Tarca A., 2001. Contribution a l'étude de la pathologie des dermatoglyphes. Antropo, 1, 51-60. www.didac.ehu.es/antropo


Contribution a l'étude de la pathologie des dermatoglyphes

 

Ana Tarca

Centre de Recherches Anthropologiques ,"Fr.Rainer" de l'Académie Roumaine, section Iassy, Str. Lascar Catargi, 14; 6600 - Iassy, Roumanie

 

 

Mots-clés: Dermatoglyphes, Distorsions, Affections oculaires

 

Résumé

         L'auteur réalise une étude des dermatoglyphes sur 200 sujets (100 hommes et 100 femmes) provenant de Moldavie, présentant graves affections oculaires congenitales. Le stade avancé de dégradation de la vue est suggestivement exprimé par la multitude des anomalies (distorsions) ayant de profondes significations cliniques. Ces distorsions sont présentes en proportions proches à celles que l'auteur a signalé chez les sourds-muets, chez les handicapés mentaux, en affections cardiaques et chez les parents avec des enfants qui présentent des malformations multiples. Il y a une seule distorsion qui pourrait être specifique pour les affections oculaires, la disposition en réseau dense et très dense des crêtes papilaires epidermiques dans la region Thénar/I (chez 80% des femmes affectées et chez 38% des hommes), sur les deux mains  des porteures.

 

Abstract

         The author present a study of dermatoglyphics on a group (sample) of 200 subjects (100 men and 100 women) from Moldavia, suffering from grave congenital ocular affections. The advanced degree of sight's degradation, is suggestively expressed at the sample's level, by a multiple distortions with serious medical implications. These distortions registred high frequencies which are closed to those recorded at deaf-mutes mental handicapped, in congenital cardio-vascular disease or at parents with plurimalformed children, all from Moldavia. Only one distortion might be specific to ocular affections, that is a certain disposal of the dermal ridges as a dense or very dense network at the level Thenar/I region (with 80% of affected women and 38% men) and on both hands of patients.

 

Introduction

         Actuellement, on sait bien qu'une malformation squelettique ou organique, un trouble physiologique ou neuropsychiatrique déterminés par l'action des agents génétiques ou tératogènes dans les premiers 4-5 mois de développement intra-utérin (lorsque les crêtes papillaires épidermiques se définissent), se reflètent dans l'iconographie complexe des dermatoglyphes sous la forme des renversements de la normalité, les soi-disantes distorsions ou anomalies dermatoglyphiques. Les recherches réalisées en la dermatoglyphie pathologique des dernières 20 années ont démontré que la plupart des anomalies dermatoglyphiques sont communes pour la majorité des maladies ou affections cliniques, les différences entre elles consistant seulement dans le pourcentage des apparitions de ces anomalies. Cette spécificaté réduite des distorsions dermatoglyphiques, même pour les maladies congénitales  à l'hérédité bien précisée, est mise au crédit de l'intervention des facteurs externes au niveau de l'utérus durant le processus d'embryogenèse, facteurs qui varient en nombre et intensité.

         Parmi les nombreuses maladies génétiques recherchées dans la perspective de la pathologie des dermatoglyphes, celles qui sont les moins citées dans la littérature de specialité sont les affections oculaires congénitales, pour lesquelles on a rapporté seulement quelques études par cas clinique ou par nombre restreint de sujets affectés. Pour ces raisons, dans ce travail, nous nous sommes proposés de faire l'étude de la pathologie des dermatoglyphes dans les affections oculaires graves, le premier de ce genre dans la population roumaine.

 

 

Matériel et méthodes

 

         En vue d'atteindre les objectifs proposés, on a fait des investigations dermatoglyphiques sur 200 sujets provenant de Moldavie (100 hommes et 100 femmes) dont la moitié est aveugle par naissance, le reste présentant d'autres affections oculaires congénitales graves: amblyopie, myopie forte, atrophie optique pigmentaire, choroïdose myopique, aniridie uni-et bilatérale, glaucome infantile, cataracte congénitale, etc. Parallèlement avec la prise d'empreintes, on a également entreprit une enquête individuelle concernant l'existence de la maladie dans l'ascendance de la famille des personnes affectées, tout comme chez leurs descendants; il en résulte que la plupart des affections oculaires graves sont héréditaires, quelques-unes d'entre elles étant même des maladies familiales (albinisme, myopie forte, cataracte).

