Colloques du Groupement des Anthropologistes de Langue Française (GALF)

Pellegrino, V., Tillati, S., Struzzo, P., Breschi, M., 2006, Consommation alimentaire - alcoolique et perception du risque: exemple d’une problématique de "santé" dans les terres italiennes caractérisées par la production du vin (Udine, Nord d’Italie). Antropo, 11, 141-149. www.didac.ehu.es/antropo


 

Consommation alimentaire - alcoolique et perception du risque: exemple d’une problématique de "santé" dans les terres italiennes caractérisées par la production du vin (Udine, Nord d’Italie)

 

Alcohol consumption and perception of risk: an example of a "health issue" in Italian wine producers regions (Udine, North East of Italy)

 

Vincenza Pellegrino1, Silvia Tillati1, Pierluigi Struzzo2, Marco Breschi1

 

1Département de Sciences Statistiques, Université de Udine, Via Treppo 18, Udine, Italie

2Centre de Recherche de Communauté “G.A. Feruglio”, Via Delser 1, Martignacco (Udine), Italie

 

Mots clés: Déterminants socioculturels de la santé, consommation d’alcool, perception du risque

 

Key words: Health, socio-cultural determinants, alcohol consumption, risk perception

 

Résumé

Cette étude a pour objet la relation entre les modes de consommations (alimentation – alcool – tabac) d’une part, et la perception du risque de santé, d’autre part. Nous nous sommes interrogés sur la relation entre les définitions de "santé" et de "bien-être" (éléments culturels), les modes de consommation, et les problèmes de santé liés à cette consommation (éléments biologiques).

Cette thématique occupe aujourd’hui une place importante dans le débat interdisciplinaire qui intéresse anthropologues, écologues et aussi médecins: les déterminants socioculturels de la santé sont de plus en plus indiqués par les spécialistes parmi les premières causes de mal-être et de maladie dans les sociétés occidentales contemporaines. Notre enquête a été réalisée au cours de l’année 2004 dans 34 communes de la Province de Udine (Nord d’Italie): 800 personnes environ ont été interviewées à propos de leur représentation du risque de santé, de leur consommation alcoolique, de leurs réseaux familiaux et amicaux, ainsi que de leurs problèmes de santé avérés.

L’intérêt de notre étude se base aussi sur le fait que l’aire géographique concernée par la recherche est depuis longtemps une aire de production de vin: d’un côté, la production agricole est une ressource et le vin représente une partie importante des connaissances et de la culture locale; d’un autre côté, le taux élevé d’alcooliques témoigne des tensions de la société contemporaine qui ont perturbé l’équilibre entre l’homme et ses ressources.

La recherche se propose aussi comme outil pour l’établissement de politiques de prévention qui prennent en compte les éléments culturels caractérisant les modes de consommations dans chaque communauté, comme la définition de santé, la perception du risque, la signification des consommations en termes de sociabilisation.

 

Abstract

The main aim of this study is to understand the relationship between alcohol consumption and risk perception of these health determinants among general population in Italian wine producers regions (Udine, Northern Italy).

800 people were asked about these and other items (different ways of alcohol consumption; risks perception; opinions about “to drink” meaning) and significant differences arose in particular between generations (below or above 25 years old), between gender and between different types of alcohol consumer.

 

Introduction

Les études épidémiologiques récentes ont confirmé l'importance toujours croissante des styles de vie et des conditions socio-économiques dans la genèse et dans l'évolution des maladies (Evans 1994; Terris 1994; Link, Phelan 1995). Il est donc acquis que les activités collectives et les comportements individuels peuvent engendrer des risques, directs ou indirects, pour la santé. Le contrôle difficile de ces risques requiert avant tout la vérification de la manière dont ceux-ci sont perçus, étant donné le rapport étroit qui existe entre la perception du risque d'un côté, et les orientations et les comportements de l'autre.

