Belomaria, M., Ahami, A.O.T., Aboussaleh, Y., Elbouhali, B., Cherrah, Y., Soulaymani, A., 2007, Origine environnementale des intoxications alimentaires collectives au Maroc: Cas de la région du Gharb Chrarda Bni Hssen, Antropo, 14, 83-88. www.didac.ehu.es/antropo


Origine environnementale des intoxications alimentaires collectives au Maroc: Cas de la région du Gharb Chrarda Bni Hssen

 

Environnemental origin of Collective food Intoxications in Morocco:

Case study of the region of Gharb Chrarda Bni Hssen

 

Mohamed Belomaria1,2, Ahmed Omar Touhami Ahami 1, Youssef Aboussaleh1, Bachir  Elbouhali1, Yahya Cherrah3, Abdelmajid Soulaymani4

 

1 Unité  de Neurosciences et Nutrition. Laboratoire de Biologie et Santé. Faculté des Sciences. Université Ibn Tofail. BP : 133 Kenitra Maroc.

2 Direction du Médicament et de la Pharmacie, Ministère de la Santé. Rabat.

3 Faculté de Médecine et de Pharmacie. Rabat

4 Laboratoire de Toxicologie et de Pharmacologie, Unité de Génétique et de Biométrie, Université Ibn Tofail, Kenitra, Maroc.

 

Correspondance: Prof. Ahami A.O.T. Unité  de Neurosciences et Nutrition. Laboratoire de Biologie et Santé. Faculté des Sciences .Université Ibn Tofail. BP : 133 Kenitra Maroc. Email : ahami_40@yahoo.fr

 

Mots clés: Toxi-infections , Alimentaires, Collectives, Gharb , Maroc.

 

Résumé 

Les intoxications alimentaires constituent un problème qui nuit à la santé publique. Son dévoilement ouvre une opportunité sur le plan d’action pour cerner le problème et l’éviter. L’objectif de notre travail est de décrire le profil épidémiologique des intoxications alimentaires dans la région du Gharb Chrarda Bni Hssen (Maroc) et la stratégie préconisée. Nous avons procédé à une étude investigatrice portant sur 37 cas de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) notifiées au Centre Hospitalier Provincial Idrissi sur la période de 2001 à 2006. Les principaux résultats sont: la majorité des cas ont été notifiés en milieu communal (70%), une nette baisse des cas des TIAC cette dernière année (3cas), l’âge des malades varie de 15 à 25ans, les femmes sont les plus exposées (85%). La déclaration est faite en majorité par l’animateur du SIAAP (30%), le foyer familial est le plus atteint (70%). Les principaux aliments causes des TIAC sont les fruits et légumes (20%) et lait et ses produits dérivés (17%). L’agent responsable est le Staphylocoque doré (72%) et le Clostridium perfringens (28%). Le développement de la cellule de surveillance épidémiologique des TIAC et l’installation d’une cellule d’assurance qualité sont les points forts de la maîtrise de l’épidémiologie des intoxications alimentaires.

 

Summary

The food poisonings is  a  public health hazard in Morocco. Its revealing opens an opportunity for action  and  prevention. This work is aimed to describe an epidemiologic profile of the Collective Food Toxi infections in  the area of Gharb Chrarda Bni Hssen  in North Western Morocco. We made an investigatory study related  to  the cases  of collective food intoxications  notified in a  Hospital  setting  from  2001 to 2006. The majority of the cases were notified in  rural and sub rural areas (70%). The age of the patients varies from 15 to  25 years. Females (women) are   more exposed (85%) than males. The notification  is  mainly reported  by the  the health Unit . The principal food causes of the  intoxication are  fruits and vegetables (20%) and dairy products  (17%). The responsible agents are Staphylococcus aureus (72%) and Clostridium perfringens (28%).  Women preparing food for the household are at risk of intoxications. In 70% of the cases, the intoxication is spread to the family members. Fruits and vegetables though very recommended for health should be washed carefully and cooked correctly to avoid contamination. In rural areas milk is delivered freshly unpasteurized from the farm. A modern cold distribution channel in needed in theses areas . The development of the epidemiologic cell of monitoring of the Collective Food Toxi infections and the installation of a cell of quality insurance are the strong points of the control  of theses hazards.

