois

0

0

0

17.3

1.9

0

26.9

1 – 2 fois

25.4

55.8

61.5

71.2

40.4

0

30.8

3 – 4 fois

74.6

44.2

36.5

5.0

7.7

5.0

5.8

> 4 fois

0

0

0

3.8

7.7

95.0

3.8

Tableau 2. Pourcentage (%) de Chinoises consommant ces groupes d’aliments/semaine

(Pr. laitiers = produits laitiers)

Table 2. Percentage (%) the Chinese ones consuming these groups of food/week                        

(Pr. Laitiers = dairy products)

 

La consommation habituelle de poisson, de viande et d’œufs n’a pas changé avec la migration. On n’observe pas non plus de changement significatif dans l’ingestion des fruits et des légumes qui sont consommés de manière généralisée et quotidienne, comme dans le modèle traditionnel.

On n’observe pas de modification significative dans les apports en hydrates de carbone, mais 3.8% des femmes ont remplacé désormais le riz par des pâtes alimentaires.

Une mention spéciale doit être faite pour les produits laitiers : 32.7% des femmes n’en consomment jamais, proportion significativement supérieure à celle des femmes françaises ou espagnoles. Cependant, on note un changement d’habitude significatif en fonction de la durée de séjour en Europe. En effet, si 34% des femmes ayant moins de 5 ans de résidence en Europe incluent des produits laitiers dans leur alimentation, elles sont 60% à les incorporer lorsqu’elles résident depuis plus de 5 ans dans le pays d’accueil. La différence est significative ( = 11.46, p < 0.005). On note également l’émergence d’un nouveau comportement : la consommation d’alcool. Parmi les femmes migrantes de l’enquête, aucune ne consommait de boisson alcoolisée avant son arrivée en Europe. Cependant, l’habitude d’absorber de la bière, du vin, voire même occasionnellement des boissons de degré alcoolisé plus élevé, se propage et s’accentue avec la durée du séjour en Occident (6.3% pour les durées < 5 ans, 41.1% pour les durées > 5 ans). 

Les apports nutritionnels: Les besoins énergétiques des femmes sont couverts, avec un apport journalier moyen estimé à 2248 kilocalories +/- 147 kilocalories, supérieur à l’apport énergétique conseillé pour les femmes françaises (Feinberg 2001) âgées de 20 à 50 ans. L’équilibre entre macro-nutriments (protéines, lipides, glucides) est assuré.

 

Grossesse et état nutritionnel

Parmi les femmes d’origine chinoise de l’échantillon, 40 ont été  enceintes durant l’étude et leur état nutritionnel a été suivi pendant la durée de la grossesse, jusqu’à l’accouchement. Assurer le succès d’une grossesse et donner naissance à terme à un enfant de poids satisfaisant (égal ou supérieur à 2500 g) dépend en grande partie à l’état prénatal (santé, nutrition), et même pré-gestationnel, de la mère (Rovillé-Sausse 2001).

Avec un gain de poids gestationnel de 11.1 kg (Tableau 3), significativement inférieur à la prise de poids des Européennes (au seuil de 5%), les Chinoises ont un indice de masse corporelle (IMC) qui augmente en moyenne de 21.6 % de la valeur initiale durant la grossesse, taux légèrement inférieur à celui des femmes françaises ou espagnoles.

 

 

Françaises

Espagnoles

Chinoises

 

M                   

M                   

M                   

P2 - P1 (kg)

14.5                4.7

12.8                4.3

11.1                3.6

IMC1 (kg/m2)

22.1                3.8

22.6                3.4

20.8                 2.5

IMC2 (kg/m2)

27.3                 4.0

27.7               4.5

25.3                 3.8

IMC2 – IMC1 (kg/m2)

5.2

5.1

4.5

100 (IMC2-IMC1)/IMC1

23.5 %

22.6 %

21.6 %

Tableau 3.  Gain de poids et de corpulence, taux d’accroissement de la corpulence/IMC pré-gestationnel chez les femmes d’origine chinoise comparées aux Françaises et aux Espagnoles (P1 = poids pré-gestationnel ; P2= poids en fin de grossesse ; IMC1=IMC pré-gestationnel ; IMC2=IMC en fin de grossesse ; M = moyenne ;  = écart-type).

Table 3. Weight-gain and body mass gain, rate of increase in the pre-gestationnel body mass/IMC among women of Chinese origin compared to the Frenchwomen and with Spanish (P1 = pre-gestationnel weight; P2= weight at the end of the pregnancy; Pre-gestationnel IMC1=IMC; IMC2=IMC at the end of the pregnancy; M= average;  = standard deviation).

