Calvo, L., Ricaut, F., Keyser, C., Grimoud, A. M., Ludes, B., Crubezy, E., Lesca, C., Lodter, J. Ph., 2001. Etude d’ADN ancien au niveau de la pulpe dentaire de la série ostéologique de Saint Côme et Damien. Antropo, 1, 21-29. www.didac.ehu.es/antropo


Etude d’ADN ancien au niveau de la pulpe dentaire de la série ostéologique de Saint Côme et Damien.

L. Calvo1, F. Ricaut2, C. Keyser2, A. M. Grimoud1, B. Ludes2, E. Crubezy1, C. Lesca3, J. Ph. Lodter1

 

1 UMR 8555, 37 allées Jules GUESDE 31000 Toulouse. ANNEMARIE. GRIMOUD@ wanadoo.fr

2 Institut de Médecine Légale, Laboratoire de biologie moléculaire de l’ADN ancien, Faculté de Médecine, 7, rue Ulmann 67000 Strasbourg

3 Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale, CNRS 205 route de Narbonne 31067 Toulouse cedex 4

 

 

Mots clef : ADN ancien, pulpe dentaire, PCR, électrophorèse.

 

Résumé

 

De nombreuses études soutiennent l’hypothèse de la “non-possibilité” de contamination de pulpes dentaires par de l’ADN exogène ou par des inhibiteurs de la réaction de polymérisation en chaîne. Nous avons étudié les loci STR de 20 dents appartenant à quatre sujets de la série ostéologique de Saint Côme et Damien. L’ADN a été extrait de pulpes dentaires anciennes recueillies après fracture des 20 dents. Nous avons mis en évidence une fragmentation très importante de l’ADN qui inhibe la réaction de polymérisation en chaîne. Cette inhibition a été limitée par dilution des volumes réactionnels des échantillons, nous avons pu mettre alors en évidence des profils alléliques malgré l’extrême dégradation de l’ADN.

 

Abstract

 

Many studies had supported that teeth offer to DNA an excellent protection against contamination, with modern DNA, and against material inhibitif effects of polymerase chain reaction. We have studied STR loci from four samples from Saint Côme and Damien collection. We have extract DNA from pulp of broken teeth. We have shown that the DNA was extremely fragmented, this fragmentation inhibits the polymerase chain reaction. This inhibition was removed by dilution. We have displayed allelic profile, in spite of DNA extremely degraded.

 