         Les 400 fiches dermatoglyphiques analysées ont été recueillies durant les années 1997-1998 dans les Centres et des Ecoles d'aveugles de Moldavie et dans le Laboratoire de Santé Mentale (L.S.M.) de Iassi.

         On a utilisé des méthodes de travail classiques (Cummins et al., 1961), perfectionnées à l'aide des nouvelles méthodologies de traitement et d'interprétation pratiquées dans les études de dermatoglyphie pathologique (David, 1973; Holt, 1963; Schauman et al., 1976, 1991; Tarca, 2000). Pour tous les indicateurs analysés on a recherché les différences sexuelles et bilatérales, tout comme leur disposition sur l'une ou sur les deux mains des porteures, tout en ayant en vue de rapporter les résultats à la normalité et aux données offertes par la littérature ou celles que nous avons obtenues dans les cas des autres maladies génétiques graves.

 

 

Résultats et discussions

 

         L'analyse individuelle des fiches dermatoglyphiques des personnes affectées a mis en évidence une ample et intense charge pathologique souligné par la multitude d'anomalies ayant de graves implications médicales qui ont couvert une grande partie des aires digitales et palmaires. Pour l'ensemble de l'échantillon, le fort degré d'atteinte de la vue est suggestivement exprimé par une incidence bien supérieure à la normalité des plus importantes distorsions dermatoglyphiques ayant de profondes significations pathologiques, auxquelles s'ajoutent aussi quelques renversements de la ligne classique du dimorphisme sexuel et des différences bilatérales (pour quelques-uns des indicateurs dermatoglyphiques). Par celles aspects notre lot se rapproche du comportement des sujets présentant d'autres maladies tout aussi graves que les maladies oculaires (David, 1973; Holt, 1975; Schauman et al., 1991; Tarca, 1992, 1994).

         Nous allons présenter par la suite les principales anomalies dermatoglyphiques signalées au niveau des doigts.

- Une augmentation sensible de la fréquence pour les arcs (A) surtout chez les femmes (12,30%) associée à la disposition d'un grand nombre d'entre eux et sur les doigts V, I, et IV (tableau 1).

 

A = arcs;  B = boucles; T = tourbillons

A = arches; L = loops; W = whorls

Doigts

Main

Hommes   N = 100

Femmes  N = 100

Total    N = 200

A

B

T

A

B

T

A

B

T

I

G

3,00

60,00

37,00

9,00

55,00

36,00

6,00

57,50

36,50

D

3,00

48,00

49,00

7,00

55,00

38,00

5,00

51,50

43,50

G+D

3,00

54,00

43,00

8,00

55,00

37,00

5,50

54,50

40,00

II

G

20,00

47,00

33,00

20,00

41,00

39,00

20,00

44,00

36,00

D

16,00

45,00

38,00

20,00

41,00

39,00

18,00

43,00

39,00

G+D

18,00

46,00

36,00

20,00

41,00

39,00

19,00

43,50

37,50

III

G

11,00

64,00

25,00

17,00

54,00

29,00

14,00

59,00

27,00

D

13,00

60,00

27,00

14,00

59,00

27,00

13,50

59,50

27,00

G+D

12,00

62,00

26,00

15,50

56,50

28,00

13,75

59,25

27,00

IV

G

2,00

57,00

41,00

7,00

48,00

44,00

4,50

52,50

42,50

D

1,00

44,00

55,00

7,00

46,00

47,00

4,00

45,00

51,00

G+D

1,50

50,50

48,50

7,00

47,00

45,50

4,25

48,75

46,75

V

G

3,00

80,00

17,00

10,00

71,00

19,00

6,50

75,50

18,00

D

1,00

83,00

16,00

12,00

69,00

19,00

6,50

76,00

17,50

G+D

2,00

81,50

16,50

11,00

70,00

19,00

6,50

75,75

17,75

I-V

G

7,80

61,60

30,60

12,60

53,80

33,40

10,20

57,80

32,00

D

6,80

56,00

37,20

12,00

54,00

34,00

9,40

55,00

35,60

G+D

7,30

58,80

33,90

12,30

53,90

33,70

9,80

56,40

33,80

Tableau 1. Répartition des principaux modèles digitaux en fonction de doigts, main et sexe

