Colloques du Groupement des Anthropologistes de Langue Française (GALF)


 

Inauguration du Colloque

 

Chers collègues, chers amis,

 

Même si ce n’est pas adéquat d’inaugurer un colloque en parlant de soi, je ne peux m’empêcher d’exprimer ma joie d’être présent à Toulouse pour ce colloque du GALF.

En effet, c’est en 1967 que j’ai fait en quelque sorte mes premiers pas à Toulouse, premiers pas anthropologiques j’entends, c’était dans « l’ère Ruffié », et puis bien plus tard l’université Paul Sabatier m’a honoré d’un DHC sous la présidence de notre collègue Georges Larrouy.

 

De façon moins personnelle, il est important d’insister sur le fait que la « ville rose » et son université Paul Sabatier sont un pôle scientifique important en France et en Europe, tout le monde connaît, en effet, les programmes Arianne et Airbus par exemple.  Mais aussi en anthropologie, Toulouse reste une de nos universités phares où Georges Larrouy et son équipe ont été un des éléments moteurs et où aujourd’hui Eric Crubézy a repris de manière efficace le flambeau.

 

Toulouse est donc un pion indispensable du GALF. Mais qu’est ce que le GALF ? un groupement (et donc pas une association) dessiné pour stimuler et coordonner l’anthropologie francophone et pour organiser nos réunions tous les 2 ans, un héritage de nos patrons les Twiesselmann, Olivier et Sauter qui ont stimulé cette collaboration francophone. Cela a débuté en 1965 ! et oui nous fêtons à Toulouse un anniversaire de 40 ans !

 

Francophone et francophile, car naturellement, et Toulouse en est un bon exemple, de nombreuses nationalités sont présentes, dans les couloirs j’entendais parler espagnol, italien, portugais, flamand, hongrois .. , les délégations espagnoles et italiennes notamment sont très bien représentées et dans le conseil du GALF 12 nationalités sont représentées.

 

Coordonner et stimuler l’anthropologie donc ! en 1965 c’était une nécessité, et en 2005 cela reste plus que jamais une nécessité.

 

Une nécessité scientifique naturellement mais j’oserais dire aussi sociétale, politique et même philosophique.

 

Sociétale et politique : l’Europe (mais pas uniquement l’Europe) se trouve gangrenée par des mouvements d’extrême  droite et par des partis qui par voies démocratiques mettent en fait la démocratie en péril. Ne nous voilons pas la face, le racisme est présent et bien  présent et donc par définition l’anthropologie doit être présente dans ce débat. J’espère qu’il n’y a dans l’esprit d’aucun de nous une hésitation pour confronter nos étudiants à ce sujet, ce n’est pas un hasard si l’union internationale des sciences anthropologiques et ethnologiques  préparent un colloque sur ce sujet en août 2005 en Tchéquie et prépare une résolution sur ce thème, soyons présents !

 

Philosophique : dois je mentionner que les EU mais aussi l’Australie sont confrontés au créationnisme et leur enseignement en souffre ? Si les enquêtes montrent qu’une majorité des américains sont créationnistes, j’ai voulu examiner la situation européenne en recensant les positions des différentes religions vis-à-vis de l’évolution. Cela peut faire grincer des dents puisqu’il faut conclure que des groupes créationnistes sont présents dans toutes nos religions y compris en Europe bien entendu et y compris chez certains de nos étudiants. Des signes politiques sont même présents en Italie, aux Pays-Bas, en Grèce, en Pologne, en Serbie, en Russie, en Turquie ! Rester objectif est notre devoir même si cela dérange , encore une fois j’ose espérer que tous les anthropologues parlent clairement lorsqu’il s’agit d’enseigner l’évolution humaine, restons tolérants mais sans édulcorer la réalité.