Introduction

L’utilisation de la biologie moléculaire dans l’étude du passé a commencé en 1984, grâce à l’avènement d’une nouvelle technique: la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) qui a permis à Higuchi de mettre en évidence pour la première fois la persistance d’ADN ancien sur des échantillons de tissus prélevés sur les restes d’un Quagga taxidermisé (Higuchi et al., 1984 a et b). Au début, l’étude de l’ADN fossile était réalisée sur des tissus mous (Paabo, 1985 a et b), mais dès le début des années 90, la recherche est orientée vres l’étude des tissus durs: les os (Cooper, 1994; Lee et al., 1991) et les dents (Ginther et al., 1992; Hanni et al., 1990; Schwartz et al., 1991). La conservation de l’ADN semble meilleure au niveau des tissus durs. Le problème majeur de l’étude de l’ADN ancien, outre le fait d’en trouver, est de prouver son authenticité. Le problème des contaminations des échantillons par de l’ADN moderne est encore d’actualité dans cette discipline jeune. L’os est un tissu poreux qui ne met pas l’ADN à l’abri des contaminations, il est possible de trouver de l’ADN contaminant en prélevant au centre du tissu osseux (Hendrik et al. 1999). Les tissus durs de la dent étant extrêmement minéralisés, l’organe dentaire est de ce fait le plus dur de l’organisme et serait à l’abri de contaminations par de l’ADN exogène et des inhibiteurs de la PCR contenus dans les sols (Woodward et al., 1994). Lors de l’analyse des échantillons un protocole d’asepsie rigoureux doit être mis en place (Baker et al., 2001; Brown T.A. et Brown K.A., 1992; Cone et Fairfax, 1992; Hanni, 1994). Seule l’étude des locus STR permet de garantir l’authenticité de l’ancienneté de l’ADN, en effet, cela permet de comparer les résultats obtenus avec les génotypes de l’équipe de recherche et d’établir les liens de parenté entre les individus d’une même sépulture, par l’étude des allèles (Hummel et al, 1999). Aujourd’hui, la dent est le meilleur outil pour la recherche d’ADN ancien (Ginther et al., 1992), il semble qu’elles fournissent une excellente protection de l’ADN quelles que soient les conditions de conservation des échantillons, avec une légère augmentation de la dégradation de l’ADN pour les échantillons conservés dans l’eau (zoo placenta, dilution, augmentation de l’hydrolyse) (Garcia et al., 1996; Schwartz et al., 1991). Il est possible d’en extraire de l’ADN même après un certain degrés d’incinération, ce qui s’avère impossible au niveau osseux (Baker et al., 2001). Les études effectuant des recherches d’ADN au niveau des dents proposent deux méthodes de recueil du matériel, soit l’étude de dents broyées (Baker et al., 2001; Burger et al., 1999; Di Benedetto et al., 2000; Hanni et al., 1990; Hummel et al, 1999; Pfeiffer et al., 1999), soit l’étude de dents sectionnées (Drancourt et al., 1998; Garcia et al., 1996; Ohira et Yamada, 1999; Pfeiffer et al., 1999; Raoult et al., 2000; Sivagami et al., 2000; Woodward et al., 1994). Les résultats obtenus sont meilleurs si les dents sont sectionnées; lorsque l’anatomie de la dent est préservée c’est la méthode de choix (Garcia et al., 1996).

L’ADN ancien subit dès le décès une dégradation rapide, par différents facteurs qui fragmentent la molécule. L’ADN ne pourrait pas être amplifié au-delà de 500 paires de bases et ceci dès la première année suivant le décès (Pfeiffer et al., 1999). Il apparaît en effet difficile de trouver des fragments d’ADN au-delà de 200 paires de base, (Di Benedetto et al., 2000).

L’étude d’ADN ancien que nous présentons a été réalisée à partir des dents appartenant à des sujets de la série ostéologique du site de Saint Côme et Damien, cimetière du XI au XV siècle, retrouvé lors de travaux de voirie à Montpellier et dans lequel 600 squelettes ont été mis à jour. Notre but était d’établir un protocole de recueil de pulpes dentaires et d’analyser les échantillons en biologie moléculaire.

 

Matériel et méthode

 

Sélection des échantillons

Nous avons sélectionné 20 dents, présentes sur les mâchoires de quatre individus différents, selon les critères suivants: apex fermé, absence de fenestration au niveau des tables osseuses (perforation de la corticale osseuse par la racine dentaire), de mini-fractures coronaires ou radiculaires, d’abrasions importantes du bord incisif ou des faces occlusales et de lésions carieuses. Les dents étaient toutes en excellent état.

Préparation des échantillons

Avulsions des dents

Les mâchoires, préalablement à l’avulsion des dents, sont désinfectées au formaldéhyde et les avulsions pratiquées au davier dans un environnement opératoire aseptique: champs, daviers, tubes et compresses stériles. Dès leur avulsion les dents sont conservées dans des tubes stériles jusqu’au moment de recueil des pulpes dentaires.

Trajets d’incisions

Les dents sont préalablement lavées à l’eau bi-distillée, séchées avec des compresses stériles puis exposées sous un rayonnement ultra violet 30 minutes sur chaque face.