 

         - Un renversement significatif de la ligne classique du dimorphisme sexuel dans la distribution des boucles (B) et des tourbillons (T) qui suppose une fréquence plus élevée des premiers modèles (boucles), chez les hommes et, pratique égale chez les deux sexes pour les tourbillons (tableau 1). Cette distorsion d'ensemble a entraîné beaucoup d'autres, tout aussi graves sous l'aspect de leurs implications cliniques qui consiste en une croissance de la fréquence des cas où les hommes ont 8-9 boucles sur les doigts (30% par rapport à 21% chez les femmes), tandis que les femmes détiennent jusqu'aux  7-8 tourbillons sur les doigts (25% par rapport à seulement 15% chez les hommes).

         - Une diminution substantielle des différences bilatérales, allant jusqu'à leur mise à égalité, concernant la fréquence des modèles digitaux (A, B, T), plus accentuée dans la série des femmes, qu'on retrouve aussi bien au niveau de chaque doigt qu'au niveau de leur ensemble (tableau 1).

         - La présence des boucles du type raquette à 32% des femmes et 25% des hommes, modèles qui, dans les lots normaux provenant de Moldavie (Tarca: Thèse, 1995), soit manquent, soit apparaissent exceptionnellement. La disposition sur les doigts, dans l'ordre décroissant de la fréquence, est échelonnée: V3IV>III>II>I chez les hommes et IV>V>III>II>I chez les femmes (tableau 2). Ce modele de succession a eté mis en évidence aussi chez les parents de Moldavie ayant des enfants plurimalformés (Tarca, 1997,1998).

 

Doigts

Main

Boucles du type raquette

Hommes

Femmes

Total

I

G

4,00

2,00

3,00

D

1,00

2,00

1,50

G+D

2,50

2,00

2,25

II

G

3,00

3,00

3,00

D

4,00

2,00

3,00

G+D

3,50

2,50

3,00

III

G

2,00

4,00

3,00

D

5,00

6,00

5,50

G+D

3,50

5,00

4,25

IV

G

11,00

13,00

12,00

D

3,00

7,00

5,00

G+D

7,00

10,00

8,50

V

G

11,00

10,00

10,50

D

4,00

6,00

5,00

G+D

7,50

8,00

7,75

Tableau 2. Fréquence par doigts des boucles du type raquette

 

         Une dernière anomalie qui, sous l'aspect des conséquences sur les porteurs, peut être comparée à celle des asymétries viscérales ("situs viscerum inversus"), concerne l'augmentation de la fréquence pour la radialité des structures digitales. Cela suppose un renversement par rapport à leur orientation normale (dans le sens des aiguilles d'une montre sur les doigts de la main gauche et inversement sur ceux de la main droite). Le pourcentage moyen de la radialité est de 9,60% chez les hommes et de 9,20% chez les femmes (tableau 3), valeurs qui se rapprochent sensiblement de celles que nous avons rencontrées chez les parents d'enfants plurimalformés provenant de Moldavie (11,70% chez les pères et 11,40% les mères).