L’analyse de la perception des risques pour la santé est très complexe, et cela pour différentes raisons. Le concept de risque est “ambigu” (Tempesta 2004; Turz 1987): il est lié au concept de probabilité, mais il est évident que le calcul des probabilités peut s'effectuer en partant d'inputs (informations et hypothèses) très différents. En particulier, la perception du risque peut être considérée comme une “réaction culturelle”: les travaux de l'anthropologue Douglas (1991, 1996) démontrent que le risque n'est pas simplement perçu, c'est-à-dire pris ou non en considération (comme dans le cas du danger), mais qu'il est plutôt “défini acceptable” ou non par la société dans son ensemble. L'effet de la culture présent dans un contexte social donné serait celui de concentrer l’attention sur certains dangers, en les transformant par exemple en “indicateurs moraux”, et d'en négliger d'autres. En d'autres termes, connaître, évaluer et vivre des risques pour la santé fait partie des processus sociaux et de l’appartenance au contexte culturel.

Cependant, les études menées dans cette direction ont surtout abouti à évaluer et à interpréter la perception par rapport à un seul comportement (par exemple, la consommation d'alcool ou le tabagisme); mais, comme cela a déjà été dit, considérer la perception des personnes sur des simples facteurs, séparément, ne permet pas de cerner la trame culturelle qui lie les différentes attributions de risque, et ne fournit pas d'explication sur le poids que le “contexte” spécifique peut avoir sur les différentes “acceptabilités”.

C'est pourquoi, il a été jugé intéressant de vérifier si la consommation d'alcool, et en particulier la consommation de vin, était jugée comme un comportement à risque plus acceptable par rapport à d'autres comportements dans une région qui se distingue par la production et la consommation de vin (Scafato et al., 2004); il s'agit en effet du nord-est italien, qui se caractérise par une consommation élevée d'alcool et par l’incidence des troubles et des maladies qui en découlent, comme les manifestations d'alcoolisme (Vecchia, 2005; Canzian, 2005). On a donc placé l'évaluation sur la “dangerosité” des boissons alcoolisées à l'intérieur d'un cadre plus vaste sur les risques pour la santé, afin d'évaluer la “position” de l'alcool par rapport à d'autres éléments.

La deuxième partie de la contribution est consacrée à l’analyse des “opinions sur le fait de boire” à l'intérieur de sous-groupes différents de la population, afin d'éclairer la connexion entre ces opinions et l'évaluation du risque. On a ainsi essayé de vérifier si des types différents de consommateurs de boissons alcoolisées ont une perception différente du risque et si celle-ci est à insérer dans un système différent de significations et de fonctions attribuées au “fait de boire”, comme diverses études l'ont démontré à propos des caractéristiques individuelles, à commencer par l'âge (Donovan et al. 1991; Gerrard et al. 2002), le sexe (Barke et al., 1997; Flynn et al., 1994) et les conditions économiques (Perceiving Risks, The World Health Report 2002).

Enfin, la phase suivante de notre projet de recherche sur la perception du risque prévoit d'effectuer la même recherche sur d'autres populations (Province de Sienne, Toscane), de façon à obtenir des données de contrôle. De toutes façons, cette première phase s'est révélée très intéressante, car elle a mis en évidence des éléments variables et constants dans la même population examinée.

L'étude a intéressé 800 personnes âgées de plus de 18 ans résidant dans 34 communes de la province de Udine (tab. 1). Les personnes interrogées ont été sélectionnées à travers un échantillonnage aléatoire stratifié de la population de référence (149.492 habitants), avec stratification par sexe et âge établie à priori. Les interviews ont été réalisées par téléphone auprès du Département des Sciences Statistiques de l’Université de Udine, grâce au support du système informatique CATI, logiciel permettant la gestion informatisée d'une interview effectuée via téléphone (mise à jour automatique de la banque de données de l'échantillonnage, saisie, vérification de la cohérence des données saisies, etc.).