 

Les enfants

Etat nutritionnel: on constate que le poids de naissance moyen (Tableau 4) et l’indice de masse corporelle à la naissance (Tableau 4) des enfants dont la mère est issue de l’immigration chinoise ne sont pas statistiquement différents de ceux des enfants de mères françaises ou espagnoles.

 

 

Français

Espagnols

Chinois

 

     M                   

     M                   

     M                   

Poids de naissance

   3371                508   

  3099                 514

   3316                476

Tableau 4. Poids de naissance (en grammes) comparés (M = moyenne  ;  = écart-type)

Table 4. Compared birth-weight (in grams), (M = average;  = standard deviation).

 

Mais à partir de six mois, l’indice de masse corporelle des garçons et des filles d’origine chinoise est toujours supérieur à celui des enfants européens de l’étude Tableau 5).

 

Age (mois)

G européens

G chinois

F européennes

F chinoises

0

13.6

13.6

13.4

13.5

6

17.2

18.3*

16.8

17.8*

12

17.7

17.8

17.5

17.6

18

17.2

17.4

16.9

16.9

Tableau 5. Indices de masse corporelle (en kg/m2) comparés de 0 à 18 mois (G =Garçons; F = Filles; M = moyenne; * différence significative)

Table 5. Compared body mass index (in kg/m2) from 0 to 18 months (G = boys; F = girls; M = average; * significant difference)

 

Les comportements alimentaires: on peut résumer l’évolution de l’alimentation du jeune enfant occidental en trois étapes :

-       la période de l’allaitement : le lait (maternel ou sous forme d’aliment lacté diététique) est le seul aliment préconisé pendant les six premiers mois de la vie,

-       la diversification progressive : à partir de six mois, les légumes, les fruits, puis la viande, le poisson et les œufs, ainsi que les hydrates de carbone, sont introduits progressivement dans l’alimentation. Le lait garde une place prépondérante.

-       L’alimentation est théoriquement totalement diversifiée au cours de la seconde année.

On constate que 10% des enfants d’origine chinoise bénéficient de l’allaitement maternel (60% des nourrissons occidentaux). Cette différence est significative (: p=0.0001). Parmi les 90% de mères chinoises qui n’allaitent pas leur enfant, 20% pensent que le lait de vache est plus nutritif. Parmi les mères consultées, 50% avaient déjà eu un enfant en Chine avant leur migration et nous ont permis de comparer les habitudes alimentaires en Chine avec celles qu’elles ont adoptées depuis leur séjour dans leur pays d’accueil (Tableau 6).

 

 

Français et Espagnols

Chinois nés en Europe

Chinois nés en Chine

 

M                      

M                      

M                       s

Durée allaitement maternel

6.0                     1.5

-

13.8                    4.8

Introd. fruits-légumes

6.0                     1.8

9.8                   3.9

13.0                    4.5

Introduction viande

6.0                     2.3

12.2                   3.0

13.0                    4.5

Diversification complète

16.4                     3.8

26.2                   6.9

29.2                    9.2

Tableau 6. Ages (en mois) d’introduction des groupes d’aliments chez les enfants français et espagnols, d’origine chinoise en Europe, chinois nés en Chine (M = moyenne ;  = écart-type).

Table 6. Age (in months) of introduction of the groups of food in the French and Spanish children, children of Chinese origin born in Europe, Chinese children born in China (M = average;  = standard deviation)

 

L’introduction tardive des végétaux (vers 10 mois) et la diversification complète à près de deux ans et demi offre un schéma très décalé par rapport à l’occidental, et très proche de celui du pays d’origine. Le seul changement notoire depuis la migration est l’abandon généralisé de l’allaitement maternel (Rovillé-Sausse 2003), remplacé pendant près de 10 mois par des aliments lactés diététiques et des bouillies de riz. A partir de deux ans (Tableau 7), seuls 36% des enfants d’origine chinoise consomment régulièrement des fruits et des légumes deux fois par jour (33% n’en ingèrent pratiquement jamais et ont une nourriture peu variée composée de poisson ou viande et riz) et la majorité consomment peu de lait ou dérivés (72% ne prennent qu’un produit laitier par jour et 8% n’en consomment plus du tout et le petit déjeuner est alors composé d’un bol de riz ou de nouilles).

 

Fréquences

Produits laitiers

Fruits et légumes

Jamais

8

33

1 fois / jour

72

31

2 fois / jour

18

36

3 fois / jour

2

0

Tableau 7. Pourcentages d’enfants (%) consommant quotidiennement ces groupes d’aliments.

Table 7. Percentages of children (%) consuming these groups of food daily.

 

Un autre changement par rapport au schéma alimentaire traditionnel est l’adoption des boissons sucrées de type soda, consommées par 84% des enfants (Rovillé-Sausse 2005).