 

Doigts

Hommes  N = 100

Femmes  N = 100

G

D

G+D

G

D

G+D

I

II

III

IV

V

3,00

32,00

6,00

5,00

-

7,00

27,00

4,00

12,00

-

5,00

29,50

5,00

8,50

-

8,00

19,00

10,00

6,00

1,00

7,00

27,00

5,00

8,00

1,00

7,50

23,00

7,50

7,00

1,00

 

9,20%

10%

9,60%

8,80%

9,60%

9,20%

Tableau 3. Fréquence de la radialité des structures digitales

 

         Le stade avancé de dégradation anatomique et fonctionnelle de l'organe de la vue des sujets est suggestivement exprimé par la multitude des anomalies dermatoglyphiques palmaire. Ainsi, le region Hypothénar (Hp) offre une gamme plus vaste de telles anomalies:

         -Une croissance de la fréquence des configurations (modéles) dans ce region, (tableau 4) conduit au changement de sa position dans la formule classique de distribution des modèles en ordre décroissante de la fréquence: IV>Hp>III>Th/I>II au lieu de IV>III>Hp>Th/I>II comme pour les populations normales. Nous avons signalé cette situation chez les sourds-muets et les handicapés mentaux de Moldavie (Tarca, 1994), chez les parents des enfants présentant de multiples malformations de la même région (Tarca, 1996, 1998), à malformations congenitales du cord (Tarca, 2000), tout comme dans les collectivités villageoises endogames de Moldavie, Maramures et Bucovine (Tarca: Thèse, 1995; Tarca, 1998, 1999).

 

Hp =  zone Hypothenar; Th/I = zone Thenar/espace I; [II, III, IV] espaces interdigitales

Hp = Hypothenar area;   Th/I = Thenar area/interdigital I; [II, III, IV] interdigitals area

Sexe

N

Main

Hp

Th/I

II

III

IV

Hommes

100

G

30,0

4,0

-

15,0

47,0

D

37,0

1,0

5,0

48,0

35,0

G+D

33,5

2,5

2,5

31,50

41,0

Femmes

100

G

28,0

6,0

3,0

18,0

54,0

D

37,0

3,0

6,0

46,0

38,0

G+D

32,0

4,5

4,5

32,0

46,0

Total

200

G

29,0

5,0

1,5

16,5

50,5

D

37,0

2,0

5,5

47,0

36,5

G+D

33,0

3,5

3,5

31,75

43,5

Tableau 4. Répartition des modèles dans les cinq regions palmaires en fonction de main et sexe

 

         -Une incidence élevée pour l'arc radial (Ar) dans  le region Hypothenar (figure 1b) de 5% chez les hommes et 4% chez les femmes, par rapport à seulement 0,2-2% dans les populations apparemment normales (Holt, 1975; Tarca, 1996). On a également signalé des pourcentages semblables chez les sourds-muets (6,8%) et les handicapés mentaux de Moldavie (4,0%), chez les parents des enfants présentant des malformations multiples de la même région (6,50%) et des unités villageoises avec un haut degré d'endogamie de Moldavie (le Village Sabaoani = 4,75%); Maramures (le Village Sugatag = 7,45%) et Tara Dornelor ( le Village Coverca = 8%). Dans tous ces cas Ar est plus fréquent chez les femmes et sur les paumes droites des sujets des deux sexes (Tarca: Thèse, 1995). Dans notre lot, des 15 porteurs de Ar en Hypothenar à 66,66%, Ar est présent exclusivement sur les paumes droites (tableau 5). On remarque dans le tableau 5 le poids plus élevé pour la disposition bilatérale de l'arc radial (Ar) chez les hommes par rapport aux femmes (25%, respectivement 14,28%). Tout comme dans d'autres affections graves, mais surtout chez les sourds-muets, la présence Ar dans le region Hypothénar est toujours accompagnée d'un triradius ulnaire (tu) et Ar est seul, ou par deux triradii (t' t'' ), lorsque celui-ci est associé à un boucle radial (Ar/Br) (figure 1b) ou carpal (Ar/Bc).

         -Une fréquence extrêmement grande pour la boucle à direction ulnaire (Bu)
(figure 1a; 1c)  du region Hypothenar (tableau 5), qui en moyenne peut atteindre 12,75% (14% chez les hommes et 11,50% chez les femmes) par rapport à seulement 2% dans les populations de masse (Cummins, 1961; Schauman et al., 1991; Tarca, 2000). Le porcentage moyen de 12,75% est assez proche de celui de 11% que l'on a constaté chez les parents aux enfants avec  multiples malformations. Dans  le tableau 5 il faut remarquer le haut pourcentage pour la disposition Bu
sur les deux paumes des porteures, avec des valeurs supérieures dans la série des hommes (40% par rapport à 35,29% chez les femmes), ce qui suppose une action malformative plus intense du facteur agissant sur la vue de ceux-ci.