Les interviews étaient basées sur un questionnaire de 58 questions à choix multiple, et de quelques questions à réponse libre classées ci-dessous. Le questionnaire était divisé en différentes sections concernant: les modes de consommation des boissons alcoolisées; la perception des différents risques pour la santé; les opinions sur la signification du fait de boire; les opinions sur les futures politiques de promotion de la santé (Fabbro 2005).

 

 

Fréquence

Pourcentage

Pourcentage cumulatif

Sexe

 

 

 

Hommes

395

49,4

49,4

Femmes

405

50,6

100

Total

800

100

 

Age

 

 

 

Classe d’âge 18-24 ans

92

11,5

11,5

Classe d’âge 25-30 ans

101

12,6

24,1

Classe d’âge 31-39 ans

194

24,3

48,4

Classe d’âge 40-49 ans

202

25,3

73,6

Classe d’âge 50-60 ans

211

26,4

100

Total

800

100

 

Tableau 1. Echantillon: distribution par sexe et âge.

Table 1. Sample distribution according on sex and age.

 

2. Résultats

Le “fait de boire” comparé à d'autres risques

Consommer des boissons alcoolisées est-il jugé plus ou moins dangereux par rapport à d'autres “comportements à risque”? Les résultats (fig. 1) font ressortir la spécificité du contexte d'analyse en ce qui concerne la consommation de vin. Cette dernière est perçue comme étant moins dangereuse par rapport à tous les autres facteurs examinés. Ceci est surtout vrai chez les hommes (26% environ des femmes juge que la consommation de vin peut être très dangereuse pour la santé contre 13% des hommes). Il est intéressant de noter que les femmes, plus sensibles que les hommes à relever la dangerosité des éléments proposés, pensent elles aussi que le vin est le facteur moins dangereux pour leur propre santé.

La perception des risques (fig. 2) augmente avec l'âge: les personnes âgées de plus de 50 ans attribuent une plus grande dangerosité à chaque facteur proposé. Plus particulièrement, une bonne partie d'entre elles pense qu'un taux de cholestérol élevé, l'hypertension artérielle et l'obésité constituent un risque grave pour leur propre santé (fig. 2). Quoi qu'il en soit, le vin continue à être considéré comme un élément moins nuisible à sa propre santé: en effet, 27,5% seulement des personnes âgées entre 50 et 60 ont attribué au vin un risque “10” (sur une échelle qui allait de 1 à 10).

Ces données confirment la dimension culturelle présente dans l'attribution de la dangerosité à différents éléments et comportements; le fait que le vin soit considéré moins dangereux que les autres boissons alcoolisées semble indiquer que les personnes interrogées le relient moins directement à son contenu d'alcool.

 

Figure 1. Pourcentage de personnes attribuant « risque maximum » (risque égale 10 sur une échelle qui allait de 1 à 10) aux différents facteurs: distribution par sexe.

Figure 1. Distribution according to sex of people declaring highest risk (10\10) for different factors.

 

Figure 2. Pourcentage de personnes attribuant "risque maximum" (risque égale 10 sur une échelle qui allait de 1 à 10) aux différents facteurs: distribution par classes d’ âge.

Figure 2. Distribution according to age of people declaring highest risk (10\10) for different factors.

 

Il est intéressant d'analyser la perception du risque en fonction des modes de consommation des boissons alcoolisées (typologie de buveurs: sujets non consommateurs de boissons alcoolisées; consommateurs occasionnels; consommateurs quotidiens) (tab. 2). Ceux qui ne consomment pas de boissons alcoolisées déclarent généralement une attitude de plus grande prudence (ils perçoivent tous les facteurs comme davantage dangereux), mais cette différence est encore plus évidente en cas de consommation de boissons alcoolisées, et surtout de vin: seul 5,7% des buveurs quotidiens considère la consommation de cette boisson réellement dangereuse pour la santé.