Les apports nutritionnels dans l’alimentation diversifiée des enfants chinois (Tableau 8): les apports énergétiques moyens (946 kcal +/- 250 kcal avant 3 ans, et 1307 kcal +/- 229 kcal entre 4 et 6 ans) sont inférieurs aux recommandations (Martin 2001: Apports Nutritionnels Conseillés ANC)).

 

 

Apports estimés

Apports conseillés (ANC)

Energie (kcal)

1307 (229)

1610

Protides (%)

18 (2)

12-14

Lipides (%)

25 (6)

30-35*

Glucides (%)

58 (6)

(dont simples = 17% de l’énergie totale)

50-55*

Tableau 8. Apports nutritionnels moyens estimés pour les enfants d’origine chinoise de 4-6 ans en Occident (* : différence significative au seuil de 4% ; entre parenthèses: écart-type).

Table 8. Average nutritional contributions estimated for the children of Chinese origin of 4-6 years in Occident (*: significant difference with the threshold of 4%; between brackets: standard deviation).

 

De plus, les apports glucidiques estimés sont significativement supérieurs aux recommandations, comme dans d’autres populations aujourd’hui (Rovillé-Sausse 2007). Les teneurs en sucres et en sodium recommandées pour les enfants par tranches d’âges ne sont pas bien déterminées. Cependant, la forte consommation de sodas entraîne un apport de sucres et surtout de sodium significativement plus important que la seule ingestion de jus de fruits frais (ou d’eau, bien entendu), sans aucun bénéfice en vitamines. Les protides doivent représenter 12 à 14% des apports énergétiques totaux ; ils représentent ici 18%. Les lipides doivent représenter 30 à 35% (ici 25%) et les glucides 50 à 55 % (ici 58%). De plus, si la répartition en glucides simples et complexes n’est pas scientifiquement établie,  les nutritionnistes s’accordent à penser que les sucres simples ne devraient pas représenter plus de 10% de l’apport énergétique journalier, quel que soit l’âge. Ils sont estimés dans cet échantillon à 17%.

 

Discussion

Du point de vue anthropométrique, les femmes adultes chinoises du Zhejiang vivant en France et en Espagne, plus petites et surtout plus graciles, ont un indice de masse corporelle moyen inférieur à celui des Européennes (20.8 kg/m2), situé cependant dans les limites définissant une normo-pondéralité (18.5 < IMC < 25 kg/m2). Quinze pour cent présentent un déficit énergétique  (IMC < 18.5 kg/m2). Aucun cas de surpoids / obésité n’est observé. Selon les données de la FAO (1999) dont on dispose, issues d’une étude nationale (Ge et al. 1996) déjà ancienne, l’IMC moyen pour l’ensemble de la population féminine adulte de plus de 20 ans en Chine est de 22.2 + /- 3.4 kg/m2, avec une prévalence de l’insuffisance pondérale de 9.9% et un surpoids de 17%. On peut émettre l’hypothèse que les femmes qui ont émigré en Occident pour des raisons économiques avaient un statut nutritionnel inférieur à la moyenne dans leur pays d’origine et faisaient peut-être partie des 9.9% de femmes qui présentaient un déficit énergétique. 

Elles maintiennent en partie leur modèle alimentaire traditionnel, mais celles qui résident en Occident depuis plus de cinq ans ont acquis de nouvelles habitudes. Certaines sont positives, comme l’augmentation de la consommation des produits laitiers. En Chine, le lait et ses dérivés sont peu  ingérés. Le lait est considéré comme étant un fortifiant pour les nourrissons, les femmes enceintes, les malades et les personnes âgées (Mi Xiaosheng 2002) et les personnes en bonne santé n’en boivent pas. Les produits lactés étant la principale source de calcium, les apports nutritionnels en calcium sont insuffisants chez les personnes qui n’en consomment pas (32.7% des femmes adultes de la présente étude). L’intolérance au lactose du lait n’est pas une explication, puisque les troubles n’apparaissent pas lors de la consommation de produits fermentés (yaourts, petits suisses, fromage). Contrairement à une idée reçue, le lait de soja n’est pas un substitut du lait (Chevallier 2007). Il est pauvre en calcium et en certains acides aminés.

Deux habitudes négatives pour la santé sont apparues après la migration, et s’intensifient avec la durée du séjour dans le pays d’accueil : la consommation d’alcool et de tabac sont en relation avec les changements de mode de vie, l’accroissement de l’effort psychologique devant ce qui est nouveau, des situations de précarité (Brown et James 2000).