 

Nécessité au niveau de l’enseignement !! L'anthropologie est devenue transversale par l'intérêt international croissant relatif aux changements globaux de climat notamment, de dégradation des ressources naturelles, de réduction de la biodiversité, de pollution de l'eau et de l'air, des effets à long terme des déchets dangereux, de diminution de la couche d'ozone, ...  L’anthropologie est intimement liée aux solutions locales et/ou globales pour un environnement plus sain. Une éducation anthropologique est, aujourd'hui plus que jamais, nécessaire pour prévenir les malentendus et les manipulations : développement d'une culture humaniste, défense des droits de l'Homme les plus basiques, respect des principes démocratiques sont basés sur cette éducation.  Dans une société consommatrice, non éduquée, non préparée à des modes de pensée critique, les règles du jeu ne seront déterminées que par les "dominants" en termes de richesse et de technologie. Où se trouvera l'anthropologie dans ce système d'éducation ? Comme anthropologistes, nous devons essayer :

-      d'être présent dans l'enseignement de base (BSc), éventuellement pas en tant que cours d'anthropologie mais de biologie humaine,

-      de développer au niveau Master une spécialisation, ou de nous y inclure (probablement qu'un Master en anthropologie en tant que tel sera difficile à réaliser car des conseils de l'UE parlent d'un staff spécialisé d'au moins 30 personnes pour un master, nous aurons donc à développer des collaborations pour des Master avec des titres plus larges ;

Ceci est la raison pour laquelle nous avons développé un Master européen en anthropologie.

 

En anthropologie, comme dans beaucoup de sciences et de plus sur un sujet considéré pour l'ERT (Table Ronde Européenne des Industriels) comme "superflu", nous avons besoin de collaboration, nous devons joindre nos forces pour offrir à nos étudiants le meilleur enseignement possible.

 

Mais surtout nécessité scientifique naturellement. Le choix du thème de ce colloque « anthropobiologie, évolution et histoire des peuplements » est à ce titre tout à fait adéquat. Le déchiffrage génétique du génome humain deviendra de plus en plus précis et donc l’anthropologie devra de plus en plus expliquer la variabilité génétique humaine, variabilité que les biologistes moléculaires oublient bien souvent. L'idéologie génétique actuelle néglige, en effet, trop souvent cette variabilité et sa valeur en soi, elle considère comme "déviants" ceux qui diffèrent d'un génome représentatif, abstraction que personne ne peut définir.  Par définition, l'anthropologie aborde l'étude de la variabilité humaine et montre, par exemple, que la variabilité intra-populationnelle est plus grande que celle entre les populations.

 

Cette connaissance génétique plus précise n’éliminera pas, bien au contraire, l’étude de l’influence mésologique, socio-économique sur le développement humain. L’anthropologie continuera donc à devoir estimer les deux facettes génétique et milieu, sur le façonnement de l’être humain. Que ce soit du matériel osseux, voire fossile, ou du matériel vivant la problématique reste la même. La méthodologie s’avère peut-être différente mais l’esprit de nos recherches reste le même. Ne nous opposons pas, réunissons nous, collaborons, le résultat en est des initiatives, dont je vous laisse juger de la valeur, mais qui au moins ont l’avantage d’exister, je veux parler du diplôme européen de master en anthropologie, de la revue électronique ANTROPO qui publie dans nos langues latines, du manuel d’anthropologie biologique, et du nouveau-né le dictionnaire d’anthropologie.

 

Permettez moi d’user de cette tribune pour remercier chaleureusement José Angel Pena l’éditeur de la revue ANTROPO, Esther Rebato pour le manuel dont grâce à elle une version espagnole existe maintenant, et naturellement la cinquantaine d’auteurs de ce manuel, Caroline Polet pour le dictionnaire et pratiquement la centaine d’auteurs de ce dictionnaire.

 

Remerciements ! c’est sur d’autres remerciements que je terminerai, la préparation de ce colloque a été faite de main de maître par Georges Larrouy et Eric Crubézy et leur équipe (excusez moi de ne pas citer tous les noms de ce comité !) et tout augure d’un excellent colloque au niveau scientifique mais aussi (et pourquoi pas en effet) au niveau social. Comme moi j’espère que vous quitterez la ville rose avec des regrets. Merci donc à tous.

 

Je déclare donc ouverte ce colloque du GALF, que votre séjours soit fructueux et agréable.

 

                                                                                     Charles Susanne

                                                                                     Université libre de Bruxelles