Ces derniers résultats confirment deux aspects importants: d'un côté, la relation entre comportements et perceptions (les buveurs quotidiens se déclarent moins inquiets par rapport à tous les facteurs de risque pour la santé); de l'autre côté, cependant, la position particulière du vin refait surface en tant que facteur moins à risque, y compris par les non buveurs.

 

Facteurs de risque

Non buveurs

Consommateurs occasionnels de boissons alcoolisées

Consommateurs quotidiens d’alcool

Tabac

67,3

62,6

56,9

Vin

35,5

11,9

5,7

Boissons alcoolisées

55,1

32,1

29,9

Cholestérol

41,9

32,7

33,3

Hypertension

45,1

32,7

34,3

Obésité

48,8

38,3

34,3

Pollution

53,4

37,3

39,7

Tableau 2. Pourcentage de personnes attribuant « risque maximum » (risque égale 10 sur une échelle qui allait de 1 à 10) aux différents facteurs: distribution par typologie de consommateur d’alcool (classes d’ âge ≥ 30 ans).

Table 2. Distribution according to type of alcohol consumer of people declaring highest risk (10\10) for different factors (people ≥ 30 years old).

 

L’alcool est-il vraiment un risque considéré “différemment” des autres?

Jusqu'à présent il ressort que le vin, et dans une moindre mesure les autres boissons alcoolisées aussi, semble être considéré comme des facteurs de risque mineur par rapport aux autres. Nous avons utilisé une analyse factorielle, une méthode statistique apte à réduire un système complexe de corrélations en un système de plus petites dimensions (c'est-à-dire apte à explorer d’une manière synthétique la relation entre variables), dans le but de vérifier l'hypothèse selon laquelle l’attribution de risque à la consommation d'alcool suit des voies et des motivations différentes par rapport à d'autres éléments de risque; on a ainsi évalué l’association entre les niveaux de dangerosité attribués aux différents facteurs.

L’analyse factorielle des variables relatives aux jugements exprimés sur les 7 facteurs de risque pour la santé a produit trois composants principaux (facteur 1, facteur 2, facteur 3; 76,77% de la variance), utiles à cerner plus précisément la relation entre les différents jugements exprimés par les personnes interrogées (tab. 3).

La première composante (facteur 1) résume les attributions de dangerosité par rapport aux comportements et aux styles de vie liés surtout à une alimentation déséquilibrée dont l'impact sur la santé est cumulatif dans le temps et moins perceptible dans l'immédiat. La deuxième (facteur 2) est liée spécifiquement à la consommation de boissons alcoolisées, qui, comme on l'avait supposé, occupe une position à part par rapport aux autres facteurs de risque. La dernière composante (facteur 3) ramène à des facteurs de risque comme le tabagisme et la pollution, dont la probabilité de nuire à la santé est davantage ressentie et peut être associée directement à une responsabilité par rapport à la collectivité.

La même analyse a été menée à l'intérieur des sous-groupes (par sexe, par tranches d'âge, par types de consommateurs). Les résultats font ressortir, qu'à l'intérieur de tous les sous-groupes, les niveaux de dangerosité attribués aux boissons alcoolisées, y compris le vin, restent associés entre eux et ne sont pas associés à d'autres facteurs de risque. Les seuls changements concernent la pollution, qui devient un facteur séparé des autres dans les tranches d'âge jeune.

 

 

1ère composante

2ème composante

3ème composante

Hypertension artérielle

,887

,183

,115

Cholestérol

,834

,228

,166

Obésité

,789

,121

,200

Vin

,109

,908

,145

Boissons alcoolisées

,245

,863

,167

Tabac

,115

,277

,860

Pollution

,486

,101

,580

Tableau 3. Analyse factorielle: composants après rotation orthogonale.

Table 3. Factor analysis (pattern by varimax rotation).