         -Une incidence relativement grande du modèle parathénar ou de la boucle distale Bd (figure 1b) comme il a été nommé après avoir été découvert par Cummins (1971) chez un patient présentant une malformation congénitale du cord. Dans notre lot, le modèle parathénar ou Bd enregistre un pourcentage moyen de 3% chez les hommes et de 1,5% chez les femme, par rapport à 0,40% enregistré par David (1971), ou de 0,85% par Hook et Bonenfant (1975) dans les populations apparemment normales. Des valeurs proches des sujets présentant de graves affections oculaires ont été citées par Liane Borbolla (1979) (2,94%) dans quelques malformations isolées des yeux, tandis que des pourcentage plus élevés ont été rapportés par le même auteur pour l'idiotie mongoloîde (6,15%), l'épilepsie (9,91%) et la schizophrénie (50%), d'où résultent les graves et profondes implications cliniques de cette configuration du Hypothénar (Bd). Bien qu'on remarque une disposition prépondérante exclusive sur les paumes droites des porteures des deux sexes (tableau 5), on peut constater que 20% des hommes porteures présentent cette anomalie sur les deux mains, ce qui suppose une action malformative plus accentuée par rapport aux femmes.

 

Ar = arc radiale;  Bu = boucle ulnaire; Bd = boucle distale

Ar = radial arch;  Lu = ulnar loop; Ld = distal loop

Disposition

Ar

Bu

Bd

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Seulement sur la main gauche

(1)

12,50

(1)

14,28

(2)

13,33

(7)

35,0

(4)

23,53

(11)

29,73

-

-

(1)

33,33

(1)

12,50

Seulement sur la main droite

(5)

62,50

(5)

71,43

(10)

66,66

(5)

25,0

(7)

41,17

(12)

32,43

(4)

80,0

(2)

66,66

(6)

75,00

Sur les deux mains

(2)

25,00

(1)

14,28

(3)

20,00

(8)

40,0

(6)

35,29

(14)

32,55

(1)

20,0

-

-

(1)

12,50

Total porteures

8

7

15

20

17

37

5

3

8

Tableau 5. Répartition des modèles très rares de la zone Hypothénar de la paume en fonction de leur disposition sur une seule main ou sur les deux mains

 

         - Une fréquence extrême élevée, par rapport au normal pour la présence dans la paume des sujets de 2, 3 ou 4 triradies tt', tt't'', t't''tu, etc. (figures 1a, 1b, 1c, 1d). Pour l'ensemble de l'échantillon étudié, ces combinaisons de triradies atteignent une fréquence moyenne de 31% chez les hommes et de 30% chez les femmes. Dans les deux sexes ces combinaisons de triradies détiennent un pourcentage plus grand sur les paumes droites (35% chez les deux sexes par rapport à 27% chez les hommes et 25% chez les femmes pour les paumes gauches). Nous avons rencontré des valeurs proches chez les handicapés mentaux (28,76%), chez les sourds-muets (28,04%) et chez les parents des enfants avec malformations multiples squelettiques, organiques ou neuro-psychiques provenant de Moldavie (26,5%). Parmi les 200 sujets étudiés, 87 ont présenté de telles combinaisons des triradies, 40,23% avec une disposition sur les deux mains des porteures, 40,23% seulement sur la droite mains et 19,54% seulement sur la gauche main (tableau 6).