Les trajets d’incision et de fracture sont réalisés en fonction de l’anatomie des dents et de celle de la pulpe. L’incision préfigure le trait de fracture qui permettra l’accès le plus large possible à la chambre et aux canaux pulpaires. Les incisions ont été pratiquées en regard de la pulpe sans jamais atteindre la cavité pulpaire. Elles sont effectuées au moyen d’un disque diamanté à usage unique monté sur pièce à main à l’aide d’un mandrin stérile.

- Pour les dents mono-radiculées (incisives mandibulaires et maxillaires, canines mandibulaires et maxillaires, prémolaires mandibulaires) et les prémolaires supérieures, l’incision est réalisée sur les faces vestibulaires et palatines ou linguales, selon qu’il s’agit de dents maxillaires ou mandibulaires.

- Pour les molaires maxillaires qui présentent trois racines, deux vestibulaires et une palatine, l’incision vestibulaire passe entre les deux racines vestibulaires et vient entamer la racine palatine sur la face vestibulaire, une incision de la face palatine est aussi réalisée (Figures 1 et 2).

- Pour les molaires inférieures, présentant deux racines, l’incision de la racine mésiale passe entre les deux canaux mésiaux et entame la racine distale sur sa face mésiale, le trajet d’incision se poursuivant sur la face distale.

Fracture des dents

            La dent est sectionnée sur toute sa longueur en utilisant un syndesmotome droit placé dans le trait d’incision, la fracture est réalisée en exerçant simultanément un petit mouvement de luxation et une légère pression (Figure 3).

 




Figure 1. Incision vestibulaire.

Figure 1. Vestibular incision.

Figure 2. Incision palatine.

Figure 2. Palatal incision

Figure 3. Molaire supérieure sectionnée.

Figure 3. Broken upper molar

 

Recueil de la pulpe dentaire

La pulpe est récupérée par curetage, dans des tubes Ependorf de 2ml, au moyen d’une sonde stérile. En moyenne, nous avons récupéré 7,5mg de poudre par dent. En fonction de la quantité de pulpe recueillie dans chacune des 20 dents étudiées nous avons regroupé les dents dans 9 tubes : sujet 1 : tube 1 (2 molaires), tube 2 (2 prémolaires) tube 3 (1 molaire); sujet 2 : tube 4 (1 molaire et 1 prémolaire), tube 5 (4 molaires) ; sujet 3 : tube 6 (3 molaires), tube 7 (1 canine et 2 molaires) ; sujet 4 : tube 8 (1 prémolaire et 1 incisive), tube 9 (1 prémolaire).

 

Protocole d’analyse de l’ADN ancien

Extraction

Les pulpes dentaires ont été mises à incuber dans 500ml de tampon d’extraction : EDTA 5mM, SDS 2%, Tris-HCL 10 mM, acétate de sodium 0,3M, protéinase K 1mg/ml et 25 ml de protéinase K, à 50°C durant une nuit, sur un agitateur; les tubes sont fermés hermétiquement avec du papier parafilm.

Purification

Après incubation, nous ajoutons à la solution d’extraction 500ml de la solution: phénol/chloroforme/alcool isoamylique (commercialisé sous cette forme, le phénol et le chloroforme sont à volume égal, l’alcool isoamylique à volume moindre : 25 – 24 – 1, le pH est de 7,9). Cette solution est centrifugée 5mn à 3000 rpm, à température ambiante. Au surnageant, prélevé à l’aide de pipettes à embouts cotonnés, sont ajoutés 1000ml de solution d’hybridration et 130ml de résine (protocole B du Kit de purification d’ADN CLEANMIX).

Amplification

La PCR est réalisée avec le Kit AmpF-STR® Profiler PlusTM, de Perking Elmer. L’amplification est réalisée, à partir de 10ml de chacun des 9 tubes, dans le thermocycleur T3 de BIOMETRA.