 

Opinions concernant le "fait de  boire": différentes typologies de consommateurs d’alcool, différentes significations

Les résultats illustrés montrent que la perception du risque est liée tant au contexte culturel qu’aux caractéristiques individuelles: le vin est considéré différemment par rapport aux autres facteurs de risque, surtout par ceux qui le boivent quotidiennement.

Nous avons cherché à interpréter ces résultats par l’analyse des opinions concernant le "fait de boire" et ses significations (pourquoi on boit, quels sont les aspects positifs, ou plutôt ceux négatifs…), en comparant des différents "profils" de consommateurs de boissons alcoolisées.

Les plus importants « profils » de buveurs, c’est-à-dire les profils les plus répandus dans l’échantillons de l’enquête, ont été repérés par une analyse de segmentation binaire: nous avons divisé ("segmenté") l’échantillon dans des sous-groupes sortant de la combinaison entre 3 variables (âge, sexe, typologie de consommateur) et nous en avons retiré les sous-groupes présentant les effectifs les plus importants (tab. 4). Enfin, nous avons retenu les sous-groupes constitués au moins par 50 individus ("profils de buveurs" plus répandus) afin de comparer les opinions concernant le "fait de boire" existant à l’intérieur.

Tout d’abord, il est intéressant de souligner que la consommation quotidienne d’alcool est plus répandue parmi les gens plus âgés, tandis que les jeunes consomment les spiritueux mais aussi le vin d’une façon occasionnelle et presque jamais pendant les repas. Parmi les femmes, le pourcentage de non buveuses est plus élevé, surtout pour les classes d’âge dépassant 35 ans.

 

 

N

%

Femme, non buveuse, 45-60 ans

99

12,4%

Homme, buveur occasionnel, 18-34 ans

85

10,6%

Homme, buveur quotidien, 45-60 ans

56

7,0%

Femme, buveuse occasionnelle, 18-34 ans

47

6,0%

Tableau 4. Principaux "profils de buveur" suivant l’âge, le sexe et la modalité de consommation des boissons alcoolisées (profils sélectionnés par une analyse de segmentation binaire).

Table 4. Principal "outlines" of drinker by sex, age and type of alcohol consumption (selected by binary segmentation analysis).

 

Les opinions sorties de différents sous-groupes sont significativement différentes (tab. 5).

Tous les interviewés déclarent qu’il est possible de consommer du vin et de la bière avec modération, mais ceux qui boivent quotidiennement affirment que le vin est une boisson "meilleure" pour la santé par rapport à toute autre boisson alcoolisée; parmi les jeunes buveurs occasionnels est plus répandue la conviction que la bière soit "meilleure" que le vin (toujours par rapport à la santé). Enfin, boire du vin pendant les repas est considéré comme un comportement positif pour la santé par les buveurs quotidiens.

Enfin, le tableau 6 montre les résultats concernant un ensemble de questions sur les aspects "positifs" de la consommation alcoolique. Ces résultats confirment les considérations jusqu’ici exposées: les hommes plus âgés qui consomment quotidiennement de l’alcool sont persuadés de la valeur "nutritionnelle" du vin, et en même temps, ils attribuent à cette boisson la capacité de "consolider les liens sociaux". Ils est important de souligner que la critique au vin comme occasion de socialisation vient de la part des femmes, et surtout des femmes non buveuses d’alcool, mais aussi des femmes qui boivent occasionnellement (si on les compare au même type de buveur occasionnel parmi les hommes).

 

 

 

 

 

 

"Profils" de consommateurs de boissons alcoolisées

Total

Autres profils

Homme, buveur occasionnel 18-34 ans

Femme, buveuse occasionnelle 18-34 ans

Homme, buveur quotidien, 45-60 ans

Femme, non buveuse, 45-60 ans

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

Est-il possible de boire du vin d’une façon modérée?

481

94,3

82

96,5

47

100

56

100

92

92,9

758

95,1

Est-il possible de boire de la bière d’une façon modérée?