 

Disposition

Hommes

Femmes

Total

Seulement sur la main gauche

9 : 44 = 20,45

8 : 43 = 18,60

17 : 87  = 19,54

Seulement sur la main droite

17 : 44 = 38,64

18 : 43 = 41,86

35 : 87 = 40,23

Sur les deux mains

18 : 44 = 40,91

17 : 43 = 39,53

35 : 87 = 40,23

Total porteures

44

43

87

Tableau 6. Disposition chez les porteures des combinaisons de 2, 3 ou 4 triradies

 

         - Un pourcentage élevé pour les cas où la ligne T, qui part du triradius axial t, ou t' ou tD, finit son  cours sur les champs 11 et 12 de la paume au lieu de 13 comme elle apparaît chez les personnes normales - situation très fréquente chez les sujets présentant des anomalies des chromosomes sexuels et somatiques, mais pas seulement (Holt, 1963). Dans notre lot, ce renversement concernant le trajet de la ligne T atteint 19% chez les femmes et 14% chez les hommes et peut être rencontré particulièrement sur les paumes gauches (25% chez les hommes et 23% chez les femmes par rapport à seulement 3%, respectivement 15% sur les paumes droites). La plupart des porteures (tableau 7) présentent cette anomalie exclusivement sur les paumes gauches (particulièrement dans la série d'hommes); mais il faut mentionner que dans le lot des femmes affectées elle est assez bien représentée sur les deux mains (31,03% par rapport à 12,0% chez les hommes).

 

Disposition

Hommes

Femmes

Total

Seulement sur la main gauche

22 : 25 = 88,0

14 : 29 = 48,27

36 : 54 = 66,66

Seulement sur la main droite

-

6 : 29 = 20,69

6 : 54 = 11,11

Sur les deux mains

3 : 25 = 12,0

9 : 29 = 31,03

12 : 54 = 22,22

Total porteures

25

29

54

Tableau 7. Disposition chez les porteures pour la finalisation de la ligne T dans les champs 11 et 12 de la paume

 

         Le region suivante de la paume, Thénar/ espace interdigital I a attiré notre attention par une diminution sensible de la fréquence pour les configurations (models) qui, (tableau 4), se situe sous la limite minimale de l'échelle normale de variabilité (5-25%). De plus, on constate un changement de la ligne classique des différences sexuelles dans le sens des valeurs plus élevées chez les femmes au lieu des hommes (tableau 4), comme c'est le cas dans les populations normales. Une autre anomalie grave, en Thenar/espace interdigital I consiste en une augmentation de la fréquence des cas où les crêtes papillaires épidermiques présentent un arrangement tout à fait spécial (figure 1) en réseau dense (figure 1a) et très dense (figure 1c) (80% chez les femmes et 38% chez les hommes). Cette disposition est bilatérale chez 72,05% des femmes porteures et 62,07% des hommes porteures. Chez les parents des enfants avec malformations multiples, le rèseau dense et très dense du Thénar/ espace interdigital I est rencontré seulement chez les parents dont les enfants présentant aussi une affection oculaire. Etant donné ce motif il peut être considéré comme spécifique pour les affections oculaires graves. Mais en, tenant compte du fait que notre étude est le prémiér de ce genre au niveau national et étant donnée la pénurie d'informations sur le plan européen et mondial, il est très utile de continuer, développer et approfondir les recherches dans cette direction.

         Dans l'Espace interdigital II, la seule anomalie ayant de profondes implications médicales, qui a été rapportée aussi à d'autres maladies génétiques (Schauman et al., 1976, 1991), est la réduction supérieure à la moyenne (21 mm chez les femmes et 24 mm chez les hommes) de la distance entre les triradies a et b (emplacées sous les doigts II et III). Cette distance (figures 1a, 1b) qui delimite l'espace interdigital II, à 65% des hommes et à 33% des femmes présentant une disposition majoritaire sur chacune des deux mains pour les deux sexes (64,61 chez les hommes et 51,51 et les femmes)  (tableau 8).