L’amplification suit les recommandations du fabricant, seul le nombre de cycles a été modifié pour optimiser la réaction, 37 cycles sont programmés au lieu des 28 mentionnés dans la fiche technique

Electrophorèse

Après amplification, 2 ml sont prélevés sur les 10 ml de volume total de PCR. Le premier puits du gel contient l’échelle allélique (Ladder STR) qui permet de vérifier la migration de chacun des allèles étudiés (tableau 1) et de valider leur taille. L’analyse du produit de la P.C.R. est effectuée sur gel de polyacrylamide à 6%, sur le séquenceur: ABI Prism 373A Applied Biosystems DNA sequencer.

 

a :La classification par taille est la base de la reconnaissance des différents

allèles d’un même gène,  contenus dans AmpF-STR Allelic Ladders

b :Dans quelques littératures ce locus est désigné : D6S502

c : R peut représenter aussi bien les nucléotides A ou G

Loci

Localisation

Motif reconnu

(pb)a

coloration

D3S1358

3p

TCTA(TCTG)1-3(TCTA)n

114-142

bleu

VWA

12p12-pter

TCTA(TCTG)3-4(TCTA)n

157-197

bleu

FGA

4q28

(TTTC)3TTTT TTCT

219-267

bleu

 

 

(CTTT)nCTCC(TTCC)2

 

 

Amélogénine X

p22.1-22.3

 

107

vert

 

Y :p11.2

 

113

 

D8S1179b

8

(TCTR)nc

128-168

vert

D21S11

21

(TCTA)n(TCTG)n

189-243

vert

 

 

[(TCTA)3TA(TCTA)3TCA

 

 

 

 

(TCTA)2TCCA TA](TCTA)n

 

 

D18S51

18q21.3

(AGAA)n

273-341

vert

D5S818

5q21-31

(AGAT)n

135-171

jaune

D13S317

13q22-31

(GATA)n

206-234

jaune

D7S820

q11.21-22

(GATA)n

258-294

jaune

Tableau 1. Amorces du Kit AmpF-STR® Profiler PlusTM

Table 1. Primer of the Kit AmpF-STR® Profiler PlusTM

 

 

Résultats

 

Pour les 20 dents analysées, le contenu de la chambre pulpaire, avait une coloration brune. Nous récupérons, en moyenne, 7,5mg de matériau par dent. La quantité de pulpe dentaire recueillie n’est pas proportionnelle au volume de la chambre et des canaux de la dent, elle varie pour un même type de dent.

Les résultats présentés ont été obtenus au terme de 4 étapes comprenant huit PCR et les électrophorèses sur gel de polyacrylamide.

1° étape : amplification initiale

La PCR est réalisée en utilisant le volume maximal conseillé par PERKIN ELMER, soit 4ml. Le test comprend un témoin positif, et un témoin négatif. Le témoin positif, fourni dans le Kit AmpFlSTR® Profiler PlusTM, permet de valider la réaction. Ces volumes réactionnels ne nous ont pas permis de visualiser les produits de la réaction d’amplification, sur les électrophorégrammes. Le contrôle positif a donné le résultat attendu.

2° étape : évaluation de la quantité de matériel et test d’inhibition

A ce stade de nos investigations, d’une part nous vérifions si la quantité de matériel extrait n’est pas insuffisante et d’autre part nous testons la présence de facteurs d’inhibition.

Ainsi, nous rassemblons les trois tubes d’extraction du sujet 1 en un seul, puis nous concentrons l’extrait sur Microcon jusqu’à un volume de 20 µl. L’absence de pic à l’électrophorégramme pour cet échantillon concentré, conduit à vérifier l’hypothèse de la présence de facteurs d’inhibition dans l’ADN ancien, nous réalisons des tests d’inhibition (tableau 2). L’ADN ancien des sujets 1 et 2 inhibe l’amplification de l’ADN moderne provenant du témoin positif.