484

94,5

81

95,3

46

97,9

55

100

90

93,8

756

95,1

Boire du vin est-il mieux que boire d’autre boisson alcoolisée ?

393

79,6

57

69,5

32

69,6

44

86,3

83

85,6

609

79,1

Boire de la bière est-il mieux que boire du vin ?

94

20,8

22

29,3

10

22,2

7

14,9

16

19,8

149

21,3

Boire environ un demi litre de vin par jour aux repas peut-il " faire du bien" à la santé ?

205

41,4

42

51,9

7

36,2

30

56,6

43

44,8

337

43,7

Tableau 5. Pourcentage de consommateurs de boissons alcoolisées répondant "oui" aux questions proposées: distribution par sexe, âge et typologie de buveur.

Table 5. Percentage of positive answers, according to sex, age and type of consumer.

 

 

 

 

 

 

"Profils" de consommateurs de boissons alcoolisées

Totale

Autres profils

Homme, buveur occasionnel, 18-34 ans

Femme, buveuse occasionnelle, 18-34 ans

Homme, buveur quotidien, 45-60 ans

Femme, non buveuse, 45-60 ans

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

"Le fait de boire" ensemble renforce les liaisons sociales?

136

27,4

28

34,1

14

29,8

24

46,2

22

23,9

224

29,1

Boire fait partie d’une alimentation correcte?

261

51,6

40

48,8

18

40,0

41

74,5

48

49,5

408

52,0

"Le fait de boire" valorise les productions locales et soutient un marché très important ?

289

60,2

46

56,1

28

60,9

29

56,9

44

48,9

436

58,2

"Le fait de boire" rend meilleure une personne (plus sincère, plus tranquille..) ?

36

7,2

1

1,2

4

8,7

6

11,5

7

7,5

54

7,0

Tableau 6. Pourcentage de réponses positives dans les sous-groupes de consommateurs de boissons alcoolisées.

Table 6. Percentage of positive answers according on type of consumer.

                                                                                                                                   

Conclusions

Avec l'intention d'en évaluer les conditionnements culturels et socio-économiques, l'étude sur la perception du risque pour la santé induite par la consommation de boissons alcoolisées (et en particulier par le vin) a été menée sur une population vivant sur un territoire caractérisé à la fois par une propension à la consommation, et par une vocation à la production de vins. Dans ce but, il a été jugé utile de comparer le jugement sur la dangerosité du vin par rapport à celui exprimé pour d'autres facteurs de risque communément reconnus et diffusés par l’information médiatique. On a ensuite vérifié l'existence de relations éventuelles entre l'évaluation du risque et les comportements et/ou caractéristiques individuelles.

Les résultats permettent, avant tout, de conclure que le vin est considéré par toutes les personnes interrogées comme l'élément le moins dangereux pour la santé. Ceci permet d'affirmer qu'il s'agit d'une perception conditionnée plus par le contexte culturel, que par les caractéristiques individuelles.

Les caractéristiques individuelles ne semblent pas influencer le jugement de la “dangerosité relative” (le tabagisme et la pollution sont perçus comme étant plus dangereux, le vin et les autres boissons alcoolisées moins), même si elles semblent en mesure de modifier la perception du “degré d'acceptabilité” du risque: ce dernier est ressenti comme maximum en pourcentage chez les femmes et les personnes plus âgées.

Mais en y regardant de près, la population examinée n'apparaît pas complètement homogène sous le profil de la perception du risque dérivant de la consommation d'alcool.

En effet, il est intéressant de noter que le lien entre la perception du risque et les comportements individuels émerge toujours: par exemple, ceux qui consomment quotidiennement des boissons alcoolisées semblent moins sensibles à tous les facteurs considérés.