 

Introduction 

Un foyer de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) est défini par l’apparition d’au moins deux cas groupés d’une symptomatologie similaire, en général digestive, dont on peut rapporter selon Haeghebaer et coll ( 1997) la cause à une même origine alimentaire. Le diagnostic est d’abord clinique et la symptomatologie est fonction de l’agent responsable. Les signes digestifs (diarrhées, vomissements, nausées, douleurs abdominales) peuvent s’accompagner de signes généraux (fièvre).

Une prédominance de signes digestifs hauts est en faveur d’un processus toxinique et d’une durée d’incubation courte à moyenne (2 à 8h : Staphylococcus aureus, Bacillus cereus). L’absence de signes digestifs hauts et une prédominance de fièvre sont plutôt en faveur d’un processus invasif et donc d’une durée d’incubation plus longue (>8h : Salmonella, Campylobacter, Yasinia). Les infections liées à des parasites (Cryptosporidium, Giardia) se caractérisent par des diarrhées persistantes avec peu ou pas de fièvre. Les infections virales (Calcivirus, Rotavirus) génèrent une diarrhée et/ou des vomissements avec des durées d’incubation de 12 à 72h (Le Querrec, 2003). Des signes neurologiques peuvent notamment orienter vers une intoxication à la toxine botulinique, à l’histamine, à des champignons ou à des toxines de cyanobactéries. L’investigation des cas de gastro-entérites doit être encouragée: recherche d’autres cas de même origine et recours plus fréquent au diagnostic biologique (coproculture).

Dans la majorité des cas, la réhydratation est le seul geste réellement important. Les autres traitements sont à mettre en œuvre selon les situations (traitement de fièvre, pansements gastriques, antibiotiques) (CDC, 2004)

 

Situation épidémiologique dans certains pays 

Aux Etats-Unis, pour 76 millions d’intoxications alimentaires (26.000 pour 100.000 habitants) dont 325.000 personnes ont été hospitalisées (111 pour 100.000 habitants) et 5.000 personnes sont mortes (1,7 pour 100.000 habitants) (OMS, 2000).

Au Royaume-Uni en l’an 2000, le nombre d’intoxications s’est élevé à 2 millions (prés de 3.400 pour 100.000 habitants), les bactéries impliquées furent: Campylobacter jejuni (77,3%), Salomnella (20,9%), Escherichia Coli O 157 : H7 (1,4%) et toutes les autres (<0,1%).

En France, sur les 250.000 à 750.000 intoxications alimentaires par année (400 à 1210 pour 100.000 habitants) 70.000 on fait l’objet d’une consultation aux urgences (113 pour 100.000 habitants), 15.000 personnes ont été hospitalisées (24 pour 100.000 habitants) et 400 personnes en sont mortes (65 pour 100.000 habitants).

Situation épidémiologique au Maroc 

            Une augmentation progressive au cours des dix dernières années a été constatée. En effet le nombre de cas et des épisodes de TIAC de 1996 à 2001 a doublé. Les TIAC représentent, au Maroc, 11% des intoxications. Plus de 90% des TIAC sont d’origine bactérienne confirmée ou probable. Environ 7% des cas sont d’origine chimique: Contamination des aliments par des pesticides surtout. Prés de 1% des cas: TIAC d’origine végétale (Addad). Le reste étant d’origine indéterminée (1,5%) (Benkaddour, 2002).

La contamination des aliments peut provenir des matières premières ou des préparateurs. L’eau d’alimentation peut aussi être à l’origine de TIAC.