 

 

ADN

moderne

ADN

ancien

TE

MIX

Electrophorégramme

Témoin négatif

0 µl

0 µl

4 µl

6 µl

Pas de pic

Témoin positif

0,5 µl

0 µl

3,5 µl

6 µl

Profil attendu

Sujet 1

0,5 µl

3,5 µl

0 µl

6 µl

Pas de pic

Sujet 1

0 µl

4 µl

0 µl

6 µl

Pas de pic

Sujet 2

0,5 µl

3,5 µl

0 µl

6 µl

Pas de pic

Sujet 2

0 µl

4 µl

0 µl

6 µl

Pas de pic

Tableau 2. test d’inhibition

Table 2. Inbition test

 

3° étape calcul du seuil d’inhibition

Pour vérifier l’hypothèse de la présence d’inhibiteur, il était nécessaire de calculer le seuil d’inhibition. Pour chacun des sujets 2, 3 et 4, nous disposons de 2 tubes, une amplification est réalisée à 1µl pour un des tubes et 1,5µl pour l’autre tube. L’échantillon du sujet 1 a subi une amplification à 1µl et 1,5µl à partir du même tube, issu d’une concentration préalablement réalisée. Le volume d’extrait d’ADN étant diminué, la Taq polymérase est en excès par rapport à l’étape précédente.

Pour l’échantillon concentré du sujet 1 issu de la concentration, l’électrophorèse ne révèle pas de réaction. Pour les sujets 2, 3 et 4, un pic apparaît à l’électrophorégramme pour un volume d’1µl. Pour le sujet 2, nous avons amplifié le locus correspondant au gène de l’amélogénine X, d’une taille de 106 paires de bases. Le sujet 3 présente à l’électrophorégramme un pic situé à 205,48 paires de bases et correspondant au locus D21S11, allèle 29. Pour le sujet 4 le locus D21S11, allèle 12, d’une taille de 142,75 paires de bases est amplifié. Ces résultats situent le seuil d’inhibition à 1µl, sauf pour l’échantillon concentré du sujet 1.

4° étape : amplification au seuil d’inhibition

Nous avons, dans un premier temps réalisé une amplification à 1µl, pour chacun des tubes. Le sujet 3 présente un résultat pour le locus D21S11, allèle 30,2, d’une taille de 211,11 paires de bases.

  Par la suite, pour palier les variations intra-tubes et inter-tubes pour un même sujet, nous travaillons avec de plus petits volumes d’extrait allant de 0,5µl à 2µl; la faible quantité de matériel présent dans les tubes rendant les solutions non homogènes. Pour le sujet 2 nous amplifions les loci suivants : D3S1358 (allèle 17) de 133,7 paires de bases, VWA (allèle 17) de 179,46 paires de bases, amélogénine X de 106 paires de bases, D21S11 de 209,38 paires de bases (allèle 30) (Figure 4) et 223,48 paires de bases (allèle 33,2), FGA (allèle 22) de 233,36 paires de bases (Figure 4) et D7S820 (allèle 10) de 272,71 paires de bases (Figure 4). Pour le sujet 4 nous amplifions les loci : D21S11 (allèle 30,2) de 211,44 paires de bases, D3S1358 (allèle 14) de 121,77 paires de bases et amélogénine X de 106 paires de bases. La diminution du volume des extraits a permis de diminuer partiellement l’effet des inhibiteurs.

 

 


 


Figure 4. Électrophorégramme des loci D21S11, FGA, D7S820

Figure 4. Elctrophoregram of D21S11, FGA, D7S820 loci

 

Une PCR est effectuée sur un volume de 4µl à partir d’extraits dilués au 1/10. Le sujet 1 présente des pics d’amplification pour le locus D21S11 (allèle 32,2) de 219,48 paires de bases.