Ceci peut s'expliquer si on examine les opinions exprimées au sujet du “fait de boire”: le vin est en effet considéré salutaire s'il est bu pendant les repas (donc comme aliment) par ceux qui le consomment quotidiennement. En plus de l'âge et du sexe, surtout les modalités habituelles de consommation finissent par conditionner diverses perceptions du risque (et vice-versa), ou plus précisément diverses “réactions culturelles” selon Douglas. Par exemple, les hommes d'un âge plus avancé qui consomment quotidiennement le vin sont persuadés du fait que le vin est un aliment et ne l'associent pas à son contenu d'alcool. Ceci est encore plus vrai, s'ils sont déjà à la retraite: dans ce cas, le vin semble aussi revêtir la propriété de “bon collant” social. Ces orientations sont différentes de celles des jeunes consommateurs occasionnels, surtout s'il s'agit d'étudiants.

On peut donc légitimement déduire, que pour les hommes plus mûrs, le “fait de boire” est un comportement quotidien associé à l'alimentation, et peut entraîner un risque cumulatif pour la santé, tandis que pour les plus jeunes, le “fait de boire” est davantage lié à des circonstances et à des moments de socialisation (week-end, etc.), avec des risques épisodiques majeurs (les accidents de la route, par exemple).

Sur le plan des applications pratiques, ces observations peuvent aboutir à la proposition de considérer avant tout l'importance des conditionnements culturels dans la genèse des comportements nuisibles à la santé. Par conséquent, il paraît opportun d'intégrer les campagnes générales de prévention avec des programmes spécifiques basés sur des langages multiples d'information et de prévention.

 

Citations bibliographiques

Barke R., Jenkins-Smith H., Slovic P., 1997, Risk perceptions of men and women scientists. Social Science Quarterl, 78, 167-76.

Canzian, G., 2005, Le droghe dei nostri figli: è proprio l'ecstasy che dobbiamo temere? L'abuso di alcol e tabacco nelle scuole medie superiori ed inferiori dell'Alto Friuli, www.pensareemarvee

Donovan J.E., Jessor R., Costa F.M., 1991, Adolescent health behaviour and conventionality-unconventionality: An extension of problem-behaviour theory. Health Psychology, 10, 52-61.

Douglas, M., 1996, Rischio e colpa (Bologna: Il Mulino).

Douglas, M.,1991, Come percepiamo il pericolo (Milano: Feltrinelli).

Evans, R.G., 1994, Why are some people healthy and others not? The determinants of health of populations (New York: Walter de Gruyter).

Fabbro, G.C., 2005, Indagine campionaria sull’identificazione dei comportamenti a rischio. Nota Metodologica, in Rischi e risorse per la salute nelle comunità del Friuli centrale, (Udine: Forum ed.).

Flynn J., Slovic P., Mertz C.K., 1994, Gender, Race and Perception of environmental health risks. Risk Analysis, 14, 1101-8.

Gerrard M., Gibbons F.X., Vande Lune L.S., Pexa N.A., Gano M.L., 2002, Adolescents’ substance-related risk perception: antecedent, mediators and consequences. Risk Decision & Policy, 7, 175-191.

Link, B.G, Phelan, J., 1995, Social conditions as fundamental causes of disease. Journal of health and social behaviour, special issue, 80-94.

Scafato E., Ghirini S., Russo R., 2004, I consumi alcolici in Italia. Report 2004 sui consumi e le tendenze (1998-2001) (Roma: Ossfad).

Tempesta, E., 2004, Prefazione. Giovani, adulti e rischio: punti di vista a confronto. Quaderno dell’Osservatorio Permanente sui Giovani e l’Alcol, 16, VII-XI.

Terris, M., 1994, Determinants of health: a progressive political platform. Journal of public health policy, 15, 1, 5-17.

Turz A.,1987, Adolescents, risques et accidents (Paris: Doin éd.).

Vecchia, A., 2005, Alcol: la droga del Friuli? http://www.cosediscienza.it/fvg/05_alcol.htm

World Health Report, 2002, Reducing risks, promoting healthy life, Genève.