Les TIAC sont sous-déclarées au Maroc comme dans autant de pays du Monde. Vu que la population marocaine ne connaît pas les risques des TIAC, celles-ci ne sont déclarées qu’en face d’aggravation. Ainsi on peut estimer 10 cas pour chaque déclaration (Benlarabi, 2006).

Conscients des dangers et des effets des TIAC nous avons dressé un bilan par l’intermédiaire d’une enquête épidémiologique au niveau de la région Gharb Chrarda Bni Hssen.

 

Matériels et Méthodes 

Il s’agit d’une étude rétrospective exhaustive sur les TIAC sur 6 ans (2001-2006) qui ont été déclarées à l’hôpital provincial de Kenitra (Figure 1). Nous avons exploité les registres du SIAAP de la délégation de santé. Nous avons retenu des maladies à déclaration obligatoire seulement, les TIAC. La consultation des archives de l’Hôpital Provincial de Kenitra nous a permis d’aboutir aux résultats exposés.

 

Figure 1. Région Gharb Chrarda Bni Hssen

Figure 1. The Region of Gharb Chrarada Bni Hssen

 

Résultats 

Entre 2001 et 2006, TIAC ont été notifiées dans la région du Gharb Chrarda Bni Hssen soit environ 4% des 930 TIAC en total Maroc. Parmi les 36 TIAC dans la région du Gharb Chrarda Bni Hssen, 26 (70%) l’ont été en communale et 10 (30%) en rurale.

 

Répartition selon l’âge 

Les intoxications rapportées concernant des malades de moins de 25 ans s’élèvent à  110 (65%). La majorité de ces intoxications impliquent cependant des adolescents ( Figure 2).

 

Figure 2. Répartition des malades selon leur âge

Figure2.  Patients Age distribution

 

Répartition selon le sexe 

Les TIAC touche 94 hommes (41%) contre 130 femmes (59%).

 

Sources de Déclaration 

Sur les 36 TIAC notifiées en région Gharb Chrarda Bni Hssen de 2001à 2006, la source de déclaration des  TIAC notifiées était précisée dans 33% des cas. Soit par l’animateur ou la cellule épidémiologique.  Les autres sont rapportées surtout administrativement (Tableau 1).

                  

Rapporteur

Nombre

Pourcentage

Animateur de santé

7

19%

Cellule Epidémiologie

5

14%

Délégué de la santé

3

9%

Médecin Chef

2

6%

Autres personnel médical ou paramédical

19

52%

Total

36

100%

Tableau 1. Sources de  déclaration des intoxications

Table 1.  Sources of declarations of Intoxications

 

Lieux de survenue 

Les 70% des TIAC rapportées en région Gharb Chrarda Bni Hssen étaient survenues au foyer familial, 8% en épicerie, 5% en laiterie, 5% marchant ambulant, 2% marché de poissons, 2% foret, 2% pâtisserie, 2% restaurant  et 4% en divers situations.

 

Taille des ménages 

La taille des foyers variait selon le type de foyer. Le nombre moyen de malades par foyer était de 6 en milieu familial et de 8 en collectivité. Le foyer le plus important survenu en milieu familial a concerné 20 personnes et en collectivité 17 personnes. 

 

Aliments incriminés 

L’aliment causal des TIAC notifiées a été identifié ou suspecté épidemiologiquement dans 86% des TIAC notifiées (31/36) les aliments les plus fréquents en cause étaient légumes et fruits 20%, lait et produits laitiers 17%, volailles et œufs 9% et viens après par ordre décroissant du pourcentage d’incrimination escargots 7%, poissons 7%, couscous 6%, viandes 4%, pâtisserie 4%, eau de boisson 2%

 

Figure 3. Pourcentage de TIAC par types d'aliments incriminés dans la Région du Gharb Chrarda Bni- Hssen  entre 2001 à 2006

Figure3. Percentage of Collectives food intoxications by a causing  food type from 2001 to 2006 in  Gharb Chrarda Bni- Hssen  Region.