 

Disposition de la distance a-b

Hommes

Femmes

Total

Seulement sur la main gauche

6 : 65 = 9,23

6 : 33 = 18,18

12 : 98 = 12,24

Seulement sur la main droite

17 : 65 = 26,15

10 : 33 = 30,30

27 : 98 = 27,55

Sur les deux mains

42 : 65 = 64,61

17 : 33 = 51,51

59 : 98 = 60,20

Total porteures

65

33

98

Tableau 8. La disposition chez les porteures de la distance beaucoup plus réduite entre les triradies a et b qui delimite l'espace interdigital II

 

         Dans l'Espace interdigital III, on remarque une réduction sensible du poids des modèles (tableau 4), qui a mené au changement de la position de cette region dans le schéma classique de distribution: IV>Hp>III>Th/I>II au lieu de: IV>III>Hp>Th/I>II. A cette anomalie d'ensemble on ajoute une intense diminution des différences sexuelles dans la distribution des modèles, plus accentuée chez les femmes par rapport aux hommes (tableau 4). La baisse substantielle du poids des modèles dans l'Espace III interdigital (en particulier sur les mains gauches) est due, principalement, à une autre grave anomalie, qui consistent dans la suppression partielle Cx (figure 1c) ou compléte Co (figure 1a), du cours de la ligne C sur 116 sujets des 200 étudiés (tableau 9) (figure 1). Présents avec des fréquences élevées dans la plupart des affections squelettiques ou organiques, dans des troubles physiologiques ou neuro-psychiques (Schauman et al., 1976,1991), dans des anomalies des chromosomes sexuels ou somatiques (Holt, 1963), les deux types modaux de la ligne C (Cx = le type modal proximal et Co = le type modal absent) - tel que Chris Plato les avait nommés en 1971 - sont rencontrés chez des populations normales dans un pourcentage qui va jusqu'à 15% pour Cx et de 2-3% pour Co. Dans notre échantillon, la suppression partielle, Cx, atteint une fréquence moyenne de 27,25% (33,5% chez les hommes et 21,0% chez les femmes) et la supression compléte, Co, de 11,50% (10,50% chez les hommes et 12,5% chez les femmes).

         Des 69 porteurs hommes et 49 femmes, un grande nombre présente cette anomalie seulement sur les paumes gauches ou sur les deux mains (tableau 9).

 

Cx = suppression partielle du cours de la ligne C; Co = suppression compléte du cours de la ligne C

Cx = partial suppression of the C line; Co = compléte suppression of the C line

Disposition

Formes de suppression

Hommes

Femmes

Total

Seulement sur

la main gauche

Cx

27:69 = 39,13

17:49 = 34,69

43:116 = 37,07

Co

7:67 = 10,14

6:49 = 12,24

13:116 = 11,20

Cx + Co

33:69 = 49,27

23:49 = 46,94

56:116 = 48,27

Seulement sur

la main droite

Cx

14:69 = 20,29

6:49 = 12,24

19:116 = 16,37

Co

2:69 = 2,90

3:49 = 6,12

5:116 = 4,31

Cx + Co

16:69 = 23,19

9:49 = 18,37

24:116 = 20,69

Sur les deux

mains dans

toutes les

variantes

possibles

CxG - CxD

13:69 = 18,84

8:49 = 16,33

20:116 = 17,24

CoG - CoD

5:69 = 7,24

6:49 = 12,24

11:116 = 9,48

CxG - CoD

1:69 = 1,49

1:49 = 2,04

2:116 = 1,72

CoG - CxD

1:69 = 1,49

2:49 = 4,08

3:116 = 2,58

Total

19:69 = 28,36

17:49 = 34,69

36:116 = 31,03

Total porteures

69

49

116

Tableau 9.  Fréquence de la disposition des types modaux Cx et Co chez les porteures

 

         Sans prétendre avoir épuisé la liste des anomalies palmaires qui, jusqu'à de nouvelles recherches, reste ouverte, la dernière que nous avons signalée dans les affections oculaires graves est le sulcus palmaire transverse ou la Ligne Simienne
(figure 1d) dont l'incidence chez les populations apparemment normales ne dépasse pas 2,50%. Cette ligne est présente dans 50% des personnes avec le symptôme Langdon Down (Holt, 1963; Schauman et al., 1991) et elle est assez fréquente dans les affections somato-psychiques graves (David, 1973; Schauman et al., 1976). Dans notre échantillon, cette configuration rare de crête avec de multiples implications cliniques enregistre un pourcentage moyen de 4,5% chez les hommes et de 4% chez les femmes. Elle se retrouve plus sur les paumes gauches chez les deux sexes (5% chez les hommes et 6% les femmes par rapport à 4%, respectivement 2% sur les paumes droites). Des deux sexes, les femmes atteignent des pourcentages supèrieurs par rapport aux hommes par la disposition exclusive sur les mains gauches (71,43%, respectivement 42,86%). Pour sa présence sur les deux paumes (tableau 10), les hommes présentent des valeurs doubles par rapport aux femmes (28,57% respectivement 14,28%).