Durant leur grossesse, les futures mères originaires du Zheijiang ont un gain de poids total représentant 20.9% de leur poids pré-gestationnel. On sait (Haram et al. 1997) qu’un gain moyen proche de 20% du poids initial au cours de la grossesse offre une meilleure probabilité de mettre au monde à terme un enfant de poids satisfaisant (3316 grammes +/- 476 g dans la population étudiée).  Les nouveau-nés à terme de mère chinoise de l’échantillon ont un poids de naissance satisfaisant et non différent de celui des nouveau-nés occidentaux. 

Quatre-vingt-dix  pour cent des enfants n’ont pas été nourris au lait maternel. Les mères asiatiques immigrées en Europe ou aux Etats-Unis allaitent rarement leurs enfants (Tuttle et Dewey 1994), les aliments lactés diététiques étant perçus comme étant meilleurs pour la santé (Romero-Gwynn 1989, Ghaemi-Ahmadi 1992, Ikeda et al. 1991). Or on sait depuis longtemps que le mode d’allaitement a une influence sur la croissance staturo-pondérale des enfants. De nombreuses analyses avancent que le lait humain aurait un effet préventif sur le surpoids et l'obésité, ainsi que sur les maladies respiratoires et les maladies cardio-vasculaires durant l'enfance (le lait humain contient des acides gras poly insaturés à longue chaîne – AGPILC – et réduit significativement la pression artérielle). Dans les pays occidentaux, l’IMC des enfants nourris avec des aliments lactés diététiques est statistiquement supérieur à celui des enfants nourris au lait maternel (Offringa et Boersma 1987). Dans cette étude, 27% des enfants âgés de deux et trois ans présentent un IMC supérieur au 90ème percentile de référence européenne, c’est-à-dire qu’ils sont en surpoids précoce. De plus, le régime lacto-farineux jusqu’à l’âge de dix mois expose les enfants à une carence en fer, en vitamines B1 et C (Gottrand et al. 1996). En chine (FAO 1999), l’état nutritionnel des enfants s’aggrave avec l’âge, et plus spécialement à partir de trois ans. La prévalence de l’insuffisance pondérale est toujours plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain. Il existe aussi dans ce vaste pays des différences de statut nutritionnel entre les provinces, liées au niveau socio-économique, aux différences d’habitudes alimentaires, aux infrastructures sanitaires et aux communications. Dans la province du Zhejiang, dont sont issues les familles de l’étude, 7.2% des enfants de moins de cinq ans présentent une insuffisance énergétique et 5.3% sont en surpoids (taux significativement inférieur à celui des enfants chinois nés en France). Si les apports énergétiques totaux dans l’alimentation des enfants chinois nés en Occident sont légèrement inférieurs aux recommandations, c’est plutôt le déséquilibre entre les apports des macronutriments qui pourrait être mis en cause pour expliquer l’augmentation de la prévalence du surpoids.

En conclusion, on peut remarquer que, quelles que soient les raisons de l’immigration, quel que soit le statut socio-économique des familles immigrées, les femmes chinoises semblent adaptées au système de santé préventive de la France et de l’Espagne, même lorsqu’elles doivent surmonter le problème de la barrière linguistique. En effet, la plupart d’entre elles ne parlent que leur langue maternelle et les entretiens, comme les consultations médicales ou pédiatriques, ont lieu en présence d’un interprète. Ce fait ne représente pas un obstacle à la fréquentation des centres de prévention materno-infantile. Il existe toutefois un problème de surpoids chez les enfants très jeunes, probablement lié en partie à des difficultés de perception des multiples messages de santé et de nutrition envoyés aux jeunes mères. Il est difficile de se référer à la fois aux messages provenant de l’entourage (famille ou amis chinois), à ceux des professionnels de santé occidentaux, et d’adapter ses propres connaissances alimentaires aux produits nouveaux et inconnus offerts sur les marchés européens. C’est pourquoi les familles du Zhejiang récemment installées en Occident se trouvent actuellement dans une période de transition tant sanitaire que nutritionnelle et socio-culturelle. On remarque qu’en ce qui concerne les enfants en bas âge, certaines habitudes alimentaires persistent (comme la diversification relativement tardive, la composition des menus et la consommation réduite de produits laitiers), tandis qu’apparaissent de nouveaux comportements (tels que l’abandon de l’allaitement maternel et la consommation abusive de boissons sucrées). Les comportements évoluent avec le temps. La durée du séjour dans le pays d’accueil est un facteur d’occidentalisation, qui peut s’accompagner, dans certains cas, d’une détérioration de certains indicateurs de santé (Martin 2001). C’est pourquoi les études anthropologiques telles que le présent travail doivent être renouvelées fréquemment, afin de pouvoir agir en amont  par une prévention et quelques conseils aux familles en cas de besoin.

 

Remerciements. Cette étude a été menée avec le soutien de la Communauté Autonome de Madrid en Espagne et le Conseil Général du Val-de-Marne en France.

 

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