 

Facteurs ayant contribué à la survenu de TIAC 

Dans les 36 cas des TIAC notifiées survenu dans la Région du Gharb Chrarda Bni- Hssen 38 % sont du à des matières premières contaminées, 22 % à la contamination par l’environnement du personnel et 22% à la contamination par l’environnement de l’équipement, 6 % est du au non respect des températures réglementaires, 6 % est du au délai important entre préparation et consommation, 6 % sont du à une erreur dans la préparation et de la consommation.

  

Agent Responsable 

L’agent étiologique responsable des TIAC notifiées a été confirmé par des prélèvements d’origine humaine (selles, sang et autres) en plus des données cliniques et épidémiologiques. Dans, 72 %  des cas c’est le Staphylocoque doré et 28 % Clostridium Perfringens.  A l’échelle nationale sur les 1577 cas de TIAC en 2001,  96   cas    sont confirmés dus  à la bactérie salmonelle et 259 cas peuvent probablement lui être attribués (Bouchrif, 2003). Dans la région du Gharb, les salmonelloses essentiellement dues  à la contamination des aliments d’origine animales sont rares au profit des contaminations  d’origines hydriques (fruits légumes, laits etc…). Le bassin de Sebou est reconnu pour sa pollution en amont et sa répercussion sur l’agriculture en aval.

 

Conclusion 

Le nombre des TIAC notifiées est presque stable entre 2001 et 2005, alors qu’en 2006 une chute remarquable est relevée. Ceci peut être lié à l’éducation sanitaire, l’information, la communication en matière d’hygiène alimentaire et la prise de conscience du citoyen de l’incidence sociale et économique, en particulier l’arrêt du travail, les mesures répressives à l’encontre des entreprises et des restaurants en cause. La restauration collective nécessiterait un suivi régulier et en particulier les foyers ayant présenté des TIAC antérieurement. Il faut être conscient que chaque TIAC déclarée limite son aggravation. Il faut, également, fournir d’avantage d’efforts pour développer le système d’enquête et d’investigation épidémiologiques.

 

Références bibliographiques 

Benkaddour, K, 2002, Situation épidémiologique des toxi-infections alimentaires collectives au Maroc, 1992-2001. Séminaire national sur l’application du système HACCP dans le domaine de l’hygiène alimentaire. Ministère de la santé. Rabat.

Benlarabi, S., Semlali, I., Eloufir, G., Badri, M., Soulaymani Bencheikh, R., 2006,  Les toxi-infections alimentaires collectives: données du centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc. Premier Congrès National de la Société Marocaine de  Toxicologie Clinique et Analytique 10 et 11 Mars,  Institut National De L’administration Sanitaire (Inas) – Rabat.

Bouchrif, B., Cohen, N., Ennaji, M., Ait M’hand,  R. Et Timinouni,  M., 2003, Lutte et prévention des toxi-infections alimentaires à Salmonelles. 1er symposium de Virologie au Maroc. Marrakech 2003.

Center for Disease Control, 2004, Prevention, Diagnosis and Management of Food borne Illnesses: A Primer for Physicians and Other Health Care Professionals. MMWR: vol 53, n° RR64,   http://www.cdc.gov/mmwr/PDF/RR/RR5304.pdf  consulté le 10 Mars 2007

Haeghebaert, S., Delarocque Astagneau, E., Vaillant, V., Gallay, A., 1997, Epidémiologie des maladies infectieuses en France: synthèse sur les toxi.infections alimentaires collectives en France e 1996. Institut de veille sanitaire.

Le Querrec, F., 2003, Surveillance des toxi-infections alimentaires collectives, MDO infos n° 5 décembre p: 1-4.

OMS, 2000,  Salubrité des aliments et maladies d’origine alimentaire. Aide Mémoire n° 237.