 

Disposition du sulcus

Hommes

Femmes

Total

Seulement sur la main gauche

3 : 7 = 42,86

5 : 7 = 71,43

8 : 14 = 57,14

Seulement sur la main droite

2 : 7 = 28,57

1 : 7 = 14,28

3 : 14 = 21,43

Sur les deux mains

2 : 7 = 28,57

1 : 7 = 14,28

3 : 14 = 21,43

Total porteures

7

7

14

Tableau 10. Fréquence chez les porteures de la disposition du Sulcus palmaire transverse

 

 

Conclusions

 

         L'étude des empreintes digito-palmaires des sujets présentant de graves affections oculaires nous a permis de mettre en évidence que les affections de la vue sont ilustrées par une multitude d'anomalies ayant de profondes significations cliniques qui ont couvert beaucoup de regions digitales et palmaires.

         Ces anomalies sont présentes en hautes proportions à la fois chez les hommes et chez les femmes et avec valeurs proches de celles que nous avons signalées chez les sourds-muets, chez les handicapés mentaux et chez les parents avec des enfants qui présentent des malformations multiples. Beaucoup des anomalies qu'on a constatées dans notre échantillon ont enregistré des fréquences élevées en ce qui concerne leur disposition sur les deux mains des porteures des deux sexes. Or, la présence de ces anomalies sur une seule main a de graves significations médicales. Par  conséquent, il est évident que leur disposition bilatérale chez la plupart des personnes affectées témoignent une fois de plus de la gravité des affections oculaires chez les sujets étudiés.

         Avec quelques réserves, jusqu'à de nouvelles recherches, on apprécie que parmi les multiples anomalies que nous avons mises en évidence dans les affections oculaires graves, il y a une seule qui pourrait être spécifique à ces maladies. Il s'agit de la disposition en réseau dense et très dense des crêtes papillaires épidermiques dans le region Thénar/espace interdigital I qui manque des populations normales, tandis qu'il apparaît dans notre lot chez 80% des femmes affectées et chez 38% des hommes. Cette distorsion est présente, dans la plupart des cas, sur les deux mains des porteures.

         Si les recherches futures vont confirmer notre hypothèse concernant la spécifité de cette anomalie dermatoglyphique, elle pourra être utilisée dans le dépistage précoce des affections oculaires graves parmi les personnes apparemment saines mais porteures.

 

Ar = l'arc radiale

Bu = la boucle ulnaire

Br = la boucle radiale

Bd = la boucle distale (model parathenar)

T  = tourbillon

RD = reseau dense en Th / I region

RTD = reseau très dense en Th / I region

Cx = suppression partielle de la ligne C

C0 = suppression compléte de la ligne C

a, b, c, d = triradii subdigitales

I, II, III, IV = espaces interdigitales de la paume

1,2, &, 13 = les champs de la paume

t = triradius axiale

t'; tD et t'D = triradius distale

tu = triradius ulnaire

Ar = radial arch

Lu = ulnar loop

Lr = radial loop

Ld = distal loop (parathenar model)

W  = whorl

DN = dense network in the Th / I area

VDN = very dense network in the Th / I area

Cx = partial deletion of the C line

C0 = total deletion of C line

a, b, c, d = subdigital triradii

I, II, III, IV = interdigitals spaces of the palm

1,2, &, 13 = the fields of the palm

t = axial triradius

t'; tD et t'D = distal triradii

tu = axial triradius



a


b


c


d

Figure 1. Les principaux distorsions de la paume des personnes avec affections oculaires (cliquez sur la figure)

 

 

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