Au terme de ces quatre étapes, nous avons pu mettre en évidence les profils alléliques qui sont représentés dans le tableau 3

 

Sujets (tubes)

Amélogénine

D21S11

D3S1358

VWA

FGA

D7S820

1 (1, 2,3)

 

32,2

 

 

 

 

2 (4)

XX

30/33,2

17

17

22

10

2 (5)

XX

 

 

17

 

 

3 (6)

 

29

 

 

 

 

3 (7)

 

30,2

 

 

 

 

4 (8)

XX

30,2

14

 

 

 

4 (9)

 

12

 

 

 

 

Tableau 3. Allèles identifiés

Tableau 3. Allelic identification

 

 

Discussion

 

L’analyse de l’ADN ancien étant directement liée, aux risques de contamination, à la dégradation du matériel génétique et à la difficulté de recueil des échantillons, nous nous sommes attachés au cours de notre étude à intégrer les répercussions associées à ces différents facteurs et à définir des conditions requises pour en palier les effets.

En ce qui concerne la sélection et le recueil des échantillons, nous avons limité tout risque de contaminations, d’une part en sélectionnant des dents sur maxillaire et mandibule, présentant après avulsion un apex fermé et exemptes de lésions carieuses ou traumatiques sources de contaminations, et, d’autre part en réalisant l’ensemble des manipulations de manière aseptique.

Selon la technique de section des dents monoradiculées d’Aboudharam (Raoult et al., 2000) nous avons mis au point une méthode d’incision et de section étendue aux différents morphotypes de dents. Ainsi pour les pluriradiculées qui présentent anatomiquement une morphologie complexe nous avons défini des schémas d’incisions et de fractures assurant le meilleur recueil d’échantillons. En effet, la faible quantité de matériel présent dans la chambre et les canaux pulpaires, nécessitait une technique permettant d’utiliser tout type de dent et d’accéder à la totalité de la pulpe pour optimiser le recueil des échantillons.

Les résultats que nous obtenons, témoignent que notre protocole d’asepsie est efficace, il évite les contaminations par de l’ADN moderne, l’absence de fragments de grande taille et les résultats des témoins négatifs tendent à prouver qu’aucune molécule d’ADN moderne ne s’est glissée dans les échantillons lors des différentes manipulations.

En ce qui concerne la taille des fragments amplifiés, nos résultats sont en accord avec ceux des études antérieures. Les allèles que nous identifions sont généralement d’une taille inférieure à 200 paires de bases (X: 107 paires de bases, D8S1179: 130 à 163 paires de bases, D21S11: 190 à 240 paires de bases, D3S1358: 110 à 140 paires de bases, VWA: 155 à 195 paires de bases). Nous n’avons pu amplifier que deux allèles de plus de 200 paires de bases (FGA: 217 à 266 paires de bases et D7S820: 257-293 paires de bases). Di Benedetto affirme qu’il est extrêmement difficile d’amplifier des fragments d’ADN ancien au-delà de 200 paires de bases (Di Benedetto et al. 2000). Ceci est confirmé par la plupart des études dont les résultats varient de 95 à 500 paires de bases. Nos résultats confirment la présence d’une multitude de petits fragments inférieurs à 100 paires de base. Ceci tend à démontrer l’extrême dégradation de l’ADN chez les sujets de Saint Côme et Damien.

Lors de la fracture des dents, nous avions remarqué une coloration brune des pulpes dentaires. Nous avons comparé cette coloration avec celle d’autres sujets d’une autre série, nous avons pu observer des colorations noires ou blanches. Ces colorations ne semblent en aucun cas avoir des répercutions sur la qualité des résultats comme le confirme l’étude de Raoult (Raoult et al., 2000).

La faible quantité d’ADN et son importante dégradation rendent les mélanges non homogènes dans un même du tube (Ramos et al. 1994; Burger et al. 1999). Ce phénomène permet de comprendre que les quelques microlitres d’extraits prélevés pour l’amplification, peuvent être différents qualitativement pour un même tube. La qualité des résultats ne semble liée ni au type de dents, ni à la quantité d’échantillons. C’est ainsi qu’en raison de leur volume pulpaire, nous pensions recueillir une quantité plus importante d’échantillons au niveau des canines et des molaires. Par ailleurs, nous notons aussi que la quantité de poudre recueillie est sans rapport avec le type de dent. Les meilleurs résultats sont obtenus pour le tube qui contenait la poudre de pulpe d’une molaire et d’une prémolaire; alors que nous n’avons obtenu qu’un seul locus pour les 5 pulpes du sujet 1 placées dans le même tube.

La possibilité d’extraire et d’amplifier de l’ADN ancien d’une pulpe dentaire est lié à la quantité de poudre retrouvée au niveau d’une seule dent, ce qui est directement en rapport avec le volume pulpaire et l’état de la pulpe au décès de l’individu. Ceci confirmerait les hypothèses avancées par Garcia (Garcia et al., 1996), selon lesquelles la qualité des résultats pourrait varier en fonction de l’âge du sujet à son décès, et des antécédents pathologiques de l’organe dentaire, tout ceci ayant des répercussions sur le volume et l’état physiologique de la pulpe et donc sur le matériel génétique qu’elle contient.

Nous démontrons la présence d’inhibiteurs au sein de l’extrait d’ADN ancien. Ce résultat va à l’encontre de ce qui est habituellement reporté dans la littérature sur les recherches d’ADN au niveau des dents. Celles-ci sont considérées comme des coffres-forts pour l’ADN ancien, le mettant à l’abri des contaminations (Scott et al., 1994). En effet, bien que la dent soit l’organe le plus dur et le plus dense de l’organisme, l’histologie démontre que cet organe n’en est pas pour autant imperméable.

Lors de la recherche d’inhibiteurs, lorsque nous nous diminuons la quantité d’ADN, nous diminuons partiellement l’effet des inhibiteurs. Ceci soulignerait que les inhibiteurs présents dans les échantillons sont des inhibiteurs en “ trans ” (Orlando et Hanni, 2000). En diluant, nous avons encore diminué la quantité des inhibiteurs, mais également la quantité d’ADN engagée dans la réaction, de telle sorte qu’il n’y en avait plus suffisamment pour l’amplification. Néanmoins, nous ne pouvons pas envisager la présence d’inhibiteurs décrits classiquement, comme les produits de Maillard (Hanni, 1994). Ceux-ci devraient inhiber autant les petits fragments que les fragments de grande taille. Nous pensons plutôt, que l’extrême dégradation de l’ADN provoque une surabondance des petits fragments d’ADN qui monopolisent les amorces et empêchent l’amplification des rares fragments intacts. Nous ne pouvons pas parler “d’inhibiteurs” au sens propre du terme puisque c’est le matériel lui-même qui inhiberait la réaction de PCR.

Notre protocole d’extraction a permis d’identifier des allèles, la difficulté pour obtenir ces résultats nous conduit à avancer l’hypothèse que l’ADN extrait des sujets de Saint Côme et Damien est extrêmement dégradé.

En conclusion, le protocole mis au point permet de recueillir la pulpe de différents types de dents avec un maximum d’efficacité et dans des conditions d’asepsie qui évite la contamination par de l’ADN moderne. La phase d’extraction a permis d’identifier des allèles, les résultats obtenus démontrent la dégradation de l’ADN ancien dans les échantillons étudiés et les difficultés d’amplifications associées. Une porte s’ouvre au terme de cette étude sur la maîtrise de la technique d’amplification de petits fragments d’ADN ancien.

 

Remerciements. Nous remercions pour leur précieuse collaboration: Toute l’équipe du Professeur B LUDES,Laboratoire d’Anthropologie moléculaire de l’Institut de médecine légale de Strasbourg, 7, rue Ulmann, 67000 Strasbourg; Madame M. DEFAIS, Madame C. LESCA, IPBS, CNRS, 205 route de Narbonne, 31400 Toulouse; Monsieur B. PAJOT, Madame S. DUCHENNE, UMR CNRS 8555, 37, allées Jules Guesde, 31000 Toulouse.

 

Bibliographie

 

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